Faouzi Bensaïdi, meilleur réalisateur à la Mostra de Valence pour « Déserts »

Article : Faouzi Bensaïdi, meilleur réalisateur à la Mostra de Valence pour « Déserts »
Crédit: Déserts Faouzi Bensaïdi

Faouzi Bensaïdi, meilleur réalisateur à la Mostra de Valence pour « Déserts »

Samedi 27 octobre avait lieu le gala de clôture de la 38ème édition du festival de cinéma de Valence qui met en valeur la création méditerranéenne. « Déserts », fiction réalisée dans le Sahara marocain, s’offre une très belle place sur le podium juste derrière la palme d’Or et la palme d’Argent attribuées respectivement au libanais Bessam Breche pour « Riverbed » et à la portugaise Susana Nobre pour « Cidade Rabat ». Comme un clin d’œil temporel, le festival Taragalte qui m’a permis de découvrir le Maroc et le Sahara avec Plan B en 2014, se tenait aussi ce week-end à M’hamid el Ghizlane.

« Déserts » était à l’affiche du Festival de Cannes 2023

« Déserts » ou l’art de l’effet miroir face au vide

Faouzi Bensaïdi s’est vu décerné samedi le prix du Meilleur réalisateur avec en prime une reconnaissance pour les deux comédiens marocains qui portent le récit de cette épopée moderne volontairement inclassable, sinon au rayon des films rares et nécessaires.

Fehd Benchemsi et Abdelhadi Talbi remportent le prix du meilleur acteur ex-aequo. Si ce n’est pas une consécration ça !

Le film est sorti sur les écrans en France le 20 septembre 2023. Si comme moi vous n’habitez pas près d’une des salles qui a programmé « Déserts », il va falloir faire preuve de patience. Mais cela n’empêche ni de s’intéresser, ni de saluer la performance.

J’avais déjà cette conscience de vouloir dire au monde que nous, les Marocains, ne sommes pas condamnés au folklore, et que nous avons aussi des histoires à raconter. La dimension cosmique de la nature m’intéresse aussi à condition qu’elle serve l’histoire. Je prends beaucoup de plaisir à connecter mes personnages à cette dimension.

Faouzi BenSaïdi

L’homme derrière la caméra vient du théâtre

Pas question de commenter des commentaires sur un film peu diffusé, qu’il me tarde tant de découvrir et de programmer en Bretagne, ni de fantasmer sur l’hypothétique interview d’un réalisateur que je ne rencontrerai peut-être jamais.

Faouzi Bensaïdi
Crédit : TelQuel

Pourtant la matière est bien trop belle pour ne pas m’y intéresser. En cherchant à vous informer sur ce film, « Déserts« , vous ferez vous aussi de belles trouvailles inspirantes. Ce qui me frappe, à travers ce que j’ai pu trouver en ligne, c’est la force de conviction d’un homme qui met tout en oeuvre pour aller au bout de son idée, au bout de son cinéma. C’est cela que j’irai voir en salle, plus que l’histoire même que Faouzi Bensaïdi a voulu porter à l’écran.

Bien sûr, je ne serai pas insensible au jeu d’acteurs du duo de comédiens marocains récompensés à Valence et à toutes les situations qui émaillent leur périple. J’en pleure et j’en souris d’avance !

Je veux aussi vibrer avec ces grands espaces désertiques que Faouzi Bensaïdi à immortaliser comme il voulait que nous les voyions. Avec leur âme. Pour mieux percevoir en creux combien nous sommes étrangers à ce qui en fait la beauté fragile.

« Une expérience sensorielle qui ne peut être comprise ailleurs que dans une salle de cinéma ». Voilà comment Soundouss Chraibi, journaliste à TelQuel introduit son article, malheureusement inaccessible en ligne.

Je viens d’un pays que les peintres et les cinéastes adorent.

Faouzi Bensaïdi

Des paysages grandioses pour un casting de premier plan

Si je ne peux pas parler du film, je peux dire ici pourquoi la démarche et le propos de Faouzi Bensaïdi me touchent.

D’abord parce qu’il est question de cinéma, un cinéma de genre qui s’assume, avec des références, des partis pris, une forme de jouissance à user sans retenue ce qui renvoie malgré la technologie à une forme primitive de magie, y compris quand c’est presque trop beau pour faire vrai.

Dans l’extrait ci-dessous d’une interview donnée au festival de Cannes, Faouzi Bensaïdi cite cette phrase d’un homme de théâtre qui disait : « la lumière au Maroc, c’est l’ombre de Dieu sur Terre ». Il explique alors comment sa relation avec les lieux s’apparente à celle qu’il entretient avec des acteurs, jusqu’à comparer son travail de repérage à un casting. Je vous invite à prendre le temps de regarder l’intégralité de cette conversation dans les Bonus.

Mission impossible version « oualou flouz »

Je suis touchée parce que ce réalisateur marocain nous confronte par son regard à un rapport particulier entre l’ordinaire et le spectaculaire, comme si dans un monde où rien n’est plus banal que la vitesse, la violence, la surenchère, l’abondance, le mal-être et le drame portés à l’écran, il y avait mieux à faire pour tirer son épingle du jeu avec tact et intelligence, sans tomber par excès de zèle dans la caricature, une posture morale enfermante ou un scénario insipide, trop prévisible.

Faire mieux en faisant ce que l’on sait faire de mieux avec ce que l’on a sous les yeux, c’est peut-être ce qui différencie le cinéma d’un Faouzi Bensaïdi d’un cinéma « qui fait exploser le pâté de maison » (blockbuster) dans le style du dernier Luc Besson inspiré d’une histoire vraie « Dogman« , thriller qui a fait naturellement un carton au box office, bien que déjà à la 20ème place quelques semaines après sa sortie.

Crédit : Déserts

 Je démarre avec beaucoup d’humour mais je dis la réalité d’un monde. C’est une critique cinglante du capitalisme et de la finance. Je montre jusqu’où cela amène les gens. 

Faouzi Bensaïdi

Je suis touchée parce que les mots d’un Faouzi Bensaïdi parlent à toute une génération de créateurs et créatrices du continent africain dont le travail est de défendre le 7ème art avec leur propre éthique, culture et liberté d’expression, mais sur la base de modèles économiques qui rend la tâche très compliquée, voire périlleuse.

Je suis touchée parce que le Maroc était un pays qui comptait presqu’autant de salles de cinéma que la France, or cette possibilité de faire culture loin des métropoles s’est effacée du paysage en seulement quelques décennies.

C’est là que je vous ressors un moment de ma vie qui m’amuse beaucoup. J’ai peut-être – voire sûrement – déjà partagé cette anecdote dans un autre billet.

Un jeune nomade de M’hamid el Ghizlane s’exclame en sortant du cinéma Rex de Pontivy face à ma joie d’avoir réussi à le convaincre de venir voir un film : « Je suis déjà allé au cinéma, juste je suis pas rentré dedans. »

Bref, si « Déserts » passe près de chez vous, dites à vos amis que vous avez un truc important à faire, que vous ne pouvez vraiment pas remettre à plus tard. Ou mieux, emmenez les au ciné !

Je fais un cinéma très stylé, très préparé, très pensé, très architecturé, mais je fais en sorte que le hasard puisse entrer, que cela provoque l’accident. Je viens du théâtre et ce qui est génial, c’est l’accident en fait.

faouzi Bensaïdi
Mon ami Ibrahim Laghrissi dans les dunes de M’hamid el Ghizlane, cette photo a servi pour lancer un appel à texte intitulé « L’intime étranger » à l’occasion d’une exposition du même nom aux Bains douches de Pontivy en janvier 2018 – Crédit Auberge La Palmeraie

J’adore quand les gens me parlent d’un plan que je n’ai pas tourné. Cela m’arrive parfois et je me dis que le cinéma est fabuleux pour ça  : quand on met une image à côté d’une autre, il y en a toujours une troisième qui monte et qui est celle inventée par le spectateur…

Faouzi Bensaïdi

B comme Bonus

Faouzi Bensaïdi : “Mes films ne cherchent pas à vendre à l’Occident l’image d’un certain Maroc” – Telquel.ma

Interview signée Eva Sauphie

Faouzi Bensaïdi : « Dans “Déserts”, il est question de filmer de petites gens face au vide » – Jeune Afrique

Rencontre avec Faouzi Bensaïdi Quinzaine des réalisateurs

Déserts / Conversation avec Faouzi Bensaïdi – YouTube

Tous les cinémas du monde

Entretien avec Faouzi Bensaidi pour son film «Déserts» – Tous les cinémas du monde (rfi.fr)

Si vous avez la possibilité de soutenir un film documentaire né en Bretagne, produit par Télé Maroc, tourné au Sahara en darija, qui n’a pas pu être diffusé dans les festivals faute de sous-titrage et de présence d’un support de diffusion adéquat, merci de vous intéresser au film « M‘hamid el Ghizlane » de Laila Lahlou et Françoise Ramel (2017)

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Commentaires

Marina Tem
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Votre chronique sur ce film ''deserts'' dont j'avais déjà vu des références attrayantes ça et là sur la toile, m'a fait plaisir. Surtout que vous en parlez par le biais du réalisateur bien ancré dans ses convictions de cinéaste qui établit sa marche vers un cinéma indépendant et propre à lui, un cinema qu'il veut affranchir de préjugés loufoques liés à son pays...
Sans compter les espaces désertiques à savourer que vous decrivez si bien et qui militent bien pour s'émouvoir d'avance et se laisser convaincre à regarder ce film, ce que je ferai très vite!

fanchon
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J'ai tout comme vous hâte de voir ce film et la musique qui l'accompagne. C'est une chance pour le Maroc et le cinéma de pouvoir compter sur le talent et l'exigence d'un réalisateur comme Faouzi Bensaidi. Je vous recommande la lecture sur Plan B de l'article sur Voix du Sahara, et le film SIRA, film d'une jeune réalisatrice burkinabé qui cartonne à l'international dans les festivals. Pas vu non plus.