Pour les femmes, une 2ème caravane pour la paix Niamey-Agadez

Article : Pour les femmes, une 2ème caravane pour la paix Niamey-Agadez
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6 mars 2019

Pour les femmes, une 2ème caravane pour la paix Niamey-Agadez

En mars 2018, j’étais à fond les ballons sur un projet fou qui m’a bien mobilisée : l’organisation au Niger du 1er forum Mondoblog Afrique dans le cadre du festival Sahel Hip Hop et Musiques du monde, un moment que je n’oublierai jamais tant l’investissement a été dense et le résultat plus que prometteur. Quant aux multiples rencontres que ce travail m’a permis de faire sur place, en un temps record, je n’en reviens toujours pas. Les femmes étaient déjà bien représentées, aussi bien sur scène, dans les coulisses du festival, que dans le programme de nos rencontres citoyennes. En 2019, Sahel Hip Hop a carrément choisi de changer ses dates pour se positionner sur la journée internationale de la femme.

Son d’archive, deux femmes, deux cultures, deux générations d’artistes, au micro de Studio Kalangou dans le cadre du Forum Mondoblog Afrique : Fati Mariko, qui est à nouveau du voyage pour Agadez, et Lydia Botana, 1ère artiste à représenter un autre continent à Sahel Hip Hop, grâce à Plan B.

Forum Mondoblog Afrique
Concevoir un forum citoyen pour innover au sein d’un réseau mondial et faire dialoguer les cultures

Choisir ses propres défis et les relever

Difficile de revenir ici sur ce que j’ai pu vivre en 12 jours à Niamey et à Agadez, où nous avions organisé avec les bénévoles le premier concert de clôture délocalisé de Sahel Hip Hop pour être en phase avec le thème de la 4ème édition du festival. Pourtant ce serait dommage de passer sous silence cette belle aventure humaine basée sur la confiance et l’ouverture à l’autre.

Il faut dire que j’arrivais d’un autre festival qui m’avait mise dans les meilleures dispositions possibles, Mama Africa, à Merzouga, Maroc. Trois jours, trois nuits au Sahara, où je n’ai croisé que des gens avec le sourire jusqu’aux oreilles. J’étais l’invitée de Nasser Naciri, créateur inspiré du festival, et de la Fondation Créative Den basée à Londres. Cette respiration m’a été salutaire après des mois à rechercher en vain des financements et des appuis pour mettre sur pied  ce concept de forum citoyen africain dédié à la jeunesse, à la culture, à la paix : le Forum Mondoblog Afrique.

Ces  trois photos souvenir font partie d’une belle exposition internationale organisée par une petite association rurale à Rohan, près de Pontivy, Solid’art, inaugurée le 16 mars. Crédit photo : Françoise Ramel

Du Sahara marocain à Agadez, capitale du Ténéré

Caravane culturelle pour la Paix
Dans Agadez, où l’accueil est formidable, joyeux, serein, la caravane culturelle pour la paix crée l’événement à l’occasion de la Journée nationale de la Concorde – Crédit photo Françoise Ramel

La preuve est que, même sans moyens, une ambition peut aboutir, pour peu qu’on ne baisse pas les bras et que l’on devine dans l’énergie de différentes prises de contact avec des inconnus qui vous donnent tout ce qu’ils ont, le potentiel à exploiter en allant au bout d’une simple idée née un dimanche de Toussaint un peu triste, à Pontivy. Après m’être impliquée bénévolement dans trois festivals au désert au Maroc et la Caravane culturelle pour la Paix organisée depuis 2013 par le Festival Essakane en exil (Festival au désert de Tombouctou, Mali), j’étais à la recherche de nouvelles expériences de coopération, à distance et in situ.

Le Forum Mondoblog Afrique a donc bien eu lieu, en avril 2018, dans une magnifique salle de cinéma que j’avais repérée lors de mes recheches internet. La salle Canal Olympia située sur la Blue Zone, une initiative du groupe Bolloré, était le cadre idéal pour organiser des temps d’échange et de projection, se mettre en apnée au frais pour parler de nos expériences et s’affranchir de cette propension à laisser la parole à d’autres, parce que les lieux manquent pour se sentir légitimes, pour se sentir écoutés.

Je n’ai jamais vu plus belle conférence de presse que celle de Sahel Hip Hop qui a joué le jeu en organisant toute sa programmation 2018 à la Blue Zone. Une belle palette de jeunes artistes venus de différentes parties du continent et mon amie Lydia Botana d’Espagne a de suite mis tout le monde au diapason : engagement, musique, plaisir d’être ensemble, volonté d’agir contre les fléaux qui minent l’initiative et la création.

Nomiis Gee et amaria à Agadez pour Plan B
Deux jeunes artistes internationaux, deux univers musicaux, une même langue : le haoussa. Entre Nomiss Gee et Amaria, l’une des Filles de l’Illighadad, une rencontre improbable à Agadez signée Plan B – Crédit photo Françoise Ramel

Son d’archive, présentation de la 4ème édition de Sahel Hip Hop et du Forum

C’est avec ces jeunes musiciens que j’ai eu la chance, une fois le Forum Mondoblog Afrique terminé, de me rendre à Agadez avec la 1ère édition de la Caravane pour la Paix. Cette fois le pari n’est pas simplement de réunir dans un même lieu des blogueurs, des artistes, des promoteurs culturels et des médias pour les faire avancer ensemble dans une belle capitale. Non, il s’agit d’emmener tout ce petit monde dans la zone rouge et d’aller à la rencontre d’une autre jeunesse qui a droit elle aussi au divertissement, à la culture, à la paix. Une jeunesse prise en otage par une situation internationale qui la dépasse et dont un certain héros s’appelle Bombino, grand musicien de culture nomade mis sur le devant de la scène grâce aux nominations des Grammy Awards 2019.

https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/bombino-accueilli-en-star-mondiale-agadez

Jusqu’à Tahoua, la route est praticable et le trafic particulièrement dense. J’aurais pu apercevoir quelques girafes, non loin de Niamey, je n’ai pas eu cette chance. Le paysage est fantastique et tranche d’emblée avec ce que j’avais perçu du Niger à travers sa capitale, bien boisée certes mais surtout encombrée par une circulation désordonnée, sauf le dimanche matin, où j’ai eu enfin l’impression de découvrir la ville sous son meilleur jour.

Au petit matin, départ de Tahoua pour Agadez en chanson, Quenn Rima, Maasta MC et Beezy Beezy offrent à Plan B une chouette improvisation, histoire de bien commencer la journée et de canaliser l’excitation palpable

Après Tahoua, il faut rouler dans le sable de part et d’autre de la piste trop endommagée. Dans la voiture, l’ambiance est top, même si la notion de danger n’échappe à personne. L’excitation est trop forte. Un panneau de sensibilisation contre l’usage des armes nous rappelle à la réalité. Quand un berger nous fait signe sur le bord de la route, impossible de s’arrêter pour lui laisser un peu d’eau. Nous sommes sous la responsabilité de notre conducteur et notre véhicule officiel ne passe pas inaperçu. Nous faisons quand même demi-tour pour déposer quelques bouteilles et nous reprenons la route, enfin, la direction vers Agadez, puisque nous zigzagons plus qu’autre chose. Derrière nous, le berger retourne à son troupeau, ni vu ni connu.

Au coeur de la zone rouge, un accueil fabuleux

Plus loin, nous croisons un cortège de pick up, chacun conduit par un jeune Kel tamasheq enturbanné dont nous ignorons si les intentions sont pacifiques ou non. Ces véhicules sans passagers me font penser au film Mirages d’Olivier Dury que j’ai mis au programme du Forum Mondoblog Afrique. Dans la région d’Agadez comme ailleurs dans d’autres régions du Sahara, où des filières de migrations clandestines sont organisées, les passeurs entassent hommes, femmes, enfants à l’arrière de ces pick up, jusqu’à ce qu’aucune personne ne puisse trouver place dans le convoi.

Danseur_Agadez
Plus fort que les clichés médiatiques, je suis touchée par la joie de ce jeune danseur qui rêve de voyager avec sa troupe grâce au hip hop et des chorégraphies inspirées de danses traditionnelles. Crédit photo Françoise Ramel

Je sais que c’est pour cela que je veux me rendre à Agadez, à cause de ce documentaire vu à Bannalec, en plein hiver, sous le chapiteau du festival « Les passeurs de lumière ». Même si je n’ai aucune chance de croiser un migrant, même si cela n’apporterait de toute façon aucune réponse, aucun réconfort à qui que ce soit, pas même à moi. Il y a comme ça des moments dans la vie où accepter de ne pas comprendre, assumer la gratuité d’un acte futile qui vous coûte en temps et en énergie, permet de vivre des expériences uniques et d’en sentir la profondeur, même si vous n’approchez la réalité que dans sa surface la plus superficielle.

La force de ce que j’ai vécu dans cette Caravane culturelle pour la Paix, je la puise auprès de mes compagnes et compagnons de route : Angie Tonton, Maasta MC, Beezy Beezy, Queen Rima, Amagbegnon, Toufiq, Nomiis Gee et son équipe TV, Fati Mariko, la doyenne de la troupe avec moi, et son fils Kitari. Ces jeunes artistes viennent du Bénin, de Guinée, du Maroc, du Nigéria voisin, du Libéria et de la capitale du Niger. Ils et elles n’ont jamais mis les pieds au Sahara. Le dépaysement est total. Leur niveau d’engagement dépasse mes espérances. Ni jeune, ni africaine, ni artiste, j’ai ma place, et une très belle place, dans cette expédition peu commune, aux élans fraternels et militants.

Je n’aurais pu imaginer si belle aventure, même si j’ai travaillé d’arrache-pied à la rendre possible à des milliers de kilomètres du désert dans ma petite sous-préfecture bretonne. Je n’ai passé que deux nuits à Agadez, mais l’intensité et la rareté sont l’essence même de ces mo(nu)ments qui se dressent sur le chemin d’une vie comme une pierre débout plantée au milieu d’une rangée d’autres pierres dressées (menhir en breton) à l’aube des temps.

Au-dessus de mon champs de menhirs imaginaire, j’aperçois désormais l’ombre portée du minaret en terre de la mosquée d’Agadez. Il me suffit de fermer les yeux pour sentir sous mes pieds qui grimpent dans la tour tout l’édifice s’ébranler imperceptiblement, comme si les prières emmagasinées entre ces murs durant des siècles se répandaient en milliers d’ondes jusqu’au sommet de la tour, symbole de tout un peuple nomade éparpillé dans le monde entier.

La 2ème caravane pour la paix partira de Niamey le 10 mars au lendemain du grand concert de Sahel Hip Hop et Musiques du monde au Centre Culturel Oumarou Ganda. La MJC d’Agadez résonnera de 1001 voix pour ré-enchanter le quotidien le 11 mars avec tous les artistes programmés pour cette 5ème édition d’un festival d’utilité publique, car cette équipe internationale ose ouvrir des brèches, avec les moyens du bord et l’apport de bonnes volontés, là où certains voudraient nous faire croire que seuls les horizons barbelés sont la vision possible du futur.

https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/sahel-hip-hop-et-musiques-du-monde-2019-met-lhonneur-la-femme

La 2ème édition nomade du Forum Mondoblog Afrique aura lieu du 25 au 29 juin 2019 à Abidjan au coeur du festival Afropolitain avec les mondoblogueurs volontaires pour porter l’initiative dans le cadre du village numérique dont TV5 Monde est partenaire.

B comme bonus

https://www.facebook.com/Sahelhiphop

Agadez à l’heure du hip-hop et du dance hall pour la Paix

https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/expedition-live-au-niger-scene-de-demain-ou-espoir-en-sursis

https://rohan-solidart.fr/

 

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