La Cimade réagit à la nomination de Michel Barnier à Matignon
L’heure est grave. Les Jeux Olympiques n’étaient qu’une fête, une très belle fête au service de la performance et de la paix. Si l’événement mondial a soulevé l’enthousiasme, fait rêver les plus passionnés de compétition sportive, rappelé l’importance de l’art et de la création lors des différentes cérémonies, il a aussi occulté dans les médias combien la France va mal et s’enlise dans l’impasse. Commenter des commentaires sur l’actualité politique de mon pays, je pourrais faire, mais à quoi bon.
Il suffit de saluer d’un sourire crispé l’aboutissement d’un long processus de dialogue de sourds soldé par un profond déni démocratique. Il suffit d’espérer que l’Histoire de France traduira le plus justement possible ce dramatique et incompréhensible jeu de dupes orchestré par Emmanuel Macron depuis le soir du 9 juin 2024, sans tergiverser sur les conséquences d’une dissolution de l’Assemblée nationale.

Une nomination qui ne résout rien
Laisser croire aux électeurs du Rassemblement National que leur chef de file pouvait prétendre au siège de Premier Ministre est une erreur tactique, dont le Président français est directement comptable et seul responsable. Il s’en est fallu de peu. N’oublions pas avec quel aplomb, avec quelle condescendance, Marine Le Pen entendait remettre la France sur ses rails et briguer la Présidence.
Démagogie, encore et toujours ? L’assurance d’avoir brisé le plafond de verre lui offre la légitimité de nous servir n’importe quelle soupe, pour peu que la verve et le verbe entretiennent la flamme des discours haineux, favorisent les amalgames en tout genre, tout en caressant le bon peuple français dans le sens du poil.

L’heure est grave
Je ne peux pas non plus considérer que se taire est une option, alors je choisis de relayer sur Plan B l’expression d’une ONG qui œuvre pour la solidarité et le respect du droit international : la Cimade.
Le communiqué a été publié aujourd’hui, au lendemain de la passation de responsabilité entre Gabriel Attal, Premier Ministre démissionnaire depuis début juillet, et Michel Barnier, sorti des cartons comme on sort un lapin du chapeau.
En Mai 1968, ce politicien de carrière avait 17 ans. Ni lui, ni ses amis Jeunes Gaullistes, dont il était le porte-parole en Savoie, ne sont les héritiers de la réussite de ce mouvement historique porté par la société civile et les forces de gauche ayant inscrit dans les mémoires le basculement d’une société rétrograde vers l’espoir de nouvelles libertés à défendre contre le conservatisme. Un changement d’époque.
La nomination de Michel Barnier dans un moment de l’Histoire mondiale où nous devrions avec d’autant plus de force et de courage réussir à basculer dans une autre civilisation est un signe lourd de sens.

Nomination du premier Ministre : face à l’incompréhension et l’effarement, l’urgence d’un changement profond d’orientation politique sur les questions migratoires
Les élections législatives anticipées, qui ont failli consacrer l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, ont été l’occasion d’une mobilisation massive de la société civile, de millions de citoyennes et de citoyens, pour défendre nos principes républicains, éviter le basculement vers l’abîme démocratique qu’aurait entraînée une victoire du RN et de ses soutiens.
Au lendemain de cette séquence apparaissait une nécessité : tracer un chemin alternatif pour combattre véritablement l’extrême droite et ses idées dans la durée, avec la conscience de l’ampleur du défi restant à accomplir. Et permettre de faire renaître l’espoir d’une autre société, construite sur la solidarité, l’accueil, la garantie de l’égalité entre toutes et tous.
Dès lors, un impératif s’annonçait : tourner le dos à des politiques qui, tout en prétendant combattre l’extrême Droite, ne conduisent en réalité qu’à la renforcer, en reprenant ses mots, ses théories, ses propositions ; la promulgation de la loi asile et immigration en janvier 2024, revendiquée comme victoire idéologique par le RN, en étant l’une des illustrations les plus emblématiques.
De ce point de vue, la nomination au poste de premier Ministre de monsieur Michel Barnier, qui laisse craindre la perpétuation d’une surenchère de stigmatisation et d’atteinte aux droits des personnes migrantes, que la droite et l’extrême droite réclament déjà, ne peut susciter qu’incompréhension et effarement ; ses positions exprimées sur les questions migratoires, les propositions de démantèlement de l’Aide Médicale d’Etat, de remise en cause des engagements constitutionnels et internationaux de la France, s’étant avérées particulièrement outrancières et répressives.
Alors que ne cessent de progresser les idées de haine et de rejet de l’autre, alors que de nouveaux naufrages dramatiques dans la Manche et la Méditerranée sont venus montrer encore une fois le caractère inefficace et mortifère de politiques migratoires construites selon les seules boussoles de la fermeture et de la répression, nous voulons solennellement dire au premier Ministre et à son futur gouvernement l’urgence absolue, pour les personnes migrantes, pour l’ensemble de notre société, pour l’avenir de notre démocratie et pour nos principes républicains, d’un changement profond d’orientation politique et idéologique sur les questions migratoires.
Et en appeler à toutes et tous, citoyennes et citoyens, acteurs sociaux, associatifs… pour que ce message soit plus que jamais incarné, relayé et défendu ; pour faire de l’accueil et de la solidarité, du respect des droits et de la dignité des personnes, le socle commun de notre société.
Communiqué de la Cimade, 6 septembre 2024
Exemple de beau projet monté en 2021 à Bruxelles par des artistes et des citoyens, auquel j’ai pu faire participer plusieurs créateurs, dont Niko, auteur de BD à Pontivy, co-auteur de « Qalbi jab » (cœur fendu) avec Liban Doualé, jeune demandeur d’asile ayant obtenu le statut de réfugié en décembre 2020, après trois années de procédure.
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