26 mars 2022

Queen Rima en quelques clics et clips

Queen Rima est l’artiste que j’ai choisie d’inviter pour le 8 mars 2022 dans Femmes de caractères. Découverte au Niger, j’aime cette jeune guinéenne dont la vie n’a rien de commun avec la mienne. J’ai été biberonnée dans les années 60 et 70 avec cette bonne vieille variété française que j’écoutais en boucle sur les bandes magnétiques de mes parents. Le gros magnéto a été remisé en 1978, quand mon père tout fier a investi dans une chaîne hifi, me laissant choisir avec lui ce qui avait l’air d’être le top du high tech : une platine, un ampli Marantz, deux grosses enceintes (que j’ai toujours), un tuner avec le lecteur cassette. Je me souviens pourtant que le vendeur parlait déjà d’une innovation qui n’allait pas tarder à inonder le marché : le compact disc.

Que disent les vendeurs en 2022 ? Un truc du genre : « qui écoute encore des CD aujourd’hui » !

De la touche Marche du magnéto à la playlist en streaming

Si je pense à la façon dont les nouvelles technologies et le numérique ont révolutionné notre rapport à l’écoute, j’ai le tournis. Ce qui me subjugue plus encore, c’est ce que la jeunesse actuelle parvient à réaliser avec ces outils qui changent surtout la façon de produire du son, de le diffuser, en grande partie grâce au développement des réseaux sociaux.

La culture musicale de mes enfants est bien plus variée, plus riche que la mienne à leur âge. Je l’ai vérifié aussi au fin fond du désert en rencontrant de jeunes nomades. J’avais pourtant l’impression d’être une privilégiée, de m’intéresser à des esthétiques plus variées que ce que nous proposaient TV et radios de l’époque, dont l’offre s’est elle aussi incroyablement démultipliée.

Je n’ai pas connu Woodstock, j’avais 4 ans en mai 68. Je m’identifiais à cette vague Peace and love sur fond de révolution culturelle comme on respire l’air ambiant. L’année du bac, 1982, j’ai été profondément secouée par le film The wall de Pink Floyd. J’ai dansé des nuits entières sur Téléphone, Nina Hagen, Bob Marley, Police. J’ai eu 20 ans à l’époque bénie des années 80.

En 2021, en Hongrie, l’émotion intacte d’un titre de Pink Floyd devenu mythique.

J’aimais et j’aime toujours Dire Straits. Je me vois encore attendre dans un sous-sol d’université l’heure d’un oral en me relaxant avec Tears for fears dans l’auto-radio. Selon ce que je percevais du monde, c’était déjà d’une grande diversité. J’ai aussi traîné mon accoutrement de bretonne baba cool dans les concerts punk à Londres et dans de grands rassemblements open air en Allemagne.

Percer avec son flow ou disparaître dans le flux

J’ignorais que 30 ans plus tard, j’aurais autant de plaisir à m’intéresser à ce qui se crée aujourd’hui, à y retrouver l’énergie d’une jeunesse qui continue à inventer ses propres règles, ses propres codes.

Malgré l’offre surabondante et le matraquage médiatique des majors dominant le marché de ce qu’il convient d’appeler une industrie mondialisée, visiblement lucrative, de jeunes talents parviennent avec très peu de moyens à sortir de l’anonymat pour faire entendre leur créativité, leur différence. Un seul passeport en poche vers le succès : patience, passion, persévérance.

Comme l’explique très bien Queen Rima dans Femmes de caractères, elle n’a pas d’autre alternative que réussir. D’abord parce qu’elle a dû convaincre ses proches qui sont aujourd’hui son tout premier staff, avec une maman teinturière qui ne se prive pas de partager ses idées au stade de l’écriture, de lui donner sa bénédiction avant chaque concert. Ensuite parce qu’il n’y aucune place au découragement dans sa vie, quelques soient les obstacles à surmonter. Ce succès espéré, elle le doit d’abord et surtout à ses fans, ses « yout » comme elle dit.

En 2018, Queen Rima tourne ce clip au Niger. Le Festival Sahel Hip Hop la consacre Meilleure artiste féminine de l’année.

A 25 ans, Queen Rima est une artiste accomplie

Un seul passeport en poche vers le succès : patience, passion, persévérance. Voilà bien trois qualités dont fait preuve Queen Rima à Conakry. Avec en prime un naturel et une humilité que j’apprécie à leur juste valeur dans un milieu professionnel qui accentue les effets d’égo, la compétition : le spectacle vivant.

Je vous invite à découvrir le nouvel EP « Température », cinq titres en écoute sur toutes les plateformes depuis le 12 mars que Queen Rima offrent à ses fans en attendant de retourner en studio pour enregistrer son prochain album.

Mais depuis Niamey, la reine incontestée du dancehall en Guinée rêve encore d’avoir l’opportunité de percer à l’international. Elle met toutes ses forces dans la balance, portée par l’engouement que suscitent son style et sa personnalité dans sa génération.

Sur cette photo prise à Niamey pendant le forum que j’avais organisé en avril 2018 pour le festival Sahel Hip Hop, je ne sais pas encore que la jeune femme au chapeau à ma droite est une vraie performeuse : Queen Rima.

Je suis très impressionné par son talent. C’est fou ce qu’elle arrive à faire sur un riddim. C’est un plaisir de travailler avec Queen Rima. Elle est super pro et d’une simplicité rare. Elle sait ce qu’elle veut, n’hésite pas à proposer ses idées. J’ai eu la chance d’écouter quelques projets de morceaux qui seront sur son prochain album. C’est de la bombe, qui ne demande qu’à exploser. En Guinée, il n’y en a pas deux comme elle. Il manque juste les bonnes connexions pour que son potentiel énorme soit reconnu à l’international comme il l’est déjà chez nous.

Idyllique, réalisateur du clip « Boss up »

Tu me connais mal

Avec le premier titre de son EP, « Boss up », accompagné d’un clip coup du poing signé par Idyllique, Queen Rima parvient à se hisser dans la sélection Afro-club de RFI. Une première victoire. Car la reconnaissance pour tout artiste doit aussi venir de l’étranger. Elle enchaîne à Conakry les interviews sur les plateaux médias. Dans ce morceau, une formule simple claque en français comme une provocation : « tu me connais mal ».

Donner à Queen Rima l’opportunité de s’exprimer sur une radio bretonne en amont de la sortie de son EP est ma façon de lui redire toute mon admiration et mon profond respect pour son courage. Je suis aussi touchée par la femme et l’artiste, que par sa musique.

Je prends un vrai plaisir à me laisser portée par son sens du rythme, la musicalité de son phrasé – elle ne vient pas de la danse pour rien. J’aime me plonger dans ses textes, dont je ne comprends que des bribes. Pour l’avoir côtoyée, pour l’avoir vue haranguer et galvaniser une foule, seule sur une immense scène, je sais qu’elle n’a pas fait tout ce chemin pour raconter n’importe quoi.

L’énergie du dancehall faite femme

Vous pouvez écouter le podcast de cette entrevue exclusive de 35′ ici. C’est un aperçu riche d’enseignement sur l’opiniâtreté et l’honnêteté d’une femme qui n’entend pas renoncer à ses rêves. Elle a choisi de se mesurer aux hommes qui dans son pays sont les maîtres sans partage de la scène. Elle le fait savoir, avec fierté, humour et finesse. N’en doutez pas, elle est leur égale !

Intéressante performance visuelle qui donne une dimension juste de la singularité de Queen Rima sur la scène africaine.

Queen Rima détourne les clichés à son avantage sans jouer sur le superflu. Elle se met en scène en artiste guerrière sublimée par la beauté de corps masculins figés dans leur force et leur plastique musclée. Ici la parole est femme, la parole frappe et dégage sa propre force, au naturel. Nul besoin d’artifice ou de grimer les codes usés d’héroïnes ultra féminines, ultra formatées. Queen Rima incarne cette liberté assumée. Elle est la voix d’une génération qui peut se construire avec d’autres manières de penser son rapport à l’autre, à l’émancipation, à la création. 

Françoise Ramel, Music in Africa, 14 mars 2022

Good vibes

Pour voir le chemin parcouru, pour apprécier le flow intuitif et incisif de Queen Rima, voici un clip qui nous ramène cinq ans en arrière. Dans cette version brute de décoffrage, tout est déjà en place.

Je pourrais disserter sur toutes les images qui me viennent quand je pense à Conakry, je pourrais m’appesantir sur cette envie à portée de billet d’avion : changer de planète pour me convertir au dancehall. Oui, je veux danser moi aussi dans une ambiance surchauffée sur les titres de Queen Rima. Car dans ma cuisine, c’est sympa, mais ça manque cruellement de fun.

En attendant, je ne me lasse pas de mon son préféré dans l’EP « Température », même si je les aime tous. Celui-là sonne comme une invitation à ne pas remettre à plus tard ce que j’aurais pu décider depuis ma rencontre avec Queen Rima en 2018 : m’immerger dans ses good vibes !

B comme Bonus

Queen Rima | Facebook

Queen Rima – YouTube

Emission spéciale Africa 2020 du 30 mars 2021, interview de Queen Rima et sortie en avant-première mondiale du titre Who nha nadahki en langue soussou.

Abadenn A-du pe pas : De Conakry à Kismayo, l’Afrique s’invite à la radio (radiobreizh.bzh)

Sur le trajet à l’aller puis comblée par l’expérience inoubliable à Agadez, avec Queen Rima, une amitié est née dans la simplicité d’une rencontre.
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