Festival à Tombouctou, rendez-vous au chameaudrome !

Article : Festival à Tombouctou, rendez-vous au chameaudrome !
Crédit: Mohamed Aguissa Hamma
23 janvier 2022

Festival à Tombouctou, rendez-vous au chameaudrome !

Mohamed Ag Mohamed Aguissa, photographe de Tombouctou
Mohamed Ag Mohamed Aguissa, surnommé
Hamma, photographe de festival très couleur locale. Normal, il est de Tombouctou.

Vous êtes déjà allé à Tombouctou ? En avez-vous déjà rêvé ? Beaucoup ont eu cette chance avant le conflit armé de 2012. Ma chance à moi a été de rencontrer Manny Ansar aux Houches dans la vallée de Chamonix. Dis comme ça, ça ne fait pas fantasmer. Pourtant, c’est dans ce décor alpin qu’un désir insoupçonné s’est frayé un chemin dans les arcanes de mon être. C’était en juillet 2013, je croisais pour la première fois de ma vie la route d’un festival en exil.

Manny Ansar au festival « La croisée des chemins », Les Houches, juillet 2013, déjà ambassadeur du projet Tombouctou Renaissance et de la Caravane culturelle pour la Paix – Crédit Françoise Ramel

Je dédie ce billet Plan B à Désirée Von Trotha, photographe et réalisatrice allemande décédée en novembre 2021. Avec les portraits de Tamikrest de Eric Legret exposés au Quartz à Brest, ce sont les horizons lointains arpentés avec des nomades par cette femme hors du commun qui m’ont donné envie de voir plus grand que mon petit coin de Bretagne.
Désirée a choisi son mode de vie : 50% ville, 50% Sahara.
Son travail imprime nos mémoires autant que le coton ou le papier. Un regard de femme, un témoignage humaniste.

Je ne peux pas partager ici de photo de Désirée von Trotha. Voici donc une de mes photos prises en septembre 2021 à M’hamid, à 52 jours de Tombouctou par le désert. Crédit Françoise Ramel

Le désir a valeur d’existence. Contrairement à Désirée von Trotha, je n’avais pas besoin de fouler le sable, je n’avais pas besoin de ressentir la liesse de jeunes hommes enturbannés, la complicité de femmes riant entre elles, pour inviter cette vie étrangère dans la mienne et mon environnement culturel avec Voix du Sahara. Du moins je le croyais.

L’appel du désert pour nous

Car après la projection à Pontivy de « Woodstock in Timbuctu, l’art de la résistance », documentaire réalisé en 2011 par Désirée von Trotha pendant le Festival au Désert, j’ai saisi la première opportunité pour répondre à l’appel des grands espaces et des racines du blues touareg. J’ai goûté à l’ambiance fantastique de ces festivités, au Maroc, au Niger, plongée au cœur d’équipes bénévoles, locales et multiculturelles, qui ont le mérite de monter ces belles manifestations populaires.

Alors si je tombe sur les photos d’un festival à Tombouctou, j’ai forcément envie d’en être, même à distance. Et quel excellent prétexte pour vous présenter un jeune photographe avec qui j’ai la chance d’être en lien sur place : Mohamed Ag Mohamed Aguissa. Demandez simplement « Hamma », tout le monde à Tombouctou saura où le trouver.

Hamma n’a que 25 ans, mais il affiche déjà un bel aplomb. Je l’imagine grand et mince, prévenant avec les gens, il est un des leurs. Enfant de cette ville multimillénaire, où la transmission du savoir, la préservation de la culture, se vivent encore au XXIè siècle comme un devoir envers l’humanité, à la fois moral et spirituel, il est passionné par ce qu’il fait. Il en parle avec ferveur et une vraie joie communicative, mais aussi avec cette retenue naturelle qui caractérise l’homme bleu du désert.

A le regarder sourire, fier d’arborer sur la poitrine son pass Presse comme si c’était une médaille, on pourrait croire que ce jeune nomade n’a jamais connu qu’une vie tranquille, sans avoir peur pour sa vie, ni pour sa famille.

Le sourire d’Hamma m’a arrêtée net parmi le flux d’images et d’informations qui ont percuté la base arrière de mon cerveau au repos en début de week-end. Je ne savais pas que c’était lui sur l’image, ni qu’il était l’auteur des photos partagées sur les réseaux par le Festival au Désert. Derrière un cheich, « amawal » en tamasheq, ce sourire m’interpelle encore et conforte l’envie d’écrire qu’il a suscité.
Crédit photo Mohamed Ag Mohamed Aguissa, dit Hamma

Pour les nomades, un besoin vital de liberté

C’est pour cela que ce festival Vivre ensemble Tombouctou me touche aussi. Il est le symbole d’une vie qui reprend le dessus, de sentiments qui peuvent à nouveau s’exprimer librement dans une palette infinie de nuances, de poésie, de silences choisis, de débordements collectifs. Une vie simple et joyeuse dont aucune jeunesse ne devrait se voir privée.

Je rêve de voyager en dehors des frontières pour aller photographier d’autres événements.

Mohamed AG mohamed Aguissa, dit Hamma, 25 ans, Tombouctou
Un samedi soir sur la terre, 22 janvier 2022, un photographe heureux à Tombouctou, des rêves plein les yeux et du cœur à l’ouvrageCrédit photo : Festival Vivre Ensemble Tombouctou

En attendant de pouvoir réaliser son rêve, voir le monde, en capter l’intensité dans son objectif, Hamma vit de ses clichés. Il subvient aux besoins de sa famille à Tombouctou, tout en assurant le financement compliqué de ses études à Bamako. C’est courageux et je le remercie de me confier ces images si précieuses. J’aimerais pouvoir faire plus que partager ces instants qui nous font oublier la dureté d’une époque, le temps d’un festival, le temps d’une utopie réaliste, vivre ensemble.

Une autre vision du monde

Ces photos se suffisent à elles-mêmes. Notre regard est la vraie clé du grand voyage que Mohamed fera en tant que jeune nomade, parce qu’il se sentira entendu, compris, encouragé, voire attendu dans des capitales surpeuplées pour témoigner et partager ce que sa vision du monde a d’unique.

Si Plan B peut servir à nourrir cet espoir, à faire que Mohamed bénéficie bientôt de l’aide d’un ou d’une professionnelle touché.e par sa motivation, son ambition, alors c’est que vous aussi vous pouvez dire à ce jeune homme combien son travail ne vous laisse pas indifférent.

Je vous invite à vous adresser à lui directement en laissant un commentaire et en partageant ce billet.

A Tombouctou, la fête se déroule au moment où j’écris ces lignes, au milieu de la nuit, et c’est comme si l’étau dans nos poitrines, qui n’ont pas souffert l’intolérable, pouvait aussi se desserrer.

Je trouve cette photo formidable, il fallait oser. Crédit Mohamed Ag Mohamed Aguissa « Hamma« 

Dans quelques années, je me vois comme un grand réalisateur touareg avec beaucoup d’expérience. Je serai là, au milieu des petits de mon village, pour partager ce savoir. Enfant, je voulais devenir caméraman journaliste, je suis en train de réaliser mon rêve.

Mohamed Ag Mohamed Aguissa, dit Hamma

B comme Bonus

Voir d’autres photos de Hamma sur la page du Festival au Désert

Exemple d’école supérieure d’arts visuels en Afrique où cet artiste de Tombouctou pourrait exprimer son talent, se former, créer les bonnes conditions de réussite pour son projet professionnel : l’ESAV de Marrakech, est un partenaire d’un projet Erasmus + sur lequel je travaille depuis décembre 2021 pour continuer à développer des actions de coopération durable et solidaire entre la Bretagne et le Sahara.

Flashback sur l’époque où j’expérimente le rôle d’ambassadrice Europe de la Caravane culturelle pour la Paix à la demande de Manny Ansar. Merci à toi Manny ! C’est comme ça que je me suis retrouvée seule sous une pluie battante à garder dans une tente ouverte à tous les vents de précieux instruments pendant Roots Festival. Il était impensable à mes yeux qu’un artiste de la caravane soit privé de la cérémonie de rencontre organisée par la Fondation DOEN à Amsterdam. Manny quant à lui doit encore se souvenir et rire du poids de ma valise ! Je m’imaginais partir pour une tournée européenne de 3 mois. J’en ris aussi, je voyage plus léger depuis !

Ambiance backstage avec de jeunes nomades à Amsterdam grâce à une courte vidéo tournée par une bénévole hollandaise revue ensuite au Sahara Generation Taragalte backstage op Roots Open Air 2015 – YouTube.

En janvier 2021, pensée pour Tombouctou au Rectorat de Rennes pour le lancement de la Saison Africa 2020 avec une courte vidéo pour archiver la présence du guitariste breton Yohann le Ferrand qui sera en direct sur Arte Concert lundi 24 janvier à 20h30 pour la sortie de l’album YEKO.

Le 24 janvier est, depuis 2019, la journée mondiale pour les cultures africaines et afro-descendantes. Cette date coïncide avec l’adoption de la Charte de la renaissance culturelle africaine par décision votée par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine en 2006.

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Commentaires

Kissima Diouara dit Kiss
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Bravo jeune homme, je suis et reste fier de toi chaque jour, ta persévérance est sans pareille, et ton courage est inédit. Une chose est sûr tu réussira.
Je suis happy de voir que la relève est assurée.

Djeneba Mahamoud Sow
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A travers les images nous pouvons dire que la festival a été une belle réussite. Vivement l'année prochaine
Mohamed Aguissa Hamma

HAWA MODIBO TRAORÉ
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Nous sommes allé à Tombouctou et dans bien d'autres régions à travers tes images, merci pour tes merveilleuses couvertures !
Je suis très fière de toi Hamma ! Bravo et bon vent !

Abdrahamane
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Mohamed Aguissa est un gars très formidable et qui est vraiment motivé à aller de l'avant dans son métier de rêve