#FreeRokia, la vague de colère

Article : #FreeRokia, la vague de colère
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#FreeRokia, la vague de colère

Vous êtes nombreux et nombreuses sur les réseaux sociaux à exprimer votre soutien à Rokia Traoré, immense artiste franco-malienne, actuellement en prison sur le sol français.

Pour comprendre le pourquoi du comment de cette incarcération dans la plus grande prison d’Europe, Fleury-Mérogis, je vous invite à lire l’article publié en cette fin de journée par Le Monde Afrique, signé Maryline Baumard, rédactrice en chef du service.

Rokia ne s’alimente plus

Rokia Traoré a commencé une grève de la faim. Voici ce qu’elle consignait hier dans une lettre, dont j’ai pris connaissance grâce à un post de Vincent Zanetti, journaliste musical à la Radio Télévision Suisse, après avoir été alertée par RFI.

« Fleury Mérogis, le 13 Mars 2020
Madame Rokiatou Traoré
Auteure en Théâtre et Musique
Compositrice en Musique
Directrice de divers projets artistiques
Fondatrice de la fondation culturelle Fondation Passerelle au Mali
Consultante-Conseillère auprès des Autorités culturelles Malienne en mission diplomatique
lors de son arrestation à Paris

Déclaration de grève de la faim

Mes droits en tant que femme, honnête citoyenne malienne et française, travailleuse en charge totale de deux enfants, et les droits de mes enfants sont violés à plusieurs niveaux par la Belgique et par la France en vertu de la loi du Mandat d’Arrêt Européen.
Nous vivons au vingt et unième siècle dans un monde ou l’égalité des hommes et femmes de toutes les Nations et de toutes les couleurs n’est plus qu’un rêve pour certains mais une réalité à réclamer pour tous.
J’ai entamé une grève de la faim le mardi 10 mars 2020 à partir de 6H30 du matin afin que me soit accordé un procès équitable en Belgique et pour que le mandat d’arrêt européen ne soit pas injustement appliqué.
Bien que la France ne puisse pas s’impliquer dans le fond d’un mandat d’arrêt Européen émis par la Belgique, elle peut facilement constater par deux faits révélateurs au niveau d’institutions représentant la France au Mali, ma présence avec mes enfants au Mali depuis 2015 et donc l’impossibilité que je puisse avoir quitté un domicile prétendu commun à Bruxelles en enlevant un enfant en 2019 alors que je vis avec mes enfants et de manière signalée aux autorités depuis au moins 2015.
1°) Mon inscription dans les registres du consulat de France à Bamako depuis 2015 en tant que Malienne de nationalité française résidant à Bamako.
2°) La fréquentation sans interruption par mon fils de 14 ans en Mai 2020 depuis septembre 2016 au Lycée Français de Bamako.
Par le fait que le consulat de France à Bamako soit au courant de ma présence au Mali depuis 2015 et que le Lycée français atteste de la fréquentation sans interruption de cet établissement par mon fils depuis 2016, la France ne peut nier ‘’ L’impossibilité que je puisse avoir eu un domicile à Bruxelles duquel j’aurais enlevé ma fille de 4 ans subitement en 2019 ‘’
Il est évident que je ne peux avoir vécu sur deux continents en même temps.
Il n’y a aucune trace de scolarisation de mes enfants en Belgique entre 2015 et 2019.
Je n’ai pas accepté la décision de la justice Belge qui méprise totalement mes droits et ceux de mes enfants.
J’ai par ailleurs fait appel de cette décision.
Le fait que je protège ma fille, dont la justice malienne m’accorde la garde exclusive par un jugement contradictoirement rendu, en ne l’amenant pas à un père qu’elle a vu régulièrement jusqu’en mars 2019, qui porte plainte en avril 2019 après que l’enfant ait affirmé avoir subi des gestes d’attouchements de lui me rend coupable de non représentation d’enfants.

Cette qualification pénale, qui devrait être d’interprétation stricte en toutes circonstances et qui ne figure pas parmi les motifs valables a priori pour émettre un mandat d’arrêt européen a été transformée en séquestration, prise d’otage et enlèvement pour permettre l’émission que je conteste de toute mon âme.
Par ailleurs, j’ai été arrêtée en sortie d’avion par six policiers auxquels j’ai tout de suite présenté mon passeport diplomatique Malien et mon Ordre de mission de l’Etat Malien me procurant l’immunité diplomatique.
Le juge qui a ordonné ma mise en détention à la prison de Fleury Mérogis m’a affirmé qu’une immunité diplomatique Malienne ne serait pas valable en Europe.
L’avocat général, elle avait affirmé n’avoir remarqué ni passeport diplomatique, ni ordre de mission dans mon dossier.
Le policier à l’aéroport de Roissy m’avait indiqué que l’avocat général lui a dit n’avoir « rien à faire de mon immunité diplomatique »
Une femme peut aller jusqu’à la mort pour protéger ses enfants, mais elle ne prendra pas le risque de ne pouvoir être à leur côté, ne pouvoir les nourrir, les protéger, les accompagner, les élever alors que sans aucun appui ni contribution d’aucun des pères elle est seule en charge de la totalité de leurs frais et leur éducation au quotidien.
Jamais je n’ai quitté mes enfants pour autre raison que le travail qui me permet de leur offrir une vie convenable.
Si ma seule volonté, en parlant des affirmations de ma fille expliquant des gestes d’attouchements à son père était de sortir ce dernier de sa vie de manière déraisonnable et si inconsciente, j’aurais évité à présent le risque d’aller en prison pour plusieurs années, ne plus être avec mes enfants de 14 ans et 5 ans, ne plus pouvoir les élever pendant ce temps et détruire ma carrière professionnelle.
ROKIA TRAORE
N° écrou : 456567″

En 2016, Rokia Traoré m’avait accordé une interview pour Unidivers en amont d’un concert à Saint-Malo. J’étais un peu fébrile, impressionnée par le parcours de cette femme exceptionnelle. Mais je me suis rapidement sentie à l’aise, osant aborder tous les sujets qui m’intéressaient. Je garde le souvenir d’une riche et agréable discussion. J’entends encore le babillement de la petite fille qui jouait non loin du téléphone.

Vous pouvez écouter Vincent Zanetti présenter Rokia Traoré, souligner « sa carrière exemplaire résolument originale », dans une belle émission (15 mai 2019) intitulée « Rokia Traoré : du rôle de la culture dans le règlement de la crise malienne ». Vous entendrez l’artiste témoigner de la situation du Mali, où elle a décidé de vivre, alors que d’autres choix s’offrent à elle.

Le flot de mes larmes s’emballe, ardente est ma peine, mais dans mes veines d’afro-progressiste, le sang bambara chargé d’espoir brûle. A contre jour mon hardiesse persiste, à contre courant mes convictions résistent, je crois en la sagesse et l’intégrité, l’assurance, la dignité et l’humilité, grandissante dans le coeur de tes enfants par la justesse de leurs actes, par leur union et leur constance, connivence et respect mutuel, ils te soulageront des maux qui te rongent. Je t’aime, Afrique. Afrique, je t’aime.

Rokia Traore, Extrait de « Beautiful Africa », 2013

Flashback avec Plan B sur le concert de Rokia Traoré à Saint-Malo ⬇️

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