C’est pas que j’m’ennuie #1

Surtout ne pas craquer. Rester aussi droite dans mes chaussons que possible. Ne pas lorgner sur mon peignoir comme l’ennemi du jour à abattre. Ne pas voir non plus comme des traîtres à la patrie tous ces gestes du quotidien qui ne se sont pas mis en place de façon automatique et solidaire pour améliorer mon cadre de confinement. Se dire que le terme « qualité de confinement » est vraiment aussi moche que les carreaux que je me promets de laver chaque matin avant que le soleil se confine lui aussi.

Aimer le mot pernicieux comme un fruit trop mûr qui goutte sur mes doigts, sur mon menton (oh non, mon peignoir !), quand je lui déclare ma flamme. La météo, tiens, est pernicieuse. Il pleut en Bretagne depuis des mois (envie de dire « des années » et ce ne serait pas vraiment mentir).

Or, comme par enchantement, le jour où l’on me dit aimablement « trêve de discussion, plus de tergiversation, que neni, que neni, y a urgence, là, reste chez toi« , il se met à faire beau, à faire beau, et encore à faire beau, comme c’est pas permis!

Non, c’est pas que j’m’ennuie.

J’ai même un choix énorme de passe-temps à bien y regarder, certains plus culpabilisants que d’autres, soit parce que je m’y mets, soit au contraire parce que je ne saisis pas cette occasion rêvée de m’y mettre.

Si nous pouvions faire de la balançoire en accrochant simplement nos paradoxes aux branches d’un arbre séculaire réchappé de l’urbanisation, de la mécanisation, cela nous donnerait au moins à observer de jolis ballets improvisés vus du ciel au lieu de s’extasier sur des architectures et des bandes asphaltées comme nous y invite le New York Times. Le journal publie une série de photos pour immortaliser l’effet spectaculaire du confinement. Eh, regardez, y a personne !

Si nous sommes confinés pour plusieurs semaines encore, ce qui semble être le scénario le plus probable, nous allons pouvoir prendre soin de nous et de la planète, ce que ne font ni nos économies, ni les politiques qui servent de faire-valoir à des intérêts confinés depuis des décennies entre les mains de quelques-uns.

Qu’un virus agressif et aveugle rappelle ces décideurs à d’autres considérations en matière de priorité et d’urgence, nous met tous et toutes en galère certes, à commencer par les plus fragiles, les plus démunis, mais révèle aussi que d’autres forces peuvent, du jour au lendemain, bouleverser les règles établies, et mettre à égalité en brouillant les codes, ordre et désordre.

Non, c’est pas que j’m’ennuie.

Entre ordre et désordre, mon cœur balance.

Et sur ma balançoire, je convoque tous les plaisirs à mon souffle suspendus.

Alison Krauss est une de mes chanteuses fétiches. J’ai toujours l’impression de pouvoir compter sur cette voix en toute circonstance
S’il est un endroit sur la terre où j’ai goûté le bonheur du temps suspendu, c’est bien à M’hamid el Ghizlane
Souvenir d’Agadez, avril 2018, caravane culturelle pour la Paix
O temps, suspends ton vol, mais pas trop ! Crédit photo Françoise Ramel

B comme bonus

https://www.nytimes.com/interactive/2020/03/23/world/coronavirus-great-empty.html

Recyclage d’un graffiti à Hong Kong “We can’t return to normal, because the normal that we had was precisely the problem. »
C’est une des questions qui animent les réseaux, entre posts humoristiques et témoignages (info-intox?) de malades touchés par le Covid-19. Et après ?
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Commentaires

Emmanuelle Gunaratne
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Chère Françoise, merci! Toujours un plaisir de te lire!! (Emmanuelle - Dakar 2017)

fanchon
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Un grand merci Emmanuelle. Dakar 2015. Bientôt 5 ans en décembre et des souvenirs toujours aussi présents dans ma vie. Heureuse de t’avoir rencontrée grâce à Mondoblog. Au plaisir de reprendre contact et de m'intéresser à tes beaux projets.