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Festival à Tombouctou, rendez-vous au chameaudrome !

Mohamed Ag Mohamed Aguissa, photographe de Tombouctou
Mohamed Ag Mohamed Aguissa, surnommé
Hamma, photographe de festival très couleur locale. Normal, il est de Tombouctou.

Vous êtes déjà allé à Tombouctou ? En avez-vous déjà rêvé ? Beaucoup ont eu cette chance avant le conflit armé de 2012. Ma chance à moi a été de rencontrer Manny Ansar aux Houches dans la vallée de Chamonix. Dis comme ça, ça ne fait pas fantasmer. Pourtant, c’est dans ce décor alpin qu’un désir insoupçonné s’est frayé un chemin dans les arcanes de mon être. C’était en juillet 2013, je croisais pour la première fois de ma vie la route d’un festival en exil.

Manny Ansar au festival « La croisée des chemins », Les Houches, juillet 2013, déjà ambassadeur du projet Tombouctou Renaissance et de la Caravane culturelle pour la Paix – Crédit Françoise Ramel

Je dédie ce billet Plan B à Désirée Von Trotha, photographe et réalisatrice allemande décédée en novembre 2021. Avec les portraits de Tamikrest de Eric Legret exposés au Quartz à Brest, ce sont les horizons lointains arpentés avec des nomades par cette femme hors du commun qui m’ont donné envie de voir plus grand que mon petit coin de Bretagne.
Désirée a choisi son mode de vie : 50% ville, 50% Sahara.
Son travail imprime nos mémoires autant que le coton ou le papier. Un regard de femme, un témoignage humaniste.

Je ne peux pas partager ici de photo de Désirée von Trotha. Voici donc une de mes photos prises en septembre 2021 à M’hamid, à 52 jours de Tombouctou par le désert. Crédit Françoise Ramel

Le désir a valeur d’existence. Contrairement à Désirée von Trotha, je n’avais pas besoin de fouler le sable, je n’avais pas besoin de ressentir la liesse de jeunes hommes enturbannés, la complicité de femmes riant entre elles, pour inviter cette vie étrangère dans la mienne et mon environnement culturel avec Voix du Sahara. Du moins je le croyais.

L’appel du désert pour nous

Car après la projection à Pontivy de « Woodstock in Timbuctu, l’art de la résistance », documentaire réalisé en 2011 par Désirée von Trotha pendant le Festival au Désert, j’ai saisi la première opportunité pour répondre à l’appel des grands espaces et des racines du blues touareg. J’ai goûté à l’ambiance fantastique de ces festivités, au Maroc, au Niger, plongée au cœur d’équipes bénévoles, locales et multiculturelles, qui ont le mérite de monter ces belles manifestations populaires.

Alors si je tombe sur les photos d’un festival à Tombouctou, j’ai forcément envie d’en être, même à distance. Et quel excellent prétexte pour vous présenter un jeune photographe avec qui j’ai la chance d’être en lien sur place : Mohamed Ag Mohamed Aguissa. Demandez simplement « Hamma », tout le monde à Tombouctou saura où le trouver.

Hamma n’a que 25 ans, mais il affiche déjà un bel aplomb. Je l’imagine grand et mince, prévenant avec les gens, il est un des leurs. Enfant de cette ville multimillénaire, où la transmission du savoir, la préservation de la culture, se vivent encore au XXIè siècle comme un devoir envers l’humanité, à la fois moral et spirituel, il est passionné par ce qu’il fait. Il en parle avec ferveur et une vraie joie communicative, mais aussi avec cette retenue naturelle qui caractérise l’homme bleu du désert.

A le regarder sourire, fier d’arborer sur la poitrine son pass Presse comme si c’était une médaille, on pourrait croire que ce jeune nomade n’a jamais connu qu’une vie tranquille, sans avoir peur pour sa vie, ni pour sa famille.

Le sourire d’Hamma m’a arrêtée net parmi le flux d’images et d’informations qui ont percuté la base arrière de mon cerveau au repos en début de week-end. Je ne savais pas que c’était lui sur l’image, ni qu’il était l’auteur des photos partagées sur les réseaux par le Festival au Désert. Derrière un cheich, « amawal » en tamasheq, ce sourire m’interpelle encore et conforte l’envie d’écrire qu’il a suscité.
Crédit photo Mohamed Ag Mohamed Aguissa, dit Hamma

Pour les nomades, un besoin vital de liberté

C’est pour cela que ce festival Vivre ensemble Tombouctou me touche aussi. Il est le symbole d’une vie qui reprend le dessus, de sentiments qui peuvent à nouveau s’exprimer librement dans une palette infinie de nuances, de poésie, de silences choisis, de débordements collectifs. Une vie simple et joyeuse dont aucune jeunesse ne devrait se voir privée.

Je rêve de voyager en dehors des frontières pour aller photographier d’autres événements.

Mohamed AG mohamed Aguissa, dit Hamma, 25 ans, Tombouctou
Un samedi soir sur la terre, 22 janvier 2022, un photographe heureux à Tombouctou, des rêves plein les yeux et du cœur à l’ouvrageCrédit photo : Festival Vivre Ensemble Tombouctou

En attendant de pouvoir réaliser son rêve, voir le monde, en capter l’intensité dans son objectif, Hamma vit de ses clichés. Il subvient aux besoins de sa famille à Tombouctou, tout en assurant le financement compliqué de ses études à Bamako. C’est courageux et je le remercie de me confier ces images si précieuses. J’aimerais pouvoir faire plus que partager ces instants qui nous font oublier la dureté d’une époque, le temps d’un festival, le temps d’une utopie réaliste, vivre ensemble.

Une autre vision du monde

Ces photos se suffisent à elles-mêmes. Notre regard est la vraie clé du grand voyage que Mohamed fera en tant que jeune nomade, parce qu’il se sentira entendu, compris, encouragé, voire attendu dans des capitales surpeuplées pour témoigner et partager ce que sa vision du monde a d’unique.

Si Plan B peut servir à nourrir cet espoir, à faire que Mohamed bénéficie bientôt de l’aide d’un ou d’une professionnelle touché.e par sa motivation, son ambition, alors c’est que vous aussi vous pouvez dire à ce jeune homme combien son travail ne vous laisse pas indifférent.

Je vous invite à vous adresser à lui directement en laissant un commentaire et en partageant ce billet.

A Tombouctou, la fête se déroule au moment où j’écris ces lignes, au milieu de la nuit, et c’est comme si l’étau dans nos poitrines, qui n’ont pas souffert l’intolérable, pouvait aussi se desserrer.

Je trouve cette photo formidable, il fallait oser. Crédit Mohamed Ag Mohamed Aguissa « Hamma« 

Dans quelques années, je me vois comme un grand réalisateur touareg avec beaucoup d’expérience. Je serai là, au milieu des petits de mon village, pour partager ce savoir. Enfant, je voulais devenir caméraman journaliste, je suis en train de réaliser mon rêve.

Mohamed Ag Mohamed Aguissa, dit Hamma

B comme Bonus

Voir d’autres photos de Hamma sur la page du Festival au Désert

Exemple d’école supérieure d’arts visuels en Afrique où cet artiste de Tombouctou pourrait exprimer son talent, se former, créer les bonnes conditions de réussite pour son projet professionnel : l’ESAV de Marrakech, est un partenaire d’un projet Erasmus + sur lequel je travaille depuis décembre 2021 pour continuer à développer des actions de coopération durable et solidaire entre la Bretagne et le Sahara.

Flashback sur l’époque où j’expérimente le rôle d’ambassadrice Europe de la Caravane culturelle pour la Paix à la demande de Manny Ansar. Merci à toi Manny ! C’est comme ça que je me suis retrouvée seule sous une pluie battante à garder dans une tente ouverte à tous les vents de précieux instruments pendant Roots Festival. Il était impensable à mes yeux qu’un artiste de la caravane soit privé de la cérémonie de rencontre organisée par la Fondation DOEN à Amsterdam. Manny quant à lui doit encore se souvenir et rire du poids de ma valise ! Je m’imaginais partir pour une tournée européenne de 3 mois. J’en ris aussi, je voyage plus léger depuis !

Ambiance backstage avec de jeunes nomades à Amsterdam grâce à une courte vidéo tournée par une bénévole hollandaise revue ensuite au Sahara Generation Taragalte backstage op Roots Open Air 2015 – YouTube.

En janvier 2021, pensée pour Tombouctou au Rectorat de Rennes pour le lancement de la Saison Africa 2020 avec une courte vidéo pour archiver la présence du guitariste breton Yohann le Ferrand qui sera en direct sur Arte Concert lundi 24 janvier à 20h30 pour la sortie de l’album YEKO.

Le 24 janvier est, depuis 2019, la journée mondiale pour les cultures africaines et afro-descendantes. Cette date coïncide avec l’adoption de la Charte de la renaissance culturelle africaine par décision votée par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine en 2006.


Histoire de femmes inspirantes, huit nouveaux portraits à partager

Qui aurait cru en cette fin d’année que j’aurais encore de quoi publier le fruit d’une manière un peu singulière de penser la rencontre, de la proposer, de l’accompagner, sans se compliquer inutilement la vie et s’embrouiller les neurones ? Certainement pas moi. Pourtant huit nouveaux portraits de femmes sont accessibles sur Radio Breizh. Je vous invite à découvrir dans ce billet un ou plusieurs de ces podcasts. Ce n’est pas systématique, mais pour cette série je ne connaissais aucune de mes invitées, à part Irène Frain, bien sûr, suffisamment célèbre et déjà rencontrée lors de séances de dédicace.

Merci Philippe

Après l’annonce fin mai 2021 du dernier enregistrement en studio avec Florence Alpern, l’émission Femmes de caractères a repris en août grâce à une rencontre improbable dans un vieux manoir breton avec deux parisiennes : Isabelle Schmitz, rédactrice en chef au Figaro Hors Série, et Marie Desjars de Keranrouë. Ensuite, sans que je cherche à m’imposer quoique ce soit, j’ai repris le rythme. Toujours aussi surprise qu’émue par le résultat, je ne pouvais tout simplement pas me dire : « c’est fini ».

Je dois donc une fière chandelle à Philippe Guillo, sonorisateur hyper sympa, propriétaire du manoir breton, qui m’appelle un samedi en fin de journée. Surprise et joie ! En gros, sur le moment, ça a donné ce court dialogue.

Tu fais quoi Fanchon ?

Je joue de l’accordéon

On t’attend, viens manger à la maison

Ah bon !

Alors, toujours comme si je ne l’avais pas décidé, je me suis retrouvée en octobre sur un balcon au Maroc, face à la mer, à m’entretenir en ligne avec Elisa qui elle se trouvait à Bruxelles. J’espère qu’elle garde comme moi un excellent souvenir de cet enregistrement improbable. Ou deux mois plus tard, avec Lorène, à croire à la magie de Noël, parce que, oui, j’assume, de retour dans mon salon, j’ai confondu Nemours et Namur. Ou encore avec Angéla, à Madrid, parce que je n’avais sans doute pas fait le plein de rêve et de sable au Sahara.

Merci Irène

L’important, c’est que vous puissiez profiter vous aussi de ces instants choisis, pour ce qu’ils sont, de vrais et précieux moments de conversation entre deux inconnues. Et pour ce qu’ils ne sont pas, des portraits « chinois ». Si je prends le temps lors de la mise en ligne des émissions d’avoir un mot pour chacune de ces femmes, c’est parce qu’elles incarnent dans l’échange, chacune à leur façon, avec confiance et courage, la singularité d’une posture inhabituelle.

A ce titre, je veux remercier tout spécialement celle de mes invitées qui a certainement le plus répondu dans sa vie d’auteure à des sollicitations de journalistes et assuré un nombre incalculable de rencontres pour la promotion de ses romans. Irène Frain est et restera la première femme inspirante citée dans l’émission (lors du lancement d’ailleurs en janvier 2020) à venir s’exprimer à son tour. J’y vois tout un symbole et l’esprit d’une générosité qui est le vrai dénominateur commun de Femmes de caractères.

Rendez-vous en janvier 2022 avec deux prochaines invitées, Sarah Schein, une écrivaine étonnante de 19 ans, et Enora de Parscau, pour qui chanter, en breton et dans toutes les langues de la terre, est la plus belle façon de vivre.

Ces podcasts donnent l’occasion de s’intéresser aussi aux femmes inspirantes choisies par mes invitées. Je les nomme dans l’ordre de citation : Mona Ozouf, Frida Kahlo, Etty Hellisum, Marie Curie, Ilde, Anne Lacaton, Marie Curie (bis), Sandrine Bihorel.

Et vous, quelle femme choisiriez-vous de présenter dans votre émission Femmes de caractères ?

Place aux portraits

L’école des filles à Huelgoat est devenue une référence dans le paysage culturel breton. Ce projet ambitieux brasse une grande diversité de publics et d’intervenants. À sa tête, une femme hors du commun, Françoise Livinec, galeriste parisienne, n’envisageait ni de vivre à Huelgoat, ni d’y développer un lieu de culture original, ouvert à tous.

L’école des filles surplombe un lieu pittoresque, le chaos d’Huelgoat. L’énergie et la créativité de Françoise Livinec ne pouvaient trouver plus beau cadre naturel
pour s’exprimer en toute liberté. 


Crédit photo : Françoise Ramel - Plan B
Mélanie Prévost
Mélanie Prévost vit à Quimperlé. Elle travaille à la diffusion d’un film documentaire tourné  pendant le confinement avec le réalisateur quimpérois Fred Derrien : « Du plomb à l’or ».
Dans ce projet, elle est celle qui écoute, facilite la prise de parole. En toile de fond, des tranches de vie, des regards, des intérieurs, des sensibilités, des fragilités, des forces en prise avec l’obligation de s’adapter à l’isolement, à un autre rythme de vie. 
L’inspiration vient d’une forme de quête, de l’exploration de chemins détournés pour approcher l’essentiel, dessiner le réel à l’aune de son propre potentiel. Car changer le plomb en or reste la plus belle des alchimies personnelles. 

Crédit photo : Mélanie Prévost
Une du livre de Marie Desjars de Keranroué Le monde dans tous les sens
Marie Desjars de Keranrouë est une affranchie qui explore des espaces de création et de médiation autour de l'interculturel à travers des initiatives originales.
Issue d'une famille de l'aristocratie bretonne, fille de violoniste, elle s'est tracée un chemin de vie où se mêlent spiritualité, goût du voyage, envie de partager son expérience et un parcours foisonnant.
Jamais à cours d'idée, de projet, son livre « Le monde dans tous les sens » révèle une autre facette de cette baroudeuse gourmande.

Crédit photo : Marie Desjars de Keranrouë
Irène Frain
Irène Frain compte à son actif de nombreux romans et prix littéraire. Son dernier livre, Un crime sans importance, a reçu le prix Interallié.
 Elle y rapporte dans un style concis le crime dont sa sœur aînée a été victime à son domicile et les aléas d’un traitement judiciaire qui interroge. 
Irène Frain aborde le rapport vital qu’elle entretient avec l’écriture et les vies sur lesquelles elle se documente pour construire un récit. Elle s’insurge contre une vision sacralisée de l’écrivain et nous invite dans les coulisses de sa propre vie de femme, fortement attachée à sa région d’origine : la Bretagne. 

Une émission à écouter avec passion! 
Crédit photo : Irène frain

Elisa De Angélis
Originaire de Rome, Elisa de Angélis vit en Belgique depuis huit ans. Elle apprend le français à Bruxelles et la langue de Molière va s’inscrire dans ses gênes jusqu'à devenir son alliée dans la création. Dramaturge, Elisa est douée pour donner à voir, sentir, ressentir la force et la fragilité, non comme des contraires, mais comme des respirations nécessaires. Elle aime explorer la caractère à la fois universel et si personnel de nos destinées humaines, par le seul pouvoir des mots et des images, dont elle émaille ses récits, ses poésies.
Elle anime des ateliers d’écriture, voyage grâce à ses productions, s’adapte comme tous les artistes à une pandémie inédite. Ses rendez-vous en 2021 ? La création en quelques mois au sein d’un groupe de huit bénévoles de l’exposition « Traces migratoires » à Bruxelles. Une invitation à se rendre en Pologne dans le cadre d’une démarche sympa et originale: « la bibliothèque vivante ».
« Serai-je à la hauteur ? ». Voilà bien une question sans fondement qui révèle mieux que toute fanfaronnade ou adroite esquive ce qui rend Elisa De Angelis si attachante et si agréable à écouter.

Crédit photo : Elisa De Angélis
Angéla Ruiz
Angéla Ruiz est architecte à Madrid. Etudiante, elle s'est formée dans l'agence de Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, lauréats 2021 du Prix Pritzker. Angéla a ainsi travaillé sur les plans de l'Ecole d'Architecture de Nantes, une référence, sans jamais venir en Bretagne. Un manque à réparer bien sûr.
Avant de partir en repérage au Sahara marocain, Angéla Ruiz m'a contactée fin novembre pour me proposer une collaboration.

Il y a 10 ans, Angéla a contribué avec d'autres femmes architectes à lancer une dynamique exemplaire à M'hamid el Ghizlane. Terrachidia forme des jeunes du monde entier à l'architecture de terre. 
Angéla prépare pour 2022 l'accueil de 150 étudiants à qui elle veut faire découvrir la chaleureuse hospitalité des nomades, la beauté saisissante de la vie dans une oasis.

De culture urbaine, c'est au désert qu'Angéla Ruiz remonte à la source de ce qui inspire au quotidien ses cours à Madrid, à Paris, ses réflexions citoyennes et son travail de création.

Crédit photo : Angéla Ruiz
Où il est question d'archéologie, de médiation, de voyage dans le temps et l'espace, de radio, d'université, mais aussi de rêves de gosse. Céline Kergonnan est intarissable.
Sa passion, son métier, ses choix de vie, sont à la croisée de toutes ces initiatives qui fleurissent sur nos territoires bretons.
Céline est aussi la création de l'émission "Truelle et sac à dos" : histoires de rencontres, de projets, de bénévoles dévoués et persévérants.
Ecouter Céline parler d'archéologie, de patrimoine, de voyage, c'est déjà ressentir l'âme de lieux chargés de mystère, parfois aussi silencieux qu'insolites, encore  enfouis dans les recoins de l'oubli des temps modernes.
Crédit photo : Françoise Ramel - Plan B
Lorène Bihorel
Cette jeune artiste rennaise ne manque ni d'audace, ni d'inspiration.
Installée à Nemours, où elle vient d'ouvrir une galerie d'art,  Lorène Bihorel commence sans se hâter à réfléchir à ce que sera son prochain spectacle et prépare l'arrivée d'un bébé bien au chaud quand sa Maman apparaît dans la lumière au moment du levée de rideau.  
Lorène dévoile ici certains aspects de son processus créatif et sa joie de participer à l'émission Femmes de caractères le jour de la 900ème de son spectacle, "Des rêves dans le sable".
Et nous parle d'une femme inspirante, artiste et future invitée de l'émission en 2022, sa mère, Sandrine Bihorel.

Crédit photo : Paul Willis

B comme Bonus

Si vous avez suivi les autres publications de Plan B sur Femmes de caractères, vous savez que ma radio locale est formidable !

43 portraits de femmes inspirantes sont accessibles en ligne sur les sites de Radio Breizh et RBG.

Voici la carte de vœux envoyée du Tchad par Elodie Arrault, rencontrée chez elle grâce à l’émission et au Festival No Mad 2020, consacré au Sahara.

Elodie Arrault au Tchad, où elle participe pendant 5 mois à un projet solidaire avec l’association « Les vents de la récolte ». Elle est en visite avec des semences Kokopelli dans le village de Banga en appui à un projet de jardin maraîcher porté par un collectif de femmes.
Crédit photo Elodie Arrault
Avec RBG, voilà comment on se souhaite de joyeuses fêtes, grâce à Gabriel Auffret qui vient de rejoindre l’équipe salariée.
Radio Beau Gosse ? Non, Radio Bro Gwened (la radio du pays de Vannes). Crédit Gabriel Auffret – RBG
Portraits Françoise Ramel et Françoise Ramel
Il n’y a pas d’équivalent à une vraie rencontre en studio, ici, avec Sarah Schein, la plus jeune de mes invitées, 19 ans. A distance, l’esprit libre et le ton non formaté de Femmes de caractères permettent aussi de vivre pleinement l’instant et l’écoute réciproque.
Crédit photo Françoise Ramel – Plan B


Bachar Mar-Khalifé, petite histoire en mode On/Off

Au festival de jazz de Malguénac (Bretagne), entre deux concerts, une amie me glisse à l’oreille : « Jeudi prochain, il y a un artiste fabuleux programmé à Pontivy ». Ainsi s’invite sur Plan B une petite histoire que je partage parce que, pour tout dire, ça avait plutôt mal commencé. Encore fallait-il que je me souvienne à temps de ma première rencontre avec Bachar !
Cet artiste libanais a mis en ligne en novembre une belle réalisation vidéo qui capte l’ambiance de l’enregistrement de son album On/Off. Presque deux ans de pandémie ont changé la face du monde depuis décembre 2019, date à laquelle Bachar Mar-Khalifé et ses musiciens se retrouvent dans les environs de Beyrouth, sa ville natale. C’est toujours une chance d’avoir accès aux coulisses d’un album en création.

C’est la première fois qu’ils viennent ici. Je suis heureux de partager ces moments de silence avec eux.

Bachar Mar-Khalifé, extrait de « Making On/Off », octobre 2021 (à propos des musiciens et ingé son français qui l’accompagnent)
Pochette de l'album On/Off de Bachar Mar-Khalifé
Crédit image Bachar Mar-Khalifé/Lossapardo
Une merveille enregistrée au Liban quelques mois seulement avant la pandémie mondiale. En bonus, découvrez l’histoire de cette pochetteCrédit image Bachar Mar-Khalifé/Lossapardo

Reminiscence


Nous sommes fin août, je suis rodée aux backstages, la vie culturelle a repris timidement le temps d’un été. Avec des jauges à respecter, des bénévoles chargés de valider des pass sanitaires froissés, de scanner des QRcode. Mais aussi des artistes heureux de monter sur scène et de se retrouver, des festivaliers triés sur le volet qui ne boudent pas leur plaisir.
Entre deux modes de résistance, j’ai choisi. Cette pandémie est déjà une bénédiction pour les coupes budgétaires en matière de culture, d’éducation.

Ca gruge un peu au contrôle et tant mieux. Comment imaginer que la jeune génération, pas encore vaccinée, soit privée de moments de liesse collective devenus si rares ? On en rigole tout de même. Georgette, Simone, Pélagie sont de sorties, elles ont le nombril à l’air et des looks de jeunes premières.


Au lendemain du festival de jazz de Malguénac, je fais le nécessaire pour solliciter une interview de Bachar après avoir jeté un œil rapide à la presse locale. Un bon concert, ça m’intéresse toujours. À domicile, dans un cadre sympa et en plein air, c’est encore mieux !

À ce stade, je ne fais aucun rapprochement avec un vague souvenir relégué depuis 2017 dans un recoin dont il ne devait pas sortir. Le nom de l’artiste ne me dit rien, mais vraiment rien : Bachar Mar-Khalifé.

Pourtant un je ne sais quoi donne l’alerte et cherche à percer la fine membrane hermétique qui sépare certaines couches mémorielles : le souvenir d’une interview où je m’étais sentie mal à l’aise, pour ne pas dire très mal à l’aise.

Bachar Mar-Khalifé sur scène
Une de mes plus belles émotions cet été, lors d’un concert intimiste en plein air, grâce à Bachar Mar-Khalifé, artiste au top, visiblement heureux d’être de retour sur scène Crédit photo Françoise Ramel

Fanchon cherche désespérément bouton On/Off


C’était au Festival du Chant de marin à Paimpol, dont j’ai rapporté une palanquée de chouettes souvenirs : une interview très agréable de Titi Robin, ma rencontre avec les musiciens de Tinariwen, mes retrouvailles avec Pablo Macias et Soledad, couple de Malaga croisé à M’hamid el Ghizlane quelques mois plus tôt.
Sans oublier le plaisir de partager cette ambiance de fête sur les quais d’un port breton ouvert sur le monde avec un ami forgeron, Attaher Cisse, originaire d’Echel dans la région de Tombouctou.

Piégée par mon envie de jouer aux apprenties journalistes, j’avais jeté mon dévolu sur un musicien branché électro, dans l’idée de plancher sur un article avant de découvrir son énergie sur scène à pas d’heure dans la nuit. De m’ouvrir à une esthétique dont je me sens très éloignée.

Je devais être super motivée, car je me souviens la longue attente au pied de l’estrade pour ne pas perdre le privilège d’être aux premières loges. Le hasard m’offrant une agréable conversation avec un étudiant qui évoluait dans la danse et la création chorégraphique entre Brest et l’Espagne. La magie des festivals !


Bachar Mar-Khalifé
Pour un regard qui se refuse, je me suis sentie si confuse. Je n’avais juste rien compris. Crédit Clément Legrand

C’est la seule interview où je me suis dit d’entrée de jeu : je suis mal barrée. Dans mes petits souliers, comme une écolière timide et gauche, j’enchaîne les maladresses.
Je voudrais pouvoir revenir en arrière, choisir une autre option dans le programme de ma journée. Je suis là, coincée dans ce huis clos improbable avec Bachar.

Naïveté contre pudeur

Je ne sais rien de lui et lui semble m’ignorer royalement. Il s’exécute, je m’exécute, point barre. Je ne suis pas une pro. Si je m’essaie à l’exercice, c’est parce que j’en attends un plaisir réciproque, que je me crois capable d’en tirer un écrit sympa, fidèle, sensible, avec une mise en page engageante. Pro ou pas, il faut assurer. Et là, ça l’fait pas !

Je m’en prends à mon manque de préparation, d’anticipation, de savoir-faire, sans chercher de raisons plus profondes à ce fiasco.
Ce regard qui se refuse me déstabilise, comme l’apparente froideur de mon interlocuteur et ce que je perçois sur le moment comme un manque total de coopération. Je pense aujourd’hui que j’avais juste affaire à l’expression d’une pudeur.

J’avance mes questions comme on cherche à tâtons. Tout sonne faux et vain. Bref, un superbe ratage.
En manque total d’inspiration, d’envie de me challenger pour donner le meilleur, je n’ai jamais écrit l’article.

Je suis tout de même allée voir le concert. Mais le plaisir de me laisser surprendre par une déferlante de sonorités, le parti pris et la virtuosité du pianiste, était entaché par le mal-être ressenti quelques heures plus tôt.

Je ne suis ni maso ni perfectionniste. Ce n’est donc pas de mon plein gré si je me suis retrouvée de nouveau face à Bachar Mar-Khalifé, avec ce souvenir exhumé de lui-même, par défi des lois de la pesanteur. Signe que je ne suis pas encore atteinte de troubles de la mémoire.

Deuxième chance


J’ai la chance de vivre une sorte d’épreuve de rattrapage. Vu qu’en fait, c’était déjà trop tard pour faire machine arrière toute ! J’avais au moins, pour moi, la quasi certitude – ou l’espoir – que l’artiste ne me reconnaîtrait pas et ne saurait rien de mon état d’esprit en mode « Restart ».

Pourtant, je décide deux choses. Je veux mettre Bachar au parfum (mais comment faire ça sans me griller !) et faire en sorte que l’entretien se passe bien pour nous deux. J’ai plus d’expérience qu’en 2017, mais pas question de me fier à une quelconque logique ou fausse assurance.

Si je m’étais rendue compte seulement sur l’instant que j’avais déjà interviewé ce grand musicien, j’aurais eu droit à une sacrée montée d’adrénaline. Et une belle suée !

Cette fois, je sais à quoi m’attendre. Je fais le job comme si de rien n’était, en analysant ce qui avait bien pu me mettre en difficulté quatre ans plus tôt. Bachar Mar-Khalifé ne me regarde pas de toute l’interview, il fait le job lui aussi.

Et ça donne cette touchante interview, qui ne laisse en rien deviner tout ce que je viens de raconter !

Si j’avais le talent d’une conteuse, je trouverais une moralité, une chute appropriée, histoire de donner un peu de profondeur à mon propos.
Nous nous en passerons. Tant pis. Ce n’est qu’une petite histoire en mode On/Off.

Peut-être que ce qui est à retenir ici est très simple. Dans le doute, même si votre affaire semble mal engagée, ça vaut vraiment la peine certains jours de se mettre un rien en danger.

Je n’aurais pas aimé que la vie me prive d’une aussi belle rencontre avec Bachar Mar-Khalifé et sa musique.

Dates de concert Bachar Mar-Khalifé 
Crédit Bachar Mar-Khalifé
Crédit Bachar Mar-Khalifé

Derrière son piano, Bachar hypnotise, remue, transcende. Consolidant la place du label InFiné (Rone, Aufgang) à la pointe des musiques actuelles, Mar Khalifé évoque un kaléidoscope constitué de musique arabe traditionnelle et de musique contemporaine, alliant piano, beats minimalistes et percussion.

ARte concert, 2014

Bachar sublime la scène


Ce soir-là, j’ai connu une extase musicale rare. Pourquoi ne dit-on pas “j’ai pris une caresse” comme on dirait pour une forte émotion “j’ai pris une claque” ?

Je ne sais pas si je suis un chercheur, je m’obstine à aller au bout de ce que j’entends, de ce que je pense, de ce que je ressens. Les sons c’est une excuse, je mets des sons ensemble pour que ça aille vers des gens.

Bachar Mar-Khalifé, 26/08/21, Pontivy

J’ai suivi Bachar dans ses constellations et circonvolutions rythmiques menant à la transe, comme s’il était le Petit Prince et moi un pilote en panne dans le désert.

Ce voyage intérieur le temps d’un concert exceptionnel m’accompagne depuis. Sous les étoiles du Sahara, parfois la seule envie qui refait surface avant de m’endormir, est d’entendre la voix chaude, pleine, enveloppante, de Bachar.

Avec ce titre en particulier « Chaffeh Chaffeh », dont j’ai adoré l’interprétation, la respiration, je peux écouter cette version Live en boucle, la chanter dans ma tête. Comme si ce cadeau pouvait à lui seul allumer mille étoiles dans le ciel. Pour ce billet, je découvre d’autres captations de « Chaffeh Chaffeh », toutes très épurées.

Celle-ci avec la chanteuse Lynn Abid par exemple

« Le génie musical de Bachar Mar-Khalifé s’exprime avec la clarté d’une source lumineuse provenant de je ne sais quel chant cosmique. Il conjugue puissance et innocence, dans un appétit, un élan, une créativité sans limite qui surprend. » Françoise Ramel


B comme Bonus

Le making On/Off Entrez dans les coulisses de l’enregistrement de cet album, au Liban

Bachar Mar-Khalifé sur Radio Bro Gwened

Une histoire de pochette de CD

https://musique.rfi.fr/musique-arabe/20201026-bachar-mar-khalife-racines-lexil

Autre billet Plan B sur un pianiste de talent, Salvatore Sclafani

Si vous aimez la musique, les artistes, je vous invite à découvrir mon émission Blablazik, 45′ d’échange comme si nous étions en backstage avec le plaisir du Live

Pour partager mes bons moments au Festival de Malguénac 2021, c’est là et c’est top, notamment la fin du reportage avec des jeunes qui témoignent, qui profitent à fond




Salvatore Sclafani, musiques et parfums d’exil

Du 4 au 14 novembre, « Traces migratoires » s’installe au Tri postal près de la Gare du Midi à Bruxelles. Il s’agit d’une exposition qui mêle musique, photographie, vidéo, illustration et écriture. Cette initiative mobilise depuis dix mois un noyau de huit bénévoles, qui bénéficie de l’appui d’ASMAE (Association Sœur Emmanuelle). Une des préoccupations de cet organisme est l’accueil, l’accompagnement de migrants, mais aussi la sensibilisation de publics jeunes. Dans cette équipe internationale, Salvatore Sclafani joue sa partition de musicien de haut niveau, plus habitué aux publics des conservatoires et aux soirées branchées… Grand répertoire. Pourquoi ?

Salvatore Sclafani donnera son 2ème concert dans le cadre de « Traces migratoires », le 11 novembre, au Tri postal, Bruxelles – Crédit photo Umut Vicdan

Peut-être parce que l’essentiel face aux raisons dramatiques qui génèrent l’afflux de populations dans nos capitales puis sur nos territoires ruraux, est déjà de s’engager pour faire ce que l’on sait faire de mieux, à partir de sa propre histoire d’exil.

Peut-être parce que face au matraquage médiatique, aux discours populistes qui menacent nos démocraties, se sentir digne passe d’abord par assumer un regard humaniste et un propos artistique au service d’une cause commune : résister à l’enfermement, au repli sur soi, aux agitateurs de peurs malsaines.

« La scénographie permet de voir la migration comme un prisme, à travers différents modes d’expression, le texte, le dessin, la photographie, la musique. Nous avons mis en avant nos productions d’artistes, mais aussi celles de citoyens, citoyennes, désireux d’apporter leur appui à notre initiative bénévole. »

Salvatore Sclafani

L’art, carrefour de nos trajectoires

Salvatore vient de Palerme en Sicile, son amie Elisa De Angelis, dramaturge francophone, dont je vous invite à entendre le témoignage, vient de Rome. C’est elle qui l’a entrainé dans l’aventure. A travers ce projet à créer de toute pièce, Salvatore a rencontré deux jeunes artistes françaises, en formation à Bruxelles, Romane Iskaria et Anna Bourcier, mais aussi une vidéaste, Izzy Wiesner, elle aussi en cursus d’études supérieures.

Des propositions venues d’ailleurs

Pendant le processus de création de l’exposition, le groupe a choisi de faire un appel à œuvre pour permettre à d’autres artistes ou citoyens de proposer une contribution. Le texte qui m’a permis de rejoindre la communauté Mondoblog « L’étrangère » (dis-moi qui tu hais) s’est ainsi retrouvé exposé dans cette scénographie déjà riche, aux côtés d’une quinzaine d’autres propositions retenues.

Parmi les artistes africains sélectionnés, je pense à mon ami Joel Gandi, à Niamey, slameur qui raconte dans un beau texte autobiographique son parcours d’exil en empruntant à Falwinn Sarr ce joli titre « Habiter la Terre ». Je pense à Christophe Sawadogo, dont je souhaite pouvoir visiter un jour l’atelier au Burkina Faso. Cet artiste a choisi pour l’exposition un dessin inspiré par la situation des personnes qui fuient le conflit au Nord du Burkina et ailleurs. Je suis vraiment touchée par la délicatesse, le mouvement, l’humanité, que dégagent les créations de Christophe Sawadogo.

Dessin de Christophe Sawadogo exposé à Bruxelles grâce à Traces migratoires « Les déplacés internes » Crédit image : Christophe Sawadogo

Tous les chemins mènent à Rome Bruxelles

Celles et ceux qui s’invitent au Tri postal découvrent la sélection de l’appel à œuvre lancé par le collectif bénévole. Une autre façon de voyager, de donner ou prendre la parole, de sensibiliser à la question migratoire à partir de différents vécus et points de vue.

ARTS VISUELS:

  • Nicolas Le Tutour – croquis portraits « Qalbi Jab »
  • Christophe Sawadogo – Peinture – « Les déplacés internes»
  • Ernest Ake – Collage – «Retour au pays»
  • Gbane Bacary – Dessin-  «Le mirage»
  • Amadou opa –  Peinture “ Colonnes des déplacés”
  • Florent Houessou – Peinture “- “ Cri de migration clandestine” 
  • Eyram Kinglo – Peinture – « Vivre ensemble « 
  • Katie Bardouil – Graphisme “Empruntes “
  • Mo Dabani – Photographie «stop»
  • Guido Jassens – Triptyque –
  • Badre Namir – Dessin «Vers un autre horizon» 
  • Nuria Alvarez Batalla – Dessin « L’humanité face au sang de l’exil”
  • Aissaoui Abdeslam – Dessin – « Personne n’est illégal »
  • Hicham Atif – Peinture – « Le silence cri « 

VIDEO:

  • Caroline Goblet – Vidéo « Ces petits riens » 
  • Yolande Jouanno – Vidéo « femme racine » 
  • Marie Wardy – Vidéo- “A bientôt Alep”


TEXTE/POÈME :

  • Joel Senam – Texte  “habiter la terre “
  • Françoise Ramel – Poème “l’étrangère «  

Réveiller l’intime étranger en chacun de nous

A défaut d’avoir pu me rendre à Shaerbeeck où « Traces migratoires » a déjà été installée en octobre, j’ai eu envie de solliciter Elisa et Salvatore pour mieux comprendre ce qui les avait amenés dans leur parcours de vie à se positionner de cette façon sur un projet aussi original, par sa démarche participative, par l’ambition citoyenne qui s’y exprime à travers la notion de diversité culturelle, de création artistique et de sensibilisation des publics.

« La prolifération de regards est une preuve que la question migratoire abordée d’une certaine manière est un élément qui stimule, qui apporte de la richesse, nous réveille à notre propre potentiel par la créativité qu’elle suscite. »

Salvatore SclaFani

Voici donc le témoignage de Salvatore Sclafani, qui sera en concert au Tri postal le 11 novembre et, dans les Bonus, celui d’Elisa De Angelis grâce à l’émission Femmes de caractères. Le vernissage de « Traces migratoires » a eu lieu jeudi 4 novembre. Autant dire que j’aurais vraiment voulu être à Bruxelles pour voir de mes propres yeux le fruit de tout ce travail bénévole et partager de nouvelles rencontres inspirantes.

Le visuel de l’expo signé Anna Bourcier

L’interview de Salvatore Sclafani

Plan B : Pourquoi avoir choisi de participer activement à la création de l’exposition « Traces migratoires » ?

En général je suis très sensible à la question migratoire. Je suis un migrant moi-même. Je suis italien et j’habite à Bruxelles depuis huit ans. Je me suis senti toujours bien accueilli, à vrai dire, mais quand même en tant que migrant, j’ai ressenti dans ma vie quotidienne toujours une différence entre l’endroit d’où je viens et l’endroit où je vis. Je voulais mettre mon art au service d’une cause sociale. Je suis musicien classique, j’ai matière à m’exprimer sur le thème de la migration grâce au répertoire. Quand on pense musique classique, cela donne l’impression de se situer en dehors de tout ça. Au contraire, l’histoire de la musique classique est aussi une histoire de migration, souvent. Les compositeurs et compositrices se sont inspirés des traditions populaires, influencés par leurs voyages et séjours dans différents pays.

Quelle a été votre démarche artistique pour contribuer au montage de ce projet d’exposition ?

Je suis pianiste, j’ai présenté un concert avec une sélection d’oeuvres. J’ai choisi, soit pour leur biographie, soit pour le pays où ils ont travaillé, des compositeurs classiques qui ont été influencés par la migration. Et comment les migrations influencent-elles la musique ? Surtout par des éléments de musique populaire qui eux-mêmes découlent de croisements de populations. J’ai aussi enregistré des extraits des morceaux joués en live dans l’expo. J’accompagne ces sons de fiches explicatives avec chacune leur QRcode, pour que les visiteurs soient en mesure d’enrichir leur visite comme ils et elles le souhaitent.

Que retenez-vous de l’expérience au sein du groupe moteur qui a porté ce projet d’exposition ?

Je retiens une vraie satisfaction en tant que professionnel du monde de la musique classique d’avoir pu me mettre au service de l’autre, d’une cause sociale, raison pour laquelle j’étais bénévole sur ce projet. Je mesure le côté gratifiant d’avoir pu apporter une touche musicale à notre proposition collective. Je me suis nourri de nos discussions et autres éléments liés au travail d’équipe, au pari de faire connaissance à travers le montage de ce projet en moins de neuf mois. Je me rends compte combien c’est délicat d’organiser une exposition, de prendre des contacts, de trouver des lieux pour accueillir cette création.

Quelle suite aimeriez-vous donner à ce projet ?

J’aimerais beaucoup que l’expo continue à circuler dans d’autres endroits, d’autres contextes, à Bruxelles et ailleurs. Le concert que j’ai proposé peut vivre sans l’exposition. J’envisage de retravailler cette proposition de façon autonome, mais j’aime autant avoir l’opportunité de rejouer avec cette configuration collective, pluridisciplinaire. Dans sa forme même, notre démarche volontaire exige de s’adapter à chaque nouvel espace, de tirer partie du meilleur de chaque lieu et de chaque énergie associée à « Traces migratoires ». J’espère évidemment développer d’autres projets sur ce sujet qui me tient à coeur, soit personnels soit en collaboration avec d’autres membres du collectif.

Vernissage de l’expo Traces migratoires : l’aventure collective prend une autre forme, celle de la rencontre avec le public -Crédit photo : Héloïse Parodi

Comment le public a-t-il accueilli tout ce travail lors du vernissage puis lors de votre concert ?

Je dois dire que le public semblait très touché. Lors de la soirée-concert, le format présenté a beaucoup plu grâce à l’alternance entre parole et musique, entre explication et interprétation de chaque morceau. C’est quelque chose qui rapproche le musicien du public. En même temps, ça allait de soi dans notre démarche de sensibilisation de savoir pourquoi j’avais choisi de jouer tel ou tel extrait d’œuvre, de situer en quelques mots l’intérêt par rapport au thème  » Traces migratoires » et à la vie de son auteur. L’auditoire a aussi été sensible à la diversité des univers musicaux que nous avons traversés ensemble. J’ai présenté un répertoire assez large, à travers différentes époques. Ca allait de la musique baroque au jazz. Ce choix a eu une certaine prise sur le public.

En quoi la scénographie et les oeuvres présentées sont-elles intéressantes pour un usage pédagogique ?

Comme il s’agit d’une exposition pluridisciplinaire, cela donne beaucoup de stimuli, notamment pour un usage pédagogique. La scénographie permet de voir la migration comme un prisme, à travers différents modes d’expression, le texte, le dessin, la photographie, la musique. Nous avons mis en avant nos productions d’artistes, mais aussi celles de citoyens et citoyennes, désireux d’apporter leur appui à notre initiative bénévole. Toute cette richesse artistique montre comment le thème de la migration apporte plus de bienfaits qu’autre chose. Cette prolifération de regards est une preuve que la question migratoire abordée d’une certaine manière est un élément qui stimule, qui apporte de la richesse, nous réveille à notre propre potentiel par la créativité qu’elle suscite. On est très loin des discours stigmatisants sur les « migrants ».

Une exposition faite pour voyager

Je vous invite à retrouver toute l’actu de cette exposition « Traces migratoires » sur les réseaux, à vous en inspirer pour monter à moindre frais des projets citoyens près de chez vous, à vous intéresser aux espaces où de telles initiatives peuvent naître d’une simple volonté d’agir et de créer ensemble.

Le dessin ci-dessous, signé Niko, dessinateur à Pontivy, est aussi exposé à Bruxelles. Il faudra que je vous raconte un jour sur Plan B cette belle histoire entre un auteur de BD breton et Liban Doualé, chamelier somalien, fils de Sage Soufi jeté sur les chemins par la violence terroriste, pour arriver jusqu’à nous, encore debout !

Si nous parvenons à faire venir un jour l’exposition « Traces migratoires » en Bretagne, ce sera une belle occasion de mettre en valeur ces gestes simples qui construisent de la confiance face à l’ignorance et à l’indifférence. Et – pourquoi s’empêcher de rêver – d’inviter Patrick Chamoiseau, dont le livre « Frères migrants » est à mettre entre toutes les mains.

Dessin extrait d’une série de l’auteur de BD, Niko, réalisé lors d’une résidence de création dans un lycée à Pontivy avec pour support le récit de vie et d’exil de Liban Doualé, jeune réfugié somalien, devenu Liban DU (noir en breton) – A voir au Tri postal à Bruxelles jusqu’au 14 novembre – Crédit image : Niko

B comme Bonus

La vidéaste Izzy Wiesner a aussi interviewé Salvatore

Article sur l’expo publié en Bretagne

« Traces Migratoires » : genèse d’une exposition qui met l’art au service de l’humain

Abadenn A-du pe pas : Elisa De Angelis, l’italienne qui rêve en français (radiobreizh.bzh)

Note finale au clavier avec Salvatore

Le blog de Liban Du, ancien chamelier somalien devenu breton


Ma radio locale est formidable

J’ai déjà présenté à travers trois billets les belles rencontres que je partage grâce à l’émission Femmes de caractères sur Radio Bro Gwened, media bilingue animé à Pontivy par une équipe salariée et des bénévoles de tous âges, tous horizons. Voici en fin d’article les nouveautés de ces derniers mois avec huit podcasts au choix.

S’adapter au contexte et voir encore plus loin

Il me tardait d’oser tendre mon micro à des femmes dont je me sens éloignée aussi bien géographiquement que culturellement. C’est chose faite en 2021, toujours grâce à cette radio formidable qui me facilite bien des choses sur le plan technique.

Sur ces émissions que je souhaite archiver sur Plan B, seulement deux ont été enregistrées en studio. Une autre s’est déroulée au Palais des Congrès de Pontivy, en marge d’une passionnante conférence sur l’histoire du 8 mars, lors de la Biennale Femmes dans l’Histoire.

Toutes les autres « conversations » se sont faites pas téléphone, parfois au bout du monde ou presque, vu de mon cœur de Bretagne

Aimer l’improbable, chérir le naturel

Je ne connaissais aucune de ces invitées sélectionnées, contactées puis convaincues de vivre cette expérience un peu particulière avec une étrangère.

Comme avec les précédentes séries d’autoportraits, impossible de vous dire quelles rencontres m’ont le plus marquée. Toutes ces femmes s’en sortent à merveille dans l’exercice, avec spontanéité, sincérité, confiance et un enthousiasme communicatif.

Une voix, un style, une histoire

Le concept est toujours le même depuis le lancement de Femmes de caractères en janvier 2020. Un format de 45’, une bande-son choisie par l’invitée, une liberté totale de ton et de sujets, des intermèdes « lecture à voix haute » qui apportent un vrai plus à l’échange.
Pour finir, mon interlocutrice commente son dernier choix, celui d’une femme inspirante.

Sur le plan technique, j’aurais pu faire évoluer le concept vers l’image comme cela s’est beaucoup fait depuis la pandémie grâce à des outils faciles d’accès comme Zoom ou d’autres.

Je dois avouer que je ne suis pas fan de l’idée. Le charme de la radio est justement de nous immerger dans la seule puissance d’une présence, d’un débit, d’intonations, d’hésitations, de silences.
Cette signature vocale traduit mieux qu’un ADN la personnalité qui accepte de dévoiler une part intime d’elle-même.

Je suis très reconnaissante à toutes ces femmes pour les retours hyper positifs qu’elles partagent avec leurs réseaux respectifs suite à leur témoignage sur notre antenne. Et à « ma » radio bretonne de pouvoir produire des échanges d’une telle qualité, d’une telle intensité.

Surprise poignante à chaque rencontre

Pour illustrer la diversité des parcours et visions du monde que partagent ces femmes avec une même simplicité sur Radio Bro Gwened, il suffit de dire qu’Isabelle Schmitz était dans son bureau au Figaro, au 8eme étage d’un bel immeuble parisien, pendant l’enregistrement.
Quand ma deuxième invitée de ce mois d’août élève ses trois filles dans un quartier populaire de Rennes, où le français n’est qu’une langue parmi tant d’autres.

Régine Komokoli a failli manqué notre rendez-vous à cause de Ginette, sa 205 Peugeot qui l’avait lâchée la veille !
Ecoutez cette femme originaire de Centrafrique. Elle a dû fuir son pays à 18 ans dans des circonstances douloureuses. Vous comprendrez que ce n’est pas un petit problème mécanique qui l’aurait privée de son émission Femmes de caractères.

Partager avec franchise, sans intellectualiser le propos, sans pathos inapproprié, ce qu’une migrante sans papier devenue citoyenne française ressent à l’idée de siéger dans une assemblée démocratique où elle est élue depuis juin, voilà qui justifie l’envie de faire de la radio … avec des femmes formidables.


Bonne écoute

Ariane Vitalis, créatrice culturelle

Anouk Bertaux, commissaire d’exposition

Michelle Brieuc, écrivaine

Mariaa SIGA, chanteuse

Nitza Cavalier, lauréate de prix littéraires

Florence Alpern, femme d’une lettre

Isabelle Schmitz, rédactrice en chef

Régine Komokoli, élue bretonne, afro-écologiste


Archéologie, art, avenir et dolce vita en Calabre

La Calabre est une région méridionale qui compte nombre de châteaux et des paysages magnifiques. Une résidence d’artiste vient de se terminer au Château de Squillace à l’initiative de l’association In-ruins. Le projet international vise à accueillir de jeunes talents déjà repérés pour leurs performances.

Leurs installations créées in situ ont pour cadre des lieux emblématiques qui gardent en mémoire le rôle économique et culturel de l’espace méditerranéen. Cinq regards et démarches se sont exprimés dans différents sites patrimoniaux, dont une imposante forteresse édifiée en 1044 sur les ruines antiques du monastère de Cassiodoro. Les 1ères œuvres réalisées ont été présentées au public le 27 juillet, d’autres le seront le 4 août, elles resteront visibles tout l’été.

Le château de Squillace en Calabre

Art en résidence

In-ruins est une plateforme de recherche fondée en 2018 avec l’objectif de valoriser des lieux patrimoniaux grâce aux arts plastiques et autres expressions actuelles. Chaque nouvelle rencontre instaure un dialogue entre paysages archéologiques et pratiques artistiques contemporaines.

In-ruins 2021, création d’Anna Ill

Suite à l’appel à candidature lancé au printemps, voici les artistes qui ont été retenus pour produire une œuvre in situ au château de Squillace et à proximité : Emii Alrai (Royaume Uni), Martyna Benedyka (Pologne), Itamar Gov (Israël), Anna Ill (Espagne) et le duo italien « Nostana » avec Ceresoli et Cosco.

J’imagine le bonheur pour ces jeunes créateurs d’évoluer au milieu de cette architecture millénaire, d’y laisser une trace éphémère nourrie de leur questionnement, de leur sensibilité, de leur lecture des espaces mis à leur disposition.

Oser la culture en temps de crise

J’aurais aimé vivre une si belle opportunité. Pour la militante culturelle que je suis, échanger avec les organisateurs et les artistes m’aurait permis de m’inspirer de cette proposition.
Avec une question qui motive mes propres choix en Centre Bretagne : comment définir une déclinaison de In-ruins adaptée à Motten Morvan, forteresse bretonne du 8e siècle, dont le 2e chantier de fouilles archéologiques s’est achevé le 31 juillet ?

Motten Morvan a déjà servi de support à une thèse en arts plastiques entre 2016 et 2020 avec l’espoir d’inciter d’autres artistes à venir nous rejoindre. Alizée Figuiere, plasticienne spécialiste en land art, sera peut-être la première à y développer un projet de création, depuis l’accueil en résidence d’Anais Belchun (Université de Toulouse). Elle sera en repérage sur le site archéologique le 4 août.


J’ai donc suivi à distance l’accueil des artistes au Château de Squillace, puis la présentation de leur travail aux premiers visiteurs, avec le désir de vous partager la poésie de ces oeuvres, leur portée symbolique et philosophique.

Mes prises de contact avec certains des artistes n’ayant pas encore abouti, il m’est difficile d’inventer les mots qu’ils et elles choisiraient pour partager cette rencontre et leur démarche de création.

Inspiration et transmission

Je vous invite à être curieux des trajectoires qui les ont conduits jusqu’à ce château fort, dont les ruines témoignent encore d’un illustre passé, comme de l’importance des échanges culturels, au Haut Moyen-Âge comme aujourd’hui.

Je veux saluer l’engagement des organisateurs, car construire ce type de proposition ambitieuse dans un contexte sanitaire complexe n’est pas chose facile. Un nombre faramineux d’initiatives a dû être annulé à cause de la pandémie mondiale. La mobilité des artistes reste une équation parfois insoluble, avec trop d’inconnues pour avancer sereinement vers la réalisation d’aussi beaux projets.

La tenue de cette 2e édition n’en est que plus exceptionnelle et parle d’elle-même de l’énergie, des compétences, des réseaux mobilisés par cette équipe italienne, visiblement bien soutenue par plusieurs institutions, dont la Région de Calabre et la Fondation Armonie d’Arte.

Agrume et dévotion, mémoire de citrons

Les ruines du temps construisent demeures dans l’éternité.

William Blake

Le mausolée des citrons rejetés : en voilà un titre pour une installation, presque un titre de roman. Entre passé et présent, Itamar Gov est allé puiser dans une tradition à la fois locale et internationale pour penser son travail.
Est-ce pour faire écho ou contrepoint à cette citation de William Blake, « les ruines du temps construisent demeures dans l’éternité » ?

À partir d’un matériau simple, voué à la putréfaction par les lois naturelles du vivant, l’artiste convoque d’autres règles, d’autres images. Sans discours superflu ou convenu.

Art compostable, génial ou triste symbole ?

Cette œuvre procède comme un négatif qui révèle en creux formes et réalités. Là où la perfection, la conformité aux codes, d’un groupe, d’une époque, d’une société, définissent des modèles d’exclusion, de compétition, des rapports de domination, voire de maltraitance, Itamar Gov met en lumière et en scène la diversité, la difformité, le défaut de fabrication et un autre critère : l’égalité, l’horizontalité.

Itamar Gov

Il se dégage de cette proposition artistique un équilibre, une esthétique, qui gagnent à rester sobres, sans recours à aucun artifice ou mise en volume. La géométrie seule orchestre l’ensemble, en harmonie avec un édifice religieux chargé de spiritualité.
Voici ce qu’écrit l’artiste sur sa page à propos de la tradition dont il s’est inspiré :

« Depuis 700 ans, des rabbins du monde entier viennent en Calabre chaque été à la recherche du citron parfait (Etrog / Cedro). Suivant une liste stricte de critères esthétiques, ils retournent dans leurs communautés accompagnées d’un citron chanceux et impeccable, qui se trouve alors au centre d’un rituel de vacances juif qui se déroule en automne. Le ′′ Mausolée des citrons rejetés ′′ se compose de 1000 citrons imparfaits, déformés, endommagés et non sélectionnés qui ont été laissés pour la décomposition, couvrant tout le sol de la Chiesetta Gotica à Squillace, en Calabre.« 

Itamar Gov

Réalisé dans le contexte de In-ruins avec le grand soutien de 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋

Je n’ai pas le génie créatif d’Itamar Gov, l’unique rencontre avec un citron suffisamment forte pour que j’aie ressenti le besoin d’en garder une trace me ramène au Maroc, sur la route du Sahara.

Voyage, voyage

Voyager me manque, rêver de cette résidence organisée par In-ruins est une sorte d’instinct d’émerveillement reporté de fait à d’autres lendemains incertains.

La Calabre a tous les atouts d’une destination rêvée.

Fanchon, Plan B
Visuel 2021 d’un festival en Calabre

Le 17 août, le château de Squillace accueillera deux spectacles de danse de haute volée au programme d’un festival que je découvre grâce à Plan B.
Si je devais me souvenir d’un autre château médiéval, où j’ai adoré me poser et vivre de belles émotions, ma mémoire m’entraînerait à travers la mer Égée, jusqu’à Bodrum.

Le festival international de ballet qui s’y déroule dans un cadre exceptionnel hérité du temps des croisades et des templiers a réuni des milliers de danseurs du monde entier lors de sa dernière édition avant la pandémie. Époustouflant !

Héritage et création, credo d’un grand festival

La Fondation Armonie d’Arte, partenaire de In-ruins, organise un festival dans deux parcs prestigieux, ainsi qu’au château de Squillace avec ce double message.

Ici où le temps passe et reste, nous nous nourrissons de mémoire. Ici où le temps court et chemine, nous nous nourrissons du futur.

Le parc archéologique de Scolacium, cité antique qui fut tour à tour un port grec, romain, byzantin puis normand après l’An mil, se situe sur la commune de Borgia, face à la mer Ionienne, à l’extrémité Sud du Golfe de Tarente.

Signe de l’attachement de ce territoire à la Culture, un parc de sculpture dédié à la biodiversité méditerranéenne s’étend sur 13 hectares au cœur même de Catanzaro. La proximité des deux sites et la vocation balnéaire de cette destination touristique ne pouvait qu’inspirer de belles initiatives à haute valeur ajoutée.

Chiara Giordano, présidente et directrice du festival, multiplie les interviews en amont de la 21e édition qui se déroule en août et septembre. Elle et son équipe ont réussi à faire de ce rendez-vous annuel une référence. Avec enthousiasme et conviction, Chiara invite à la mise en synergie des talents autour de quatre grandes thématiques : faire Culture pour promouvoir la Paix, valoriser la Nature pour protéger la Santé.

Je ne comprends pas l’italien, mais l’engagement, la passion, la capacité à mener à bon port d’improbables entreprises, je connais.

Armonie d’Arte Festival apporte une vraie notoriété internationale avec de fortes répercussions pour la ville de Catanzaro.

Sergio Abramo, president de la province

Pour accéder au site de ce festival

Pour voir la proposition de Anna Ill, autre jeune artiste en résidence au Château de Squillace

Pour suivre Itamar Gov et découvrir sa prochaine résidence de création en France d’octobre à décembre 2021 avec 9 autres lauréats et lauréates d’un nouvel appel à candidature initié par la Cité internationale des Arts : TRAME

Pour vous intéresser aux projets de coopération scientifique et culturelle, du local à l’international, que j’accompagne avec l’association Timilin, en soutien aux artistes, jeunes chercheurs et les territoires ruraux, contactez-moi quand vous voulez.
francoise.ramel[@]outlook.fr

La meilleure façon de vous donner envie de venir nous voir à Motten Morvan, si vous êtes artiste ou un jeune chercheur : le sourire de Dewi, journaliste bretonnant, Léna, diplômée en reliure d’art recrutée par un service d’archives départementales, et Clara, chanteuse en langue des signes recrutée par une médiathèque
27 juillet 2021, concert de Lann Pendavat dans le cadre du festival « Paysages »


Motten Morvan, archéologie mon amour

L’été est enfin arrivé en Bretagne. Autant dire que ça fait du bien, quand les nouvelles du monde empêchent d’aborder cette belle saison des moissons avec légèreté. Dans ce billet, je vous parle de jeunes qui ont choisi d’être bénévoles sur un chantier archéologique. Les fouilles se déroulent en ce moment chez moi. Ils et elles auraient pu opter pour d’autres destinations que notre petit territoire rural et d’autres envies. Je parle d’un espoir qui, pour se projeter dans le futur, s’invite sur les traces d’un lointain passé encore mystérieux. Degemer mat, bienvenue à Motten Morvan.

Vue aérienne de Motten Morvan à Saint-Aignan, Morbihan, Bretagne

Flashback

En 2005, j’ai acheté une vieille ferme à l’abandon. J’étais sous le charme du cadre naturel dans lequel ce beau bâti paysan se niche dans un écrin de verdure au bord d’un ruisseau qui porte le nom du hameau : le Corboulo. Plus que par ces vieilles pierres, j’étais fascinée par l’ambiance sauvage et poétique d’un site hérité d’une lointaine époque, un paradis terrestre fondu dans ce qu’en ont fait les arbres, la faune et la flore. En quelque sorte, le temps s’est arrêté à Motten Morvan.

Quel beau cliché que celui pris cette année par un voisin du site, Fabrice Charlot, qui rêvait petit de devenir archéologue.

Je ne savais rien de la butte. C’est ainsi que les gens d’ici appellent traditionnellement Motten Morvan. J’ai aussi entendu cette expression dont j’aime à penser qu’elle a traversé les siècles : le château ruiné. C’était dans la bouche d’un vieux Monsieur Quenecan venu lors d’une porte ouverte pour partager cet endroit magnifique avec les habitants, les tenir informés de l’avancement de nos projets associatifs.

Quenecan ! Autre nom chargé d’une histoire locale qui ne s’apprend pas dans les manuels scolaires. Celui d’une vaste forêt dont une petite partie est aujourd’hui une réserve biologique intégrale de 113 hectares en bordure du lac de Guerledan. On voit bien cette imposante butte de Malvran dans le paysage panoramique qu’offre Motten Morvan.

Quenecan, c’est aussi le nom de l’écluse du Canal de Nantes, à Brest, en contrebas du site archéologique, comme une réminiscence d’anciennes frontières, d’anciens ponts qui étaient à la fois des points de contrôle stratégiques et des péages, traces toujours visibles sur nos cartes actuelles de règles liées au pouvoir de seigneuries bretonnes.

Voici en image, grâce à France 3 Bretagne et à l’INA, le lieu dont je vous parle et où j’ai pu accueillir tant de publics depuis 2009 sans dénaturer ni le site, ni les raisons affectives pour lesquelles j’en suis devenue propriétaire. Si je n’avais pas pris de décision pour empêcher que Motten Morvan ne soit vendu par petits morceaux, empêchant toute possibilité de redonner son rang à ce château ruiné et au jardin du Monsieur, nom donné par l’ancienne propriétaire à la parcelle où se déroule la fouille 2021, il n’y aurait pas d’histoire à raconter, pas de jeunes pour en écrire la suite.

Le pari de la jeunesse, le défi de la Recherche

Je ne savais rien de la butte. J’ai donc fait appel à une jeune chercheuse, doctorante originaire de Picardie. Lucie Jeanneret a commencé son travail de thèse à Motten Morvan en 2009. Elle a décroché son doctorat en janvier 2016. Ce fut un très agréable compagnonnage et l’opportunité de sortir un pan de notre histoire locale tombé dans l’oubli.

Reconstitution en 3D de Motten Morvan à partir des relevés topographiques réalisés durant l’hiver 2009-2010 – Crédit : Lucie Jeanneret, docteur en archéologie médiévale

L’hypothèse scientifique alors avancée est que le site dont j’avais fait l’acquisition en 2005 est une motte castrale du 12e siècle, les documents répertoriés ne permettant pas de la rattacher à une seigneurie. Lucie évoque une construction en terre imposante qui aurait été rapidement abandonnée. Pourquoi ? Mystère.

En 2010, une première demande d’autorisation de fouilles auprès du Service régional de l’Archeologie est refusée. Pendant 10 ans, l’association Timilin, qui gère les projets d’action culturelle liés à la réhabilitation de Motten Morvan, communique donc sur la base des connaissances produites pour sa thèse par Lucie Jeanneret.

Par chance, un autre jeune chercheur originaire de Leers, à la frontière belge, s’intéresse à nos actions. Victorien Leman intègre l’association Timilin en tant que volontaire en service civique grâce au financement régional d’un concept que j’ai mis sur pied en 2011, déçue de ne pas pouvoir valoriser le potentiel archéologique de Motten Morvan : « Bienvenue dans mon labo grandeur nature ».

Fin de chantier 2020 à Motten Morvan. Sans ces deux là, rien n’aurait été possible et pourtant quelle rencontre improbable grâce à la Bretagne entre l’archéologue et le chamelier somalien. Liban Douale, bénévole de Timilin ayant obtenu depuis le statut de réfugié, a fait le choix comme Victorien Leman de rester vivre dans la région de Pontivy.

En 2020, Victorien, devenu Docteur en Histoire et Civilisations, obtient la précieuse autorisation du SRA, recrute une équipe de fouilleurs bénévoles et… Bingo, Motten Morvan nous récompense de notre persévérance ! En deux semaines de chantier, nous voilà projetés non plus au 12e mais au 8e siècle. Tout ça grâce à une datation très précise au carbone 14 et au mobilier archéologique trouvé dans une ancienne habitation de l’époque carolingienne.

Évidemment, ça change tout, au moins pour les amoureux du patrimoine et de la riche histoire de Bretagne.

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Victorien Leman avait lui aussi échafaudé des hypothèses pour expliquer la présence de Motten Morvan dans notre paysage. Les journaux ont repris ces informations, somme toute fiables, au regard de ce que nous croyions savoir sur ce site millénaire remarquable.

Le 11 juillet 2020, Ouest-France publiait ceci :

« Des fouilles archéologiques ont été menées sur le site de la motte castrale de Corboulo, à Saint-Aignan, du 15 au 27 juin 2020. D’après les premiers résultats, elle daterait du XIIe siècle et du conflit entre les Rohan et le roi d’Angleterre. »

Des légendes locales lui attribuent le doux nom de Motten Morvan. Mais aucun texte ne mentionne son existence. Seule l’archéologie pouvait permettre de comprendre le passé de la motte castrale de Corboulo, à Saint-Aignan.

Ouest-France, 11/07/2020

Quelques jours plus tard, Victorien reçoit un courrier des USA. Il a sous les yeux les résultats des analyses des échantillons de charbon trouvés dans deux des trois sondages qui avaient mobilisés l’énergie d’une dizaine de jeunes bénévoles. Je suis en direct avec lui, au téléphone. Certes, ce n’est pas équivalent au jour où vous apprenez que vous allez devenir Maman, mais tout de même, j’étais heureuse de vivre ce suspense qui a duré le temps de plusieurs relectures du courrier. Victorien avait du mal à réaliser et à s’y retrouver. Les américains ne calibrent pas le temps à partir de la naissance du Christ, mais à rebours à partir du présent.

Faites l’exercice avec 1200 ans. Dans un sens, ça donne une datation du 13e siècle, nous sommes dans la guerre de Cent ans. A rebours, vous voilà au Haut Moyen-âge avec les Vikings, les francs et les bretons qui cohabitent plus ou moins paisiblement.

Je vous laisse imaginer la joie, l’émotion, la complicité que Victorien et moi avons partagées ce jour-là. Inoubliable ! Et vous pouvez aussi, si j’ai su vous donner l’envie de creuser, consulter le rapport de fouilles de Victorien, téléchargeable, court et digeste, en attendant celui de l’été 2021.

Un an plus tard…

Nous voilà en juillet 2021. Le spectre de la pandémie plane toujours avec une promesse de 4e vague. Une nouvelle équipe de fouilleurs bénévoles est dans la place depuis le 5 et travaille sans relâche par tous les temps, car le périmètre archéologique à étudier est bien plus grand. Le 31, il faudra reboucher. C’est pourquoi Victorien aurait pu fouiller encore plus d’espace et qu’il ne l’a pas fait. Dès le 1er jour, il est tombé sur ce qu’il cherchait : de nouvelles traces d’habitat et d’occupation.

Chistr per veut dire cidre de poire en breton. Motten Morvan se situe à la limite Nord du Morbihan. L’implantation d’une forteresse à cet endroit précis est lié à la géologie et à la géographie. Rien ne dit que l’occupation de ce promontoire ne soit pas encore plus ancienne que ce que nous en savons grâce aux fouilles en cours.

Cette année, je ne participe pas aux fouilles mais j’aime me rendre sur le site pour voir comment le travail minutieux des uns et des autres progresse. J’ai conscience des efforts, de la patience, de la cohésion au sein du groupe et de la concentration personnelle que cela suppose pour ne pas passer à côté d’une information, aussi partielle soit-elle : un tesson de poterie, un mors ou un fer à cheval, un élément surprenant qui s’avère être du mortier, preuve que les occupants ont soigné le sol de leur habitat.

J’imagine Victorien au travail toute la journée. Il supervise, conseille, encourage ses troupes. Dans un cahier, il note scrupuleusement, strate par strate, ce que la fouille révèle au grand jour. Ce n’est pas simple. Il y a beaucoup à consigner, pour la science, pour les archéologues de demain. Lors d’une de mes visites, il prend encore le temps de me faire un topo. J’aime l’écouter et tenter de comprendre ce que je vois.

De volontaire militant à plus jeune maire du département

Pour la petite comme pour la grande histoire, il faut savoir aussi que Victorien est devenu maire entre temps, le plus jeune maire du Morbihan, et que cette nouvelle charge occupe désormais une bonne partie de son agenda. Autant dire que si le SRA avait jugé bon de nous refuser à nouveau l’autorisation de fouiller en 2020, ce n’est pas seulement dix ans de retard pris sur nos objectifs qu’il faudrait acter, mais une « éternité ».

Or, et 2021 est là pour le confirmer, c’est d’abord le potentiel archéologique de Motten Morvan qui nous permet d’attirer des jeunes de tous horizons, de tous milieux sociaux en Centre Bretagne, y compris des bretons qui méconnaissent leur région, ses langues et son histoire.

J’aime moi aussi sentir la présence passée de ces hommes, de ces femmes, qui ont vécu là au 8e siècle. Peut-être que nous ne saurons jamais rien, ou si peu, de leur quotidien. Mais leur héritage est bien réel. Il nous appartient de le faire vivre, de le partager, de le promouvoir.

Julie Periane
Julie Periane, fouilleuse bénévole bretonne, voulait revenir cet été. Elle est toujours bloquée en Écosse à cause de la pandémie.

Un savoir qui nous est directement accessible en revanche serait de s’intéresser à ces jeunes adultes qui préfèrent gratter la terre pendant presqu’un mois, au risque d’être déçus et trempés jusqu’aux os, plutôt que se connecter aux vacances de type tong, plage et crustacés. Surtout en Bretagne où le littoral est toujours aussi prisé par les touristes. Mystère !

Partager le savoir

D’autres jeunes ont rejoint les bénévoles sélectionnés parmi 450 candidatures. Gros succès ! Ils et elles ont entre 11 et 14 ans. Ce camp Nature et patrimoine encadré par trois animatrices et deux animateurs permet d’accueillir le tout premier bivouac à Motten Morvan. Un vieux rêve.

Un rêve parce que je trouve essentiel qu’une vie s’installe dans cet endroit magique, même par intermittence. Un rêve parce qu’il n’y a pas de plus belle façon d’enraciner dans la tête d’un adolescent des sensations fortes, un appétit de connaissance, que lui permettre de vivre une expérience rare dans un cadre préservé, à l’abris du tumulte de l’époque contemporaine.

Pour en savoir plus sur ces jeunes arrivés de Liffré en Centre-Bretagne le samedi 17 juillet

Partager le savoir, c’est aussi se lancer enfin dans l’aventure d’un festival. Les 3 et 4 juillet, nous avons donc organisé grâce à l’appui précieux de bénévoles la première édition de « Paysages, rencontres poétiques de Motten Morvan » et deux concerts.

Près du ruisseau du Corboulo, nous avons mêlé nos voix, nos textes, nos désirs, au chant mélodieux des oiseaux, les vrais rois de ce petit paradis perdu entre la Manche et l’océan Atlantique. C’était simple, sobre, émouvant et très beau.

En 2022, l’association fêtera ses 20 ans. Nous inaugurerons pour l’occasion un circuit d’interprétation en français et en breton, pour promouvoir tous les savoirs mobilisés et ce qui reste avant tout une belle aventure humaine. Grâce à ce nouveau projet, l’association Timilin fait partie des 21 premiers lauréats de l’appel à projet de la Région Bretagne « S’engager collectivement pour le patrimoine ».

B comme Bonus

Voici au choix des archives sonores :

Portrait d’une jeune fouilleuse bénévole, Julie Periane dans Femmes de caractères

Victorien Leman et Anne-Marie Fourteau (SRA) témoignent en amont du chantier 2020

Reportage d’Ophélie Trouchard pendant les fouilles de 2020

Mon témoignage sur France Inter dans Carnets de campagne, septembre 2019

Présentation par Victorien Leman du chantier de fouilles 2021

Ma présentation du festival « Paysages »

Article publié par Réseau Bretagne Solidaire


Huit femmes et tout un monde

Lancée le 22 janvier 2020, l’émission sur Radio Bro Gwened « Femmes de caractères » permet de faire entendre des voix qui livrent de façon spontanée une part d’intime. J’ai déjà partagé sur Plan B quatorze podcasts, considérant que ces paroles de femmes de tous horizons ont chacune le pouvoir de nous toucher, de nous émouvoir, d’éclairer nos propres questionnements, d’inviter à poursuivre une riche exploration rarement partagée de cette façon.

A l’occasion du 8 mars, Gael Le Du, directeur de radio associative avec qui je vis ces rencontres hebdomadaires, a puisé dans la matière sonore pour proposer sa propre sélection d’extraits de Femmes de caractères et le résultat est bluffant de justesse.

Oser la parole

Après une première interruption liée au confinement il y a un an, l’émission hebdomadaire a repris en septembre avant d’être à nouveau suspendue provisoirement.
J’ai pu enregistrer deux podcasts en amont du 8 mars. Joie ! D’autres ont enrichi la série. J’aimerais à cette occasion revisiter avec vous quelques unes de ces rencontres qui ont marqué ces huit derniers mois. Parmi quatorze nouveaux autoportraits, difficile de n’en retenir que huit, mais l’exercice a son intérêt.

A vous de choisir votre mag du mardi 100% inspirant ! Et pourquoi pas vous adonner, comme Gael Le Du, à un petit exercice sympa de montage.

En quête de soi

Libre à vous d’aller fouiller dans cette bibliothèque sonore inédite, qui s’enrichit joyeusement d’histoires très personnelles, pour dénicher vos propres trouvailles, trouver ce qui fait écho à votre parcours singulier de femme, ou d’homme.

Comme une boîte de Pandore ou un jeu de piste, chaque émission vous plongera à travers des références musicales et littéraires, dans des univers qui ont inscrit leur empreinte dans ces tranches de vie. S’il y a un point commun entre toutes ces femmes, c’est leur engagement, le sens qu’elles donnent à leur trajectoire.

Rencontrée grâce à Femmes de caractères et à l’une de nos passions commune, Elodie Arnault ici en Mauritanie est devenue une amie.

La marque de fabrique de cette proposition radiophonique, d’où son succès, est l’originalité. Chaque émission explore l’unicité d’une parole de femme avec un ton délibérément emprunté à la conversation. Rien n’est préparé, tout s’improvise dans l’instant. Je ne connais pas la plupart de celles qui se prêtent au jeu.

Je demande seulement en amont à l’invitée de choisir trois morceaux de musiques, deux textes dont elle est l’auteure, et de nous parler d’une femme inspirante.

Peu importe l’âge, l’origine, le profil, l’expérience et les références à partager sur notre antenne, toutes me surprennent et je n’en attends pas moins d’elles.
Avec « Femmes de caractères », je cultive un lâcher prise sincère, généreux. L’écoute bienveillante est pour moi la première forme d’intelligence. Je goûte avec délectation la rareté de ce qui se partage dans l’intensité d’une rencontre.

Portraits de femmes inspirantes

J’ai rencontré Elodie Arrault chez elle grâce au No Mad Festival 2020. Cette sportive de haut niveau vient de rentrer d’une expédition en Mauritanie. Elle prépare un long périple en caravane de Dakar à Djibouti.

En février, Elodie est partie pour un mois dans le désert en Mauritanie avec une expédition conduite par l’archéologue Thierry Ghabidine Tillet. Dans ses bagages de retour, 15 000 photos et déjà l’envie de repartir au Sahara.

Pour une rencontre régionale Africa 2020 que j’ai organisée sur le thème Image, Cinéma, Média, Elodie m’a envoyé cette courte vidéo tournée après une longue marche aux abords de l’œil du Sahara, à la recherche d’un trésor : une cargaison abandonnée par une caravane du XIe ou XIIe siècle.

Elodie Arrault, l’exploratrice

Stefanie Theobald vit à Mellionnec.

Stefanie Theobald, la comédienne

Aurélia Boudaliez vit à Rohan.


Aurélia Boudaliez, la photographe

Gene vit à Plumeliau.

Geneviève Quéré, la paysanne

Yuna s’est formée à l’IUT de Lannion.

Yuna Cojean, la journaliste

Amandine dirige une batucada à Neulliac.

Amandine Dubois, la facilitatrice

Montse est élue à Rennes et Rennes Métropole.

Montse Montserrat, la citoyenne du monde

Je suis aussi passée dans l’émission. Merci RBG !

L’intervieweuse curieuse

Mes prochaines invitées sont Ariane Vitalis d’Avignon et Anouk Bertaux de Pau, deux jeunes femmes étonnantes découvertes en m’interessant à deux actualités artistiques en RDC dans la région des Grands lacs.

C’est ainsi que les récits s’entrecroisent comme des fils sur une trame dessinant des motifs que j’archive précieusement sur la toile. Avec au passage une programmation musicale dont j’aurais été bien incapable !

Un des morceaux choisis par Anouk Bertaux, 30eme invitée de Femmes de caractères.

A bientôt pour d’autres aussi beaux rendez-vous…


Africa 2020 : lancement réussi en Bretagne

Une première rencontre régionale Africa 2020 a eu lieu vendredi 22 janvier au rectorat de Rennes. La thématique « Musique et rythmes » avait été choisie pour ce lancement officiel. Deux projets régionaux ont fait l’objet d’une présentation dynamique et collective diffusée en ligne : Sahara Drask Eskemm et la Caravane Sitala. Rendez-vous inédit en terre bretonne !

Dans ce billet, je vous parle de Fodé, 19 ans, originaire de Conakry, seul lycéen breton présent sur notre plateau Média, d’un instant magique avec Yohann Le Ferrand, musicien (presque) africain comme son nom l’indique, invité pour la circonstance. J’écris surtout pour dire la richesse et l’originalité de ces échanges partagés en direct grâce aux nouvelles technologies. Que ferions-nous sans elles pour résister et créer en pleine pandémie !

Mais la vraie question n’est pas technologique, elle renvoie aux fondamentaux de l’action collective, locale, régionale, internationale : la culture du dialogue, l’apprentissage de la coopération, l’expertise partagée, le niveau de détermination à braver les obstacles, à travailler dans la durée.

Un mondoblogeur tchadien était connecté quelque part au Cameroun. Abdoulaye Abdelkadre nous fait part en fin d’article de ses impressions sur ce premier rendez-vous. Merci à lui d’être intervenu lors de cette session. Nous préparons avec le même enthousiasme trois autres rencontres régionales mensuelles portant sur d’autres thématiques, d’autres projets pédagogiques inspirants.

Avec Radio Bro Gwened et le Cinéma Rex de Pontivy, nous accueillons en février le temps fort dédié à l’image, au cinéma et aux médias programmé par le rectorat. J’y ai convié des intervenant.e.s qui sauront susciter votre curiosité. Abdelkadre en fait partie. Actuellement en formation, il nous parlera de son souhait de lutter contre les fake news et les propos haineux sur les réseaux. Mais pour l’heure, j’envoie la musique. En piste !

Invité pour illustrer l’esprit de Sahara Drask Eskemm, Yohann Le Ferrand a fait forte impression avec un morceau hommage aux rythmes du désert. Avec son projet YEKO, ce musicien breton a toute sa place dans la Saison Africa 2020

L’Afrique s’invite en Bretagne

Les multiples reports depuis le printemps 2020, liés au contexte sanitaire, aurait pu stopper net l’élan fédérateur espéré avant même de pouvoir vraiment l’enclencher. Ponctuée de documents audiovisuels, la session organisée le 22 janvier a permis de rappeler le cadre général de la Saison Africa 2020. Elle a aussi permis d’informer le grand public des quinze projets bretons labellisés. Ces projets servent de points d’appui à l’ambition d’une démarche collaborative mise en œuvre à l’échelle régionale depuis des mois.

Manuel de Lima, chef du service Europe et relations internationales, Académie de Rennes
Expérience de dossier bouclé, mis à la poubelle lors du changement de mandature en 2014 : Zeidi Ag Baba, bassiste de Tadalat, avec son tuteur agréé par France Volontaires, Étienne Callac, devait intégrer le conservatoire de Pontivy (programme « Réciprocité »). Africa 2020 permet d’expérimenter des partenariats plus fiables, plus prometteurs, de changer d’échelle. Accepter l’échec reste un paramètre de l’équation – Crédit photo F.Ramel

S’engager pour la culture et l’éducation

Militante culturelle et pédagogue engagée de longue date dans des projets de coopération, j’ai consacré à Africa 2020 une bonne partie de mon énergie bénévole depuis plus d’un an. L’intuition initiale s’est enracinée avec le premier confinement dans une intention affirmée. Ne laisser aucune prise au sentiment d’impuissance devant le marasme subi de plein fouet par les artistes et tous les métiers du spectacle vivant.

Agir et réagir sont des postures qui nous définissent comme choisir ou subir. Ne pas renoncer, ne pas renâcler devant l’ampleur de la tâche, devant les obstacles, nous construit.

Après une longue campagne municipale, mon agenda s’est allégé subitement le soir du 28 juin, comme en mars 2014. Le scrutin me privant de toute responsabilité élective, j’avais à nouveau le champ libre. Sauf que cette fois …

Ni regret, ni frustration à digérer, mais aussi aucune possibilité de prendre le large, frontières fermées, horizon bouché, plus aucune langue de sable à perte de vue au bout du goudron !

Nous découvrions ensemble un autre monde : celui de la visio et des concerts en mode facebook Live.

Août 2017, je suis au pied de la scène au Festival des Chants de marin à Paimpol avant de rejoindre les musiciens de Tinariwen dans leur loge avec mon ami forgeron de Tombouctou, Attaher Cissé Crédit photo F.Ramel
Sans festivals, les artistes sont privés de public, de mobilité. La situation sanitaire compromet gravement l’émergence de nouveaux talents. Tinariwen à Paimpol – Crédit photo F. Ramel

Associer de jeunes artistes, une volonté assumée

Cette Saison Africa 2020 en Bretagne, nous l’avons donc porté à bout de bras, avec les seuls volontaires, construite pas à pas, sans nous soucier des structures culturelles qui ont leur propre programme, avec des artistes africains triés sur le volet.

Avril 2018, j’arrive à l’entrée d’Agadez avec 3 jeunes artistes urbains de la Caravane culturelle pour la paix de Sahel Hip Hop Festival dont j’assure la co-direction. Crédit photo F. Ramel

Coopérer, ici et là-bas : l’école de la confiance

Nous avons tenu bon, mis en place des réunions hebdomadaires en visioconférence depuis octobre pour favoriser l’interconnaissance, arrêter la définition d’une méthode et d’une vision commune. Et ça a marché !

Car avant de prétendre coopérer avec des interlocuteurs africains vivant d’autres réalités dans leur pays, avec des organisations, des postures, des références culturelles si différentes des nôtres, mieux vaut déjà essayer d’apprendre à coopérer entre nous et du mieux possible.

La joie était perceptible lors de ce lancement régional Africa 2020 du seul fait d’être en phase avec la manière de procéder, loin de tout formalisme ou emballage académique. L’ambiance sur ce plateau média était vraiment ce que j’en attendais : conviviale, spontanée et chaleureuse. Bref, enfin, nous faisions connaissance !

Souplesse, solidarité, mutualisation

Danseur de Jeunesse Production Chaghat rencontré à Agadez, Fête de la Concorde, avril 2018 Crédit photo F. Ramel.
Avec Sahara Drask Eskemm, nous travaillons avec de jeunes artistes et des classes, en lien avec le Maroc, le Mali, le Niger

La Saison Africa 2020 invite à miser sur la rencontre, l’exploration et le partage de savoirs. Cela implique de susciter l’envie de s’intéresser aux points de vue des africain.e.s sur leur propre continent, leur propre Histoire, passée et contemporaine. Les internautes ont pu assister en direct à nos échanges. Ils l’ont vérifié par eux-mêmes, les portes sont grandes ouvertes. Chacun.e peut encore s’associer à telle ou telle action, promouvoir un projet de coopération avec le continent africain, expérimenter voire créer un dispositif ou une ressource pédagogique.

Diversifier les propositions pédagogiques

L’idée de présenter sur ce plateau média deux approches inspirantes et complémentaires témoigne du travail de fond réalisé en amont. Avec la Caravane Sitala, il est question d’un projet itinérant enraciné dans 20 ans d’expérience de coopération avec le Burkina Faso. Basé sur un engagement associatif fort, il allie réflexion citoyenne et pratiques artistiques avec la possibilité de faire participer un grand nombre d’élèves sur une même séquence, sous forme d’ateliers. Cette initiative interculturelle bien rodée par l’équipe de Sitala, en France et au Burkina, s’appuie sur les valeurs de l’éducation populaire, du Théâtre de l’Opprimé, de l’animation.

Avec Sahara Drask Eskemm, « être libre et le rester », il s’agit de se projeter à l’international sur une aventure humaine et artistique à construire de toutes pièces, à partir de vécus très divers, de trajectoires nomades. C’est typiquement l’expression d’une utopie réaliste à géométrie variable fondée sur l’approche participative. Nous sollicitons l’expertise de chaque composante sans qu’une tête pensante ne fixe au préalable les règles, la direction à suivre. Ce projet n’ambitionne pas comme résultat un produit pédagogique clé en main, parmi une multitude d’autres propositions dont sont submergés les enseignants. Il promeut au contraire la capacité d’action, l’innovation pédagogique, dans un contexte sanitaire qui réduit fortement les marges de manoeuvre des établissements.

Nuit noire à M’hamid el Ghislane, complicité de deux amis d’enfance se retrouvant au Festival international des Nomades.
A gauche, le militaire, une des rares voies pour gagner sa vie, à droite le musicien – Mars 2016, crédit photo F.Ramel

20 000 enfants, le pari fou de Sitala

Benoit Laurent, créateur de l’association Sitala, a présenté un projet déjà bien construit, exemplaire sur son bilan comme sur sa durée. L’envie du moment est de mieux faire connaître Sitala, de tirer les leçons d’une histoire ayant permis de créer trois emplois temps plein au Burkina Faso et trois temps plein dans le Morbihan. Le succès de l’initiative a permis d’équiper un bus de tournée, de former des jeunes burkinabés à l’animation. A l’arrivée, un chiffre époustouflant dont je suis très admirative : plus de 20 000 enfants ont bénéficié de l’apport de ces deux belles associations solidaires, profondément humanistes dans leurs démarches. Sitala, c’est aussi la leçon d’une belle amitié.

J’ai eu la chance de m’entretenir avec Mamadou Coulibaly, co-fondateur de Sitala, lors de son récent séjour en Bretagne. J’étais tout ouïe. Voici le lien de l’interview.

Il n’y a pas d’éducation sans culture.

Mamadou Coulibaly, Burkina Faso

Argumenter, convaincre face aux logiques administratives

Mais Benoit Laurent a aussi expliqué comment cette approche volontairement axée sur le lien social, le dialogue entre les cultures, l’éducation à la paix, se heurte à des critères définissant strictement le champ des arts et de la culture en France.
Chez nos amis africains, la notion de statut de l’artiste n’est pas encore entrée dans les mœurs, à quelques exceptions près. L’artiste est sollicité comme un médiateur social, soit par tradition, à l’image du griot, soit du fait de commandes publiques pour lutter par exemple contre divers fléaux : Sida, Ebola, Covid.

Pour que le travail de Sitala puisse au bout de 20 ans de démonstration probante espérer enfin une reconnaissance sur son volet artistique, il lui a été conseillé de prendre une autre appellation. Comme si le sens même de l’engagement de ces musiciens pouvait se satisfaire d’une distinction purement administrative ! Où se situe donc la frontière entre ce qui relève de l’effort de création, et ce qui répond à l’enjeu d’éducation, de transmission, de proximité ?

Le sourire de Fodé

Outre une jeune équipe technique affairée et une responsable du service presse, j’ai rencontré lors de la présentation Fode Kaba Tunkara, jeune guinéen de Conakry en Terminale Gestion-Administration au lycée professionnel de Coetlogon, à Rennes.

Fode, 19 ans, connaît le Sahara pour l’avoir traversé en tant que migrant mineur. Il est parti de Conakry et a rejoint la Libye par le Mali, puis l’Algérie. Crédit photo F. Ramel

Trois enseignantes impliquées dans Sahara Drask Eskemm l’accompagnaient et représentaient également les autres lycéens dont Fode est le porte-parole.
A l’issue du lancement, une enseignante me confie sa surprise et son émotion.

Je ne l’ai jamais vu sourire comme ça.

Véronique Marjou, enseignante en Gestion-Administration

Le Sahara, la route des migrants

Après son bac, Fode envisage de poursuivre des études de droit. Une responsabilité de coordination et d’animateur au sein de l’équipe internationale qui compose Sahara Drask Eskemm conforte sa prédisposition à l’engagement, à la prise de décision.

J’ai trouvé Fode très naturel et nullement intimidé, alors qu’il y avait de quoi. Il s’est gentiment prêté au jeu d’un shooting express avant de nous dire au revoir.

Je ne saurai sans doute jamais quelle partie de son âme a été plus particulièrement touchée quand nos échanges ont laissé place à l’artiste que j’avais convié à ce lancement institutionnel, Yohann Le Ferrand.

Est-ce que Fode a eu la sensation de retrouver son Afrique natale le temps d’un morceau Live ? Oui, c’est certain. Mais où ? Avec quelles émotions associées à ses souvenirs, à ses racines, aux êtres absents, famille, amis ou compagnons d’infortune en exil ?

Parmi les thématiques abordées en classe à Dinan et Rennes, des élèves ont choisi de s’intéresser à la route des migrants grâce au témoignage de Fode. C’est cela, l’enjeu éducatif qui nous réunit : ne rien imposer, laisser ces jeunes prendre leur direction et leur envol. Pour que ce projet Africa 2020 soit vraiment le leur. C’est à cette seule condition qu’ils et elles pourront se confronter, ensemble, à l’action culturelle, à la coopération, à la production d’un savoir partagé.

Yeko, la façon de voir de Yohann Le Ferrand

Je n’imaginais pas un lancement régional sans la présence d’un artiste, porteur d’un regard et d’une expérience, faisant écho à l’ambition inscrite dans l’ADN de Sahara Drask Eskemm.

Ni Drask, ni Tarwa N-Tiniri bloqué à Ouarzazate, ne pouvaient venir partager en live la motivation de ces douze jeunes musiciens prêts depuis un an à se rencontrer, à créer ensemble.

C’est vrai, j’ai du flair et je suis toujours à l’affût de ce qui fait sens. Mais là j’avoue que retomber (presque par hasard) sur Yohann Le Ferrand grâce à un post sur Facebook, c’était inattendu et surtout tellement à propos. J’y vois un vrai signe d’encouragement du destin.

La rencontre en ligne Africa 2020 du 22 janvier a permis de partager une histoire émouvante, à travers le premier clip de la série Yeko en hommage à une artiste disparue peu de temps après le lancement par Yohann Le Ferrand de son projet au Mali.

Khaira Arby, de Tombouctou, est une figure emblématique des voix du Sahara. Savoir qu’un artiste breton contribue avec talent à sa mémoire et au rayonnement de son parcours de femme du désert auprès de publics qui ne la connaissent pas témoigne de l’importance de notre projet Africa 2020.

Les fusions culturelles de « Y E K O », entre ma terre natale et l’Afrique de l’Ouest, se créent naturellement. Les thèmes abordés au travers de chaque chanson sont emprunts du quotidien de l’artiste invité.e à chanter sur mes compositions. Beaucoup de talents n’ont pas accès à l’enregistrement ou aux capacités de production et développements inhérents au monde de la musique aujourd’hui. Nos rencontres se nourrissent de l’énergie de cultures ancestrales tout en s’inscrivant dans le registre des musiques actuelles.

Yohann Le Ferrand, guitariste

Le prochain clip de Yeko sera mis en ligne bientôt, avec au chant Tina Salimata Traoré. Je ne vous en dis pas plus, sinon que ce morceau magnifique, « Dunia », et la voix de Tina sont d’une grande douceur. J’accueille ce duo dans ma prochaine émission Blablazik. Je suis déjà très émue d’annoncer ainsi la sortie de l’album de Yohann Le Ferrand prévue pour mars.

Sahara Drask Eskemm veut être cet espace d’échange, de rencontre, où de beaux projets comme Yeko, existant ou à venir, trouveront une résonance, une diffusion originale jusqu’au cœur des établissements scolaires.

« Notre religion n’a jamais interdit la musique. Le Prophète a été accueilli avec des chansons lorsqu’il est arrivé à la Mecque. Nous couper la musique, c’est comme nous empêcher de respirer. Mais on continue à lutter, et ça va aller, inch’Allah. »

Khaira Arby

Prochains rendez-vous Africa 2020

Plutôt que vous inciter à nous rejoindre pour profiter des apports multiples que nous partageons en ligne chaque mois, je préfère publier ici le témoignage que Adbelkadre Abdoulaye, mondoblogueur, m’a envoyé.

En tant que jeune africain passionné de culture, j’ai aimé l’initiative Saison Africa 2020 depuis son lancement. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le maintien de l’événement malgré la crise sanitaire qui a impacté tous les secteurs. En participant à la présentation des différents projets notamment la Caravane Sitala et à l’échange avec les différents acteurs qui s’en est suivi, j’ai découvert des talents inouïs, des véritables ambassadeurs des cultures africaines.

À travers cette initiative  » Saison Africa 2020″, les jeunes talents sont dénichés, mis sous les projecteurs, un atout pour lancer leur future carrière internationale. C’est une occasion pour tout jeune qui n’a pas la chance d’être accompagné pour ses projets d’avoir une visibilité et d’être soutenu.

Ces rendez-vous Africa 2020 en Bretagne permettent aux africains de la diaspora de renouer avec la culture de leur continent, mais ils nous offrent aussi, à nous qui sommes ici en Afrique, de découvrir les cultures que nous méconnaissons aussi. Africa 2020 est une invitation au brassage.

B comme Bonus

Je vous recommande cet entretien, surtout si vous êtes musicien.ne, réalisé par mon voisin à Saint-Aignan, Heikki Bourgault, guitariste breton que j’ai la chance de voir plus souvent sur scène que Yohann Le Ferrand. Vous trouverez en conclusion d’article une référence à Ali Farka Touré.

Khaira Arby dans son élément, sur scène, avec son public. Elle restera à jamais une pionnière dans un pays qui peut être fier du rayonnement international dont il bénéficie grâce aux artistes.

Témoignage à Tombouctou pendant le Festival au désert, archive à transmettre à toutes les femmes pour évoquer la notion d’émancipation, pas toujours conciliable avec le mariage, que ce soit un choix imposé par nos représentations sociales ou quand un père vous marie à 16 ans et vous interdit de vivre votre passion, de répondre à l’appel puissant de la musique.



Ousmane Sy : aujourd’hui, le contemporain, c’est nous

Le 30 juin 2018, je me suis rendue au village de Saint-Antoine en Lanrivain (Bretagne) pour le festival Lieux mouvants. Je souhaitais rencontrer Ousmane Sy et voir en avant-première sa nouvelle création : Queen Blood, un spectacle dont il sera question pendant la Saison Africa 2020.

Un créateur est celui qui sent avant tout le monde ce dont ont besoin nos imaginaires dans un monde en mutation, où ce qu’il convient de reconstruire sont nos valeurs et de nouveaux cadres de référence.

Une vie consacrée à la danse, une philosophie des corps en mouvement

Ce danseur talentueux allait prendre la direction du Musée de la Danse à Rennes en janvier 2019 et investir d’intéressants univers chorégraphiques. Comme il le fait avec cette troupe Hip hop 100% féminine : Paradox-Sal. Je ne voulais pas manquer cette chance unique de l’approcher plus facilement qu’à Paris. C’est là que je l’avais repéré grâce à la programmation du Festival Danse élargie.

« Paradox-sal est un concentré de women’s power composé de danseuses aux parcours variés, tant dans leurs expériences artistiques que culturelles. Ousmane Sy, véritable ambassadeur de l’afro-house, a rassemblé ces danseuses de styles divers. Le vocabulaire des danses africaines se mélange subtilement avec le langage de la house dance. Etendards culturels et artistiques de la jeunesse plurielle hexagonale, Paradox-sal représentent LA french touch féminine du moment« , pouvait-on lire dans le programme de Lieux mouvants.

Elles sont puissantes, elles sont femmes, elles rayonnent. Il y a une joie entre elles, une espèce de chose que je trouve très politique, cette espèce de force.

Séverine Chavrier, jury, Danse élargie 2018

Queen Blood est au programme de la Saison Africa 2020. La disparition subite d’Ousmane Sy à 40 ans le dimanche 27 décembre 2020 est une bien triste nouvelle. Pour le monde du spectacle vivant, mais aussi pour nous qui aimons cette Bretagne qui ose soutenir la création, bousculer les codes. Il n’aura pas eu le temps de porter à son sommet l’ambition qui l’animait avec le collectif Fair[e], en tant que responsable du Centre national chorégraphique de Rennes et de Bretagne.

La beauté de Danse élargie, c’est le croisement des mondes. Si ce n’est pas à Danse élargie, il y a plein de propositions que je n’aurais pas vues ou que je n’irais pas voir. Y a pas mal de choses qui m’ont interpellé, notamment j’ai beaucoup aimé le travail sur le clitoris. Je ne m’attendais pas à ça.

Ousmane Sy, Danse élargie 2018, le film
Ousmane-Sy

Une émotion largement partagée depuis dimanche

C’est vraiment une année moche, infiniment moche. J’avais croisé Ousmane à plusieurs reprises depuis son arrivée en Bretagne. J’y avais contribué avec d’autres, dont mon ami Benoît Careil, maire-adjoint de Rennes.

Jean-Michel Le Boulanger, 1er Vice-Président, Région Bretagne

Un pied dans le club, l’autre dans le battle : c’est entre ces espaces d’expression qu’Ousmane Sy revendique son appartenance à la House. Jusqu’à en devenir un des ambassadeurs majeurs en France. En créant l’« Afro House Spirit », il s’intéresse à ce que la rythmique House porte d’histoires croisées et de filiations afro-descendantes.

A chaque rencontre, il m’avait impressionné et il m’avait séduit. Voilà quelqu’un qui n’était pas étouffé par son égo. Une grande modestie, une réserve, comme une timidité. Et puis la conversation s’ouvrait, et l’on découvrait un univers, une culture, une philosophie, des références multiples et une grande curiosité. Un monde. Un appétit. Aucun tape à l’oeil. Juste une grande humanité.

Jean-Michel Le Boulanger, 1er Vice-Président, Région Bretagne

«One Music for every Dance, one House for every Culture» 

Je retranscris ici pour tous les amoureux de la danse l’échange que j’ai eu avec Ousmane Sy, dans une grange à Saint-Antoine. La journée avait été particulièrement chaude et nous trainions à la fraiche un soir de Coupe du monde, histoire de ne pas rompre trop vite le charme de ces instants de culture au milieu d’une prairie semée de blocs de granit, en plein air.

J’avais auparavant réalisé l’interview d’une danseuse kényane que je vous recommande d’écouter également, pour mieux comprendre les coulisses de ce métier exigeant et par la même occasion le travail qu’a accompli Ousmane Sy en choisissant d’y consacrer toute son énergie et sa créativité.

Quant à Ousmane Sy, créateur du concept All 4 House, il était là en face de moi, grand, souriant, à l’écoute. J’avais attendu la mi-temps pour lui permettre de suivre tranquillement son match ! En écrivant cet article, je découvre que même le foot inspirait son regard de chorégraphe.

Ousmane Sy, l’interview

PB : Vous êtes à Lanrivain avec une équipe internationale féminine, alors on ne parle pas de foot-ball mais de danse, d’accord ?

O.S : Exactement, une équipe gracieuse, vraiment passionnée et talentueuse, à mon goût. J’y vois la prolongation de ce qu’on appelle le All 4 House, une musique pour toutes les danses.

PB : Vous avez participé les 16 et 17 juin à une compétition internationale et Queen Blood est revenu de Paris avec un 3ème prix et le prix de l’équipe Technique qui renforcent le rayonnement de votre travail actuel. Une surprise ?

O.S : C’est clair que ça nous sort de notre zone de confort, nous ne sommes pas habitués à nous produire dans ce type d’événement. Que le jury Technique ait apprécié cet extrait de Queen Blood, ça me fait chaud au coeur. Ce sont des pros qui voient énormément de spectacles dans l’année, de toute nature. Ca veut dire que nous pouvons toucher tous les publics et aussi ceux qui font que les spectacles brillent. Je ne m’attendais pas non plus à ce 3ème prix. Être différent, c’est sûrement cela qui a joué, c’est ce sur quoi je mise dans mon travail de chorégraphe.

PB : Ces danseuses viennent de très loin pour pouvoir vivre leur passion chez nous avec l’espoir de percer à l’international. Chacune évolue dans un style et des références qui lui sont propres. Comment s’est faite la rencontre entre l’Australie, l’Afrique, l’Amérique et vous, Ousmane ?

Nadiah-Idris_Ousmane-Sy
Nadiah Idris est australienne. Cette jeune artiste m’a bouleversée par son énergie, son charisme, comme si elle avait surgi d’une autre planète. Ousmane Sy a su réunir les meilleures.

O.S : J’ai une réputation internationale dans mon domaine, la House Dance. Comme pour le skate board, chacun cherche à performer et à affiner un maximum sa technique. La France est l’un des pays le plus côté dans le monde pour le Hip Hop, c’est normal de venir y tenter sa chance quand on cherche à exceller dans cette discipline, au niveau scénique, technique, et dans le style « battle ».

PB : Vous apportez à ces jeunes femmes la possibilité de se produire, d’apprendre à travailler ensemble et quoi d’autre ?

O.S : Je leur transmets ma connaissance de la technique, de la danse que je pratique, tout en respectant leurs individualités et en les mettant au service d’un groupe. Car à la base, c’est un groupe, pas une compagnie. Ces filles se connaissent, dansent ensemble ailleurs que sur les scènes. Elles peuvent se retrouver dans des compétitions, dans des défilés, des expos, à la TV, en plein d’endroits différents, toujours en respectant ce concept All 4 House.

PB : Tu as surtout dansé avec des hommes. Qu’est ce que cela t’apporte de travailler avec des femmes ?

O.S : Oui, j’ai essentiellement dansé avec des hommes, ce que cela apporte, c’est un échange. Elles ont une perception de la danse différente de la mienne. Comme je cherche à modeler, ou plutôt à faire du sur-mesure, je suis obligé de comprendre dans leur psychologie, dans leur attente, dans leurs faiblesses, ce que je peux leur apporter en plus, sans m’accaparer la personne en tant que telle. Dans cet échange-là, j’apprends autant que je donne. C’est ce qui m’intéresse en fait.

PB : Tu les sens motivées, elles sont prêtes à te suivre. Est-ce que ça t’aide à te remettre en question, à réfléchir aux orientations que pourrait prendre le Hip hop dans l’évolution du langage chorégraphique ?

O.S : Ca m’amuse en fait. Car dans le Hip hop, on ne se pose pas la question du regard de l’homme ou de la femme, même si de l’extérieur on parle souvent de machisme, ou ce genre de chose. Ce qui importe, la seule question à se poser, c’est la qualité de celui ou celle qui danse. Souvent j’ai eu à faire avec des petites remarques, ça me fait rigoler et c’est pour ça que j’en parle. « C’est un groupe de filles, mais c’est un homme qui est derrière ». Qu’est-ce que ça veut dire?

Ce sont des clichés que j’ai envie de casser, au niveau des institutions qui ont une vision contemporaine et classique, parce que ça vient de là. Aujourd’hui, le contemporain, c’est nous. Quand j’avais 7 ans, la lutte qui s’est mise en place avec la danse contemporaine, c’est la même que celle qui m’anime avec les danseurs Hip hop et House. Le fait qu’on essaie de se mettre dans le temps, de faire comprendre les choses, c’est exactement la même démarche que d’autres ont eu il y a 20 ans.

J’ai la chance de pouvoir danser. J’espère être une motivation, peut-être pas un exemple, mais je veux montrer que c’est possible pour que le regard des gens change avec ceux qui arrivent après moi.

PB : Tu vas bientôt diriger avec le Collectif Fair[e] le Musée de la Danse à Rennes. Quel message aimerais-tu passer pour nous inciter à venir te voir ?

O.S : Le Musée de la Danse, c’est une scène nationale que Boris Charmatz a vraiment développé à son image, à ses couleurs. Franchement, respect pour le travail qu’il a pu faire. On va s’inscrire dans la continuité. On ne va pas chercher à casser les codes. Ce que je peux dire, c’est que ce ne sera pas forcément comme avant. C’est toujours bien de tenter la surprise. Si ce sera mieux ou pire, je ne sais pas, mais ce sera nous. Faudra venir voir et avant de porter tel ou tel jugement, laissez-vous porter par la curiosité plutôt que par des a priori.

L’héritage laissé par Ousmane Sy vivra

Traversé pendant une décennie par le geste artistique impulsé par Boris Charmatz, le C.C.N.R.B sous le nom du Musée de la danse, tel un manifeste, a su offrir au secteur chorégraphique une utopie poétique et politique. Le collectif Fair[e] en charge de sa direction, désormais sans Ousmane Sy, saura faire vivre l’esprit d’ouverture et d’engagement qu’il a su impulser en Bretagne et sur toutes les scènes.

De nombreux hommages vont être rendus à cet artiste français d’origine malienne déja entré dans l’Histoire de la Danse par la seule puissance de ses convictions, sa personnalité et son sens aïgu de la transmission. La dynamique collective que nous portons en Bretagne depuis plus d’un an dans le cadre de la Saison Africa 2020 sera un vecteur utile pour continuer l’oeuvre d’Ousmane Sy.

Salut Baba, si ça n’avait pas été toi, je ne serais pas allée à Lanrivain ce jour-là !

Oui, 2020 est une année moche, vraiment moche.

Ousmane SY à Rio avec Manu Dibango
JO de Rio, août 2016, Ousmane Sy et Manu Dibango posent devant l’objectif avec des danseuses de Paradox-Sal. Tous deux nous ont quittés en 2020.

B comme Bonus

Je vous recommande ce portrait de Ousmane Sy, alias Babson ou Baba pour ses ami.e.s.

https://www.danseaujourdhui.fr/ousmane-baba-sy-regard-posture-portrait-de-choregraphe/

Début janvier, vous trouverez ici mon interview diffusée en podcast par Radio Bro Gwened, partenaire officiel de la Saison Africa 2020.

Je vous souhaite un bon passage entre 2020 et 2021 avec l’envie de vous faire découvrir une autre planète.

Pour contacter la compagnie Paradox-Sal, c’est ICI.