Magie d’espace-temps revisités avec le festival “Paysages” et … désolation !

Article : Magie d’espace-temps revisités avec le festival “Paysages” et … désolation !
Crédit: Alain Goutal

Magie d’espace-temps revisités avec le festival “Paysages” et … désolation !

Je ne suis pas toujours inspirée. Quand une idée éclate à la surface de ma conscience comme une bulle de champagne, il arrive que cela soit juste pour me challenger et me bousculer. C’est ainsi qu’en pleine pandémie, j’ai fait le choix d’organiser quelques concerts en solidarité avec les artistes et de lancer la 1ère édition d’un festival régional non thématique autour du partage de savoirs. Il me fallait un nom. J’ai choisi « Paysages ».

Je n’ai pas toujours envie d’écrire. C’est le cas en ce moment même, où je tape sur le clavier pour revenir sur un week-end encore tout brûlant d’audace début juillet 2022, celui de la 2ème édition du festival « Paysages ». Grâce à un auteur de romans historiques, Jérôme Nédelec, et quelques rencontres tombées du ciel, j’avais déjà vu plus grand, plus loin qu’en 2021.

Entre le moment où j’ai tenté sans y parvenir de partager un projet positif pensé pour être vécu plus que raconté et cette fin de journée du 20 juillet où je reprends le métier à tisser sur lequel je n’avais pas fini de tendre la trame, il s’est passé un drame en Bretagne.

Il s’est passé en quelques heures une tragédie qui nous ramène justement à l’importance et à la fragilité d’un paysage. Dans les Monts d’Arrée, plus de 1700 hectares sont partis en fumée. Arrêt sur image.

J’ai déjà partagé avec son accord bien sûr des dessins d’Alain Goutal. Voici celui qu’il vient de publier. Je ne sais pas si de son atelier, ce grand dessinateur breton, amoureux du vivant, sent l’odeur de fumée. Alain habite dans les Monts d’Arrée.

Bretonnes et bretons en état de choc

A l’occasion d’un épisode caniculaire qui a fait couler beaucoup d’encre, comme si nous ne savions rien des dangers du dérèglement climatique, plus de 300 pompiers sont mobilisés depuis lundi après-midi. Impossible de prendre de vitesse la violence et la course des flammes sur la lande.

Le Télégramme titre sur le pic de chaleur, carte à l’appui, peu après les réseaux évoquent un début d’incendie et 300 hectares ravagés
Ce même lundi 18 juillet, Alain Goutal réagit à l’actualité climatique nationale. Il ne sait pas encore que près de chez lui la fin du monde s’annonce déjà dans un lieux appelé les portes de l’enfer.

A 10h sur les landes, nous n’irons plus ma belle

Dans cette zone du Parc régional d’Armorique, l’état des chemins agricoles ne facilite pas l’accès des camions-citernes. D’autres facteurs liés à la gestion d’espaces non cultivés ont sans doute pesé sur l’immensité des dégâts comme semble l’affirmer une agricultrice qui témoigne « à chaud » du sinistre auquel elle assiste impuissante après voir mis son bétail à l’abri. Cette vidéo a été partagée plus de 1000 fois depuis hier. Je vous invite à la regarder, ainsi que les autres images commentées en direct mises en ligne depuis par cette habitante révoltée.

Du festin des flammes, il ne reste rien, qu’une chapelle perchée sur son tertre face à l’étendue noire encore fumante, là où bruyères et genêts accueillaient encore les randonneurs le week-end dernier. C’est tristement et dramatiquement spectaculaire. Sur le site de l’office du tourisme, on peut désormais lire cette indication.

Office du tourisme Brasparts
Source : site web de l’office du tourisme de Brasparts

Pour croyants et non croyants, la chapelle sauvée est un symbole

Comme beaucoup, je ne sais que dire, que faire, à la fois hébétée comme si cela ne pouvait pas être réel, et consciente que pour les personnes au front sur place les images, les odeurs liées à ces journées et nuits d’enfer resteront un traumatisme. Quasi impuissants, les efforts des pompiers ont permis cependant de protéger un bijou du patrimoine religieux breton : la chapelle.

Poussée par le besoin d’exprimer ma solidarité, j’ai tout de même publié hier un post FB accompagné par deux photos paysagères du Mont-Saint-Michel de Brasparts. L’une montre un paysage panoramique en teintes ocres et vertes dominé au loin par une chapelle. L’autre prise d’un drône provoque un effet de plongée qui accentue la scène et donne à voir ce même paysage en cendres.

La chapelle au premier plan n’en paraît que plus miraculeusement indemne, comme protégée par sa propre force et présence spirituelle en ce lieu désert.

Avant l’incendie, la beauté d’un paysage breton appelé Les portes de l’Enfer
Incendie dans les Monts d’Arrée, un paysage dévasté, calciné, vision d’Enfer – Crédit photo Vincent Michel

Vincent Michel a tourné ces images historiques montées et diffusées ce mercredi 20 juillet par Ouest-France.

Quelque part à Paris, un de mes amis, dessinateur de presse, croque à sa façon une actualité très très chaude ! Car il n’y a pas qu’en Bretagne bien sûr que ça chauffe ! J’ai lu que dans la capitale, les voitures prennent feu toute seule. Des concerts ont dû être annulés pour cause d’air irrespirable. On se croirait dans une fiction catastrophe, mais c’est la réalité.

Ce dessinateur talentueux s’appelle Mario Montolivo, il est originaire du Chili. Vous pouvez le suivre via son blog Micmac Planet (voir bonus). J’adore son coup d’œil, voir ses dessins me fait vraiment du bien.

Crédit dessin : Mario Montolivo

Quand la réalité infernale dépasse la légende

Je ne connais pas suffisamment la force des imaginaires liés à ce coin réputé de Bretagne. Mais ce serait passer complètement à côté de l’esprit des lieux que de minimiser au nom du modernisme ou de je ne sais quelle autre vision du monde réduite à sa part visible, palpable, marchande, ce qui explique l’attachement aux Monts d’Arrée et l’élan de solidarité qui s’exprime et s’organise spontanément depuis avant-hier.

Comme on ne peut comprendre ces espaces associés à l’image de l’enfer dans la tradition populaire et ces paysages sans se soucier de leur lien étroit avec une langue ancestrale transmise à travers les siècles, à travers les cinq continents où des bretons voyageurs ont écrit son histoire et la nôtre : le breton.

« La culture, ça rentre aussi par les pieds, ça passe par le coeur, ça imprègne le cerveau droit, celui de la connaissance »

« La légendothérapie peut être un moyen de se recaler d’une façon durable dans son espace de vie »

Claude Le Lann, korriganologue et légendothérapeute

Les portes de l’enfer – LE YOUDIG

Flashback sur le festival « Paysages »

Je veux finir ce billet en remerciant encore Céline Kergonnan pour l’aide si précieuse qu’elle m’a apportée ces derniers mois bénévolement pour que nous réussissions ensemble un beau pari à l’occasion des 20 ans d’une association rurale, TIMILIN, moudre nos idées ensemble, dont je suis la présidente fondatrice.

C’est à Céline que nous devons la mise en forme très sympa de la présentation de cette 2è édition.

Puisque j’évoque plus haut le pouvoir de mondes qui échappent à notre entendement, sachez que je n’avais jamais vu d’hermine de ma vie. Ce petit animal gracieux est le symbole de la Bretagne.

La voilà la blanche hermine

Croyez-le ou non, une belle petite hermine peu farouche, petit cou bien blanc, minois charmant, tête haute, s’est invitée au festival en plein bourg. C’était justement pendant une discussion animée par Céline avec Jérôme Nédelec, notre invité d’honneur et quelques élus venus partager ce moment informel à la terrasse du bar « Le Saint-Aignan ». Magique et inoubliable !

Le festival « Paysages » est une œuvre collective à géographie variable qui repose uniquement sur l’engagement des participant.e.s, chercheurs, artistes, étudiants, habitants, élus, porteurs de projet en zone rurale. Il a lieu le premier week-end de juillet à Saint-Aignan, où se situe une forteresse bretonne du 8è siècle, support de fouilles archéologiques depuis 2020. Motten Morvan est une architecture de terre qui a traversé douze siècles d’Histoire de Bretagne. De quoi nous faire réfléchir, non ?

Les paysages sont des lieux vivants et habités

Combien d’animaux ont péri depuis lundi dans les flammes de l’enfer du Mont-Saint-Michel de Brasparts ? Je trouve étrange pour ma part de mesurer l’ampleur des dégâts à une surface équivalant dixit les journaux à 1600 terrains de foot. Est-ce parce que le monde vivant ne se mesure pas comme un rectangle de pelouse synthétique qu’une catastrophe écologique peut s’étaler à la Une comme un feu de broussailles spectaculaire un peu trop gourmand ?

Il y a quelque part en Bretagne des personnes qui pensent aux animaux rescapés, assoiffés, paniqués, blessés, et qui s’organisent pour leur venir en aide.

Et d’autres vont devoir établir l’origine criminelle de ces départs de feu et identifier les responsables. L’enquête est ouverte comme l’a annoncé par un communiqué ce mercredi 20 juillet le Parquet de Quimper.

Source : Le Monde, 20/07/22

2022 s’annonçait mieux que 2021 et 2020 plombées par une pandémie mondiale. C’était sans compter la folie des hommes et de leurs gouvernements face à l’urgence.

A l’inévitable, dont nous savons pertinemment le prix à payer, s’ajoute ce qui pourrait être évité avec plus de clairvoyance, plus de responsabilité individuelle et collective.

Samedi 23 juillet 2022, épilogue ?

Les feux qu’on croyait contenus mercredi soir ont repris à l’approche du week-end. Ce soir, je serai à Brasparts avec Céline Kergonnan, ma complice du festival Paysages qui vient de vivre une semaine apocalyptique comme tous les gens autour d’elle, dont la maire de Brasparts, Anne Rolland.

Voici l’affiche du festival qui se déroule dans cette commune de 1035 habitants, avec pour décor un paysage calciné sur des kilomètres à la ronde, où la vie va reprendre certes, mais à quel prix !

Visuel du festival qui porte le nom d’un paysage emblématique breton devenu la proie des flammes lundi

Et voici l’affiche du groupe Merzhin qui nous propulse au-delà de cette actualité brûlante dans un futur pas très désirable. Marche ou crève, marche ou rêve ?

Crédit photo : Merzhin

Paysage de l’hypocrisie et science-fiction

Il semble que la scénario catastrophe avec une centrale nucléaire toujours pas démantelée, réparée à coup de pansements depuis des années, ait été évité. Enfin, c’est ce que nous raconte la presse locale par la voie d’une chargée de communication.

Un documentaire réalisé par Brigitte Chevet s’intitule « Brennilis, la centrale qui ne voulait pas s’éteindre ». Ce film a reçu le prix de l’enquête scientifique au festival du journalisme d’Angers en 2008. Je le recommande vivement, même si vous êtes au bout du monde.

Etrangement, l’incendie historique qui n’en finit pas de semer le désordre et la désolation depuis lundi dans les Monts d’Arrée, zone naturelle protégée, ne veut pas s’éteindre non plus.

Source Le Télégramme, samedi 23 juillet 2022, la guerre en Ukraine sert de prétexte à l’Etat français pour relancer usines à charbon, centrales nucléaires, alors qu’il n’arrive même pas à démanteler une des1ères centrales depuis 30 ans que ce processus est en cours. Cherchez l’erreur, même pas peur !

B comme Bonus

Pour voir d’autres dessins d’Alain Goutal sur son blog hébergé par Médiapart

Pour voir d’autres dessins de Mario Montolivo sur son blog hébergé par Médiapart

Pour télécharger le programme complet du festival 2022, cliquer sur ce lien de la Région Bretagne

Voici au choix d’autres informations relayées grâce au soutien des médias.

Paysages, un festival régional en zone rurale pour changer d’échelle et de perspectives – Eco-Bretons

Saint-Aignan : des Vikings, des concerts et un grain de folie | Pontivy Journal (actu.fr)

Emission de radio réalisée par Céline Kergonnan avec Victorien Leman

Saint-Aignan (56). Paysages, rencontres poétiques Motten Morvan (unidivers.fr)

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