Le Sahara inaccessible ? Heureusement non !

Article : Le Sahara inaccessible ? Heureusement non !
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16 août 2016

Le Sahara inaccessible ? Heureusement non !

13086796_1678350039096894_7243072139638275700_oJolien Posthumus habite en Hollande, à Haarlem, à quelques kilomètres du coeur d’Amsterdam. Elle est étudiante et passionnée de photographie. Pour Plan B, elle a accepté de nous parler d’un concert auquel elle a assisté dans un lieu qui invitait ce soir-là au voyage, avec sur scène les cinq musiciens de Génération Taragalte. Plan B avait déjà suivi ces artistes du Sahara lors de leur première tournée européenne avec la Caravane culturelle pour la Paix en 2015.

Toutes les photos prises par Jolien sont visibles sur l’album partagé par Pllek, le lieu organisateur, et sur la page facebook du groupe de M’hamid el Ghizlane. Deux cents personnes ont participé au repas de cette soirée intitulée « Hymne au Sahara », et beaucoup plus sont venues danser jusque tard dans la nuit.

Concert de Génération Taragalte, 20 juillet, Pllek, Amsterdam
Jolian était au concert de Génération Taragalte, 20 juillet, et partage ici quelques beaux clichés.

C’est en rentrant de cette tournée 2015 que j’avais découvert un hebdomadaire que j’achète régulièrement depuis : « le 1 ». La mise en page originale de ce nouveau média invite à prendre le pli d’une information différente. Si je souhaite justement aujourd’hui évoquer une rencontre, le rêve, voire les fantasmes, qui séparent et éloignent souvent les territoires de réalités de toute façon plus complexes que ce que nous en percevons, c’est parce que le 1 a sorti son numéro du 10 août sur le thème du désert. C’est aussi et surtout, parce que l’accroche de ce sommaire – volontairement provocatrice ? – laisse penser que le Sahara est désormais inaccessible. Certes, peut-être que la majorité de l’opinion publique se satisfait des amalgames et renoncent à s’intéresser aux populations qui peuvent encore heureusement vivre en paix dans cette partie du globe. Pourtant, et Plan B en est la preuve tangible que, s’il y a bien un endroit où répondre à l’appel du désert est encore possible et accessible à tous, c’est au Sahara.

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Il s’agit de ne pas nous priver de cette chance qu’évoque dans le 1 Corinne Castel (archéologue et directrice de recherche au CNRS depuis 1994), elle mentionne notamment ses travaux en Syrie sur le site d’Al-Rawda. Mais il s’agit surtout de ne pas priver, par ignorance ou indifférence, des populations nomades déjà paupérisées par des choix préjudiciables de leur gouvernement en matière de politique de l’eau et en matière de sédentarisation. Ces habitants privés des ressources qui étaient les leurs depuis des millénaires, la liberté compris, et dont les revenus dépendent quasi-exclusivement du tourisme, donc d’une manne extérieure aujourd’hui indexée sur le marché mondial de la peur et de la terreur.

« A l’heure où ces régions sont dévastées par la guerre, je mesure mieux encore la chance que j’ai eue de vivre ces expériences magnifiques » Corinne Castel.

A la fin de ses études, Jolien souhaite enseigner le yoga et les techniques de développement personnel. Les clichés qu’elle partage ici témoignent de la qualité de son regard et donnent envie de l’accompagner dans son désir de répondre à l’appel du désert. Cela n’empêche pas de rappeler une réalité moins idyllique, celle qui est partagée par les fans du groupe, déçus de ne pouvoir les voir en concert comme le laissait espérer une deuxième tournée en Europe annoncée en janvier 2016. La tournée s’est soldée par un passage unique à Amsterdam, sur deux scènes de café : le Pllek et le Mezrab.

Quand le vent souffle chez vous, c'est bien, il n'y a pas de sable avec.
« Quand le vent souffle chez vous, c’est bien, il n’y a pas de sable avec. »

Comment défendre le Sahara, sa culture, les espoirs de jours meilleurs auxquels nous, européens, plus qu’inquiets par la dérive des continents et le naufrage annoncé d’une certaine conscience de notre destin commun, si les scènes se font aussi rares que le dialogue, ou l’envie même de dialogue ?

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L’hospitalité chez les nomades est inscrite dans une tradition ancestrale. Il faut venir au Sahara pour goûter non seulement aux dattes mais à cette chaleur humaine qui caractérise leur mode de vie..

Pour Jolien, la photo c’est avant tout une façon d’être en lien avec notre environnement, soi-même et les autres. Elle associe tout naturellement cette pratique à sa vision du coaching à travers le site qu’elle a déjà créé pour offrir ses services.
https://www.hierbijmei.nl/coaching-bij-mei/

Son premier contact avec le blues touareg s’est fait avec le groupe Tinariwen, il y a trois ans. Elle retourne chaque année voir ce groupe mythique au Paradiso. Elle y était encore une semaine avant le concert de Génération Taragalte dont elle découvre l’invitation grâce aux réseaux sociaux. Une chance pour nous. Avant ce concert, Jolien n’a jamais entendu parler du groupe et pas plus du festival Taragalte ou de M’hamid el Ghizlane.

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Le 20 juillet, c’est donc en famille et avec des amis que Jolien se rend à Pllek, un café-restaurant qui programme nombre d’artistes chaque semaine, dans un cadre vraiment sympa, au bord de l’eau. Bien sûr, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et cette soirée dédiée à la musique du désert, mais aussi au savoir-vivre des nomades, lui offre une belle occasion de saisir des regards et des sourires, pour immortaliser l’instant présent, un rien décalé dans cet environnement urbain aux allures de grand centre industriel.

A travers cette série d’images, j’espère que chacun peut activer ses sens et s’imaginer l’ambiance particulière de ce concert en plein air. Marcher pieds nus sur les tapis magnifiques réalisés par les femmes à M’hamid el Ghizlane, sentir l’odeur du thé, goûter la texture sucrée des dattes, s’imprégner du mélange de culture, comme de cette mosaïque de couleurs qui donne une belle énergie à cette fête.

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Dès le premier morceau, confie Jolien, nous nous sommes sentis portés par un courant hypnotique. Les rythmes de ce blues touareg nous emportent vers des mondes différents, ouverts à l’infini. Chaque nouvelle chanson stimule notre imaginaire et fait écho au décor à la fois sobre et pourtant somptueux qui invite chacun à entreprendre un voyage sensoriel avec un autre état d’esprit, simple, bienveillant, chaleureux.

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Grâce aux photos de Jolien, nous ne pouvons que la croire sur parole quand elle insiste sur le caractère très spécial de cette soirée. Mais Jolien espère bien que ses photos vont l’emmener plus loin que le port d’Amsterdam, et pourquoi pas, là-bas au Sahara. Un premier contact est établi avec les organisateurs du Festival Taragalte dont ce concert assure la pomotion. Peut-être que Jolien pourra dès l’automne prochain rejoindre l’équipe de bénévoles européens qui soutiennent cette manifestation culturelle depuis son lancement en 2009, à l’initiative d’acteurs touristiques de la région.

 

C’est un rêve qui peut devenir réalité. Je me réjouis d’avance de découvrir comme ce blues touareg résonne au cœur des dunes de M’hamid el Ghizlane, de sentir toute l’énergie, toute la pureté que savent dégager ces grands espaces désertiques et avant tout les gens qui y vivent.

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Comme souvent, même si tous les musiciens de Génération Taragalte ne laissent personne indifférent, une figure se dégage des clichés de Jolien, celle de Khalifa Balla. Khalifa reste pour moi le symbole d’une relève possible dans la transmission du répertoire Hassani, possible mais loin d’être assurée. Car si pour des raisons touristiques tout le monde donne du touareg à M’hamid el Ghizlane comme ailleurs au Maroc, les populations de cette région ont leur culture spécifique à faire rayonner et à partager. A condition de trouver les bonnes personnes-ressource, en local et à l’étranger, passionnés d’ethno-musicologie peut-être, pour reconnaître le talent d’un diamant brut et faire en sorte que cette voix du Sahara devienne un jour une référence, au moins pour toutes celles et ceux qui s’intéressent aux cultures nomades.

Khalifa Balla ne rêve pas de faire le tour du monde, mais sa voix est un voyage en soi.
Khalifa Balla ne rêve pas de faire le tour du monde, sa voix est un voyage en soi. Nous rêvons pour lui de tournées, où il se sente en confiance, de beaux concerts qui fassent entendre les trésors du chant hassani.

Souhaitons aussi à Jolien de pouvoir venir à M’hamid el Ghizlane pour le prochain festival Taragalte, du 28 au 30 octobre, histoire qu’elle nous régale encore avec ses formidables clichés et sa façon de voir la vie. Elle y recevra le meilleur accueil qui soit, comme nous autres bénévoles de l’édition 2015.

Une photo souvenir parmi tant d’autres…parmi les vôtres !

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Tina de Paris, Fanchon de Bretagne, avec Abbas de l’association Zaïla, organisatrice du festival Taragalte.

B comme bonus

Khalifa et Mohamed de retour au village, l’Europe dans les bagages

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