Attention travaux : lieux mouvants, châteaux de sable et puis quoi encore ?

Article : Attention travaux : lieux mouvants, châteaux de sable et puis quoi encore ?
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Attention travaux : lieux mouvants, châteaux de sable et puis quoi encore ?

Début septembre avait lieu au Maroc une double élection au suffrage universel : celle de représentants locaux qui auront à arbitrer les décisions concernant leurs concitoyens durant les prochaines années, celle de conseillers régionaux, élus jusqu’alors au suffrage indirect et dont le mandat actuel doit contribuer à initier un processus de décentralisation. A l’heure du développement durable et de la nécessité d’adapter les réponses aux multiples problèmes posés par le dérèglement climatique, c’est plutôt une bonne nouvelle, non ?

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Maison traditionnelle : la terre, une ressource locale multimillénaire

Autre bonne nouvelle, du 6 au 9 octobre, Marrakech accueille un colloque international sur l’architecture de terre. La semaine suivante, à Ouarzazate, se tient la deuxième édition du Morocco Solar Festival. L’organisation n’hésite pas à mettre les petits plats dans les grands pour, selon l’édito en ligne : « Réveillez les consciences ».

Il n’en fallait pas plus pour me chatouiller les neurones, tant ce calendrier m’incite à partager ici quelques interrogations sur les circonvolutions d’une époque contorsionniste, parfois consternante. Ce billet mijote depuis quelques semaines déjà et m’offre enfin la possibilité de saluer le travail d’un architecte espagnol rencontré au Festival Taragalte.

Carlos Perez Marin est entre autre à l’origine d’un laboratoire mobile : Marsad Drâa.

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Un maçon applique l’enduit de finition terre sur le mur monté à la brique de terre. Une brique de terre crue coûte deux fois moins cher qu’un parpaing.

Très pragmatique et conscient de l’urgence à être sur le terrain aux côtés des populations, Carlos travaille beaucoup en lien avec les festivals du Sud marocain. Il anime régulièrement des ateliers pour sensibiliser aux nouvelles techniques de construction en terre et pour favoriser le dialogue autour de cette thématique qui lui tient à coeur : comment intervenir à temps sur un patrimoine menacé, qu’il s’agisse du paysage, du bâti, d’un savoir-faire traditionnel à transmettre. Cette année, entre deux déplacements dans des universités européennes, il a entrepris un travail d’inventaire colossal, qui se veut exhaustif pour pallier un déficit de visibilité, de reconnaissance de cet héritage culturel exceptionnel, mais particulièrement fragile et menacé.

Habitat-Terre : un rapport complexe au sud du Maroc

Je vous invite à prendre le temps de lire cette publication de Carlos Perez Marin, de savourer en prime la beauté des illustrations. Son regard d’expert et d’amoureux du désert pose mieux le contexte et les enjeux que je ne saurais le faire. De mon côté, je ne manquerai pas de vous donner des nouvelles de ce colloque à Marrakech, ainsi que sur l’état d’avancement d’actions qui sont conduites ici, en Bretagne. Car nous avons aussi notre architecture de terre. Fort heureusement, des réseaux régionaux comme Tiez Breiz, Charte Patrimoine, Etudes et Chantiers, font du super boulot depuis belle lurette pour accompagner professionnels, collectivités et propriétaires. Il n’ y a ni sauvegarde possible, ni politique de l’habitat efficace, ni urbanisme durable, si la première étape pose déjà problème, à savoir : convaincre de la pertinence à s’intéresser au bâti ancien, à ces modes de construction traditionnelle, à la transmission du savoir-faire entre générations.

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L’âne est omniprésent dans le paysage et essentiel à l’économie locale. En arrière-plan, symbole d’une vision d’un développement à deux vitesses au nom d’une certaine image du progrès. Argent et pouvoir immortalisés dans le béton riment ici avec abandon : une dépense parmi d’autres qui aurait permis de répondre autrement aux besoins des habitants, si elle avait été investie ailleurs.

Quant à faire l’apologie du solaire, soit ! Dans le désert, ça s’impose me direz-vous. Mais c’est comme si quelque chose sonnait faux ou sentait l’arnaque. J’aimerais mille fois mieux avoir tort et applaudir des deux mains à l’idée de ce concert donné par exemple par des musiciens de l’Opéra de Paris dans les dunes du Sahara, sauf que… je ne peux pas.

Ce n’est peut-être que le mot vitrine, un peu récurrent dans le discours et entre les lignes qui m’indispose. Parce que j’y vois non pas le reflet d’un futur enchanteur, mais le miroir outrancier d’un présent circonstancié…aux règles du profit, aux abus de pouvoir ?

«Tout gros mensonge a besoin d’un détail bien circonstancié moyennant quoi il passe » Prosper Mérimée

Dixit le site du dit festival :  » le Morocco Solar Festival s’inscrit pleinement dans une démarche citoyenne qui, pour la première fois, fera du désert du Sahara marocain la vitrine d’un modèle de développement unique ; la vitrine d’une terre de dialogue et de rencontres ; la vitrine d’un pays profondément attaché au développement des nouvelles énergies et en particulier du solaire. »

Silence, chaque mot a son importance. Cet hymne à la responsabilité reprend, l’air de rien, les bonnes méthodes de la pensée unique. Qu’en est-il sur le terrain ? Est-ce que la réalité colle au dessein et le dessein à la vision de ceux dont les choix impactent la destinée de leur communauté : les élus ? Au rêve d’Icare, je préfère le temps de cette promenade en amnésie l’adage de Saint-Thomas.

« Et dans mon sac vert,  il y a d’l’air, c’est déjà ça » Alain Souchon

Ça tombe bien, sur fond de campagne électorale, j’ai saisi l’occasion de faire le tour d’une commune rurale au carrefour de mille et une pistes conduisant autrefois à d’autres portes du désert, M’hamid el Ghizlane. Là où des milliers de touristes du monde entier débarquent pour s’offrir le séjour de rêve au coeur des dunes, me voilà à l’affût de ce qui dans le paysage fait sens, non pas avec une histoire, une identité, des ressources et un savoir-faire spécifiques, voire avec une logique liée à l’économie débridée de nos années folles à nous… oui, je m’en excuse auprès des revendeurs de cartes postales, je dresse le listing des chantiers et autres travaux qui me semblent illustrer à l’échelle microlocale ce que d’aucuns pourraient appeler des GPII*, si nous étions sur la base de nos références occidentales, et toute proportion gardée.

* grands projets inutiles et imposés

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A l’entrée de M’hamid, à droite le souk dont l’activité économique est en perte de vitesse, à gauche, une construction en béton, la Maison de la culture peut-être, me dit-on.

J’aurais pu intituler cet article « Miroir, mon beau miroir, hommage au pouvoir », pour reprendre l’image du célèbre conte collecté par les frères Jacob et Wilhelm Grimm, « Blanche Neige ». C’est la force du conte que de porter à connaissance de chacun, par la force de l’imaginaire, du symbole, les traits les plus caricaturaux de notre humanité… universelle.

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La peut-être Maison de la Culture, j’y entre. Les gens d’ici non. Il ne se sentent pas concernés. Les gradins occupent un espace réduit, comme si le public comptait moins que l’espace réservé aux personnalités de marque… face au grand vide !

Attention travaux ! Là où de prime abord je n’avais cerné que les ombres mouvantes d’un immense chantier, d’une apparente cacophonie architecturale, façades en briques de terre, immeubles en parpaing, se révélaient des formes qui avaient échappé à mon regard. J’étais moi-même perdue dans l’ensemble, absorbée tout entière par l’esthétique du mouvement, de la lumière, d’une vie foisonnante.

Etrangère.

Je déambule dans M’hamid el Ghizlane, à quatre heures de route des studios de Ouarzazate, pour m’offrir une lecture de paysage en version cinémascope, sans rien rater cette fois du décor carton-pâte. Je relève au contraire méticuleusement, comme une archéologue qui chercherait dans le présent les tessons du futur, les traces laissées dans l’espace public par les responsables successifs qui ont présidé au destin de cette petite commune de la vallée du Drâa. Le dédale des ruelles de l’ancien M’hamid et la beauté des espaces cultivés dans la palmeraie témoignent du passé prestigieux de cette étendue désertique. Mais pour combien de temps encore ?

Quelles ressources sont mobilisées pour faire vivre ces architectures de terre au passé légendaire, dans une région touristique qui tient son identité et son prestige de l’héritage des caravanes ? Question de priorité : une salle de spectacle pour se donner des airs de ville, c’est ce que j’appelle une priorité quand tout ce que demande une population, c’est un avenir pour les enfants qu’elle envoie à l’école et du travail.

Au-delà de l’incongruité parfois gratuite, souvent outrancière, c’est surtout d’être à ce point non surprise, qui m’étonne. Si ce qui me saute aux yeux à quelques jours d’un scrutin n’a pas attiré mon attention plus tôt, c’est pour une raison bien simple. Je n’avais pas envie de m’encombrer si loin de chez moi des affres générées par un système en proie à l’emballement, à la surenchère, à l’irresponsabilité, auquel j’ai cru illusoirement pouvoir échapper en prenant mes distances.

Comme en écho aux discussions de campagne auxquelles je n’ai pas accès, une évidence s’impose peu à peu au gré de cette exploration rurbaine : le non-sens de certaines formes d’exercice du pouvoir politique. Quand le gris du béton dispute la vedette à l’asphalte, quand le ruban de goudron se déroule comme un tapis rouge au pied d’un lotissement bardé de poteaux électriques qui n’alimentent aucune maison, quand les équipements semblent déjà désertés avant même d’être finis, que dire, sinon que le caractère monumental des édifices, la démesure des projets ne font que renforcer le sentiment de vide, d’absurde, de pauvreté. Oui, quelque chose sonne vraiment faux dans le tableau.

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Le plastique, c’est fantastique, ça fleurit partout. Les fleurs du désert, c’est comme ça que les jeunes appellent en riant ces déchets colorés qui s’invitent partout où on préférerait ne pas les voir, sur le lit de la rivière à sec du Drâa ou sur les terrains de jeu improvisés des enfants.

Quelqu’un a-t-il vraiment écrit le scénario, pensé le développement qu’appellent de leurs voeux les habitants ? Ou y a-t-il des gens habiles qui savent monnayer leurs services et vendre un projet quelque soit son utilité avérée pour la population ? C’est comme si la réponse était dans la question.

A M’hamid, le comble de l’impasse politique réside peut-être dans ce triste constat : même une fois achevé, il n’est pas garanti que tel ou tel bâtiment, tel ou tel aménagement, répondent aux besoins de la population pour laquelle ils ont été officiellement financés. Pour ce que j’ai vu, chantiers en cours ou chantiers finis, il semblerait que le résultat soit le même : les espaces ainsi aménagés m’ont paru complètement désertés.

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Endroit surréaliste s’il en est, une belle déchetterie toute neuve sert de quartier général à une bande de corbeaux. Tranquillité assurée, pas de camion, et donc pas de collectage des déchets ! CQFD

Malédiction d’une cité où l’esprit nomade rôde encore, où les djinns n’auraient pas dit leur dernier mot ? Evolution crapuleuse ou peu scrupuleuse d’un pouvoir local qui se sert et dont « on » se sert, sans plus se soucier d’une donnée somme toute secondaire : l’intérêt général ? Pouahh, que cette conception fait désordre dans un système qui sait si bien nous inculquer que ce qui rend chacun de nous si particulier, si unique, c’est notre appétit sans limite et l’assurance de notre survie, en tant qu’espèce. Nous ne vivons plus des espaces habités, mais des territoires convoités par toute sorte de corbeaux cravattés, à qui certains élus vendent notre âme et notre conscience citoyenne en achetant leurs coûteux services avec notre argent.

Avant de revenir en image au décor carton-pâte en parpaing bien plein que je laissais derrière moi pour retrouver mes pénates, voici quelques éclairages épars glanés sur le web à mon retour en Bretagne. Lecteur impatient qui voudrait déjà savoir jusqu’où t’emmène cette littérature qui sent l’asphalte et le bitume au lieu de fleurer bon le pain cuit dans le sable à la lueur d’une lune impeccable, mieux vaut zapper, car au bout du goudron, il n’y a peut-être qu’un pont de béton, lui aussi en chantier.

L’eau lâchée par le barrage à Ouarzazate ne prévient pas. D’une heure à l’autre, l’oued à sec ne l’est plus, c’est comme ça. Les flots tumultueux emportent vers l’océan un pont, deux ponts, trois ponts, et au passage quelques enfants, quelques ados imprudents. Ils sont nés là, dans cette immense vallée qui sert de gravière, et personne ne semble considérer comme prioritaire de leur apprendre à nager, de les sensibiliser au danger.

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Lieux mouvants, châteaux de sable et puis quoi encore ? Chaos, attention travaux !

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Dans le contexte géopolitique difficile et complexe que connaît la région Mena, le scrutin du 4 septembre est venu confirmer, une fois encore, le caractère irréversible de ce processus démocratique résolument marocain, qui a permis au
Royaume de construire un État démocratique moderne, ouvert sur le monde et respectueux des valeurs et vertus des droits de l’homme, ainsi que de la nécessité de consolider le rôle d’une citoyenneté agissante et proactive.

Extrait d’un article publié le 9 septembre par Le Matin, quotidien en langue française.

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Tel Quel, un journal marocain moins enclin à alimenter ses colonnes des communiqués du Palais royal souligne lui aussi l’avancée en s’intéressant davantage à la façon dont la presse internationale s’est exprimée sur ce vote qui concernait 18 millions d’électeurs, dont seulement 52 % sont allés aux urnes. C’est dans Le Monde finalement que je DSC00622comprends a posteriori le mieux ce qui se jouait de si important dans ce scrutin local, quatre ans après les mouvements contestataires qui avaient fini par être entendus par la seule autorité du pays à même de cautionner toute évolution politique et de s’en approprier le mérite, comme en témoigne l’article du Matin ci-dessus : le roi Mohamed VI.

C’est dans Le Monde aussi que je découvre le dilemme posé aux militants d’une autre forme de démocratie, d’un autre régime. En cela le paradoxe de ces élections marocaines fait écho aux dysfonctionnements de notre propre système démocratique et à cette question que je me pose moi aussi en tant qu’ex-candidate, ex-élue : comment faire en sorte que mon vote et mon engagement citoyen servent à quelque chose ? A quelques mois de l’échéance des régionales en France, je dois bien reconnaître que quelque chose me titille dans la question même : aveu de découragement et tentation du désengagement pour laisser d’autres monter en première ligne, sursaut de lucidité ?

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Il était une fois un projet de lotissement… mais pas d’assainissement ! 18 ans de mandat pour celui qui a signé l’autorisation de travaux et voilà le résultat.

« Le Maroc vit une régression grave depuis le « printemps arabe ». Les libertés et les droits sont constamment bafoués et le pouvoir reste entre les mains du palais. Participer à des élections dans ce climat de régression serait inutile, voire contre-productif. De plus, face aux prérogatives des walis et des gouverneurs qui sont nommés par le roi dans les provinces et les préfectures, les élus locaux n’ont pas beaucoup de marge »

Khadija Ryadi, membre de la Voie démocratique et ancienne présidente de l’Association marocaine des droits humains.   Le Monde, 04/09/2015

Pour un air démocratique, on t’casse les dents.
Pour vouloir le monde parlé, celui d’la parole échangée,
On t’casse les dents. Alain Souchon (Album C’est déjà ça, 1993)

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Le lundi matin, je croise ce groupe de jeunes femmes au souk à l’entrée de M’hamid. Je les retrouve le soir, sur le marché des femmes, au centre du village.

Voilà pourquoi j’ai cessé de m’intéresser aux légumes et autres épices qui embaumaient l’air du souk de M’hamid el Ghizlane, à l’instant même où j’ai aperçu ces jeunes femmes voilées débouler en bande au milieu des hommes, avec leur accoutrement tout aussi tape-à-l’oeil que l’était chez nous à Pontivy en mars dernier celui des militants de l’UMP, rebaptisé depuis Les Républicains (bon, et alors quoi, ça change quelque chose à la facture ?).

Le groupe défendait les couleurs du Parti pour la Justice et le Développement, et de fait durant cette campagne éclair, il m’a semblé ne voir qu’eux ou elles, enfin ces silhouettes drôlement ficelées dans leur kit de communication et joliment casquettées, sans qu’il soit possible de voir de ces corps sveltes et pleins de vie la moindre liberté de mouvement, à l’exception d’une paire d’yeux au champ de vision extrêmement limité.

 

Ce dessin de TREZ laisse à chacun la liberté de penser son rapport à l'élection et à la démocratie tout en dénonçant la perversité d'un système qui veille à ne rien changer à sa logique, au risque de passer à côté des vrais problèmes, de nier l'urgence et la fracture sociale qui plombent nos démocraties.
Ce dessin de Trez laisse à chacun la liberté de penser son rapport à l’élection et à la démocratie tout en dénonçant la perversité d’un système qui veille à ne rien changer à sa logique, au risque de passer à côté des vrais problèmes, de nier l’urgence et la fracture sociale qui plombent nos démocraties.
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Guy Débord décrivait déjà en 1967 les mécanismes que nous subissons aujourd’hui : marketing, storytelling… »Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation. »

Les choix stratégiques décidés dans les assemblées locales et les enveloppes budgétaires allouées à telle ou telle priorité engagent pour longtemps notre avenir à tous comme celui des générations futures. Mais les populations qui vivent, voire survivent, sur des espaces qui fournissent par ailleurs l’essentiel de nos ressources, sur les lieux « naturellement » pressentis pour stocker et recycler les poubelles, les incinérateurs et autres inventions du modèle productiviste, ces mêmes populations ont-elles encore leur mot à dire ? A quelles conditions peuvent-elles se faire entendre et participer à la construction des dynamiques sociétales qui sont au coeur de tout changement de civilisation ?

 

Ces élections locales au Maroc en sont l’illustration : si elles permettent de participer à l’émancipation relative d’une partie de la population en matière d’expression et de culture politique, elles posent aussi le constat d’un exercice démocratique qui clive dans des représentations et des pratiques différentes monde rural et monde urbain.

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Ces ruptures sont des lignes de faille dans notre paysage sans horizon de ce début de siècle. Des failles inquiétantes, de plus en plus visibles, voire admises, grâce à des visions d’un développement territorial désormais acquis sans faux-semblant aux logiques de compétitivité et de concurrence, visions qui ne peuvent pas produire la solidarité dont nous aurions besoin pour vivre d’autres formes de démocratie, d’autres formes d’exercice du pouvoir, pour penser ensemble notre responsabilité partagée sur la planète, dans des dynamiques citoyennes réellement participatives.

Il serait temps de mesurer avec objectivité et audace que nos territoires ruraux ont moins besoin d’une remise à niveau, comme le laisse entendre le nom du programme sur ce grand panneau en face de la mosquée de M’hamid el Ghizlane, que d’une considération légitime pour ce qu’ils sont : des espaces productifs et organisés, des espaces habités et créatifs, des lieux d’histoire et de transmission, des laboratoires pour construire le présent et l’avenir à condition qu’ils en aient les moyens, qu’ils en cultivent l’espoir et la fierté de génération en génération.

Il est des réponses aux problèmes qui entretiennent de fait les racines du mal : le mépris des puissants et la marginalisation des pauvres, le modèle unique imposé à tous mais pensé par quelques uns aux profits d’une minorité, l’accélération des logiques de sururbanisation et de paupérisation, le déni institutionnel de la richesse sociale, économique, culturelle, environnementale à promouvoir ailleurs que dans ces hauts lieux de décision déconnectés du local, où sont scellés pour longtemps nos destins à tous.

Quand trop de réponses posent question, il est sans doute préférable de se demander si l’équation est bien posée, à moins que cela ne fasse parti du scénario de cette grande société du spectacle d’orchestrer sa propre faillite… à l’énergie solaire, bien sûr, c’est plus chic et tellement tendance ! Ca me fait penser qu’il faut que je mette au programme de mes relectures « Le rapport Lugano », de Suzan George. A l’époque, je n’avais pas su saisir toute la justesse de son regard sur notre monde contemporain.

« Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon coeur d’une langueur monotone. Tout suffocant et blême quand sonne l’heure, je me souviens des jours anciens et je pleure… » Spéciale dédicace aux artistes de l’Opéra de Paris, en leur souhaitant la bienvenue au désert et un beau concert.

Ce  même désert, le Sahara, où les musiciens sont les cibles prioritaires des terroristes, car aucune arme, aucun état, même islamique, ne peut faire taire un chant qui parle à tout un peuple.

Pour vouloir la belle musique,
Soudan, mon Soudan,
Pour un air démocratique,
On t’casse les dents.

Alain Souchon

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A dix heures de bus de M’hamid et de l’inégalable beauté des dunes du Sahara marocain Marrakech : la cité-bonheur des investisseurs

B comme Bonus

A voir absolument, le très beau documentaire de Cécile Couraud sur la problématique de l’eau dans la région de M’hamid el Ghizlane Ô racines

L’inventaire du patrimoine conduit par Carlos Perez Marin dans la région

https://alternatives-economiques.fr/le-rapport-lugano-susan-george_fr_art_137_14137.html

Article sur le Morroco Solar Festival et le concert d’anthologie, rien que ça, de l’Opéra de Paris

Exemple d’initiative locale portée par des acteurs locaux et leurs partenaires

Et le bonus des bonus, cette magnifique chanson d’Alain Souchon et Laurent Voulzy dont les paroles n’ont pas fini de faire écho à ce que les jeunes nés en 1993 voient aujourd’hui d’une société, d’un rapport au monde, au vivant, à l’intelligence du vivre ensemble, dont ils auront à assumer le lourd héritage.

 

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Commentaires

sylviane Dieudonné-Coulaud
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Je suis scotchée !...beaucoup de remue-ménage en moi...le chaos pas vraiment...car je suis optimiste .
J'aime cet aller retour entre là-bas et ici, entre ce qui est, les attentes évidentes, les manques cruels...et les affichages, les mises en vitrine, qui se veulent des réponses à tout autre chose.Tout ce qui est pointé là est d'une justesse incroyable...Certains vont dire "facile"...Je ne le crois pas du tout...C'est un sacré coup de projecteur, ce sont des questions, des doutes, de l'émotion, transposables à notre porte.
Pour avoir par hasard rencontré, partagé, ressenti les mêmes sentiments, je mesure d'autant mieux le bonheur de voir ce texte exister . Merci Françoise de savoir si bien trouver les mots pour le dire...
Les images, leur choix, leur place, leur taille, ajoutent le plaisir d'une mise en page réussie. Bravo

roland le gallic
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toujours fan un plaisir de te lire

anne jordan
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Je découvre ... et c'est une émotion, une avalanche de souvenirs , un peu de rage bienfaisante ( en lisant les GPI , ici comme là bas)
Le Drâa envahit ma chambre... et le sable ensevelit mon passé.
Quelle modestie coupable t'a empêchée de me donner à lire ce blog????