Le carnet de voyage de Dadji

par Elodie Arrault

Bamako, dimanche 18 décembre 2022

En juin 2020, j’ai participé à l’émission Femmes de caractères à l’invitation de Françoise Ramel. Aujourd’hui, c’est tout naturellement que je vous propose de partager sur Plan B quelques instants choisis d’un périple de plus de 8000 kilomètres à travers le continent africain.

La semaine dernière, je suis arrivée à Bamako à vélo, après avoir séjourné et pédalé en Mauritanie, puis au Sénégal. Tout va bien, l’expérience dépasse mes espérances.

Pour comprendre ma démarche et découvrir ce qui m’a poussée à préparer ce long voyage pendant plusieurs années, je vous invite à prendre le temps de lire cette interview signée Laetitia Santos. Françoise et moi l’avions rencontrée sur un évenement qu’elle organise à Cergy-Pontoise chaque année avec toute une équipe, No Mad Festival.

« Ce voyage, c’est ma contribution pour la Terre »

Interview publiée le 21 novembre 2022

« La majorité du voyage se fera à pied mais j’ai démarré à vélo par exemple. Je me suis trouvé un vélo d’occasion : il y a quand même certains tronçons qui ont un peu moins d’intérêt et où j’ai envie d’aller un peu plus vite, certains passages de frontière également… Et puis ce vélo, je peux très bien le mettre sur une charrette, sur le dos d’un dromadaire ou d’une pirogue. Il y aura peut-être quelques moments de bus partagés aussi. N’oublions pas que nous sommes au Sahel et que je ne veux pas non plus me mettre inutilement en insécurité : je ne compte pas être la terreur du Ministère des Affaires Étrangères ! (rires) »

Extrait de l’interview signée Laëtitia Santos

Tableau dessiné en Live pendant la présentation d’un projet en lien la Grande muraille verte par des étudiants de 1ère année en école d’ingénieurs à Angers, ville jumelée avec Bamako

Du Sénégal à Djibouti, des jeunes mobilisés

par Elodie Arrault

Bamako, dimanche 15 janvier 2023

Je vous adresse à vous, lecteurs, lectrices de ce carnet de voyage « Dadji », ainsi qu’à toute la planète, mes meilleurs vœux. Parmi toutes les rencontres que j’archive pendant mon périple sur le continent africain, en voici une, afin de bien démarrer l’année 2023.

Carnet de voyage Dadji
Photo souvenir de la visite de la Caravane verte des jeunes fin décembre au campement, où je suis arrivée à vélo une petite dizaine de jours plus tôt. La Grande muraille verte est un trait d’union entre les peuples, entre les générations, entre les nations.

Pour poser le décor, je vous invite à écouter attentivement ce texte splendide écrit par Al Fàruq. Ce long poème slamé me touche beaucoup. L’artiste promis à un bel avenir qui en est l’auteur est décédé au Sénégal en octobre 2020. Il n’avait que 25 ans.

Demain j’irai reboiser ma forêt pour espérer qu’un jour mon fils puisse courir dans les ruelles de la Casamance et se réfugier au coeur de la forêt.

Petit homme parmi d’immenses arbres.

Al Fàruq (Abdourahmane Dabo)

Vous comprendrez en vous plongeant dans ce titre pourquoi je me sens privilégiée d’avoir pu accueillir à Bamako une caravane internationale de jeunes africains qui contribuent par leur engagement à la sensibilisation des populations autour du projet « La grande muraille verte. »

Dadji - Elodie Arrault avec une jeune malienne
Avec une jeune inconnue, malienne

Pour Plan B, j’ai demandé à l’un des jeunes arrivé en bus au campement où les officiels attendaient la caravane de témoigner. Il s’appelle Sani Ayouba. Il vient du Niger.

36 jeunes représentant les États membres de l’initiative nationale de la Grande Muraille Verte, à savoir, la Mauritanie, le Sénégal, le Mali, le Niger, le Soudan, le Nigeria, le Burkina Faso, l’Ethiopie et Djibouti, ont pu participer à cette caravane de cinq jours partie le 20 décembre de Mauritanie.

Vidéo enregistrée à Bamako avec Sani Ayouba pour partager cette rencontre sur Plan B

Vous avez dit « toulou-keur » ?

De son côté, mon amie Françoise a rencontré le 30 novembre à Nantes sept étudiants en 1ère année d’Ecole d’ingénieur qui ont participé à une expérience de coopération originale au Sénégal. Ces jeunes viennent de pays et de continents différents. C’est Brice Adams de Nouvelle-Calédonie qui présente la démarche qui les a amené à travailler pendant plus de 10 jours avec de jeunes sénégalais à la création d’un toulou-keur.

30 novembre, Nantes, 7 étudiants de plusieurs continents et océans présentent leur projet de coopération et de solidarité internationale au Sénégal devant un public averti et leur enseignante à l’ISTOM, docteure en écologie.
Interview de Brice Adams, Nouvelle-Calédonie, par Françoise Ramel

J’aimerais apprendre un maximum d’expérience de projets de développement et ramener ce savoir sur mon île, la Nouvelle Calédonie.

Brice Adams, élève-ingénieur en 1ère année à l’istom, angers

J’aime l’idée que toutes ces initiatives convergent vers un même but avec l’énergie de différentes générations, sur la base de modèles culturels qui ne se ressemblent pas nécessairement.

Chaque prise de conscience de l’urgence à penser des solutions à l’échelle locale pour développer la souveraineté alimentaire de populations fragiles avec leur implication directe, préserver plus efficacement les sols et la ressource en eau des conséquences du dérèglement climatique, est une victoire contre le fatalisme et la désertification.

Au Burkina, encore de si belles rencontres

par Elodie Arrault

Dimanche 29 janvier, Bobo-Dioulasso

Il faudra que je revienne sur Plan B pour vous partager d’autres rencontres marquantes faites au Mali, mais le temps passe vraiment trop vite et chaque jour me réserve son lot de surprises. La première d’entre elles fut de rencontrer par le plus grand des hasards, à peine arrivée au Burkina Faso, un développeur culturel à l’origine de la création d’une association qui oeuvre en en Bretagne, Sitala Lillin’Ba.

Rencontre de hasard Dadji Burkina
Ma rencontre avec le créateur de Sitala, son homologue basé en Bretagne s’appelle Benoit Laurent. Par leur amitié et leur engagement, ensemble ils ont permis de former un grand nombre de jeunes, de faire monter des milliers d’enfants sur les planches depuis plus de 20 ans, sur deux continents. Sitala, c’est aussi plusieurs emplois créés grâce à la coopération, à la solidarité, à l’interculturel.

Je vous invite à écouter l’interview de Mamadou Coulibaly faite pour la Saison Africa 2020 par mon amie Françoise Ramel. Rien ne nous prédestinait à cette rencontre, surtout pas après une très longue nuit de voyage dans le bus avec lequel j’ai réussi à passer la frontière sans encombre.

Voici ce que je partageais sur les réseaux de cette expérience le 19 janvier.

Une bière pour assouplir l’atmosphère aux alentours de la gare routière. Départ 20h00 pile de Bamako avec Diarra transports. D’après sa trajectoire le bus va emprunter la route de Segou, que je rêvais de visiter. Ce sera un passage de nuit 🙂 Il s’arrête ensuite à Koutiala, ville jumelée à… Alençon ! Ici le chauffeur dort un peu pour repartir aux aurores.

Nous approchons du poste de la frontière, toujours côté Mali à Koury. Quand on franchit une frontière terrestre, il faut « sortir » officiellement d’un pays avant d’entrer dans l’autre. Il faut les 2 autorisations. Dans le bus les papiers d’identité de chaque passager ont été collectés, et de l’argent pour ceux qui n’en ont pas ( de papiers ). 7000 fcfa en moyenne, selon la discussion.

Me concernant, l’agent du bus a également essayé de me soutirer de l’argent, je pense qu’il ne savait pas lire mon passeport. « La route n’est pas sûre tu le sais » « Oui mais là tu parles de papiers en règle et le mien l’est avec le visa ». « Bon d’accord mais si le policier réclame quelque chose tu ne négocies pas ». « Ok». Et il me tend un pagne emprunté à une femme du bus pour que je le porte avec mon chèche sur la tête. Histoire de me fondre dans le décor en cas d’incursion hostile.

Le jour se lève dehors, le bus s’arrête et tout le monde doit descendre. Les deux groupes sont formés, avec et sans papiers. Je suis mise à part et le policier me dit « qu’est-ce que tu viens foutre ici » « bonjour » est ma réponse. Il me questionne un peu sur l’objet de ma visite, pourquoi je ne prends pas l’avion, et abdique quand je lui dis que je suis venue jusqu’à Bamako en vélo.

Les allées pour circuler sont délimitées par de grands bacs à sable, hauteur d’homme pour se protéger de tirs, et embouteillées par les poules avec leur progéniture. Je peux passer de l’autre côté. On remonte tous dans le bus. Deuxième arrêt un peu plus loin, je pense qu’on est au Burkina. Les groupes se forment rapidement et tout se passe vite, sans encombre. Je ne suis pas mal traitée.

Troisième arrêt, je réalise en vérifiant mon gps que nous arrivons seulement au poste d’entrée du Burkina à Faramana. Même scénario mais cette fois je suis reçue dans un bâtiment à l’arrière, cachée une fois assise, face à un gendarme. Charmant. « Soyez la bienvenue. Je comprends en voyant votre déguisement que vous êtes au courant de la situation. Ils ont attaqué la route hier, tiré pour effrayer et détruit une antenne Orange. Que Dieu vous accompagne. Mettez vous au fond du bus, ne sortez aucun papiers si on vous en réclame, ne paniquez pas. Cachez encore mieux vos cheveux. Prenez mon numéro Whatsapp ».

Le Lieutenant Ouedraogo est calme et prévenant. Il répète à nouveau « que Dieu vous accompagne » (et l’écrira également sur Whatsapp). Cette fois on est passé. Mais 50 mètres plus loin tous les hommes ( autant dire 95% du bus) sont sommés de descendre à nouveau. J’en profite pour rendre le pagne à la com-pagne.

Je vais tenter maintenant de changer ma carte SIM avec ma boucle d’oreille. Dehors le soleil tape déjà à 9h, le bus repart et je peux regarder la brousse en soulevant le rideau du bus. Le rose poudre du Guiéra Senegalensis m’apaise. Il me semble ainsi que le Mali se prolonge. De sommeils en réveils, car il faut 5 ou 6 fois sortir et montrer ses papiers aux différents postes de police, le trajet finit par aboutir. Bobo sans bobo.

Elodie Arrault
Mamadou Coulibaly, Sitala, rencontre Dadji
Mamadou Coulibaly Crédit photo Elodie Arrault

“Vous ne pouvez pas accomplir des changements fondamentaux sans une certaine dose de folie. Dans ce cas précis, cela vient de l’anticonformisme, du courage de tourner le dos aux vieilles formules, du courage d’inventer le futur.”

Thomas Sankara

Je reçois plein de messages de toutes sortes, tous me touchent. Je perçois l’inquiétude bien sûr, mais aussi toute l’importance de pouvoir envoyer d’autres impressions sur des réalités locales que les informations qui parviennent via la presse mondiale à l’opinion publique qu’elle soit européenne ou africaine.

Alors ce soir, plutôt que partager avec des mots ma chance d’être ici, si bien accueillie par nos amis burkinabés, je veux partager mon émotion avec des photos prises cette semaine.

Commentaires

Jean-François Lagrot
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Beaucoup de plaisir à lire tes aventures... Beaucoup de souvenirs personnels qui remontent à la surface aussi! Régale toi bien, et bravo...