Médias en ligne, médias non alignés, vers la mobilisation collective !

Les 29 et 30 septembre 2022 se tient à Yaoundé une importante manifestation sur le thème « Médias en lignes, médias non alignés ». Elle vise et intéresse nombre de producteurs de contenus en ligne, professionnels ou amateurs, comme je le suis grâce à Plan B et à l’ouverture au monde que m’a apportée la possibilité d’échanger avec une infinie diversité d’acteurs et actrices du changement. Sans réduire mon univers, mes questionnements, à mon seul environnement immédiat, au seul impact de mes engagements citoyens en Bretagne. Cette première édition d’envergure internationale est organisée par l’Association des blogueurs du Cameroun (ABC), présidée par Dania Ebongué.

Déclaration officielle d’ouverture du colloque international par le Directeur général du Ministère de la Communication après une allocution très intéressante – Crédit photo Françoise Ramel

Au nom de la liberté d’expression, dire peut détruire

La séance d’ouverture s’est faite en présence de représentants d’institutions qui confortent par leurs interventions la nécessité de la réflexion engagée, soulignant la pertinence et l’urgence de regarder droit dans les yeux les périls civilisationnels liés à la puissance des réseaux sociaux.

La multiplicité des usages de ces espaces visuels, virtuels, à la fois domestiques et publics, génère des contenus qu’il n’est plus possible de qualifier simplement de non vertueux, anodins, insignifiants. C’est une première dans l’histoire de l’Humanité. Il y a lieu de tirer la sonnette d’alarme.

Au nom de la liberté d’expression, nous en sommes arrivés à ne pas pouvoir nous protéger, préserver notre sérénité et celle de nos enfants. Poussé à l’extrême violence du harcèlement ou de l’atteinte à la vie privée, nous sommes de fait confrontés à la sidération et à l’impuissance quand des vies humaines sont fauchées par l’effet dévastateur de propos, ou d’images, que propagent les réseaux sociaux.

Une des illustrations de ce phénomène mondial, touchant tous les groupes sociaux ayant accès à internet, indépendamment de leur poids dans une société donnée, est peut-être ce terme propre au XXIè siècle : « viral ». Aujourd’hui, l’information produite par « les réseaux », comme si ces réseaux étaient un organe pensant, organisé, structuré, maîtrisé, contamine les médias conventionnels : presse écrite, radio, télévision.

La viralité n’est pas un phénomène sociotechnique menaçant : créant un « buzz » positif ou négatif, ce sont les retombées plus ou moins intentionnelles qui s’avèrent favorables ou néfastes.

Isabelle Féroc-Dumez, directrice scientifique et pédagogique du CLEMI, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication, Université de Poitiers
Une première édition qui fera date et donne un cap

Il y a lieu de tirer la sonnette d’alarme

Ce qui peut être vu comme la dérive de pratiques boulimiques liées à la vulgarisation d’accessoires de haute définition technologique échappe non seulement à tout contrôle, mais renforce des travers déjà installés par la prolifération de l’information et la mondialisation.

Au service de logiques du non-essentiel, source de gros profits, la surenchère permanente, la mise en scène de nos quotidiens, nous entraîne dans un flot perpétuel avec cette différence de taille. Là où la caricature et le théâtre se présentent comme une création, dans un décor, un espace-temps faisant appel à notre imaginaire, à notre émotion, à notre compréhension, à nos codes culturels, l’actualité se présente sous les traits de la réalité.

Le professeur Thomas Atenga invité à la tribune du colloque retransmis en direct de Yaoundé dans le monde entier évoque en des termes précis les conséquences de cette dérive : aliénation, spectarisation, marchandisation. Je vous invite à retrouver son intervention éclairante sur la façon dont la Recherche s’est intéressée depuis vingt-cinq ans à ces phénomènes grâce à un audioblog sur la plateforme Arte Radio.

55 000 ouvrages et articles témoignent de l’importance accordée aux réseaux sociaux, à ce qu’ils expriment de nouvelles temporalités, de nouveaux paradigmes. Si l’approche dominante a été jusqu’à présent d’observer, d’analyser, de tenter de comprendre ce que les médias sociaux font de nous, aujourd’hui les travaux de recherche formulent la question avec d’autres regards ouvrant des perspectives : que faisons-nous des réseaux sociaux ?

Professeur Thomas Atenga, président du comité scientifique du colloque « Medias en lignes, medias non alignés », Universite de Douala, 29/09/2022

S’emparer de notre responsabilité avec clairvoyance

Dania Ebongué interviewé par Steven Jambot dans l’Atelier des médias exprime en termes simples l’enjeu qu’est la responsabilisation individuelle et collective en réponse aux constats posés, sur la base du bon sens et de l’engagement citoyen. Le secrétaire général du Ministère de la Communication du Cameroun salue cette volonté portée par ABC en rappelant qu’il n’y a pas d’alternative à l’autorégulation, sinon la répression, impensable si l’on se refuse à toucher à la liberté d’expression, à la liberté d’entreprendre, à la liberté de se former et de choisir de travailler dans la communication.

La réflexion poussée autour d’une charte qui sera discutée pendant la rencontre à Yaoundé atteste du sérieux de l’initiative et du professionnalisme à l’œuvre. Rien ne saurait être plus efficace que l’invitation faite pendant ces deux journées à mutualiser et à outiller une ambition collective, soutenue par des Etats et tout un tissu économique confrontés à un réel dilemme.

Les échanges qui ont lieu en ce moment même sont diffusés en direct Live. Ils entrent en résonance avec les questionnements légitimes d’une vaste communauté d’auteurs et d’autrices, dont la plume peut choisir de servir l’intérêt général et le bien commun, ou se perdre à jamais dans un magma informe, difforme, qui nous malmène question « moral », question « morale ».

Un triptyque infernal : fatigue, addiction, défiance généralisée

Oui, le flux d’information omniprésent joue sur notre fatigue mentale et physique, c’est prouvé scientifiquement. Quand ce flux charrie dans son torrent de boue le gros des scories d’une pollution visuelle et industrielle de l’information, avec la puissance d’une centrale nucléaire lancée à pleine vapeur au bord de l’implosion, ça peut vraiment faire du dégât.

Quand c’est un journaliste expérimenté (et pas aligné) de télévision française qui partage en direct sur une radio à grande écoute un repli possible et compréhensible pour ne pas se frotter au pire de ce que produit l’évolution de nos sociétés consommatrices de tout – de tout, tout de suite -, avec les répercussions évidentes que cela entraîne en matière de dérives pernicieuses, cela mérite de s’arrêter pour reprendre son pouls, son souffle, ses esprits.

Comment (s)informer sans nous lobotomiser ?

De quelle maîtrise ou non maîtrise de ce flux, de cette pollution bien réelle déguisée en information, ma vie personnelle est-elle le produit, au carrefour de tant d’expressions et sons de cloche qui ne permettent plus d’identifier un cap, un phare, une pensée en mouvement ?

Quand des heures durant vous coupez tous les tuyaux pour ne pas tomber sur l’unique actualité qui vaille la peine d’informer la terre entière soi-disant, la mort d’une vieille reine en Ecosse, cela produit un vide délicieux, un aparté, un pas de côté, et surtout la possibilité de faire rire tout le monde dans une manifestation à Vannes le 5 septembre pour exiger un accès plus juste et plus équitable au logement. « Quoi, la reine est morte ? ». J’en ris encore.

Les médias sont devenus des collecteurs de rêves usés

Vers quel état d’inhibition ou de défiance, d’agressivité ou de colère larvée, de stress et d’incapacité à gérer ce trop-plein de pensées négatives accompagnées forcément de certitudes et dogmes divers censés nous sauver du désastre nous conditionnent nos propres comportements vis-à-vis de nos environnements numériques ?

Je me demande si la Reine d’Angleterre aurait pu dire, même au XXè siècle avant la révolution d’internet, « s’il y avait un moyen de faire ce métier sans être connu, je le ferais ». Impossible, hein ? Vu que le seul intérêt d’un règne, c’est d’asseoir un pouvoir même symbolique, le storytelling qui va avec, dont ne peuvent se passer les médias qui en vivent. Et vous me direz, « reine à vie », ce n’est pas un métier. Inutile de vérifier ce n’est pas indexé dans le fichier « ROME » comme on l’appelle en France.

Les métiers, nombreux et variés, du journalisme et de l’information média sont répertoriés ainsi : E1106. Si vous êtes curieux, vous allez répérer comme moi à l’instant une autre codification : « RIASEC : Ai »

Vu que nous sommes dans l’information, allons voir ce que cela veut dire dans le langage des experts et expertes de profils métier.

Explication du code RIASEC spécifié sur une fiche métier

Alors, ça donne quoi pour vous qui vous vous sentez concernés par la riche programmation proposée par le colloque « Médias en ligne, médias non alignés »?

Reprendre la main, est-ce possible ?

En contrepoint de ce qui pousse un journaliste de radio à interroger une star du petit écran, Yann Barthès, sur sa « fatigue », ce qui remet un peu les choses à leur place, je partage ici, plus bas, un extrait de la note d’intention qui m’a permis d’être sélectionnée par l’équipe d’organisation du colloque, alors que je ne suis ni professionnelle de TV, de radio ou de presse écrite, ni une universitaire ayant produit des connaissances, ou encore une salariée dans une ONG impliquée dans la cybersécurité ou tout autre domaine d’éducation aux médias.

Quelle opportunité de m’intéresser à ce qui anime, engage et renforce les capacités de jeunes professionnels et professionnelles, « armé.e.s » de leur seul leadership et volonté d’agir pour le continent africain et le monde !

Je suis sensible à cette utilisation positive, vraiment inattendue, de ce que je tente de partager, par ma seule force de mouvement et d’action, en dehors de toute structure qui m’aurait mandatée pour porter un discours. A Yaoundé, ce qui a retenu l’attention, c’est justement ma liberté de parole, de ton, mon rapport à l’initiative personnelle, à l’autorisation que l’on s’accorde à soi-même en apprivoisant ses peurs.

En tant que bretonne, secrétaire bénévole d’un réseau d’acteurs de la coopération et de la solidarité internationale, il y a une dimension symbolique dans ma contribution à un débat qui dépasse le cercle somme toute restreint dans lequel je donne du sens à mes engagements citoyens, mes engagements de militante culturelle en zone rurale ayant opté il y a 15 ans pour l’action politique. Je veux croire que cette portée symbolique est révélatrice d’une époque où nous avons ce pouvoir de bouger les lignes, grâce aux réseaux sociaux et aux nouvelles technologies.

Je mesure ma chance d’avoir accès à cette dynamique africaine déjà rodée, bien outillée, qui interroge à partir de réalités différentes des miennes la question des valeurs et de l’éthique en matière de production de contenus en ligne.

Aspirations citoyennes versus discours de haine

L’ambition exprimée par Dania Ebongue et l’association des blogueurs du Cameroun d’encourager la mise en place d’une charte de bonne conduite dit mieux que toute injonction venant d’une instance interétatique combien la jeunesse entend s’emparer d’un sujet qui conditionne directement son avenir.

Notre rôle et notre responsabilité à nous qui avons connu le monde avant l’explosion d’internet sont d’être aux côtés de ces jeunes qui créent le monde à leurs usages, à leur image. Il nous revient de faciliter le dialogue entre cette génération laborieuse confrontée à des défis gigantesques avec les instances qui peuvent contribuer activement à lever des obstacles, des incompréhensions, des empêchements. Sans remettre à demain ce qui aurait dû, pu, être fait hier. C’est le sens même de toute politique publique au sein d’une démocratie.

Ce n’est pas un hasard si sur un autre continent, d’autres journalistes se sont aussi mobilisés pour établir une charte portant sur d’autres enjeux, ceux de la prise en compte de l’urgence écologique. Steven Jambot, mentionné plus haut, a contribué à l’écriture de cette charte.

Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique – Il appartient à l’ensemble des journalistes d’être à la hauteur du défi que représente l’emballement du climat pour les générations actuelles et à venir. Face à l’urgence absolue de la situation, nous, journalistes, devons modifier notre façon de travailler pour intégrer pleinement cet enjeu dans le traitement de l’information. (chartejournalismeecologie.fr)

En Bretagne, nous avons aussi nos lanceurs et lanceuses d’alerte mobilisés en première ligne, avec par exemple la création par des journalistes indépendant.e.s du média en ligne Splann, et le tournage en cours près de chez moi du film inspiré par l’enquête d’Ines Léraud déjà publiée sous forme de BD entrainant un scandale politico-médiatique : « Algues vertes, l’histoire interdite« .

A la Une de Splann, média en ligne créé en Bretagne à l’initiative de journalistes qui partagent des enquêtes qui dérangent

Qui dit média dit information mais aussi désinformation, qui dit en ligne dit flux mais aussi flou. La créativité au service du bien commun et de l’émancipation dans une époque troublée, anxiogène, est une voie. Elle nécessite du courage, du professionnalisme et implique une réelle capacité d’écoute du monde et de l’autre.

L’affirmation de soi à travers la maîtrise de l’outil numérique peut être un levier citoyen pour favoriser l’expression des anonymes, investir notre énergie, nos savoirs, notre intelligence collective, dans le journalisme de solution, mais aussi de nouvelles formes d’action.

De l’outil média à l’engagement du local à l’international, qu’est-ce que je peux vraiment ?

L’atelier s’appuiera sur ma propre expérience de créatrice de contenus, de pédagogue et d’élue locale en charge de la Culture sur une vaste zone rurale en Bretagne, pour mieux faire entendre celle des participant.e.s.

L’atelier permettra de mutualiser, d’analyser à partir de supports concrets les fondamentaux sur lesquels les participants veulent et peuvent construire leur signature à travers leurs propres concepts innovants ou autre démarche de projet.

Françoise Ramel

Médias et démocratie

J’ai donc la responsabilité et le plaisir d’animer parmi d’autres rencontres et témoignages une masterclass sur le thème Médias et démocratie, qui donnera du grain à moudre à toutes les personnes qui voudront interagir avec moi à cette occasion. Parmi elles, j’ai déjà eu la chance d’échanger à distance avec Damaso Alonso Esono et Belgica Nvo Acaba.

Tous deux sont de Guinée équatoriale et ont participé à la création en mai dernier d’une association nationale qui réunit des producteurs et productrices de contenus.

https://lh3.googleusercontent.com/Wnbh-LcF3wZqEyDSnkIrqpM16a5C6L3hQ_R4x-uF1xl1Aa347GyoXc5g93ORQNgCJ2RdKVKHZfdysWp4bag7-sgRn67lj_bkmF-rYEwt6R4bXI0q9WtCezY6tQzv-gBrQyTTX1Z17RUlYiM_htIaGIma8EQ96NlYUrMxfDt8Gig7NgEPFV3qOJPlBvL5sf2Kh2T2jBUvOB9JILCgS2KAFV7tkxz59x21dxStzbjaAmKic5Gy-ZsvVs73rkug2GfQKndynlJeczCJ8JXpT4rRRkkagi9A86fUPLoOqeQGRet1_O-5kZ6cZxxJQ3FZdRtYMr_kYvDKzLTMObHI8IkxYM3SexaTGgpnTXWZaunvwSlZH9aI6yod0Ulw6Zzy_xkjfygUpO9YtmGn0qPzRhHdwDsED5JC9JCrqdhEJmYSF_uJDw9yFN8WTa5uQBwCrUCxKGIKm_tRzeywW6R9hMgAUh_zffpuJ7ESjLgkC9-mbqZwF2V8UBRY14hMqu7LN_ZUeNiQrAoyJFAww1vKF-oyXnV-epJEcJ2q79GqbjQBb2P5K838b4U6JTpwqhT9QJ3a0nQukQvr6lwIcUMbCKhLfvIeaduga9mrlyV0EBCNKE16GquRcyTdnmoQKblOHfLLHOWzwnFfnXbtzcvDWhZd3qJXrtlbNm32FzSN0_YBwliFo6EiRFRJJzJHJwm7WrJyScb1RQlNT_sMMf1ik_ecIB5SdGe_RvEkBzo9HpR9jHAeoSZBsxXSaRHa7s25hcbdIWiaOMUdgXp5rPmunyH5bZkDMLiWf4SWkCBxEcF65c3i7fbq98HiKLr0KqsBzYTDTqk9IcQG30GMTdGy46A-Vg-jYUTmb0lNHmM8EAp1RFOYWNs2TKUayW6jIiO6_achWSGK8NB_ok8lo40aZbEOZossiJ8tRY6nDP6ltVM=w1280-h562-no?authuser=0

Il n’y a pas plus de dix ans, le pays ne disposait que de la page institutionnelle du gouvernement comme seul publication en ligne. Aujourd’hui d’autres contenus à caractère privé existent. L’essor des médias en ligne contribue positivement à la connaissance des informations et des événements réels. Le chiffre exponentiel de lecteurs à travers le monde change considérablement l’image du pays. Nous participons à la construction d’une démocratie solide et pluraliste, capable de se situer aux courants du moment, facilitant la libre circulation des informations conformément aux lois en vigueur.

Damaso Alonso Esono, président de l’Association des journalistes blogueurs de Guinée Équatoriale (APBGE)

Et si l’espoir était permis

Le colloque sur les médias en ligne à Yaoundé se déroule pendant le 40ème anniversaire d’un texte fondateur sur les politiques culturelles, fêté du 28 au 30 septembre à Mexico par la communauté internationale. Le chantier qui s’ouvre à Yaoundé avec pour base une charte de bonne conduite élaborée à partir de l’expérience de jeunes africain.e.s ayant choisi de s’engager sur leur continent dans le champ de la production d’information permet d’espérer la reconnaissance du bienfondé de l’usage des réseaux sociaux pour faire émerger de nouvelles citoyennetés, de nouvelles solidarités.

Depuis 1982, le monde a changé en profondeur, accentuant des disparités, certes, et des fractures, des injustices.

Et si au final, c’était plutôt une bonne nouvelle pour l’Afrique et le monde, malgré les retards pris, les rendez-vous manqués, les remises en question qu’il reste à entreprendre pour ne pas être à la traîne du changement mais pionniers d’une civilisation du progrès humain et planétaire qui reste à inventer ?

B comme Bonus

Témoignage d’une jeune journaliste bretonne

Femmes de Caractères – Yuna Cojean, journaliste en breton ! – RBG | RBG

Site du sommet mondial UNESCO à Mexico

Site du colloque « Médias en ligne, médias non alignés »

Propos introductifs de Thomas Atanga

Interview de Simon Ngono, docteur en sciences de l’information et de la communication

Pour découvrir Blablaboost, un podcast à l’écoute du monde par la voix des artistes

Article Plan B sur la BD « Algues vertes, l’histoire interdite »

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