Un monde en héritage : invitation à voyager dans l’Histoire !

Article : Un monde en héritage : invitation à voyager dans l’Histoire !
Crédit: Françoise Ramel
29 mars 2023

Un monde en héritage : invitation à voyager dans l’Histoire !

Qui n’a pas en tête de grandes épopées, le destin funeste ou victorieux d’explorateurs partis à la recherche de connaissances à l’autre bout du monde ? Voyage ! Qui n’a pas rêvé un jour de mettre les voiles pour tracer sa propre route vers des horizons inconnus ? La Bretagne est une terre de voyageurs, de voyageuses, autant par sa géographie que par son histoire unique aux portes de l’Europe entre Manche et Atlantique. Au coeur de nos terres hospitalières, à Pontivy, un de mes rendez-vous préférés a pu à nouveau se tenir début avril : la Biennale du Livre d’Histoire. Visite guidée d’une exposition dédiée à Marco Polo, présence de nombreuses maisons d’éditions, d’associations, rencontre de passionnés, coups de coeur, je me suis vraiment régalée.

Vrai coup de coeur, je suis subjuguée par le talent de Briac, dessinateur breton que j’ai découvert et rencontré grâce à la Biennale, la force poétique qui se dégage de la BD « Le Méridien » parle à mes rêves Briac et Le Gouëfflec © Locus Solus

Pour les 40 ans de la radio où je suis bénévole, Radio Bro Gwened, j’ai profité de cette rare occasion pour archiver une quinzaine d’interviews qui rend bien compte de la qualité exceptionnelle de cette offre culturelle. Sans attendre la mise en ligne de ces podcasts sur l’audioblog d’Arte Radio, je vous invite avec Plan B à partager ce sympathique voyage dans l’Histoire… du voyage !

Mais avant de nous embarquer, petit clin d’œil musical, car le temps nous prend toujours trop de temps ! Merci Julien Clerc !

Si vous voulez connaître l’histoire de ce grand succès, voilà de quoi vous offrir un premier voyage de 5′ dans l’Histoire de la variété française grâce au podcast « Ces chansons qui font l’actu ».

Chanson de Julien Clerc en Live dans l’émission Champs Elysées du 25 septembre 1982 – INA

On a toujours un bateau dans le coeur

Dans ce Centre-Bretagne qui m’est cher, l’Argoat (forêt), par opposition à l’Armor (mer), j’ai participé du vendredi au dimanche soir à la Biennale du Livre d’Histoire en jonglant avec enthousiasme et conviction entre deux casquettes bénévoles : celle de présidente d’une association pontivyenne, Timilin, celle de chroniqueuse radio.

Le thème de cette édition 2023 entrait en résonance directe avec mes centres d’intérêt variés, mon engagement pour la diversité, les paysages, le partage de savoirs, la liberté d’agir.

Je vous en livre ici quelques aperçus. « Partir, partir, on a tous un bateau dans le coeur »

L’essentiel à retenir de ce billet, c’est que où que vous soyez, quelques soient vos empêchements, le point de départ du voyage n’est jamais plus loin qu’à l’endroit du cosmos, où votre imaginaire décide de s’emparer de la première occasion pour s’évader et construire ses propres divagations.

Mon admiration va à Erwan Seure-Le Bihan, dessinateur breton qui nous offre le plaisir de pouvoir associer ces rencontres à un magnifique visuel. Je salue aussi la performance de Jérôme Nédélec, auteur de romans historiques, recruté par la municipalité pour gérer l’événement avec une feuille de route à appliquer en quelques mois, là où deux années de travail et de réunions étaient la règle.

C’est toujours un progrès quand la Culture relève de choix collectifs soutenus par une volonté politique qui osent s’aventurer loin des sentiers battus.

Une Biennale pas banale

« Voyages dans l’Histoire » est le thème de cette dixième édition qui a eu lieu au Palais des congrès de Pontivy du 31 mars au 2 avril. Auteurs, dessinateurs, scientifiques étaient invités à venir échanger avec un public familial dans une ambiance favorisant la proximité, la discussion.

Juillet 2022, invité d’honneur du Festival « Paysages » pour les 20 ans de l’association Timilin, Jérôme Nédélec fait un voyage dans l’Histoire en découvrant Motten Morvan, une forteresse du 8è-10è siècle à Saint-Aignan (Morbihan) – Crédit
Françoise Ramel

J’aime la dimension internationale qu’a pris d’emblée ce rendez-vous rien qu’en lisant le programme de conférences et les animations proposées. J’aime aussi la façon dont les cadres ont été posés par l’équipe organisatrice, les liens tissés entre histoire du monde et notre propre histoire en tant que bretonnes et bretons.

J’apprécie que les femmes soient bien représentées dans le panel d’intervenants et pas sollicitées à la marge pour faire de la figuration, comme trop souvent encore sur certains événements, même si cela semble carrément anachronique.

Parmi les auteures de renom invitées, Irène Frain, aux origines bretonnes. J’ai son dernier roman sur ma table de chevet, après avoir lu les précédents, « Un crime sans importance », « Marie Curie prend un amant ». Il y a aussi Lucie Azéma, Blanche El Gammal, Laurence Moal.

Extrait du programme de la 10è édition de la Biennale du Livre d’Histoire – Crédit Ville de Pontivy

Je suis rentrée à la maison avec un ouvrage sorti en 2021 signée par une épigraphe célèbre, Annie Sartre-Fauriat, après l’avoir interviewée avec son mari, Maurice, lauréat d’un des prix de la Biennale. Depuis je voyage dans l’Histoire … en Syrie.

Ce livre scientifique désormais sur ma table de chevet était en compétition pour un des prix de la Biennale du Livre d’Histoire sur le Voyage. Crédit CNRS
J’ai d’abord ressenti de la curiosité puis un élan de sympathie spontanée pour ce couple dont la vie privée et professionnelle est indissociable de leur engagement pour la sauvegarde d’un patrimoine dans le Sud de la Syrie, auquel ils n’ont plus accès depuis 2011 Crédit : Annie et Maurice Sartre

Splendeur oubliée en Syrie, trois-mâts reconstruit à l’identique en Suède

Depuis ce week-end intense en découvertes, je me suis offert une autre forme de voyage dans l’Histoire en m’intéressant au choix d’une photographe française en mission à bord d’un vieux gréement suédois sur lequel elle s’était embarquée à Sète pour trois semaines, pendant que je ne perdais pas une miette de tout ce que je pouvais glaner de passionnant à Pontivy.

Est-ce que je vous ai dit que mon film préféré est « Master and Commander, de l’autre côté du monde » de Peter Weir, et que j’ai aimé suivre jour après jour ce que Jean-François de La Pérouse, capitaine d’expédition consignait dans son journal de bord jusqu’au naufrage de la Boussole ?

L’Astrolabe et La Boussole en 1786, un an après leur départ de Brest. Chaque navire comporte 3 mâts et 2 ponts, et mesure environ 42 m de long, 9 m de large. Le projet de construction d’une réplique de la Boussole a été annoncé par Patrick Poivre d’Arvor, président du Musée national de la Marine lors du One Ocean Summit 2022 qui s’est déroulé à Brest.

Mon entretien avec Aurore Vinot a été diffusé sur le ondes bretonnes le 20 avril. Je vous invite vivement à suivre son travail sur son compte insta et à garder en tête qu’une exposition sur les femmes à bord de Götheborg verra bientôt le jour.

Voyager dans l’Histoire, c’est aussi apprendre de notre époque, en changeant nos focales.

Lien du podcast Femmes de caractères ici.

Vous reprendrez bien un peu de Napoléon !

Des figures historiques dont Napoléon III et Eugénie se sont aussi invitées dans le décor de la Biennale. Le couple impérial a défrayé la chronique grâce à la sortie d’un ouvrage collectif au Presse Universitaire de Rennes.

Pas moins de 320 pages sont consacrées dans « La Bretagne de Napoléon III » à un voyage de quinze jours à travers lequel les spécialistes peuvent décrypter les mutations d’une société, rendre compte d’un contexte politique.

Entre relecture du passé et fantasmes, l’Histoire sert aussi d’approche révélatrice, à travers les objets qu’elle permet de mettre en lumière, des obsessions et cadres de références de notre époque contemporaine, dont le sujet traité, les faits historiques, les mentalités d’alors, sont par nature très éloignés.

Je ne suis pas de celles qui rêvent de crinolines, de poitrines pulpeuses jaillissant de torses compressés dans des corsets. Je ne suis pas non plus de celles qui applaudissent les revirements opportunistes au gré des changements de régimes à Paris.

Ouvrage collectif sorti en 2023 présenté à la Biennale du livre d’Histoire, Pontivy

Pontivy s’est appelée Napoléonville à plusieurs reprises et a failli s’appeler Bourbonville, après l’abdication de Napoléon 1er. De la vertu de la constance dans l’allégeance au pouvoir en place.

Mais le degré de délicatesse qui sied à la figure du neveu de Napoléon 1er pour parader en calèche au milieu de miséreux culs-terreux bretons avec d’aussi fines moustaches à de quoi capter le regard.

Où que vous soyez, quelques soient vos empêchements, le point de départ du voyage n’est jamais plus loin qu’à l’endroit du cosmos où votre imaginaire décide de s’emparer de la première occasion pour s’évader et construire ses propres divagations.

Françoise Ramel

Voyager dans le temps, oui mais dans quelle Histoire ?

La Bretagne dessinée par un géographe arabe né en 1100, Charif Al Idrissi. J’ai pris ce cliché au Musée des Confluences de Marrakech en décembre 2017

Parmi les conférences que j’aurais adoré suivre, si elle n’avait pas été annulée pour cause de France bloquée par des mouvements sociaux (historiques), il y avait celle proposée par Jean-Charles Ducène, directeur d’études à Bruxelles, au sein de l’Ecole pratique de Hautes Etudes. Pour trois raisons simples :

  • il était question de géographie et de Moyen-Âge
  • il était question de la Bretagne
  • il était question de savoirs produits dans le monde arabe

C’est exactement pour remettre en perspective connaissances et représentations qu’une Biennale comme celle proposée par la Ville de Pontivy est un moment trop rare et d’une grande valeur.

À moins de considérer que le monde va si bien qu’il est vraiment inutile de vouloir ne serait-ce que requestionner un regard autocentré depuis des siècles au service d’une certaine vision de l’Histoire, soumise à des enjeux liés à des rapports de domination économique, culturelle, politique.

Napoléon à Pontivy, Anne de Bretagne à Blois

La Ville de Pontivy n’a pas souhaité mettre de moyens pour créer un site web dédié pour l’événement malgré ce dixième anniversaire. A l’heure des réseaux sociaux, c’est quasi une contre-performance et très surprenant, d’autant que cette Biennale est le premier rayonnement culturel notoire au calendrier depuis que la cité peut se prévaloir du label Pays d’Art et d’Histoire obtenu en 2020.

Les célèbres Rendez-vous de l’Histoire fêtent leurs 25 ans en octobre 2023. Avec une Biennale de haut vol comme l’édition de cette année, seul rendez-vous de référence dans ce domaine à l’Ouest de l’hexagone, nous avons une chance énorme. D’autant que les auteurs ne se font pas priés pour répondre à l’invitation. Ils et elles adorent la Bretagne !

Il faut bien reconnaître que les moyens alloués à son grand salon littéraire par Blois, ville royale, sont sans commune mesure avec les moyens limités d’une sous-préfecture de 15 000 habitants, unique cité de Bretagne à pouvoir s’honorer d’avoir hérité dans son plan urbain d’une ville médiévale et d’une ville nouvelle au siècle des Lumières.

Avec un budget de 45 000 euros, la Biennale du Livre d’Histoire créée il y a 20 ans pourrait cependant mieux remplir sa mission et se hisser facilement en quelques années au rang d’événement national et international.

Une de mes réussites en tant qu’élue locale a été de faire inscrire dans l’Agenda 21 de la Ville de Pontivy une bourse de recherche pour les étudiants qui voudraient œuvrer à la sauvegarde du patrimoine. A ma connaissance, je crois que ce principe d’aider au développement de la connaissance n’a jamais été activé et valorisé. C’est le sens même de la notion de « choix politique ».

Deux étudiants en Master 2 « Médiation du patrimoine », Emma Nouvel et Arthur Ruaux, étaient présents sur le stand de Timilin, moudre nos idées ensemble. C’était leur première expérience de salon, leur première expérience de radio.

Emma et Arthur ont présenté au grand public un cahier pédagogique qu’ils ont réalisé en quelques mois avec deux autres étudiants de leur promotion à l’intention des enseignants et animateurs Jeunesse qui voudraient faire un voyage dans l’Histoire avec des groupes d’enfants, à seulement 10′ de Pontivy.

Grâce à une aide de la Région administrative, l’association pontivyenne pourra bientôt recruter son premier jeune salarié pour participer à sensibiliser à la valeur de ces héritages et traces du passé qui dans d’autres pays disparaissent du jour au lendemain selon les envies de provocation d’un groupe terroriste.

Arthur, Emma, Candice, Erwan. J’ai adoré travailler avec ces jeunes de 20 à 23 ans depuis notre rencontre à l’Université de Rennes pour un projet tutoré. Début avril commençait leur stage professionnel en tant que médiateurs du patrimoine.
Crédit Françoise Ramel

Garder intact l’attrait pour le savoir et l’inconnu

Du siècle qui a connu une révolution et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du citoyen, ainsi que la loi du 16 pluviôse an II actant en théorie l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises, il reste des trésors conservés précieusement à Pontivy, dont un exemplaire original de la série complète de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

Bien avant que les outils d’intelligence artificielle produisent à la demande des précipités visuels d’Histoire de l’Humanité ou d’Histoire des Arts, des savants consignaient des connaissances qui relèvent du bien commun dans des ouvrages exceptionnels.

N’est-ce pas troublant de penser qu’une certaine forme d’urgence et de nécessité a commandé la réalisation d’un tel travail de collectage, de documentation et d’archivage de la connaissance ?

J’ai eu la chance de voir cette collection impressionnante après deux mandats d’élue locale, parce que j’ai voulu que naisse à Pontivy une bande dessinée qui retrace un voyage, un très long voyage, celui d’un jeune chamelier somalien.

A ma manière, j’ai ressenti l’urgence et la nécessité d’archiver un savoir utile et précieux pour mon époque. Paradoxalement, le savoir qui a voyagé jusqu’à Pontivy avec l’exil involontaire de Liban Doualé ne s’est jamais écrit ailleurs que dans une chaîne de transmission orale, et pendant dix siècles.

Il aura fallu cette forme de voyage contemporain, cet arrachement, pour qu’il s’imprime, sinon dans nos esprits, au moins sur du papier.

Mais au moins, l’Histoire se souviendra… un jour, quelque part, peut-être même dans la brousse du Jubaland dont Liban Doualé est originaire, le devoir de mémoire pourra faire son oeuvre.

Savez-vous qu’un si long voyage peut rendre fou ?

Si j’ai acheté à la Biennale le livre d’Annie Sartre sur la Syrie en pensant aux drames que connaissent les peuples victimes de guerre, de terrorisme, ou de logiques modernes et vicieuses de destruction de leurs économies locales, j’ai aussi craqué pour une autre forme de récit, grâce à un roman graphique signé par deux bretons.

Si je n’avais pas été si occupée, je crois que je n’aurais pas décollé mes yeux de la matière prenant vie sur la table de travail de Briac.

Briac était à l’oeuvre pour le grand bonheur des lecteurs, petits et grands, tous repartis avec un ouvrage dédicacé, un large sourire aux lèvres. Un dessin unique pour chacun. L’attente même était plaisir, occasion de discuter entre visiteurs.

« Le Méridien », bande dessinée de 144 pages, véritable oeuvre d’art, commence par une citation de Diderot. Du 100 % made in Breizh, car la maison d’édition, Locus Solus, est basée à Châteaulin, dans les terres.

Avec Méridien, Briac et Le Gouëfflec livrent un projet abouti qui s’approprie audacieusement les codes du récit d’aventure tout en déroulant un propos historique précis et rigoureux. Un album foisonnant, complexe et poétique, comparable à aucun autre, qui contraste avec une partie de la production actuelle.

François Rissel, Actua BD

Brendan, de Pontivy au grand large

Pour conclure ce billet, je vous propose d’embarquer ensemble pour de vrai dans un voyage. Celui d’un jeune pontivyen qui décide de monter un équipage dans une école d’ingénieur à Strasbourg pour prendre la mer à bord d’un catamaran en cale sèche ! Cela vous tente ?

Premier jeune breton interviewé pour le podcast « Ma parole ! », Brendan Gau est de Pontivy. J’ignorais en janvier que le thème de la Biennale serait en phase avec cette envie de voyage ! L’histoire qu’il partage est celle d’une très belle aventure collective

Rien de plus simple, sortez vos cirés jaunes, vos marinières et vos plus belles lunettes de soleil. Un casque sur les oreilles, je vous laisse le choix de la météo, mer calme ou grand vent, et c’est parti ! Cap sur l’Audioblog d’Arte Radio, Ma parole ! avec Brendan Gau.

Où il est question d’avoir un bateau dans le coeur, sur mer … et à vendre.

B comme bonus

Si l’envie vous prend de prolonger ce voyage dans l’Histoire, au gré du vent et de vos courants, voici quelques ressources. A vous de définir un cap et de choisir vos escales !

La pression régionale en parle

Les Rendez-vous de l’histoire (rdv-histoire.com)

Biennale du Livre d’Histoire 2023 – Ville de Pontivy (ville-pontivy.bzh)

SEURE-LE BIHAN Erwan (Illustrateur,Illustrateur,scénariste,scénariste,coloriste,coloriste) | soleil (editions-soleil.fr)

Représentations et cartes du monde/Histoire de la carte — Wikiversité (wikiversity.org)

Lexique : termes les types de bateaux – Chasse Marée (chasse-maree.com)

Voir la très belle interview d’Aurore Vinot, sur une autre forme de voyage dans l’interculturel

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