Archéologie, art, avenir et dolce vita en Calabre

La Calabre est une région méridionale qui compte nombre de châteaux et des paysages magnifiques. Une résidence d’artiste vient de se terminer au Château de Squillace à l’initiative de l’association In-ruins. Le projet international vise à accueillir de jeunes talents déjà repérés pour leurs performances.

Leurs installations créées in situ ont pour cadre des lieux emblématiques qui gardent en mémoire le rôle économique et culturel de l’espace méditerranéen. Cinq regards et démarches se sont exprimés dans différents sites patrimoniaux, dont une imposante forteresse édifiée en 1044 sur les ruines antiques du monastère de Cassiodoro. Les 1ères œuvres réalisées ont été présentées au public le 27 juillet, d’autres le seront le 4 août, elles resteront visibles tout l’été.

Le château de Squillace en Calabre

Art en résidence

In-ruins est une plateforme de recherche fondée en 2018 avec l’objectif de valoriser des lieux patrimoniaux grâce aux arts plastiques et autres expressions actuelles. Chaque nouvelle rencontre instaure un dialogue entre paysages archéologiques et pratiques artistiques contemporaines.

In-ruins 2021, création d’Anna Ill

Suite à l’appel à candidature lancé au printemps, voici les artistes qui ont été retenus pour produire une œuvre in situ au château de Squillace et à proximité : Emii Alrai (Royaume Uni), Martyna Benedyka (Pologne), Itamar Gov (Israël), Anna Ill (Espagne) et le duo italien « Nostana » avec Ceresoli et Cosco.

J’imagine le bonheur pour ces jeunes créateurs d’évoluer au milieu de cette architecture millénaire, d’y laisser une trace éphémère nourrie de leur questionnement, de leur sensibilité, de leur lecture des espaces mis à leur disposition.

Oser la culture en temps de crise

J’aurais aimé vivre une si belle opportunité. Pour la militante culturelle que je suis, échanger avec les organisateurs et les artistes m’aurait permis de m’inspirer de cette proposition.
Avec une question qui motive mes propres choix en Centre Bretagne : comment définir une déclinaison de In-ruins adaptée à Motten Morvan, forteresse bretonne du 8e siècle, dont le 2e chantier de fouilles archéologiques s’est achevé le 31 juillet ?

Motten Morvan a déjà servi de support à une thèse en arts plastiques entre 2016 et 2020 avec l’espoir d’inciter d’autres artistes à venir nous rejoindre. Alizée Figuiere, plasticienne spécialiste en land art, sera peut-être la première à y développer un projet de création, depuis l’accueil en résidence d’Anais Belchun (Université de Toulouse). Elle sera en repérage sur le site archéologique le 4 août.


J’ai donc suivi à distance l’accueil des artistes au Château de Squillace, puis la présentation de leur travail aux premiers visiteurs, avec le désir de vous partager la poésie de ces oeuvres, leur portée symbolique et philosophique.

Mes prises de contact avec certains des artistes n’ayant pas encore abouti, il m’est difficile d’inventer les mots qu’ils et elles choisiraient pour partager cette rencontre et leur démarche de création.

Inspiration et transmission

Je vous invite à être curieux des trajectoires qui les ont conduits jusqu’à ce château fort, dont les ruines témoignent encore d’un illustre passé, comme de l’importance des échanges culturels, au Haut Moyen-Âge comme aujourd’hui.

Je veux saluer l’engagement des organisateurs, car construire ce type de proposition ambitieuse dans un contexte sanitaire complexe n’est pas chose facile. Un nombre faramineux d’initiatives a dû être annulé à cause de la pandémie mondiale. La mobilité des artistes reste une équation parfois insoluble, avec trop d’inconnues pour avancer sereinement vers la réalisation d’aussi beaux projets.

La tenue de cette 2e édition n’en est que plus exceptionnelle et parle d’elle-même de l’énergie, des compétences, des réseaux mobilisés par cette équipe italienne, visiblement bien soutenue par plusieurs institutions, dont la Région de Calabre et la Fondation Armonie d’Arte.

Agrume et dévotion, mémoire de citrons

Les ruines du temps construisent demeures dans l’éternité.

William Blake

Le mausolée des citrons rejetés : en voilà un titre pour une installation, presque un titre de roman. Entre passé et présent, Itamar Gov est allé puiser dans une tradition à la fois locale et internationale pour penser son travail.
Est-ce pour faire écho ou contrepoint à cette citation de William Blake, « les ruines du temps construisent demeures dans l’éternité » ?

À partir d’un matériau simple, voué à la putréfaction par les lois naturelles du vivant, l’artiste convoque d’autres règles, d’autres images. Sans discours superflu ou convenu.

Art compostable, génial ou triste symbole ?

Cette œuvre procède comme un négatif qui révèle en creux formes et réalités. Là où la perfection, la conformité aux codes, d’un groupe, d’une époque, d’une société, définissent des modèles d’exclusion, de compétition, des rapports de domination, voire de maltraitance, Itamar Gov met en lumière et en scène la diversité, la difformité, le défaut de fabrication et un autre critère : l’égalité, l’horizontalité.

Itamar Gov

Il se dégage de cette proposition artistique un équilibre, une esthétique, qui gagnent à rester sobres, sans recours à aucun artifice ou mise en volume. La géométrie seule orchestre l’ensemble, en harmonie avec un édifice religieux chargé de spiritualité.
Voici ce qu’écrit l’artiste sur sa page à propos de la tradition dont il s’est inspiré :

« Depuis 700 ans, des rabbins du monde entier viennent en Calabre chaque été à la recherche du citron parfait (Etrog / Cedro). Suivant une liste stricte de critères esthétiques, ils retournent dans leurs communautés accompagnées d’un citron chanceux et impeccable, qui se trouve alors au centre d’un rituel de vacances juif qui se déroule en automne. Le ′′ Mausolée des citrons rejetés ′′ se compose de 1000 citrons imparfaits, déformés, endommagés et non sélectionnés qui ont été laissés pour la décomposition, couvrant tout le sol de la Chiesetta Gotica à Squillace, en Calabre.« 

Itamar Gov

Réalisé dans le contexte de In-ruins avec le grand soutien de 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋 🍋

Je n’ai pas le génie créatif d’Itamar Gov, l’unique rencontre avec un citron suffisamment forte pour que j’aie ressenti le besoin d’en garder une trace me ramène au Maroc, sur la route du Sahara.

Voyage, voyage

Voyager me manque, rêver de cette résidence organisée par In-ruins est une sorte d’instinct d’émerveillement reporté de fait à d’autres lendemains incertains.

La Calabre a tous les atouts d’une destination rêvée.

Fanchon, Plan B
Visuel 2021 d’un festival en Calabre

Le 17 août, le château de Squillace accueillera deux spectacles de danse de haute volée au programme d’un festival que je découvre grâce à Plan B.
Si je devais me souvenir d’un autre château médiéval, où j’ai adoré me poser et vivre de belles émotions, ma mémoire m’entraînerait à travers la mer Égée, jusqu’à Bodrum.

Le festival international de ballet qui s’y déroule dans un cadre exceptionnel hérité du temps des croisades et des templiers a réuni des milliers de danseurs du monde entier lors de sa dernière édition avant la pandémie. Époustouflant !

Héritage et création, credo d’un grand festival

La Fondation Armonie d’Arte, partenaire de In-ruins, organise un festival dans deux parcs prestigieux, ainsi qu’au château de Squillace avec ce double message.

Ici où le temps passe et reste, nous nous nourrissons de mémoire. Ici où le temps court et chemine, nous nous nourrissons du futur.

Le parc archéologique de Scolacium, cité antique qui fut tour à tour un port grec, romain, byzantin puis normand après l’An mil, se situe sur la commune de Borgia, face à la mer Ionienne, à l’extrémité Sud du Golfe de Tarente.

Signe de l’attachement de ce territoire à la Culture, un parc de sculpture dédié à la biodiversité méditerranéenne s’étend sur 13 hectares au cœur même de Catanzaro. La proximité des deux sites et la vocation balnéaire de cette destination touristique ne pouvait qu’inspirer de belles initiatives à haute valeur ajoutée.

Chiara Giordano, présidente et directrice du festival, multiplie les interviews en amont de la 21e édition qui se déroule en août et septembre. Elle et son équipe ont réussi à faire de ce rendez-vous annuel une référence. Avec enthousiasme et conviction, Chiara invite à la mise en synergie des talents autour de quatre grandes thématiques : faire Culture pour promouvoir la Paix, valoriser la Nature pour protéger la Santé.

Je ne comprends pas l’italien, mais l’engagement, la passion, la capacité à mener à bon port d’improbables entreprises, je connais.

Armonie d’Arte Festival apporte une vraie notoriété internationale avec de fortes répercussions pour la ville de Catanzaro.

Sergio Abramo, president de la province

Pour accéder au site de ce festival

Pour voir la proposition de Anna Ill, autre jeune artiste en résidence au Château de Squillace

Pour suivre Itamar Gov et découvrir sa prochaine résidence de création en France d’octobre à décembre 2021 avec 9 autres lauréats et lauréates d’un nouvel appel à candidature initié par la Cité internationale des Arts : TRAME

Pour vous intéresser aux projets de coopération scientifique et culturelle, du local à l’international, que j’accompagne avec l’association Timilin, en soutien aux artistes, jeunes chercheurs et les territoires ruraux, contactez-moi quand vous voulez.
francoise.ramel[@]outlook.fr

La meilleure façon de vous donner envie de venir nous voir à Motten Morvan, si vous êtes artiste ou un jeune chercheur : le sourire de Dewi, journaliste bretonnant, Léna, diplômée en reliure d’art recrutée par un service d’archives départementales, et Clara, chanteuse en langue des signes recrutée par une médiathèque
27 juillet 2021, concert de Lann Pendavat dans le cadre du festival « Paysages »

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