La musique qui accompagne le premier discours de Joe Biden

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La musique qui accompagne le premier discours de Joe Biden

Pendant quatre jours, nous sommes restés suspendus sur le fil de l’Histoire, redoutant pour ma part comme beaucoup d’autres la victoire de Donald Trump, président américain sortant. 70 millions d’américain.e.s voulaient le voir rester à la Maison blanche. Plutôt que de m’inspirer de l’actualité, j’ai voulu m’intéresser à la bande son du premier discours du 46e président américain.

Magnifique travail de l’image et du corps, signé par l’australien Throttle, grand classique américain inspiré de l’écrivain breton Jack Kerouac

Hit the road « nasty man »

Cette nuit, un vent d’espoir a gonflé de nouveau la bannière étoilée des USA, après une campagne qui a déchiré les deux camps, démocrate et républicain. L’heure est à l’apaisement, au rassemblement, au respect du résultat d’un scrutin sans appel, tant la victoire du binôme Biden / Harris est nette.

Mais la tâche du nouveau président américain et de son équipe à la Maison Blanche s’annonce ardue dès janvier 2021.

Avec 70 millions de voix, Donald Trump est le président sortant qui enregistre le meilleur score dans l’histoire des élections américaines.

Les caricaturistes le dessinent sous toutes les coutures, notamment comme un perdant peu désireux de s’en aller pour laisser la place à son adversaire. Il n’a toujours pas reconnu sa défaite et félicité Joe Biden.

Merci à Cartooning for Peace de nous donner accès au regard des caricaturistes du continent africain, comme ici avec Zapiro, Afrique du Sud

La (re)conquête de l’Ouest

Et pourtant, malgré ce plébiscite pro Trump alarmant, que retiendra l’Histoire du mandat de ce milliardaire affairiste devenu président américain en 2016, sinon cette faculté d’user du langage comme d’un crachat ?

« Quand la saleté sur cet homme retombera sur lui, que personne ne se préoccupera de ses tweets, il sera enfin obsolète pour toujours »

Joan Baez, « Nasty man », avril 2017

Peut-être oublierons-nous sous l’effet du zapping permanent jusqu’aux réponses en chanson qui ont émaillé ses frasques, ses raccourcis, entre injure et imposture.

C’est aussi cela l’Amérique, à la fois un terreau fertile pour tous les populismes, et de sublimes voix pour porter les arguments de la résistance, du courage de dire non à la violence, sous toutes ses formes.

« Nasty Man » de Joan Baez fait référence à l’expression « nasty woman » utilisée par Donald Trump contre Hillary Clinton en octobre 2016 lors d’un débat présidentiel.

« Such a nasty woman », que l’on peut traduire en « une femme tellement méchante / désagréable » avait rapidement été repris par les Américains pour lui opposer sa misogynie.

« Oui, j’ai eu peur de ce long dépouillement des votes, non parce que les USA sont une grande puissance et mériteraient plus d’égards que d’autres nations, mais parce que toute grande élection est un message envoyé par un peuple à ses propres gouvernants, et par voie de conséquence aux autres peuples, aux autres États qui les conduisent vers l’avenir ou la faillite. »

Fanchon

Plutôt que de m’inspirer des communiqués repris dans toute la presse mondiale aujourd’hui, ou partager une analyse de ce choix qui n’appartient qu’aux seuls ressortissants ayant exprimé leur volonté par un vote, j’ai voulu m’intéresser à la bande son du premier discours du 46e président américain.

Ce que nous dit la chanson

En 1954, Boris Vian signe une autre lettre devenue célèbre : Le Déserteur

Tout commence par un concert de klaxon. Oui, c’est cela aussi l’Amérique, l’art du drive-in, pandémie oblige. Puis surgit la voix rocailleuse du grand Bruce Springsteen, artiste indissociable de cette grande nation multiculturelle, de ses rendez-vous historiques.

Qui n’a pas dans la tête un air de l’album « Born in the USA », sorti en 1984 et récompensé par un Grammy Awards cette même année ? La génération actuelle peut-être, vous qui avez 20 ans en 2020 ?

Si tu connais cette pochette d’album, c’est que tu as connu mieux que le XXIeme siècle, veinard, veinarde, sans connaître le pire du XXe

Cette élection opposant deux visons, deux conceptions de la destinée collective de tout un peuple, permet de démentir celles et ceux qui croyaient impossible l’accession d’une femme, d’une afro-américaine qui plus est, au poste de vice-présidente des USA. C’est une des rares bonnes nouvelles de cette année noire.

Kamala Harris, l’autre présidente

Kamala Harris / crédit photo : Wikimedia commons

Noire, Kamala l’est aussi. Elle est surtout encore jeune et porteuse d’espoir. Elle incarne symboliquement ce constat lucide, et pour le moins regrettable : si la démocratie n’offre pas la possibilité de tels parcours, de telles batailles pour l’émancipation, alors ce n’est pas vraiment la démocratie qui s’exerce. Seulement la victoire de schémas de pensées discriminatoires et passéistes sur l’utopie d’un monde capable de tirer partie de la diversité culturelle pour nous assurer un avenir meilleur.

En fin de discours, la voix de Joe Biden laisse entendre celle de Tina Turner, autre grande figure de l’histoire musicale mondiale, autre symbole fort d’émancipation et de persévérance. Spéciale dédicace à Kamala !

Je veux voir le monde de cette façon !

You’re simply the best

Le 26 novembre 2020, Tina Turner fêtera ses 81 ans. Bruce Springsteen a franchi le cap des 71 printemps en septembre. Leurs chansons, leurs tubes planétaires ont bercé mon adolescence. Ils ont forgé à leur façon celle dont je voulais voir le monde avec le peu de compréhension que j’en avais, à travers l’école, mes discussions, les progrès de la science et des droits humains, retransmis en couleur depuis quelques années déjà à la télévision.

Ces notes d’intro très rock de We care of our own, 2012, dans l’album Wrecking ball, ont accompagné l’entrée triomphale de Joe Biden. Well done, welcome Mister Président !

Oui, je l’avoue, je ne voulais pas voir Donald Trump sortir vainqueur de cette bataille présidentielle. J’ai suivi ce dépouillement avec intérêt, non pas parce que les USA sont une grande puissance et mériteraient plus d’égards qu’une autre nation, mais parce que toute grande élection est un message envoyé par un peuple à ses gouvernants, et par voie de conséquence aux autres peuples, aux États dont ils dépendent et qui les mènent vers un avenir désirable ou la faillite.

Du sens du langage et de l’engagement

Entendre les mots « empathie », « coopération », « rassemblement », « guérison », dans le discours d’un président américain tout juste élu sur fond de polémique entretenue par un candidat qui déteste perdre, qui le dit haut et fort, c’est déjà un message différent qu’il me plaît de relayer sur plan B.

J’ai aimé aussi, plutôt que des poncifs sur l’éducation auxquels nous sommes tristement habitués en France, la façon dont Joe Biden s’est adressé directement aux éducateurs, aux éducatrices de son pays.

Puisque j’évoque ici la BO de cette soirée historique et que la notion de respect a tant fait défaut à celui qui doit faire ses bagages d’ici janvier, je laisse la conclusion de ce billet à une autre grande artiste américaine, Aretha Franklin. Je vous invite au passage à découvrir l’histoire de cette chanson dans une courte vidéo de France Télévision.

R.E.S.P.E.C.T

Je fais confiance à Kamala Harris pour faire aussi fort qu’Aretha et lui rendre hommage par ses actes, par son audace. La vice présidente des USA et moi avions 3 ans en 1967, quand le titre phare de sa carrière devient un hymne mondial à la liberté. Musique !

J’ai finalement opté pour ce titre plutôt que pour « Respect ». Ce live et cette femme, sur scène comme dans la chanson, sont un monument, une invitation à vivre pleinement tout ce qui fait sens dans nos choix, pourvu que nous, offensées par l’attitude d’un Trump ou de n’importe quel autre goujat, nous affirmions simplement, fermement, solidairement : nous sommes des êtres libres.

B comme Bonus.

Suivre une élection aussi importante pour des millions d’americain.e.s, c’est aussi s’intéresser à de jeunes talents plutôt que zapper d’un média à l’autre jusqu’à saturation.

Je vous recommande les articles de Fabien Dabert, sur L’internaute, auteur en 2012 d’un ouvrage de 188 pages intitulé « Emergence de la nouvelle philosophie sur la scène médiatique française », paru aux Éditions universitaires européennes.

Fabien Dabert
Journaliste à L’Internaute, Fabien Dabert s’est d’abord formé en Bretagne.

« Formé à Sciences-Po Rennes, à l’EHESS, mais aussi dans plusieurs rédactions, j’ai développé un certain plaisir à traiter l’info générale et politique. Ancien de la rubrique culture de Linternaute.com, j’ai un peu délaissé le cinéma et la littérature pour la politique. »

Fabien Dabert

Je vous recommande aussi bien sûr de découvrir les publications qu’a suscité cette victoire au sein de la communauté francophone Mondoblog.

Voici un exemple hilarant, si la situation n’était pas si grave, signé par l’excellent Ecclésiaste Deudjui, camerounologue. J’adore !

Pour vous intéresser à Jim Watson, c’est .

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