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PLAN B
Article : Blablazik : ma petite distillerie plaisir avec les artistes
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17 juin 2022

Blablazik : ma petite distillerie plaisir avec les artistes

Blablazik est une émission de radio diffusée à l’antenne et en podcast sur Radio Breizh depuis mars 2020. Mars 2020 ? Tiens donc, ça ne vous rappelle rien ? Depuis un enregistrement avec le duo Morsgaël en amont d’un concert de St-Patrick qui n’a jamais eu lieu, je reçois régulièrement en studio, ou chez eux pour certains, des artistes qui me font vibrer le temps d’un échange improvisé. De Plan B à Blablazik, il est facile de faire le lien, de comprendre un mode de fabrique et une signature. Merci à Mondoblog et à Radio Bro Gwened d’être ces espaces où tout est possible.

Le concept de Blablazik est on ne peut plus simple. Du blabla et de la zik ! Pendant 45′, les invité.e.s ont tout loisir de nous faire partager leur univers. Je tire doucement sur les fils d’une histoire que je découvre dans l’instant. Il est question d’enfance, de relations, de racines, de références, de répertoires, d’instruments, de choix, de liberté, d’amitié. Je puise dans cette intimité éphémère ce qui donne toute sa saveur à l’émission. J’improvise et j’aime ça. Chaque morceau live apporte une respiration chargée d’émotion et (m’)ouvre à d’autres niveaux de conscience.

Passer de l’ambiance backstage au studio

J’ai créé Blablazik parce que j’ai écouté ce que m’ont dit les deux musiciens de Morsgaël sur l’intérêt d’un moment qu’ils venaient de partager avec moi. Nous ne nous connaissions pas. Le Covid aidant, je me suis lancée sans autre filet que mon plaisir de vivre ces instants à part. Comme une vraie chance. Dans une bulle de confiance et de liberté totale. Avec en prime ce privilège rare de ne rien avoir à gérer sur le plan technique. Radio Bro Gwened veille aussi bien à la prise de son qu’au montage. Quand je suis « on my own », je gère la prise de son avec mon téléphone portable et jusque là, ça le fait.

Offrir à un auditoire ce rendez-vous mensuel au gré des aléas sanitaires a été une façon simple et joyeuse d’exprimer ma solidarité avec une profession mise en péril par la pandémie. J’avais pris l’habitude des ambiances backstages à pas d’heure dans la nuit pour archiver des expressions d’artistes au gré de mes envies. Il y a du bon à s’inventer des Plan B, en toute circonstance.

Magnifique cadeau d’anniversaire, merci Blablazik

Deux ans plus tard, je mesure encore mieux la chance d’avoir su créer des conditions d’écoute pour partager un geste musical, un propos, dans un espace scénique réduit à l’essentiel. Quand le hasard s’en mêle, c’est parfois jackpot. Le jour de mon anniversaire en mars dernier, j’étais face à Sadam, le leader du groupe Imarhan, de retour en Bretagne après six ans d’absence. Vous qui avez lu certains billets sur Plan B, vous savez combien je suis complètement dingue de musique du désert.

Plutôt qu’épiloguer sur ces conversations qui m’ont apporté de vrais moments de bonheur, je vous suggère de piocher au hasard parmi les 14 podcasts déjà en ligne, selon vos propres centres d’intérêt ou envie de voyage.

Parfum d’Eden dans mon jardin monde

A sa façon, chacune de ces émissions est une invitation à croire au paradis sur terre. Elle est là la magie des artistes. Cette capacité à nous transporter loin d’un monde dont le curseur se résume parfois à trouver notre polarité quelque part entre le supportable et l’insupportable, le confort et l’inconfort, la beauté et la laideur, un trop plein d’amour ou la désespérance dans l’être humain.

Quand on apprend à distiller son plaisir à l’écoute du talent, le simple don de soi devient lui aussi un art subtil. C’est ce que je vis avec Blablazik : la sensation de créer une fragrance sonore qui explore et embaume l’espace d’un instant la profondeur de nos plus intimes capteurs. Délectation !

Accéder aux podcasts Blablazik en un clic

Vous n’avez plus qu’à vous laisser guider par une envie et si le voyage vous plaît, merci de penser à partager votre expérience d’écoute dans les commentaires. Je ferai suivre vos retours aux artistes et à la radio dont le nouveau site internet vient tout juste d’être mis en ligne.

Georges Breuil, violon, Dick Malicka, chant et guitare, forment le duo de musique irlandaise Morsgael

Pinc Floyd, Ronan et Arthur Pinc, violon et guitare, père et fils story !

Adeline Haudiquet et Doniphane, le duo intensément blues d’Akene bleu

Le trio Jinji a produit Floating world grâce à une collecte de fonds

Alexandre Guilloux, piano, Armel Le Dorze, ténor, donnent vie aux Zopioks.

Créateurs de Barok, Lomig Le Lu, Gwenvaël Le Moal, potes de maternelle

Un univers à part entière avec White Oak Standing

Ils ont tout pour vous faire aimer leur trip rock underground Shannons

Mali-Bretagne avec Yohann le Ferrand et la chanteuse Tina, Yeko cartonne

Ethiopie-Bretagne, Badume’s band, c’est une longue histoire d’amour

Cette histoire unique dépasse la fiction. Kristo a tenu promesse, la promesse d’une vie

Dourgan, quand l’âme du monde celte envahit le studio et change le monde en un solo

Anniversaire génial avec Imarhan pour inconditionnelle de musique du Sahara

B comme Bonus

Pouvoir parler de la génèse d’un projet de création bien avant sa sortie officielle, c’est aussi cela Blablazik. Et nourrir des liens d’amitié !
Je ne m’explique toujours pas ce qui me lie au blues du désert, mais je sais que Blablazik comme Plan B existent grâce à ce lien puissant
La musique, surtout chez moi en Bretagne, c’est aussi une énergie folle partagée dans une ronde de danseurs et danseuses, avec un vivier de création incroyable. Personne ne te demande si tu es pro ou amateur, tu joues quoi et tu prends ton pied.

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Article : Journée UNESCO : le 21 mai dans un quartier urbain multiculturel en Bretagne, quesaco ?
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19 mai 2022

Journée UNESCO : le 21 mai dans un quartier urbain multiculturel en Bretagne, quesaco ?

Quatre associations du quartier de Villejean accompagnée par l’association Timilin, moudre nos idées ensemble, officialisent à Rennes le lancement d’un projet artistique participatif à l’occasion de la journée mondiale de la diversité culturelle, ce samedi 21 mai 2022. Ce serait trop long à expliquer, mais cette action inédite et originale visant la promotion des valeurs défendues par l’UNESCO n’existerait pas sans Mondoblog-RFI et sans Plan B.

La démarche innovante mise sur pied depuis janvier 2022 par des femmes bénévoles de différentes générations et nationalités s’inscrit en soutien à un projet porté depuis cinq ans par une de ces associations, « Le Bougainvillier », avec une détermination exemplaire face aux difficultés rencontrées : « le Palmier câlin ». Innover, c’est accepter de ne pas rentrer dans des cases. Dans le système français tel qu’il s’applique le plus souvent à nos réalités sociales et culturelles, c’est très compliqué !

Il ne faut pas confondre dictature de la pensée et didacticiel. En France, au lieu d’encourager le développement de l’initiative, voire l’innovation sociale, les cadres imposés par certaines collectivités pour promouvoir l’éducation, la culture, la créativité, sont parfois juste de parfaits outils pour entretenir des logiques discriminatoires et des jeux de pouvoir bien établis à toutes les échelles de prise de décision. Promouvoir la diversité culturelle impose un préalable : oser regarder en face les disfonctionnements et les hypocrisies sur lesquelles se sont construites nos institutions.

Françoise Ramel

Associer les habitants et des artistes

Ce que cherche à expérimenter les femmes du quartier de Villejean en prenant en main leur destin mérite qu’on oublie – le temps d’une chance donnée à l’intelligence collective et au lien social – ces cases faites pour et par des référentiels qui n’ont rien à voir avec d’autres modes de pensée et d’action, hérités des cultures et des sociétés africaines. Oui, il ne faut pas confondre dictature de la pensée et didacticiel.

Sous l’impulsion d’une chanteuse bretonne, Annaïg Ramel, le projet intitulé « Etre et renaître » associe cinq artistes du territoire qui seront présentes pour le lancement du projet ce samedi et deux artistes résidant à Bruxelles et Paris : Elisa de Angélis, dramaturge italienne de 36 ans, Tina Salimata Traoré, chanteuse malienne, jeune maman solo.

Le choix s’est porté assez spontanément sur 7 femmes artistes d’horizon divers qui ne se connaissent pas. Toutes ont adhéré d’emblée à la proposition et acceptent de se lancer dans une entreprise où l’inconnu prime sur le confort et les certitudes.

Lors d’une réunion de préparation de la Journée mondiale de l’UNESCO à la Maison de quartier de Villejean en mai, avec deux responsables d’associations partenaires et deux étudiantes. Cinq femmes, cinq nationalités, une même envie d’agir – Crédit photo Françoise Ramel

Ces créatrices se verront confier les textes écrits par les habitant.e.s d’ici le 1er juillet pour les mettre en scène à partir de leur propre vécu, leur expression singulière et croisée. Impossible de dire aujourd’hui ce qui sortira de l’alambic. C’est bien là tout l’art d’un projet participatif, collaboratif, solidaire, construit sur la confiance mutuelle a priori, le respect et l’écoute réciproque. Rien d’autre.

Ces jeunes artistes sont aussi pour certaines d’entre elles des mamans solo confrontées à des problèmes de garde de leurs enfants, tout comme les femmes du quartier de Villejean qui cherchent à développer leur potentiel, à se créer des opportunités rares dans un contexte souvent peu encourageant en matière d’expression et d’émancipation.

Liberté d’agir

Cette approche collective est volontairement autonome et autogérée, sans la tutelle d’une structure sociale ou culturelle. Notre totale liberté sur la gouvernance comme sur les modalités d’action donne toute sa force au projet. Mais il laisse la place à toutes les structures de type public qui le souhaitent d’être dans leur mission : faciliter.

Accompagner sans détruire ce qui fait l’originalité d’un propos, sa substance, sa raison d’être, au nom d’une expertise ou d’une expérience jugée supérieure à celle des premiers concernés, les habitants, n’est pas si simple. Surtout dans une époque un peu-beaucoup troublée, gonflée à bloc de surcroît par les discours de compétition, de réussite. Parce que reconnue par des diplômes ou je ne sais quel présupposé donnant autorité à celui (ou celle) qui a le pouvoir de vous empêcher d’agir s’il en a envie, quelle expertise peut se prévaloir sur une autre en matière d’innovation sociale et d’action culturelle ?

L’ambition partagée avec les femmes du quartier de Villejean se fonde non pas sur le statut, l’origine, la langue parlée, l’âge, ou tout autre critère discriminatoire dans une société française ultra-formatée, peu encline à voir une richesse dans la différence, un progrès dans la coopération. Ce qui nous interpelle et nous intéresse, ce sont des potentiels spécifiques à développer, à combiner quand c’est plus efficace, et les freins rencontrés par toute femme sur son parcours, juste parce qu’elle est née femme.

A fortiori quand elle appartient à cette catégorie de population victime d’un terme barbare inventé par les chercheurs : l’intersectionnalité.

L’ intersectionnalité (de l’anglais intersectionality) ou intersectionnalisme est une notion employée en sociologie et en réflexion politique, qui désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société.

Wikipédia

Paroles de femmes

La parole de femmes engagées sera mise en avant samedi matin afin d’évoquer leurs ambitions, leurs stratégies pour concilier responsabilité familiale et vie professionnelle, ainsi que l’apport interculturel de ces quartiers populaires, assez souvent marginalisés, voire décriés dans la métropole rennaise.

Dramatiquement, des faits renforcent parfois cette image de quartier défavorisé. C’est le cas du féminicide survenu le mois dernier à Villejean. Bien sûr, nulle d’entre nous n’avait envisagé ce cas de figure au moment de réfléchir à la façon de travailler ensemble, parce que nous en avions juste envie. Parce que nous en avions l’audace.

Un format s’est peu ou prou dégagé de nos échanges informels, quand à partir d’une idée de départ, monter un festival de femmes, nous avons su dégager les points forts d’un vrai projet pertinent, susceptible de fédérer d’autres énergies bénévoles en plus de la nôtre. Un projet surtout plus léger dans sa mise en oeuvre que l’organisation d’un événement musical festif, aussi séduisante cette projection soit-elle.

Nous ne savions qu’une seule chose : il ne faudrait compter que sur nos énergies pour définir ce projet sorti de nulle part sinon de nos utopies, lui donner une forme attractive, la plus pro et sympa possible. Et ce, sans un centime de financement public avant d’officialiser les premiers temps forts programmés d’ici l’été.

Etre et renaître

La dynamique impulsée à travers l’appel à textes « Etre et renaître » donne carte blanche aux habitant.e.s avec un parti pris original : considérer la valeur de cette expression multiple, multiforme, multilangues, en misant sur un process de création artistique confié à des femmes qui se sentent concernées par des problématiques similaires dans leur vie personnelle et leur vie d’artiste.

Les réponses spécifiques à apporter en local aux besoins des mères en s’appuyant sur leur propre capacité collective à prendre en main leur destin, nécessitent de leur donner accès à un accompagnement adéquat, bienveillant, non condescendant ou autocentré sur des référentiels culturels déconnectés du vécu de ces quartiers cosmopolites, territoires vivants et créatifs, en interaction avec d’autres territoires du local à l’international.

L’appel à textes s’accompagne d’un appel à tissus. Les artistes sur scène après l’été pour présenter aux habitant.e.s le résultat de leur travail dans le cadre d’une résidence de création de trois jours seront habillées par les stylistes pro ou amateurs du quartier. Ce choix illustre l’esprit de créativité et la démarche proactive de valorisation des talents locaux au sein du concept innovant « Palmier câlin ».

Avant-goût de cette Journée UNESCO sous le signe de la création

Programme des tables rondes de 10h à 12h – Samedi 21 mai – Maison de quartier de Villejean

1ère partie : « Etre et renaître » un projet interculturel autogéré ancré au local, sur mesure (10h-11h)

Lancement officiel de l’appel à texte / Présentation de l’équipe projet bénévole interculturelle

Table ronde avec les artistes locales sollicitées pour travailler à partir des textes recueillis d’ici l’été

Présentation des étudiantes associées à la dynamique projet dans le cadre de leurs études ou par simple désir de participer (Lannion, Rouen, Amiens, Rennes …)

2ème partie : Journée mondiale de la diversité culturelle (11h-12h)

1/ Interview de Martine Doua, directrice de l’association Le Bougainvillier

Rappel des fondamentaux liés à ce projet porté par les habitant.e.s en réponse à leurs propres définitions de leurs besoins : lieu d’accueil, compétences d’accompagnement, stratégie de développement du potentiel de  chacun.e à travers une ambition collective, un résultat partagé et une autre approche de la parentalité

Etat d’avancement du projet « Palmier câlin » : quels progrès actés grâce à une expérimentation programmée en 2022 par le Comité de pilotage ?

2 / Questions posées par Françoise Ramel, présidente de TIMILIN, à Régine Komokoli, Collectif Kuné, et Maguy Ndjali Eteno, présidente de Solidarité partage des Savoir-faire

Quelle interculturalité citoyenne à Villejean et Beauregard ? Utopie réaliste et changement à l’œuvre

Identité visuelle du projet

Le visuel qui accompagne le lancement officiel du projet « Etre et renaître » a été réalisé à titre bénévole par une étudiante infirmière, Katty Bardouil, qui sera diplômée cette année. Katty est d’origine bretonne et béninoise. D’autres étudiantes ont rejoint comme elle, la dynamique et apportent leur savoir-faire à la réussite de cette proposition au carrefour de tant de regards, tant de langues et de cultures.

Une véritable aventure humaine, avant d’être une aventure de femmes !

Crédit graphisme : Katty Bardouil

L’appel à textes

L’association Le Bougainvillier et le Collectif Kuné invitent les habitants de Villejean-Beauregard à participer à un projet artistique en soutien au projet Le palmier câlin.

Chacun, chacune, peut s’emparer du thème avec ses propres mots.

« Être et renaître »


Vous pouvez écrire un texte à titre individuel ou collectif sous la forme et dans la langue de votre choix.

Clôture de l’appel à texte le 1er juillet 2022


Ce projet de quartier et votre participation sont le support de plusieurs rencontres.

Journée mondiale de la Diversité culturelle, UNESCO, samedi 21 mai

Journée nationale du Patrimoine de Pays et des Moulins, samedi 25 juin

Des scènes ouvertes au Parquet d’bal suivies d’une résidence avec 7 femmes artistes après l’été.

Les textes signés permettront de vous inviter à ces événements.

Vous pouvez choisir de rester anonyme.


Pour participer, c’est simple !

Vous déposez vos textes dans les « paniers câlins ».

Où ? Maison de quartier de Villejean, Arbre à palabre, Ferme de la Harpe

OU vous partagez votre production sous forme numérique.

 document (word, pdf, jpeg, png), fichier son, courte vidéo

Une seule adresse d’envoi : etreetrenaitre.villejean@gmail.com

Cette initiative a pour partenaires Solidarité et partage des savoir-faire, Educ-Ustawi, la Maison de quartier de Villejean, la Ferme de la Harpe, l’Association Trois regards.

Projet coopératif impulsé et accompagné par l’association Timilin, moudre nos idées ensemble

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Article : Voix des îles, l’anthologie de poésie essentielle signée Eliphen Jean
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28 mars 2022

Voix des îles, l’anthologie de poésie essentielle signée Eliphen Jean

Le rendez-vous du Printemps des poètes se termine en France aujourd’hui, lundi 28 mars, et vous savez quoi ? Je me sens redevable d’une promesse faite à un ami mondoblogueur : Eliphen Jean, le concepteur inspiré de Voix des îles, un ouvrage à mettre dans vos bagages et entre toutes les mains.

« Voix des îles, une anthologie qui rassemble 65 poètes, vivants. De vives voix à l’épaisseur de pierre. Des voix légères, capables de papillonner sur la paume des saisons. Et des voix griffonnées en archipel de sel et d’étincelles. D’autres également capables de porter le poids du monde… Les îles filent l’écume de leurs mots pour habiller la mer. Elles sont ces artistes, ces poètes, ces Êtres debout dans la tempête… en quête de courants pour chasser la brume.
Nous sommes entre le ciel et la mer, la baie du silence et de l’indicible. Et tout a lieu ici, comme une réjouissance entre amis, un feu de plage, un feu de mots entre les pages. »

Eliphen Jean

Le centre du poème est en endroit

plus seul que la respiration perceptible des vagues

une brèche pour avouer la douceur exténuée des mots

Élis Podnar, poétesse, Canada, Voix des îles

1, 2, 3, soleil !

Voici au moins trois bonnes raisons de tenir mon engagement, si j’exclue celle qui s’impose en premier de toute évidence, l’amitié.

1) Eliphen est un vrai poète

Il m’a ouvert à cet art de la plus belle façon qui soit. À partir de trois tout petits mots que j’avais lâchés dans une assemblée à Dakar lors d’une formation Mondoblog, presque par défi : FAIS MOI RÊVER. Je lui en serai pour toujours reconnaissante.

L’anthologie « Voix des Îles », notre archipel sonore, un putsch contre la fatalité! Économie en berne, émeutes meurtrières, des vies moissonnées par le fléau du Covid, des rêves brisés, des espoirs déçus. Le Courage, thème du Printemps des Poètes 2020, n’a pas été pour nous un vain mot. Et ensemble nous l’avons prouvé. Nous avons cru et prouvé aussi qu’il n’est pas de confinement pour les mots. Notre courage est salué par ces amis de partout, ces lecteurs qui rejoignent notre archipel, se procurent notre anthologie, en parlent avec gaieté de cœur. 

Eliphen Jean


2) Eliphen s’est métamorphosé sous mes yeux

Après Dakar, nous nous sommes donnés les moyens de nous revoir en Bretagne. Ça a pris plus d’une année mais ça l’a fait. Assez simplement, je dois dire. Sans avoir à sortir les forceps ou à rallonger les rames comme souvent pour ce type de projets. Nous avons cheminé ensemble sur un temps plus long que dix jours d’immersion au sein d’un formidable réseau dont je ne soupçonnais pas encore l’importance. Mondoblog m’apparaissait comme une vitrine, une chouette invitation à élargir mon horizon par la lecture de billets très variés. Si j’y apportais avec enthousiasme ma contribution, balbutiante puis plus solide l’exercice venant, ma culture était tout autre, nourrie par mon parcours de pédagogue, d’élue locale et de militante associative.

Cette expérience d’accueil et d’animation sur la durée d’une résidence d’écrivain a profondément marqué Eliphen. Des rencontres incroyables de la pointe Finistère au Salon Etonnants voyageurs à St-Malo l’ont transformé. J’en ai été témoin. Des choix majeurs dans sa vie d’artiste se sont décidés, arrimés, réfléchis, ici, en Bretagne, lors de ce premier et unique voyage en Europe.

J’ai cru – à tort – que cela n’avait rien changé pour moi. J’en étais presque déçue. L’urgence de l’écriture ne me prenait toujours pas à la gorge, au creux du ventre ou je ne sais où. Je suis une incorrigible cérébrale, alors forcément ça éloigne du point G de la création. Avais-je vraiment espéré que le talent d’Eliphen pouvait s’inoculer par simple porosité ?

3) Eliphen continue de me surprendre

Ce jeune poète de Cap Haïtien a fait un boulot de dingue, là où d’autres auraient baissé les bras, trouvé mille excuses pour ne pas charger la mule, réduit le monde à leur propre besoin d’exister un peu plus que selon la mesure d’un pâle et misérable écho au milieu de milliards de voix anonymes.

Il s’est passé presque cinq ans depuis mes retrouvailles à Douarnenez avec Eliphen. Je me souviens très bien de cette journée, il ne faisait pas bien chaud !
Ou est-ce que je croyais à une sorte de puissance supérieure qui m’aurait téléportée sous les tropiques par la magie d’une re-connaissance, qui était aussi une re-connexion à ce que j’avais laissé derrière moi au Sénégal, La seule présence d’Eliphen dans un port breton, je l’atteste, n’agit pas sur nos températures. Le froid armoricain par contre a malmené l’écrivain. J’ai oublié ses formules, dommage, elles ne manquaient ni de réalisme, ni de saveur.

Tenir le flambeau de l’écriture, de la lecture, de la littérature, de la parole, dans des conditions de survie, relève de la témérité. Ayant répondu à l’appel à textes, les poètes ont soutenu les Éditions des Îles dans ce premier grand projet : composition d’une anthologie de poésie insulaire, existentielle, insurrectionnelle !

Eliphen Jean

À quoi tiennent les miracles ?

Je me souviens que nous avions tous les deux conscience que nous retrouver là, au presque bout du monde, tenait du miracle. Nous étions deux étrangers liés par la volonté de croiser nos destinées comme dans une tragédie grecque.

Cela s’est vraiment joué à rien à Dakar.

J’avais envie de trouver sur le continent africain ce que j’étais venue y chercher sans savoir nommer ce désir. Nous allions reprendre l’avion. Je savais qu’après, ce serait définitivement trop tard pour attraper ce qui m’aurait échappé dans l’instant, par pudeur, paresse ou manque de confiance en moi.

Au milieu des embrassades, des valises attendant le départ, des “on reste en contact bien sûr”, de l’émotion sincère, palpable, aiguisée par l’intensité de la rencontre, j’ai attrapé Eliphen par le col (c’est une image).

Alors, enfermés dans notre bulle, dans l’air lourd à l’ombre de l’unique arbre de la cour de notre petit hébergement collectif, nous nous sommes offerts une sieste sonore.
Enfin, c’est comme ça que je m’étais imaginée la chose, si cet essai avait été suivi d’effet dans la foulée. Or non, la radio (car c’est de cela dont il s’agit, what else !), s’est invitée bien plus tard dans ma vie. Quatre ans plus tard pour être précise.

Je conserve précieusement ce fichier son comme une relique. Il n’a jamais été entendu par d’autres oreilles ! J’espère qu’il y a un Dieu des clés USB, car j’ai déjà perdu plus d’un musée personnel à chaque Fatal Système Error !

Et ta promesse alors ?

Je sens que vous vous impatientez.


À raison, je sais. J’essaie d’être l’archiviste de mes propres cartes mémoires, les recycler dans un nouveau billet avant qu’elles ne s’effacent ou s’usent à la lumière d’un présent trop brutal, trop médiocre, voire les deux à la fois. Je pourrais plus simplement vous présenter Voix des îles, non ? Mais ça, je ne sais pas. Et puis je dois avouer que je suis un peu frustrée et en colère. Parce que j’espérais accompagner Eliphen en France dans la préparation de sa première vraie rentrée littéraire. Cela aurait dû pouvoir se faire.


Dans la réalité liftée au vitriol surnagent dans le formol quelques cadavres, ceux des poètes et poétesses sacrifiés à l’urgence, aux motifs impérieux – dixit Ambassade de France qui telle Sa Majesté ouvre et ferme à son gré les frontières, c’est la loterie des visas, qu’importe le travail en amont des élus et élues locales, des associations qui construisent péniblement, bénévolement, des projets de coopération culturelle.


Je ne reviendrai donc pas sur l’épisode administratif malheureux qui nous a privés en 2021 de la présence d’Eliphen Jean sur nos projets, entre autre la 1ère édition du festival « Paysages, rencontres poétiques de Motten Morvan », à St-Aignan, et un autre nouveau festival à Rohan.

Ni carte ni territoire, mais du lien pour la lutte et l’espoir

Les îles, ce sont les poètes, les artistes en quête de courants pour chasser la brume.

Eliphen Jean


2021 a été marquée par la consécration d’un jeune auteur africain Mohamed Mbougar Sarr avec le prix Goncourt attribué à son 4ème roman « La plus secrète mémoire des hommes », présenté comme un chant d’amour à la littérature et à son pouvoir intemporel.

En 2022, l’UNESCO vient de récompenser Elbeau Carlynx, déjà lauréat en 2021 du Concours Chansons sans frontières, comme avant lui Jeffte Saintermo en 2020. Tous deux vivent à Cap-Haïtien comme Eliphen. Vous conviendrez qu’il est difficile de croire à une coïncidence.

Quelle marque de respect régionale et internationale viendra saluer celui qui sur son rocher en prise avec le chaos, n’a eu de cesse de donner sa chance aux auteurs, autrices francophones de sa génération, à leur génie poétique ?

Eliphen est un amoureux des mots et du pouvoir de l’écriture, un pouvoir qui s’apparente pour nous qui aurions du mal avec l’invisible, l’indicible, à la force vitale d’un monde à naître, mais qui n’advient pas.

Aparthé, je joue avec vos nerfs, là ?

Cette pensée me rappelle une réplique au tout début des « Magnétiques » de Vincent Maël Cardona (César du du Meilleur 1er film), un réalisateur de chez moi au passage. Une réplique dite au micro dans le grenier qui qui sert de studio à l’équipe d’une petite radio libre rurale dans les années 80.

Eliphen Jean aurait pu être au choix l’incarnation haïtienne de notre poète ferrailleur à Lizio ou la version volcanique de “Coucou les nuages”, court métrage du même Vincent Maël Cardona sorti en 2010, l’année où Haïti a connu l’effroi et les conséquences d’un terrible tremblement de terre.

Au printemps 2017, la dernière rencontre en librairie, suivie d’échanges lors d’une lecture publique, son recueil de poèmes « Transes » sous le bras, avait eu lieu à l’île de Groix. De quoi inspirer Eliphen un nouveau rêve fou dont il a le secret pour faire tenir les continents ensemble.

Eliphen Jean
Eliphen dans le TGV Lorient-Paris, fermeture des portes. Adieu ou au revoir ? Quel cadeau ce sourire après deux mois de résidence d’écrivain !
Crédit Françoise Ramel

Nous étions à St-Malo, quelques jours plus tôt.

Au salon « Etonnants voyageurs », Eliphen avait trouvé le moyen de faire entendre sa voix en Europe. Sa rencontre avec les Editions du Bout du monde lui a offert l’opportunité d’un tournant dans sa vie d’écrivain. Dans les allées, il a aussi rencontré Jean-Michel Le Boulanger, aujourd’hui nouveau président de ce rendez-vous international majeur. Je nous vois encore assister à une soirée dans une salle bondée. Sur scène, des poètes haïtiens, des habitués du festival, déclament leur texte tour à tour. C’est très beau.

Le lendemain, pour sublimer le tout, j’immortalise la joie et la fierté d’Eliphen de se trouver aux côtés de celui qui fait figure de pionnier pour toute une génération qui lui succède dans la quête incessante d’ailleurs et de reconnaissance : l’académicien Dany Laferrière.

De retour à Haïti, Eliphen Jean redouble de courage et décide de créer sa propre maison d’édition. Je le devine à distance, il est porté par ce souffle fougueux qu’il chevauche, une expression qui revient souvent dans sa bouche face à l’adversité de son environnement, à l’absence de perspectives.

Lors de ses nombreuses interventions en milieu scolaire de Loudéac à Locminé, le jeune poète aimait rappeler qu’il a grandi avec les mots, avec la langue française, grâce à elle, dans un cheminement solitaire au milieu d’illustres auteurs, tous morts et enterrés.

Comment ne pas souscrire à cette urgence qu’exprime si bien Eliphen de faire entendre les vivants, leurs imaginaires, leurs souffles, la musicalité de leurs univers poétiques ?

Epilogue : quand la brume laisse entrevoir un rivage

Le 11 septembre 2021, date tristement symbolique, l’anthologie imprimée en temps et en heure pour la rentrée littéraire a rejoint d’autres rêves rue Quincampoix à Paris. Splendide victoire sur l’adversité !

Un peu avant Noël, la première livraison de Voix des îles est arrivée en Haïti, ultime étape d’un long processus dont le succès repose sur la seule détermination d’un jeune poète, Eliphen Jean, pour qui baisser les bras reviendrait à piétiner lui-même le rêve qui l’aide à vivre débout, à renier cet ancrage au présent qui le pousse à ne pas agir pour lui seul, mais à ouvrir la porte à tous les chevaucheurs de houle.

A Dakar, Eliphen Jean m’avait dit comme dans cette vidéo que je vous recommande de regarder, de partager : « la littérature peut faire l’affaire ».

« Tout le monde n’est pas voué à écrire des poèmes, mais tout le monde peut poser un poème comme action ». En défendant ce postulat, Eliphen Jean réaffirme ce qu’est le rôle fondamental du poète : celui d’un.e visionnaire en résonnance avec les vibrations du vivant, celui d’un.e scaphandrier.e qui plonge dans l’obscurité des abysses pour aller chercher les origines des disfonctionnements de nos sociétés et remonte à la surface avec des trésors.

B comme Bonus

Ces témoignages illustrent d’une autre manière l’importance du travail d’Eliphen et la façon dont nous essayons, modestement, de l’encourager à distance, en Bretagne.

Témoignages collectés lors de la clôture de la Saison Africa 2020 en Bretagne, Université de Vannes

Abadenn A-du pe pas : Coopérer pour une citoyenneté mondiale- Sitala (radiobreizh.bzh)

Rencontre avec Vincent Mael Cardona, originaire d’un petit village dans les terres de Bretagne, César 2022

Abadenn A-du pe pas : Less Magnétiques – Rencontre avec le réalisateur (radiobreizh.bzh)

Témoignage poignant d’une jeune auteure haïtienne, exilée en Guyane après le meurtre de son père

Abadenn A-du pe pas : Femmes de caractères : Nitza Cavalier, écrire ou mourir (radiobreizh.bzh)

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Article : Queen Rima en quelques clics et clips
Femmes de caractères
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26 mars 2022

Queen Rima en quelques clics et clips

Queen Rima est l’artiste que j’ai choisie d’inviter pour le 8 mars 2022 dans Femmes de caractères. Découverte au Niger, j’aime cette jeune guinéenne dont la vie n’a rien de commun avec la mienne. J’ai été biberonnée dans les années 60 et 70 avec cette bonne vieille variété française que j’écoutais en boucle sur les bandes magnétiques de mes parents. Le gros magnéto a été remisé en 1978, quand mon père tout fier a investi dans une chaîne hifi, me laissant choisir avec lui ce qui avait l’air d’être le top du high tech : une platine, un ampli Marantz, deux grosses enceintes (que j’ai toujours), un tuner avec le lecteur cassette. Je me souviens pourtant que le vendeur parlait déjà d’une innovation qui n’allait pas tarder à inonder le marché : le compact disc.

Que disent les vendeurs en 2022 ? Un truc du genre : « qui écoute encore des CD aujourd’hui » !

De la touche Marche du magnéto à la playlist en streaming

Si je pense à la façon dont les nouvelles technologies et le numérique ont révolutionné notre rapport à l’écoute, j’ai le tournis. Ce qui me subjugue plus encore, c’est ce que la jeunesse actuelle parvient à réaliser avec ces outils qui changent surtout la façon de produire du son, de le diffuser, en grande partie grâce au développement des réseaux sociaux.

La culture musicale de mes enfants est bien plus variée, plus riche que la mienne à leur âge. Je l’ai vérifié aussi au fin fond du désert en rencontrant de jeunes nomades. J’avais pourtant l’impression d’être une privilégiée, de m’intéresser à des esthétiques plus variées que ce que nous proposaient TV et radios de l’époque, dont l’offre s’est elle aussi incroyablement démultipliée.

Je n’ai pas connu Woodstock, j’avais 4 ans en mai 68. Je m’identifiais à cette vague Peace and love sur fond de révolution culturelle comme on respire l’air ambiant. L’année du bac, 1982, j’ai été profondément secouée par le film The wall de Pink Floyd. J’ai dansé des nuits entières sur Téléphone, Nina Hagen, Bob Marley, Police. J’ai eu 20 ans à l’époque bénie des années 80.

En 2021, en Hongrie, l’émotion intacte d’un titre de Pink Floyd devenu mythique.

J’aimais et j’aime toujours Dire Straits. Je me vois encore attendre dans un sous-sol d’université l’heure d’un oral en me relaxant avec Tears for fears dans l’auto-radio. Selon ce que je percevais du monde, c’était déjà d’une grande diversité. J’ai aussi traîné mon accoutrement de bretonne baba cool dans les concerts punk à Londres et dans de grands rassemblements open air en Allemagne.

Percer avec son flow ou disparaître dans le flux

J’ignorais que 30 ans plus tard, j’aurais autant de plaisir à m’intéresser à ce qui se crée aujourd’hui, à y retrouver l’énergie d’une jeunesse qui continue à inventer ses propres règles, ses propres codes.

Malgré l’offre surabondante et le matraquage médiatique des majors dominant le marché de ce qu’il convient d’appeler une industrie mondialisée, visiblement lucrative, de jeunes talents parviennent avec très peu de moyens à sortir de l’anonymat pour faire entendre leur créativité, leur différence. Un seul passeport en poche vers le succès : patience, passion, persévérance.

Comme l’explique très bien Queen Rima dans Femmes de caractères, elle n’a pas d’autre alternative que réussir. D’abord parce qu’elle a dû convaincre ses proches qui sont aujourd’hui son tout premier staff, avec une maman teinturière qui ne se prive pas de partager ses idées au stade de l’écriture, de lui donner sa bénédiction avant chaque concert. Ensuite parce qu’il n’y aucune place au découragement dans sa vie, quelques soient les obstacles à surmonter. Ce succès espéré, elle le doit d’abord et surtout à ses fans, ses « yout » comme elle dit.

En 2018, Queen Rima tourne ce clip au Niger. Le Festival Sahel Hip Hop la consacre Meilleure artiste féminine de l’année.

A 25 ans, Queen Rima est une artiste accomplie

Un seul passeport en poche vers le succès : patience, passion, persévérance. Voilà bien trois qualités dont fait preuve Queen Rima à Conakry. Avec en prime un naturel et une humilité que j’apprécie à leur juste valeur dans un milieu professionnel qui accentue les effets d’égo, la compétition : le spectacle vivant.

Je vous invite à découvrir le nouvel EP « Température », cinq titres en écoute sur toutes les plateformes depuis le 12 mars que Queen Rima offrent à ses fans en attendant de retourner en studio pour enregistrer son prochain album.

Mais depuis Niamey, la reine incontestée du dancehall en Guinée rêve encore d’avoir l’opportunité de percer à l’international. Elle met toutes ses forces dans la balance, portée par l’engouement que suscitent son style et sa personnalité dans sa génération.

Sur cette photo prise à Niamey pendant le forum que j’avais organisé en avril 2018 pour le festival Sahel Hip Hop, je ne sais pas encore que la jeune femme au chapeau à ma droite est une vraie performeuse : Queen Rima.

Je suis très impressionné par son talent. C’est fou ce qu’elle arrive à faire sur un riddim. C’est un plaisir de travailler avec Queen Rima. Elle est super pro et d’une simplicité rare. Elle sait ce qu’elle veut, n’hésite pas à proposer ses idées. J’ai eu la chance d’écouter quelques projets de morceaux qui seront sur son prochain album. C’est de la bombe, qui ne demande qu’à exploser. En Guinée, il n’y en a pas deux comme elle. Il manque juste les bonnes connexions pour que son potentiel énorme soit reconnu à l’international comme il l’est déjà chez nous.

Idyllique, réalisateur du clip « Boss up »
Photos du tournage du clip « Boss up » – Crédit Idyllique

Tu me connais mal

Avec le premier titre de son EP, « Boss up », accompagné d’un clip coup du poing signé par Idyllique, Queen Rima parvient à se hisser dans la sélection Afro-club de RFI. Une première victoire. Car la reconnaissance pour tout artiste doit aussi venir de l’étranger. Elle enchaîne à Conakry les interviews sur les plateaux médias. Dans ce morceau, une formule simple claque en français comme une provocation : « tu me connais mal ».

Donner à Queen Rima l’opportunité de s’exprimer sur une radio bretonne en amont de la sortie de son EP est ma façon de lui redire toute mon admiration et mon profond respect pour son courage. Je suis aussi touchée par la femme et l’artiste, que par sa musique.

Je prends un vrai plaisir à me laisser portée par son sens du rythme, la musicalité de son phrasé – elle ne vient pas de la danse pour rien. J’aime me plonger dans ses textes, dont je ne comprends que des bribes. Pour l’avoir côtoyée, pour l’avoir vue haranguer et galvaniser une foule, seule sur une immense scène, je sais qu’elle n’a pas fait tout ce chemin pour raconter n’importe quoi.

L’énergie du dancehall faite femme

Vous pouvez écouter le podcast de cette entrevue exclusive de 35′ ici. C’est un aperçu riche d’enseignement sur l’opiniâtreté et l’honnêteté d’une femme qui n’entend pas renoncer à ses rêves. Elle a choisi de se mesurer aux hommes qui dans son pays sont les maîtres sans partage de la scène. Elle le fait savoir, avec fierté, humour et finesse. N’en doutez pas, elle est leur égale !

Intéressante performance visuelle qui donne une dimension juste de la singularité de Queen Rima sur la scène africaine.

Queen Rima détourne les clichés à son avantage sans jouer sur le superflu. Elle se met en scène en artiste guerrière sublimée par la beauté de corps masculins figés dans leur force et leur plastique musclée. Ici la parole est femme, la parole frappe et dégage sa propre force, au naturel. Nul besoin d’artifice ou de grimer les codes usés d’héroïnes ultra féminines, ultra formatées. Queen Rima incarne cette liberté assumée. Elle est la voix d’une génération qui peut se construire avec d’autres manières de penser son rapport à l’autre, à l’émancipation, à la création. 

Françoise Ramel, Music in Africa, 14 mars 2022

Good vibes

Pour voir le chemin parcouru, pour apprécier le flow intuitif et incisif de Queen Rima, voici un clip qui nous ramène cinq ans en arrière. Dans cette version brute de décoffrage, tout est déjà en place.

Je pourrais disserter sur toutes les images qui me viennent quand je pense à Conakry, je pourrais m’appesantir sur cette envie à portée de billet d’avion : changer de planète pour me convertir au dancehall. Oui, je veux danser moi aussi dans une ambiance surchauffée sur les titres de Queen Rima. Car dans ma cuisine, c’est sympa, mais ça manque cruellement de fun.

En attendant, je ne me lasse pas de mon son préféré dans l’EP « Température », même si je les aime tous. Celui-là sonne comme une invitation à ne pas remettre à plus tard ce que j’aurais pu décider depuis ma rencontre avec Queen Rima en 2018 : m’immerger dans ses good vibes !

B comme Bonus

Queen Rima | Facebook

Queen Rima – YouTube

Emission spéciale Africa 2020 du 30 mars 2021, interview de Queen Rima et sortie en avant-première mondiale du titre Who nha nadahki en langue soussou.

Abadenn A-du pe pas : De Conakry à Kismayo, l’Afrique s’invite à la radio (radiobreizh.bzh)

Sur le trajet à l’aller puis comblée par l’expérience inoubliable à Agadez, avec Queen Rima, une amitié est née dans la simplicité d’une rencontre.

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Article : Sarah, Enora, Jeannette, Sandrine, Josiane, Annaïg, Lucie, Lidwine
Femmes de caractères
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7 mars 2022

Sarah, Enora, Jeannette, Sandrine, Josiane, Annaïg, Lucie, Lidwine

Toutes ont ce quelque chose en plus qui me touche, m’interpelle. Ce n’est peut-être rien d’autre qu’une bonne dose de courage. Ces femmes sont belles, fortes sans nier leur sensibilité, bien au contraire. J’ose espérer que cela s’entend. Sarah, Enora, Jeannette, Sandrine, Josianne, Annaïg, Lucie et Lidwine ne se connaissent pas. Elles sont les huit premières invitées de « Femmes de caractères » en 2022.

La 9ème n’est autre qu’une amie de coeur, reine du dancefloor dans sa capitale africaine, Conakry, en Guinée. Une artiste urbaine de 25 ans rencontrée grâce à Plan B et au festival Sahel Hip Hop en avril 2018 au Niger. Queen Rima et moi étions en enregistrement ce matin pour marquer la journée du mardi 8 mars par nos différences d’âge, de culture, de couleur, de références, et surtout de style.

Qui prétend que cette différence n’est pas le premier levain d’une étonnante complicité que rien ne vient nourrir sinon le vécu d’une brève mais intense rencontre et la conviction que nous pouvons nous apporter du bonheur mutuellement, même à distance ?

Mars, le mois des femmes

Le 1 mars, Ludwine Dakouri témoignait de son parcours de jeune ivoirienne, étudiante en master à Rouen. J’apprenais pendant notre échange enregistré que son sujet de mémoire porte sur la place des artistes africaines dans le développement des filières musicales. Je me sens tout de suite proche de Lidwine dont je ne sais rien. Je découvre surtout une très belle histoire familiale.

Là-bas, à Abidjan, en Côte d’Ivoire, un papa écoute entouré de sa famille. L’âme et la jovialité de deux grands-mères disparues planent sur les ondes. L’amour d’une mère est palpable. Je pourrais dire que c’est parce que mon invitée est africaine. Mais non, d’autres invitées, Elisa de Angélis, Gene Quéré, Lorène Bihorel, devenue mère il y a peu, ont préféré évoquer ce lien qui les a construites plutôt que choisir une autre figure inspirante.

J’aime penser que je comprends mieux des espaces infimes de ce qui nous est offert par d’autres cultures, d’autres communautés, à travers ces témoignages collectés aux quatre vents, en accédant à ces espaces intimes où m’invitent à entrer des inconnues, loin des discours convenus.

Queen Rima a tourné ce clip au Niger au retour d’Agadez. L’artiste a choisi cette chanson Game over pour Femmes de caractères.
Son nouvel EP Température sera dévoilé le 13 mars, les fans s’impatientent et lui réclament un album !

Surprise et encouragée par l’aplomb de Lidwine, j’ai eu envie de solliciter Queen Rima à Conakry pour lui proposer d’être la voix du 8 mars dans Femmes de caractères. Je m’autorise à choisir une égérie, une vraie star dans son pays, pour fêter à ma manière une journée internationale tristement indispensable pour dire et redire que rien n’est jamais acquis pour les droits des femmes.

Sortir des schémas de domination

Nous perdons inutilement un temps et une énergie précieuse à cause de cette ineptie qu’est l’inégalité de traitement entre des hommes et des femmes « libres » dans des Etats démocratiques, que ces pays soient riches ou pauvres, de veilles démocraties ou de fragiles constructions à consolider en misant sur l’éducation, la culture, l’émancipation, la coopération et la protection de ressources vitales pour nos économies locales.

Si Vladimir Poutine envahit l’Ukraine au mépris de toutes les mises en garde, s’il attise les tensions au risque d’une guerre mondiale, ce n’est pas seulement parce que ça le démange depuis très. longtemps ou parce cette grande voisine est un magot trop tentant. C’est aussi parce qui l’idée même de liberté l’insupporte, parce qu’elle ne sert évidemment ni ses intérêts, ni sa conception du pouvoir.

Il n’est pas interdit de faire un parallèle concernant d’autres rapports ancestraux de domination, d’empêchement, qui n’ont pas toujours conditionné les rapports hommes-femmes dans nos sociétés.

Sortir des visions simplistes

Le mardi 8 mars en Guinée, il y aura quelques oreilles branchées sur une petite radio associative bretonne, comme c’était le cas à Abidjan cette semaine. C’est ma façon de conjurer l’angoisse et le drame humain au premier plan sur nos écrans.

C’est aussi une manière de prendre à contrepied les visions simplistes, clivantes, méprisantes, qui menacent encore et toujours les droits des femmes, formatent nos comportements, nos jugements. Queen Rima remplit des stades à Conakry. Ce n’est pas son audience qui m’intéresse, ni le buzz lié à la sortie annoncée de son nouvel EP « Température ».

Cette jeune artiste m’a touchée à Niamey et à Agadez par son engagement, sa présence scénique, sa personnalité. Ce qu’elle accomplit en exprimant son talent est à mes yeux un symbole d’espoir pour toute une génération, même si cet espoir utilise les codes d’une féminité exacerbée, provocatrice, quand ce que j’aime chez Queen Rima, comme chez ma fille, c’est sa beauté au naturel.

Je ne peux que vous inviter à vous brancher sur Radio Bro Gwened ou Radio Breizh mardi 8 mars à 12h et à 18h (heure de Pontivy) pour entendre le témoignage de cette jeune femme émancipée qui ouvre la voie à tant d’autres. Soit 11h ou 17h, heure de Conakry !

Cap sur les prochains 50 podcasts ?

Il y a deux ans déjà, je publiais un billet intitulé « 8 mars, 8 podcasts » pour la Journée internationale des Droits des femmes. J’avais décidé d’arrêter l’émission avant l’été. Idem en 2021. Après quelques confinements, j’avais dit : cette fois j’arrête. Résultat ? Femmes de caractères a passé le cap des 50 portraits mis en ligne sur Radio Breizh le 22 02 2022. En temps de paix !

Je vous propose de découvrir à travers six podcasts (bientôt huit) la diversité des parcours, des centres d’intérêt de celles qui s’invitent dans mon émission, peu importe leur âge, leur origine, leur motivation à prendre ce risque, à tout simplement me faire confiance, se faire confiance. Pour écouter le podcast de votre choix, cliquez sur le nom de l’invitée.

En bonus, vous pouvez aussi découvrir l’épisode dédié aux femmes de ma toute première série radiophonique enregistrée pendant le Festival Longueur d’ondes à Brest, fin janvier.

Sarah, Enora, Jeannette, Sandrine, Josiane, Annaïg

A vous de choisir et de faire voyager ces témoignages de femmes, de vous intéresser à d’autres initiatives prises ici et là pour que la lutte pour les droits humains et l’égalité femme-homme devienne un jour obsolète. Ce n’est pas demain la veille, puisque des logiques de destruction irresponsables héritées du XXè siècle viennent de s’imposer à la table des non-négociations réarmant de fait la haine, la violence, le défiance et … le chaos !

Sarah Schein

Sarah Schein est une énigme pour qui voudrait la décrypter avec les codes d’un monde contemporain, furtif, fuyant, pressé, oppressant, bruyant, superficiel, troublé, troublant, par certains côtés, inhumain et complètement déconnant. À 19 ans, Sarah Schein porte en elle une assurance et une clarté dans la façon de s’exprimer qui laissent perplexe. 
Non que le propos fasse douter de sa sincérité, de sa profondeur. 
Sarah Schein est juste ailleurs. Ou plus précisément, elle est juste et ailleurs. 

Sarah Schein
Crédit photo Claire Pérez

Enora de Parscau

Enora de Parscau n’a pas toujours été chanteuse professionnelle et elle aurait pu passer à côté de ce qui fait son quotidien aujourd’hui. Ultrasensible, cette grande artiste bretonnante a su trouver les ressorts pour s’affranchir des chemins tout tracés et saisir l’opportunité de riches collaborations artistiques. 
Enora de Parscau nous associe à un voyage intérieur qui nous fait traverser les frontières de l’espace et du temps, de l’enfance bercée par des chants traditionnels aux chants du monde. 

Enora de Parscau et Yolaine Delamaire forment le duo Dame Angèle
Crédit photo Françoise Ramel

Jeannette Badouel

Jeannette Badouel est ivoirienne mais aussi rennaise, ou faut-il la considérer comme une bretonne faisant partie des 13 femmes maires de Côte d’Ivoire ?  
La réduire à cette double culture serait lui faire injure, même si cela dit déjà beaucoup de celle qui a choisi de quitter sa vie confortable pour consacrer son temps à un village rural à plus de 600 kilomètres de la capitale, non loin des frontières du Mali et du Burkina Faso, dont on sait les difficultés. Au fil de la discussion se révèle une personnalité qui semble ne s’être construite sur aucun modèle existant et dont la seule préoccupation serait l’efficacité d’un engagement et la force du collectif. 

La fierté de Jeannette Badouel repose sur des réussites et des valeurs, une vision, un projet.  Son témoignage aide à concevoir comment le parcours singulier d’une femme dont l’histoire relie deux continents peut illustrer les importantes mutations à l’oeuvre dans ce siècle. 

Crédit photo Françoise Ramel

Sandrine Bihorel

Ex-élève des Beaux Arts de Rennes, l’artiste plasticienne partage dans cette émission les choix, les postures assumées qui lui ont permis de tracer un chemin très personnel. Dans ce rapport intime à l’acte de création, souvent solitaire, elle parvient à concilier valeurs, aspirations, inspirations, sans trahir son exigence, son indépendance.
Feutrière, elle nous apprend ce qui fait l’originalité de cette pratique artisanale ancestrale, le secret d’un matériau qui vit, se transforme entre ses doigts. Ses créations sont exposées dans le monde entier. Elle veut que ses œuvres soient légères et transportables. Sa recherche vise à faire appel le moins possible à des interventions mécaniques, comme si elle rêvait d’un monde cousu main, patiemment, amoureusement, humblement.

Crédit photo Lorène Bihorel

Josiane Cueff

Josiane Cueff vit à Brest, la ville qui l’a vue grandir. Elle a consacré sa vie professionnelle à défendre des valeurs humanistes, inspirée notamment par la pensée d’Edouard Glissant qu’elle a eu la chance de rencontrer. Elle ignorait alors qu’une affectation l’amènerait à assister à son enterrement, à peine arrivée sur un nouveau poste dans les Caraïbes.
L’ouverture à l’autre, le dialogue interculturel, ont été pour Josianne Cueff un tremplin pour découvrir le monde, notamment l’Amérique latine, où elle a exercé en tant qu’attachée culturelle. C’est une histoire d’engagement. S’y mêlent comme toujours ou presque, croyances, utopies, et principes de réalité.

Crédit photo Françoise Ramel

Annaïg Ramel

La place essentielle du chant dans sa vie interroge sa condition de femme, de mère, désireuse de consacrer du temps à la création, à des projets qui impliquent des collaborations avec d’autres artistes. 
Annaïg Ramel partage son cheminement personnel entre attachement à l’authenticité du chant traditionnel, à l’écriture, à la recherche de sa propre expression, contemporaine. 
L’intériorité, l’écoute de soi qu’a su développer cette artiste bretonne sont un socle solide pour assumer des choix, apprendre à respecter son rythme, se détacher des pressions diverses liées au besoin légitime de reconnaissance et de validation. 
Il est question ici d’une inspiration blottie au plus profond de l’intime, de persévérance, de courage, qui auraient pu ne jamais se dire et trouver place dans un processus de création.

Crédit photo Annaïg Ramel

Lucie Thill, 50ème invitée de Femmes de caractères !

Merci à Lucie Thill, paysanne bio dans une petite commune bretonne de la région de Pontivy, mère de quatre enfants, d’avoir été la 50ème invitée de l’émission Femmes de caractères. Elle le dit elle-même dans la vidéo, un très bon moment. Depuis, cette émission l’a aidée à trouver un logement plus proche de sa ferme, alors qu’elle n’ y croyait plus vraiment – Crédit vidéo, Françoise Ramel

Lidwine Dakouri

Lidwine Dakouri est ivoirienne. Avant de reprendre des études de Master en France, elle a voyage dans plusieurs pays africains. Au Niger, elle prend conscience en fréquentant des structures culturelles qu’elle veut faire son chemin professionnel dans ce secteur et contribuer à outiller les artistes, notamment les femmes. Elle est étudiante à Rouen et s’implique dans des projets de coopération. 

Parmi ces projets qui l’intéressent, Lidwine a souhaité suite à l’émission apporter sa contribution à un projet porté par des femmes de différents horizons et sept artistes à Villejean, un quartier multiculturel de Rennes : « Etre et renaître »

Lidwine Dakouri -Crédit Lidwine

B comme Bonus

30′ pour entendre les voix de femmes croisées à Brest grâce à Longueur d’ondes, passionnant

Abadenn A-du pe pas : Longueur d’ondes : Femmes sur les ondes (radiobreizh.bzh)

Pour entendre le 1er épisode de cette série consacré à ce festival incontournable

Abadenn A-du pe pas : Longueur d’ondes : L’esprit d’un festival unique en France ! (radiobreizh.bzh)

En savoir + sur le projet créé en 2022 à Rennes grâce à l’émission Femmes de caractères

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Article : Festival à Tombouctou, rendez-vous au chameaudrome !
B comme Blues touareg
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23 janvier 2022

Festival à Tombouctou, rendez-vous au chameaudrome !

Mohamed Ag Mohamed Aguissa, photographe de Tombouctou
Mohamed Ag Mohamed Aguissa, surnommé
Hamma, photographe de festival très couleur locale. Normal, il est de Tombouctou.

Vous êtes déjà allé à Tombouctou ? En avez-vous déjà rêvé ? Beaucoup ont eu cette chance avant le conflit armé de 2012. Ma chance à moi a été de rencontrer Manny Ansar aux Houches dans la vallée de Chamonix. Dis comme ça, ça ne fait pas fantasmer. Pourtant, c’est dans ce décor alpin qu’un désir insoupçonné s’est frayé un chemin dans les arcanes de mon être. C’était en juillet 2013, je croisais pour la première fois de ma vie la route d’un festival en exil.

Manny Ansar au festival « La croisée des chemins », Les Houches, juillet 2013, déjà ambassadeur du projet Tombouctou Renaissance et de la Caravane culturelle pour la Paix – Crédit Françoise Ramel

Je dédie ce billet Plan B à Désirée Von Trotha, photographe et réalisatrice allemande décédée en novembre 2021. Avec les portraits de Tamikrest de Eric Legret exposés au Quartz à Brest, ce sont les horizons lointains arpentés avec des nomades par cette femme hors du commun qui m’ont donné envie de voir plus grand que mon petit coin de Bretagne.
Désirée a choisi son mode de vie : 50% ville, 50% Sahara.
Son travail imprime nos mémoires autant que le coton ou le papier. Un regard de femme, un témoignage humaniste.

Je ne peux pas partager ici de photo de Désirée von Trotha. Voici donc une de mes photos prises en septembre 2021 à M’hamid, à 52 jours de Tombouctou par le désert. Crédit Françoise Ramel

Le désir a valeur d’existence. Contrairement à Désirée von Trotha, je n’avais pas besoin de fouler le sable, je n’avais pas besoin de ressentir la liesse de jeunes hommes enturbannés, la complicité de femmes riant entre elles, pour inviter cette vie étrangère dans la mienne et mon environnement culturel avec Voix du Sahara. Du moins je le croyais.

L’appel du désert pour nous

Car après la projection à Pontivy de « Woodstock in Timbuctu, l’art de la résistance », documentaire réalisé en 2011 par Désirée von Trotha pendant le Festival au Désert, j’ai saisi la première opportunité pour répondre à l’appel des grands espaces et des racines du blues touareg. J’ai goûté à l’ambiance fantastique de ces festivités, au Maroc, au Niger, plongée au cœur d’équipes bénévoles, locales et multiculturelles, qui ont le mérite de monter ces belles manifestations populaires.

Alors si je tombe sur les photos d’un festival à Tombouctou, j’ai forcément envie d’en être, même à distance. Et quel excellent prétexte pour vous présenter un jeune photographe avec qui j’ai la chance d’être en lien sur place : Mohamed Ag Mohamed Aguissa. Demandez simplement « Hamma », tout le monde à Tombouctou saura où le trouver.

Hamma n’a que 25 ans, mais il affiche déjà un bel aplomb. Je l’imagine grand et mince, prévenant avec les gens, il est un des leurs. Enfant de cette ville multimillénaire, où la transmission du savoir, la préservation de la culture, se vivent encore au XXIè siècle comme un devoir envers l’humanité, à la fois moral et spirituel, il est passionné par ce qu’il fait. Il en parle avec ferveur et une vraie joie communicative, mais aussi avec cette retenue naturelle qui caractérise l’homme bleu du désert.

A le regarder sourire, fier d’arborer sur la poitrine son pass Presse comme si c’était une médaille, on pourrait croire que ce jeune nomade n’a jamais connu qu’une vie tranquille, sans avoir peur pour sa vie, ni pour sa famille.

Le sourire d’Hamma m’a arrêtée net parmi le flux d’images et d’informations qui ont percuté la base arrière de mon cerveau au repos en début de week-end. Je ne savais pas que c’était lui sur l’image, ni qu’il était l’auteur des photos partagées sur les réseaux par le Festival au Désert. Derrière un cheich, « amawal » en tamasheq, ce sourire m’interpelle encore et conforte l’envie d’écrire qu’il a suscité.
Crédit photo Mohamed Ag Mohamed Aguissa, dit Hamma

Pour les nomades, un besoin vital de liberté

C’est pour cela que ce festival Vivre ensemble Tombouctou me touche aussi. Il est le symbole d’une vie qui reprend le dessus, de sentiments qui peuvent à nouveau s’exprimer librement dans une palette infinie de nuances, de poésie, de silences choisis, de débordements collectifs. Une vie simple et joyeuse dont aucune jeunesse ne devrait se voir privée.

Je rêve de voyager en dehors des frontières pour aller photographier d’autres événements.

Mohamed AG mohamed Aguissa, dit Hamma, 25 ans, Tombouctou
Un samedi soir sur la terre, 22 janvier 2022, un photographe heureux à Tombouctou, des rêves plein les yeux et du cœur à l’ouvrage – Crédit photo : Festival Vivre Ensemble Tombouctou

En attendant de pouvoir réaliser son rêve, voir le monde, en capter l’intensité dans son objectif, Hamma vit de ses clichés. Il subvient aux besoins de sa famille à Tombouctou, tout en assurant le financement compliqué de ses études à Bamako. C’est courageux et je le remercie de me confier ces images si précieuses. J’aimerais pouvoir faire plus que partager ces instants qui nous font oublier la dureté d’une époque, le temps d’un festival, le temps d’une utopie réaliste, vivre ensemble.

Une autre vision du monde

Ces photos se suffisent à elles-mêmes. Notre regard est la vraie clé du grand voyage que Mohamed fera en tant que jeune nomade, parce qu’il se sentira entendu, compris, encouragé, voire attendu dans des capitales surpeuplées pour témoigner et partager ce que sa vision du monde a d’unique.

Si Plan B peut servir à nourrir cet espoir, à faire que Mohamed bénéficie bientôt de l’aide d’un ou d’une professionnelle touché.e par sa motivation, son ambition, alors c’est que vous aussi vous pouvez dire à ce jeune homme combien son travail ne vous laisse pas indifférent.

Je vous invite à vous adresser à lui directement en laissant un commentaire et en partageant ce billet.

A Tombouctou, la fête se déroule au moment où j’écris ces lignes, au milieu de la nuit, et c’est comme si l’étau dans nos poitrines, qui n’ont pas souffert l’intolérable, pouvait aussi se desserrer.

Je trouve cette photo formidable, il fallait oser. Crédit Mohamed Ag Mohamed Aguissa « Hamma« 

Dans quelques années, je me vois comme un grand réalisateur touareg avec beaucoup d’expérience. Je serai là, au milieu des petits de mon village, pour partager ce savoir. Enfant, je voulais devenir caméraman journaliste, je suis en train de réaliser mon rêve.

Mohamed Ag Mohamed Aguissa, dit Hamma

B comme Bonus

Voir d’autres photos de Hamma sur la page du Festival au Désert

Exemple d’école supérieure d’arts visuels en Afrique où cet artiste de Tombouctou pourrait exprimer son talent, se former, créer les bonnes conditions de réussite pour son projet professionnel : l’ESAV de Marrakech, est un partenaire d’un projet Erasmus + sur lequel je travaille depuis décembre 2021 pour continuer à développer des actions de coopération durable et solidaire entre la Bretagne et le Sahara.

Flashback sur l’époque où j’expérimente le rôle d’ambassadrice Europe de la Caravane culturelle pour la Paix à la demande de Manny Ansar. Merci à toi Manny ! C’est comme ça que je me suis retrouvée seule sous une pluie battante à garder dans une tente ouverte à tous les vents de précieux instruments pendant Roots Festival. Il était impensable à mes yeux qu’un artiste de la caravane soit privé de la cérémonie de rencontre organisée par la Fondation DOEN à Amsterdam. Manny quant à lui doit encore se souvenir et rire du poids de ma valise ! Je m’imaginais partir pour une tournée européenne de 3 mois. J’en ris aussi, je voyage plus léger depuis !

Ambiance backstage avec de jeunes nomades à Amsterdam grâce à une courte vidéo tournée par une bénévole hollandaise revue ensuite au Sahara Generation Taragalte backstage op Roots Open Air 2015 – YouTube.

En janvier 2021, pensée pour Tombouctou au Rectorat de Rennes pour le lancement de la Saison Africa 2020 avec une courte vidéo pour archiver la présence du guitariste breton Yohann le Ferrand qui sera en direct sur Arte Concert lundi 24 janvier à 20h30 pour la sortie de l’album YEKO.

Le 24 janvier est, depuis 2019, la journée mondiale pour les cultures africaines et afro-descendantes. Cette date coïncide avec l’adoption de la Charte de la renaissance culturelle africaine par décision votée par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine en 2006.

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Article : Histoire de femmes inspirantes, huit nouveaux portraits à partager
Femmes de caractères
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26 décembre 2021

Histoire de femmes inspirantes, huit nouveaux portraits à partager

Qui aurait cru en cette fin d’année que j’aurais encore de quoi publier le fruit d’une manière un peu singulière de penser la rencontre, de la proposer, de l’accompagner, sans se compliquer inutilement la vie et s’embrouiller les neurones ? Certainement pas moi. Pourtant huit nouveaux portraits de femmes sont accessibles sur Radio Breizh. Je vous invite à découvrir dans ce billet un ou plusieurs de ces podcasts. Ce n’est pas systématique, mais pour cette série je ne connaissais aucune de mes invitées, à part Irène Frain, bien sûr, suffisamment célèbre et déjà rencontrée lors de séances de dédicace.

Merci Philippe

Après l’annonce fin mai 2021 du dernier enregistrement en studio avec Florence Alpern, l’émission Femmes de caractères a repris en août grâce à une rencontre improbable dans un vieux manoir breton avec deux parisiennes : Isabelle Schmitz, rédactrice en chef au Figaro Hors Série, et Marie Desjars de Keranrouë. Ensuite, sans que je cherche à m’imposer quoique ce soit, j’ai repris le rythme. Toujours aussi surprise qu’émue par le résultat, je ne pouvais tout simplement pas me dire : « c’est fini ».

Je dois donc une fière chandelle à Philippe Guillo, sonorisateur hyper sympa, propriétaire du manoir breton, qui m’appelle un samedi en fin de journée. Surprise et joie ! En gros, sur le moment, ça a donné ce court dialogue.

Tu fais quoi Fanchon ?

Je joue de l’accordéon

On t’attend, viens manger à la maison

Ah bon !

Alors, toujours comme si je ne l’avais pas décidé, je me suis retrouvée en octobre sur un balcon au Maroc, face à la mer, à m’entretenir en ligne avec Elisa qui elle se trouvait à Bruxelles. J’espère qu’elle garde comme moi un excellent souvenir de cet enregistrement improbable. Ou deux mois plus tard, avec Lorène, à croire à la magie de Noël, parce que, oui, j’assume, de retour dans mon salon, j’ai confondu Nemours et Namur. Ou encore avec Angéla, à Madrid, parce que je n’avais sans doute pas fait le plein de rêve et de sable au Sahara.

Merci Irène

L’important, c’est que vous puissiez profiter vous aussi de ces instants choisis, pour ce qu’ils sont, de vrais et précieux moments de conversation entre deux inconnues. Et pour ce qu’ils ne sont pas, des portraits « chinois ». Si je prends le temps lors de la mise en ligne des émissions d’avoir un mot pour chacune de ces femmes, c’est parce qu’elles incarnent dans l’échange, chacune à leur façon, avec confiance et courage, la singularité d’une posture inhabituelle.

A ce titre, je veux remercier tout spécialement celle de mes invitées qui a certainement le plus répondu dans sa vie d’auteure à des sollicitations de journalistes et assuré un nombre incalculable de rencontres pour la promotion de ses romans. Irène Frain est et restera la première femme inspirante citée dans l’émission (lors du lancement d’ailleurs en janvier 2020) à venir s’exprimer à son tour. J’y vois tout un symbole et l’esprit d’une générosité qui est le vrai dénominateur commun de Femmes de caractères.

Rendez-vous en janvier 2022 avec deux prochaines invitées, Sarah Schein, une écrivaine étonnante de 19 ans, et Enora de Parscau, pour qui chanter, en breton et dans toutes les langues de la terre, est la plus belle façon de vivre.

Ces podcasts donnent l’occasion de s’intéresser aussi aux femmes inspirantes choisies par mes invitées. Je les nomme dans l’ordre de citation : Mona Ozouf, Frida Kahlo, Etty Hellisum, Marie Curie, Ilde, Anne Lacaton, Marie Curie (bis), Sandrine Bihorel.

Et vous, quelle femme choisiriez-vous de présenter dans votre émission Femmes de caractères ?

Place aux portraits

L’école des filles à Huelgoat est devenue une référence dans le paysage culturel breton. Ce projet ambitieux brasse une grande diversité de publics et d’intervenants. À sa tête, une femme hors du commun, Françoise Livinec, galeriste parisienne, n’envisageait ni de vivre à Huelgoat, ni d’y développer un lieu de culture original, ouvert à tous.

L’école des filles surplombe un lieu pittoresque, le chaos d’Huelgoat. L’énergie et la créativité de Françoise Livinec ne pouvaient trouver plus beau cadre naturel
pour s’exprimer en toute liberté. 


Crédit photo : Françoise Ramel - Plan B
Mélanie Prévost
Mélanie Prévost vit à Quimperlé. Elle travaille à la diffusion d’un film documentaire tourné  pendant le confinement avec le réalisateur quimpérois Fred Derrien : « Du plomb à l’or ».
Dans ce projet, elle est celle qui écoute, facilite la prise de parole. En toile de fond, des tranches de vie, des regards, des intérieurs, des sensibilités, des fragilités, des forces en prise avec l’obligation de s’adapter à l’isolement, à un autre rythme de vie. 
L’inspiration vient d’une forme de quête, de l’exploration de chemins détournés pour approcher l’essentiel, dessiner le réel à l’aune de son propre potentiel. Car changer le plomb en or reste la plus belle des alchimies personnelles. 

Crédit photo : Mélanie Prévost
Une du livre de Marie Desjars de Keranroué Le monde dans tous les sens
Marie Desjars de Keranrouë est une affranchie qui explore des espaces de création et de médiation autour de l'interculturel à travers des initiatives originales.
Issue d'une famille de l'aristocratie bretonne, fille de violoniste, elle s'est tracée un chemin de vie où se mêlent spiritualité, goût du voyage, envie de partager son expérience et un parcours foisonnant.
Jamais à cours d'idée, de projet, son livre « Le monde dans tous les sens » révèle une autre facette de cette baroudeuse gourmande.

Crédit photo : Marie Desjars de Keranrouë
Irène Frain
Irène Frain compte à son actif de nombreux romans et prix littéraire. Son dernier livre, Un crime sans importance, a reçu le prix Interallié.
 Elle y rapporte dans un style concis le crime dont sa sœur aînée a été victime à son domicile et les aléas d’un traitement judiciaire qui interroge. 
Irène Frain aborde le rapport vital qu’elle entretient avec l’écriture et les vies sur lesquelles elle se documente pour construire un récit. Elle s’insurge contre une vision sacralisée de l’écrivain et nous invite dans les coulisses de sa propre vie de femme, fortement attachée à sa région d’origine : la Bretagne. 

Une émission à écouter avec passion! 
Crédit photo : Irène frain

Elisa De Angélis
Originaire de Rome, Elisa de Angélis vit en Belgique depuis huit ans. Elle apprend le français à Bruxelles et la langue de Molière va s’inscrire dans ses gênes jusqu'à devenir son alliée dans la création. Dramaturge, Elisa est douée pour donner à voir, sentir, ressentir la force et la fragilité, non comme des contraires, mais comme des respirations nécessaires. Elle aime explorer la caractère à la fois universel et si personnel de nos destinées humaines, par le seul pouvoir des mots et des images, dont elle émaille ses récits, ses poésies.
Elle anime des ateliers d’écriture, voyage grâce à ses productions, s’adapte comme tous les artistes à une pandémie inédite. Ses rendez-vous en 2021 ? La création en quelques mois au sein d’un groupe de huit bénévoles de l’exposition « Traces migratoires » à Bruxelles. Une invitation à se rendre en Pologne dans le cadre d’une démarche sympa et originale: « la bibliothèque vivante ».
« Serai-je à la hauteur ? ». Voilà bien une question sans fondement qui révèle mieux que toute fanfaronnade ou adroite esquive ce qui rend Elisa De Angelis si attachante et si agréable à écouter.

Crédit photo : Elisa De Angélis
Angéla Ruiz
Angéla Ruiz est architecte à Madrid. Etudiante, elle s'est formée dans l'agence de Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, lauréats 2021 du Prix Pritzker. Angéla a ainsi travaillé sur les plans de l'Ecole d'Architecture de Nantes, une référence, sans jamais venir en Bretagne. Un manque à réparer bien sûr.
Avant de partir en repérage au Sahara marocain, Angéla Ruiz m'a contactée fin novembre pour me proposer une collaboration.

Il y a 10 ans, Angéla a contribué avec d'autres femmes architectes à lancer une dynamique exemplaire à M'hamid el Ghizlane. Terrachidia forme des jeunes du monde entier à l'architecture de terre. 
Angéla prépare pour 2022 l'accueil de 150 étudiants à qui elle veut faire découvrir la chaleureuse hospitalité des nomades, la beauté saisissante de la vie dans une oasis.

De culture urbaine, c'est au désert qu'Angéla Ruiz remonte à la source de ce qui inspire au quotidien ses cours à Madrid, à Paris, ses réflexions citoyennes et son travail de création.

Crédit photo : Angéla Ruiz
Où il est question d'archéologie, de médiation, de voyage dans le temps et l'espace, de radio, d'université, mais aussi de rêves de gosse. Céline Kergonnan est intarissable.
Sa passion, son métier, ses choix de vie, sont à la croisée de toutes ces initiatives qui fleurissent sur nos territoires bretons.
Céline est aussi la création de l'émission "Truelle et sac à dos" : histoires de rencontres, de projets, de bénévoles dévoués et persévérants.
Ecouter Céline parler d'archéologie, de patrimoine, de voyage, c'est déjà ressentir l'âme de lieux chargés de mystère, parfois aussi silencieux qu'insolites, encore  enfouis dans les recoins de l'oubli des temps modernes.
Crédit photo : Françoise Ramel - Plan B
Lorène Bihorel
Cette jeune artiste rennaise ne manque ni d'audace, ni d'inspiration.
Installée à Nemours, où elle vient d'ouvrir une galerie d'art,  Lorène Bihorel commence sans se hâter à réfléchir à ce que sera son prochain spectacle et prépare l'arrivée d'un bébé bien au chaud quand sa Maman apparaît dans la lumière au moment du levée de rideau.  
Lorène dévoile ici certains aspects de son processus créatif et sa joie de participer à l'émission Femmes de caractères le jour de la 900ème de son spectacle, "Des rêves dans le sable".
Et nous parle d'une femme inspirante, artiste et future invitée de l'émission en 2022, sa mère, Sandrine Bihorel.

Crédit photo : Paul Willis

B comme Bonus

Si vous avez suivi les autres publications de Plan B sur Femmes de caractères, vous savez que ma radio locale est formidable !

43 portraits de femmes inspirantes sont accessibles en ligne sur les sites de Radio Breizh et RBG.

Voici la carte de vœux envoyée du Tchad par Elodie Arrault, rencontrée chez elle grâce à l’émission et au Festival No Mad 2020, consacré au Sahara.

Elodie Arrault au Tchad, où elle participe pendant 5 mois à un projet solidaire avec l’association « Les vents de la récolte ». Elle est en visite avec des semences Kokopelli dans le village de Banga en appui à un projet de jardin maraîcher porté par un collectif de femmes.
Crédit photo Elodie Arrault
Avec RBG, voilà comment on se souhaite de joyeuses fêtes, grâce à Gabriel Auffret qui vient de rejoindre l’équipe salariée.
Radio Beau Gosse ? Non, Radio Bro Gwened (la radio du pays de Vannes). Crédit Gabriel Auffret – RBG
Portraits Françoise Ramel et Françoise Ramel
Il n’y a pas d’équivalent à une vraie rencontre en studio, ici, avec Sarah Schein, la plus jeune de mes invitées, 19 ans. A distance, l’esprit libre et le ton non formaté de Femmes de caractères permettent aussi de vivre pleinement l’instant et l’écoute réciproque.
Crédit photo Françoise Ramel – Plan B

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Article : Bachar Mar-Khalifé, petite histoire en mode On/Off
Be kind rewind, soyez gentil, rembobinez
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28 novembre 2021

Bachar Mar-Khalifé, petite histoire en mode On/Off

Au festival de jazz de Malguénac (Bretagne), entre deux concerts, une amie me glisse à l’oreille : « Jeudi prochain, il y a un artiste fabuleux programmé à Pontivy ». Ainsi s’invite sur Plan B une petite histoire que je partage parce que, pour tout dire, ça avait plutôt mal commencé. Encore fallait-il que je me souvienne à temps de ma première rencontre avec Bachar !
Cet artiste libanais a mis en ligne en novembre une belle réalisation vidéo qui capte l’ambiance de l’enregistrement de son album On/Off. Presque deux ans de pandémie ont changé la face du monde depuis décembre 2019, date à laquelle Bachar Mar-Khalifé et ses musiciens se retrouvent dans les environs de Beyrouth, sa ville natale. C’est toujours une chance d’avoir accès aux coulisses d’un album en création.

C’est la première fois qu’ils viennent ici. Je suis heureux de partager ces moments de silence avec eux.

Bachar Mar-Khalifé, extrait de « Making On/Off », octobre 2021 (à propos des musiciens et ingé son français qui l’accompagnent)
Pochette de l'album On/Off de Bachar Mar-Khalifé
Crédit image Bachar Mar-Khalifé/Lossapardo
Une merveille enregistrée au Liban quelques mois seulement avant la pandémie mondiale. En bonus, découvrez l’histoire de cette pochette –Crédit image Bachar Mar-Khalifé/Lossapardo

Reminiscence


Nous sommes fin août, je suis rodée aux backstages, la vie culturelle a repris timidement le temps d’un été. Avec des jauges à respecter, des bénévoles chargés de valider des pass sanitaires froissés, de scanner des QRcode. Mais aussi des artistes heureux de monter sur scène et de se retrouver, des festivaliers triés sur le volet qui ne boudent pas leur plaisir.
Entre deux modes de résistance, j’ai choisi. Cette pandémie est déjà une bénédiction pour les coupes budgétaires en matière de culture, d’éducation.

Ca gruge un peu au contrôle et tant mieux. Comment imaginer que la jeune génération, pas encore vaccinée, soit privée de moments de liesse collective devenus si rares ? On en rigole tout de même. Georgette, Simone, Pélagie sont de sorties, elles ont le nombril à l’air et des looks de jeunes premières.

  • Festival de jazz Malguénac
    Crédit photo Françoise Ramel
Ambiance visuelle au Festival de jazz de Malguénac, une féérie pensée par des habitants artistes pour trois nuits de fête du 19 au 22 août


Au lendemain du festival de jazz de Malguénac, je fais le nécessaire pour solliciter une interview de Bachar après avoir jeté un œil rapide à la presse locale. Un bon concert, ça m’intéresse toujours. À domicile, dans un cadre sympa et en plein air, c’est encore mieux !

À ce stade, je ne fais aucun rapprochement avec un vague souvenir relégué depuis 2017 dans un recoin dont il ne devait pas sortir. Le nom de l’artiste ne me dit rien, mais vraiment rien : Bachar Mar-Khalifé.

Pourtant un je ne sais quoi donne l’alerte et cherche à percer la fine membrane hermétique qui sépare certaines couches mémorielles : le souvenir d’une interview où je m’étais sentie mal à l’aise, pour ne pas dire très mal à l’aise.

Bachar Mar-Khalifé sur scène
Une de mes plus belles émotions cet été, lors d’un concert intimiste en plein air, grâce à Bachar Mar-Khalifé, artiste au top, visiblement heureux d’être de retour sur scène – Crédit photo Françoise Ramel

Fanchon cherche désespérément bouton On/Off


C’était au Festival du Chant de marin à Paimpol, dont j’ai rapporté une palanquée de chouettes souvenirs : une interview très agréable de Titi Robin, ma rencontre avec les musiciens de Tinariwen, mes retrouvailles avec Pablo Macias et Soledad, couple de Malaga croisé à M’hamid el Ghizlane quelques mois plus tôt.
Sans oublier le plaisir de partager cette ambiance de fête sur les quais d’un port breton ouvert sur le monde avec un ami forgeron, Attaher Cisse, originaire d’Echel dans la région de Tombouctou.

Piégée par mon envie de jouer aux apprenties journalistes, j’avais jeté mon dévolu sur un musicien branché électro, dans l’idée de plancher sur un article avant de découvrir son énergie sur scène à pas d’heure dans la nuit. De m’ouvrir à une esthétique dont je me sens très éloignée.

Je devais être super motivée, car je me souviens la longue attente au pied de l’estrade pour ne pas perdre le privilège d’être aux premières loges. Le hasard m’offrant une agréable conversation avec un étudiant qui évoluait dans la danse et la création chorégraphique entre Brest et l’Espagne. La magie des festivals !


Bachar Mar-Khalifé
Pour un regard qui se refuse, je me suis sentie si confuse. Je n’avais juste rien compris. Crédit Clément Legrand

C’est la seule interview où je me suis dit d’entrée de jeu : je suis mal barrée. Dans mes petits souliers, comme une écolière timide et gauche, j’enchaîne les maladresses.
Je voudrais pouvoir revenir en arrière, choisir une autre option dans le programme de ma journée. Je suis là, coincée dans ce huis clos improbable avec Bachar.

Naïveté contre pudeur

Je ne sais rien de lui et lui semble m’ignorer royalement. Il s’exécute, je m’exécute, point barre. Je ne suis pas une pro. Si je m’essaie à l’exercice, c’est parce que j’en attends un plaisir réciproque, que je me crois capable d’en tirer un écrit sympa, fidèle, sensible, avec une mise en page engageante. Pro ou pas, il faut assurer. Et là, ça l’fait pas !

Je m’en prends à mon manque de préparation, d’anticipation, de savoir-faire, sans chercher de raisons plus profondes à ce fiasco.
Ce regard qui se refuse me déstabilise, comme l’apparente froideur de mon interlocuteur et ce que je perçois sur le moment comme un manque total de coopération. Je pense aujourd’hui que j’avais juste affaire à l’expression d’une pudeur.

J’avance mes questions comme on cherche à tâtons. Tout sonne faux et vain. Bref, un superbe ratage.
En manque total d’inspiration, d’envie de me challenger pour donner le meilleur, je n’ai jamais écrit l’article.

Je suis tout de même allée voir le concert. Mais le plaisir de me laisser surprendre par une déferlante de sonorités, le parti pris et la virtuosité du pianiste, était entaché par le mal-être ressenti quelques heures plus tôt.

Je ne suis ni maso ni perfectionniste. Ce n’est donc pas de mon plein gré si je me suis retrouvée de nouveau face à Bachar Mar-Khalifé, avec ce souvenir exhumé de lui-même, par défi des lois de la pesanteur. Signe que je ne suis pas encore atteinte de troubles de la mémoire.

Deuxième chance


J’ai la chance de vivre une sorte d’épreuve de rattrapage. Vu qu’en fait, c’était déjà trop tard pour faire machine arrière toute ! J’avais au moins, pour moi, la quasi certitude – ou l’espoir – que l’artiste ne me reconnaîtrait pas et ne saurait rien de mon état d’esprit en mode « Restart ».

Pourtant, je décide deux choses. Je veux mettre Bachar au parfum (mais comment faire ça sans me griller !) et faire en sorte que l’entretien se passe bien pour nous deux. J’ai plus d’expérience qu’en 2017, mais pas question de me fier à une quelconque logique ou fausse assurance.

Si je m’étais rendue compte seulement sur l’instant que j’avais déjà interviewé ce grand musicien, j’aurais eu droit à une sacrée montée d’adrénaline. Et une belle suée !

Cette fois, je sais à quoi m’attendre. Je fais le job comme si de rien n’était, en analysant ce qui avait bien pu me mettre en difficulté quatre ans plus tôt. Bachar Mar-Khalifé ne me regarde pas de toute l’interview, il fait le job lui aussi.

Et ça donne cette touchante interview, qui ne laisse en rien deviner tout ce que je viens de raconter !

Si j’avais le talent d’une conteuse, je trouverais une moralité, une chute appropriée, histoire de donner un peu de profondeur à mon propos.
Nous nous en passerons. Tant pis. Ce n’est qu’une petite histoire en mode On/Off.

Peut-être que ce qui est à retenir ici est très simple. Dans le doute, même si votre affaire semble mal engagée, ça vaut vraiment la peine certains jours de se mettre un rien en danger.

Je n’aurais pas aimé que la vie me prive d’une aussi belle rencontre avec Bachar Mar-Khalifé et sa musique.

Dates de concert Bachar Mar-Khalifé 
Crédit Bachar Mar-Khalifé
Crédit Bachar Mar-Khalifé

Derrière son piano, Bachar hypnotise, remue, transcende. Consolidant la place du label InFiné (Rone, Aufgang) à la pointe des musiques actuelles, Mar Khalifé évoque un kaléidoscope constitué de musique arabe traditionnelle et de musique contemporaine, alliant piano, beats minimalistes et percussion.

ARte concert, 2014

Bachar sublime la scène


Ce soir-là, j’ai connu une extase musicale rare. Pourquoi ne dit-on pas “j’ai pris une caresse” comme on dirait pour une forte émotion “j’ai pris une claque” ?

Je ne sais pas si je suis un chercheur, je m’obstine à aller au bout de ce que j’entends, de ce que je pense, de ce que je ressens. Les sons c’est une excuse, je mets des sons ensemble pour que ça aille vers des gens.

Bachar Mar-Khalifé, 26/08/21, Pontivy

J’ai suivi Bachar dans ses constellations et circonvolutions rythmiques menant à la transe, comme s’il était le Petit Prince et moi un pilote en panne dans le désert.

Ce voyage intérieur le temps d’un concert exceptionnel m’accompagne depuis. Sous les étoiles du Sahara, parfois la seule envie qui refait surface avant de m’endormir, est d’entendre la voix chaude, pleine, enveloppante, de Bachar.

Avec ce titre en particulier « Chaffeh Chaffeh », dont j’ai adoré l’interprétation, la respiration, je peux écouter cette version Live en boucle, la chanter dans ma tête. Comme si ce cadeau pouvait à lui seul allumer mille étoiles dans le ciel. Pour ce billet, je découvre d’autres captations de « Chaffeh Chaffeh », toutes très épurées.

Celle-ci avec la chanteuse Lynn Abid par exemple

« Le génie musical de Bachar Mar-Khalifé s’exprime avec la clarté d’une source lumineuse provenant de je ne sais quel chant cosmique. Il conjugue puissance et innocence, dans un appétit, un élan, une créativité sans limite qui surprend. » Françoise Ramel


B comme Bonus

Le making On/Off Entrez dans les coulisses de l’enregistrement de cet album, au Liban

Bachar Mar-Khalifé sur Radio Bro Gwened

Une histoire de pochette de CD

https://musique.rfi.fr/musique-arabe/20201026-bachar-mar-khalife-racines-lexil

Autre billet Plan B sur un pianiste de talent, Salvatore Sclafani

Si vous aimez la musique, les artistes, je vous invite à découvrir mon émission Blablazik, 45′ d’échange comme si nous étions en backstage avec le plaisir du Live

Pour partager mes bons moments au Festival de Malguénac 2021, c’est là et c’est top, notamment la fin du reportage avec des jeunes qui témoignent, qui profitent à fond



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Article : Salvatore Sclafani, musiques et parfums d’exil
B comme balises à babord pour moins baliser
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4 novembre 2021

Salvatore Sclafani, musiques et parfums d’exil

Du 4 au 14 novembre, « Traces migratoires » s’installe au Tri postal près de la Gare du Midi à Bruxelles. Il s’agit d’une exposition qui mêle musique, photographie, vidéo, illustration et écriture. Cette initiative mobilise depuis dix mois un noyau de huit bénévoles, qui bénéficie de l’appui d’ASMAE (Association Sœur Emmanuelle). Une des préoccupations de cet organisme est l’accueil, l’accompagnement de migrants, mais aussi la sensibilisation de publics jeunes. Dans cette équipe internationale, Salvatore Sclafani joue sa partition de musicien de haut niveau, plus habitué aux publics des conservatoires et aux soirées branchées… Grand répertoire. Pourquoi ?

Salvatore Sclafani donnera son 2ème concert dans le cadre de « Traces migratoires », le 11 novembre, au Tri postal, Bruxelles – Crédit photo Umut Vicdan

Peut-être parce que l’essentiel face aux raisons dramatiques qui génèrent l’afflux de populations dans nos capitales puis sur nos territoires ruraux, est déjà de s’engager pour faire ce que l’on sait faire de mieux, à partir de sa propre histoire d’exil.

Peut-être parce que face au matraquage médiatique, aux discours populistes qui menacent nos démocraties, se sentir digne passe d’abord par assumer un regard humaniste et un propos artistique au service d’une cause commune : résister à l’enfermement, au repli sur soi, aux agitateurs de peurs malsaines.

« La scénographie permet de voir la migration comme un prisme, à travers différents modes d’expression, le texte, le dessin, la photographie, la musique. Nous avons mis en avant nos productions d’artistes, mais aussi celles de citoyens, citoyennes, désireux d’apporter leur appui à notre initiative bénévole. »

Salvatore Sclafani

L’art, carrefour de nos trajectoires

Salvatore vient de Palerme en Sicile, son amie Elisa De Angelis, dramaturge francophone, dont je vous invite à entendre le témoignage, vient de Rome. C’est elle qui l’a entrainé dans l’aventure. A travers ce projet à créer de toute pièce, Salvatore a rencontré deux jeunes artistes françaises, en formation à Bruxelles, Romane Iskaria et Anna Bourcier, mais aussi une vidéaste, Izzy Wiesner, elle aussi en cursus d’études supérieures.

Des propositions venues d’ailleurs

Pendant le processus de création de l’exposition, le groupe a choisi de faire un appel à œuvre pour permettre à d’autres artistes ou citoyens de proposer une contribution. Le texte qui m’a permis de rejoindre la communauté Mondoblog « L’étrangère » (dis-moi qui tu hais) s’est ainsi retrouvé exposé dans cette scénographie déjà riche, aux côtés d’une quinzaine d’autres propositions retenues.

Parmi les artistes africains sélectionnés, je pense à mon ami Joel Gandi, à Niamey, slameur qui raconte dans un beau texte autobiographique son parcours d’exil en empruntant à Falwinn Sarr ce joli titre « Habiter la Terre ». Je pense à Christophe Sawadogo, dont je souhaite pouvoir visiter un jour l’atelier au Burkina Faso. Cet artiste a choisi pour l’exposition un dessin inspiré par la situation des personnes qui fuient le conflit au Nord du Burkina et ailleurs. Je suis vraiment touchée par la délicatesse, le mouvement, l’humanité, que dégagent les créations de Christophe Sawadogo.

Dessin de Christophe Sawadogo exposé à Bruxelles grâce à Traces migratoires « Les déplacés internes » Crédit image : Christophe Sawadogo

Tous les chemins mènent à Rome Bruxelles

Celles et ceux qui s’invitent au Tri postal découvrent la sélection de l’appel à œuvre lancé par le collectif bénévole. Une autre façon de voyager, de donner ou prendre la parole, de sensibiliser à la question migratoire à partir de différents vécus et points de vue.

ARTS VISUELS:

  • Nicolas Le Tutour – croquis portraits « Qalbi Jab »
  • Christophe Sawadogo – Peinture – « Les déplacés internes»
  • Ernest Ake – Collage – «Retour au pays»
  • Gbane Bacary – Dessin-  «Le mirage»
  • Amadou opa –  Peinture “ Colonnes des déplacés”
  • Florent Houessou – Peinture “- “ Cri de migration clandestine” 
  • Eyram Kinglo – Peinture – « Vivre ensemble « 
  • Katie Bardouil – Graphisme “Empruntes “
  • Mo Dabani – Photographie «stop»
  • Guido Jassens – Triptyque –
  • Badre Namir – Dessin «Vers un autre horizon» 
  • Nuria Alvarez Batalla – Dessin « L’humanité face au sang de l’exil”
  • Aissaoui Abdeslam – Dessin – « Personne n’est illégal »
  • Hicham Atif – Peinture – « Le silence cri « 

VIDEO:

  • Caroline Goblet – Vidéo « Ces petits riens » 
  • Yolande Jouanno – Vidéo « femme racine » 
  • Marie Wardy – Vidéo- “A bientôt Alep”


TEXTE/POÈME :

  • Joel Senam – Texte  “habiter la terre “
  • Françoise Ramel – Poème “l’étrangère «  

Réveiller l’intime étranger en chacun de nous

A défaut d’avoir pu me rendre à Shaerbeeck où « Traces migratoires » a déjà été installée en octobre, j’ai eu envie de solliciter Elisa et Salvatore pour mieux comprendre ce qui les avait amenés dans leur parcours de vie à se positionner de cette façon sur un projet aussi original, par sa démarche participative, par l’ambition citoyenne qui s’y exprime à travers la notion de diversité culturelle, de création artistique et de sensibilisation des publics.

« La prolifération de regards est une preuve que la question migratoire abordée d’une certaine manière est un élément qui stimule, qui apporte de la richesse, nous réveille à notre propre potentiel par la créativité qu’elle suscite. »

Salvatore SclaFani

Voici donc le témoignage de Salvatore Sclafani, qui sera en concert au Tri postal le 11 novembre et, dans les Bonus, celui d’Elisa De Angelis grâce à l’émission Femmes de caractères. Le vernissage de « Traces migratoires » a eu lieu jeudi 4 novembre. Autant dire que j’aurais vraiment voulu être à Bruxelles pour voir de mes propres yeux le fruit de tout ce travail bénévole et partager de nouvelles rencontres inspirantes.

Le visuel de l’expo signé Anna Bourcier

L’interview de Salvatore Sclafani

Plan B : Pourquoi avoir choisi de participer activement à la création de l’exposition « Traces migratoires » ?

En général je suis très sensible à la question migratoire. Je suis un migrant moi-même. Je suis italien et j’habite à Bruxelles depuis huit ans. Je me suis senti toujours bien accueilli, à vrai dire, mais quand même en tant que migrant, j’ai ressenti dans ma vie quotidienne toujours une différence entre l’endroit d’où je viens et l’endroit où je vis. Je voulais mettre mon art au service d’une cause sociale. Je suis musicien classique, j’ai matière à m’exprimer sur le thème de la migration grâce au répertoire. Quand on pense musique classique, cela donne l’impression de se situer en dehors de tout ça. Au contraire, l’histoire de la musique classique est aussi une histoire de migration, souvent. Les compositeurs et compositrices se sont inspirés des traditions populaires, influencés par leurs voyages et séjours dans différents pays.

Quelle a été votre démarche artistique pour contribuer au montage de ce projet d’exposition ?

Je suis pianiste, j’ai présenté un concert avec une sélection d’oeuvres. J’ai choisi, soit pour leur biographie, soit pour le pays où ils ont travaillé, des compositeurs classiques qui ont été influencés par la migration. Et comment les migrations influencent-elles la musique ? Surtout par des éléments de musique populaire qui eux-mêmes découlent de croisements de populations. J’ai aussi enregistré des extraits des morceaux joués en live dans l’expo. J’accompagne ces sons de fiches explicatives avec chacune leur QRcode, pour que les visiteurs soient en mesure d’enrichir leur visite comme ils et elles le souhaitent.

Que retenez-vous de l’expérience au sein du groupe moteur qui a porté ce projet d’exposition ?

Je retiens une vraie satisfaction en tant que professionnel du monde de la musique classique d’avoir pu me mettre au service de l’autre, d’une cause sociale, raison pour laquelle j’étais bénévole sur ce projet. Je mesure le côté gratifiant d’avoir pu apporter une touche musicale à notre proposition collective. Je me suis nourri de nos discussions et autres éléments liés au travail d’équipe, au pari de faire connaissance à travers le montage de ce projet en moins de neuf mois. Je me rends compte combien c’est délicat d’organiser une exposition, de prendre des contacts, de trouver des lieux pour accueillir cette création.

Quelle suite aimeriez-vous donner à ce projet ?

J’aimerais beaucoup que l’expo continue à circuler dans d’autres endroits, d’autres contextes, à Bruxelles et ailleurs. Le concert que j’ai proposé peut vivre sans l’exposition. J’envisage de retravailler cette proposition de façon autonome, mais j’aime autant avoir l’opportunité de rejouer avec cette configuration collective, pluridisciplinaire. Dans sa forme même, notre démarche volontaire exige de s’adapter à chaque nouvel espace, de tirer partie du meilleur de chaque lieu et de chaque énergie associée à « Traces migratoires ». J’espère évidemment développer d’autres projets sur ce sujet qui me tient à coeur, soit personnels soit en collaboration avec d’autres membres du collectif.

Vernissage de l’expo Traces migratoires : l’aventure collective prend une autre forme, celle de la rencontre avec le public -Crédit photo : Héloïse Parodi

Comment le public a-t-il accueilli tout ce travail lors du vernissage puis lors de votre concert ?

Je dois dire que le public semblait très touché. Lors de la soirée-concert, le format présenté a beaucoup plu grâce à l’alternance entre parole et musique, entre explication et interprétation de chaque morceau. C’est quelque chose qui rapproche le musicien du public. En même temps, ça allait de soi dans notre démarche de sensibilisation de savoir pourquoi j’avais choisi de jouer tel ou tel extrait d’œuvre, de situer en quelques mots l’intérêt par rapport au thème  » Traces migratoires » et à la vie de son auteur. L’auditoire a aussi été sensible à la diversité des univers musicaux que nous avons traversés ensemble. J’ai présenté un répertoire assez large, à travers différentes époques. Ca allait de la musique baroque au jazz. Ce choix a eu une certaine prise sur le public.

En quoi la scénographie et les oeuvres présentées sont-elles intéressantes pour un usage pédagogique ?

Comme il s’agit d’une exposition pluridisciplinaire, cela donne beaucoup de stimuli, notamment pour un usage pédagogique. La scénographie permet de voir la migration comme un prisme, à travers différents modes d’expression, le texte, le dessin, la photographie, la musique. Nous avons mis en avant nos productions d’artistes, mais aussi celles de citoyens et citoyennes, désireux d’apporter leur appui à notre initiative bénévole. Toute cette richesse artistique montre comment le thème de la migration apporte plus de bienfaits qu’autre chose. Cette prolifération de regards est une preuve que la question migratoire abordée d’une certaine manière est un élément qui stimule, qui apporte de la richesse, nous réveille à notre propre potentiel par la créativité qu’elle suscite. On est très loin des discours stigmatisants sur les « migrants ».

Une exposition faite pour voyager

Je vous invite à retrouver toute l’actu de cette exposition « Traces migratoires » sur les réseaux, à vous en inspirer pour monter à moindre frais des projets citoyens près de chez vous, à vous intéresser aux espaces où de telles initiatives peuvent naître d’une simple volonté d’agir et de créer ensemble.

Le dessin ci-dessous, signé Niko, dessinateur à Pontivy, est aussi exposé à Bruxelles. Il faudra que je vous raconte un jour sur Plan B cette belle histoire entre un auteur de BD breton et Liban Doualé, chamelier somalien, fils de Sage Soufi jeté sur les chemins par la violence terroriste, pour arriver jusqu’à nous, encore debout !

Si nous parvenons à faire venir un jour l’exposition « Traces migratoires » en Bretagne, ce sera une belle occasion de mettre en valeur ces gestes simples qui construisent de la confiance face à l’ignorance et à l’indifférence. Et – pourquoi s’empêcher de rêver – d’inviter Patrick Chamoiseau, dont le livre « Frères migrants » est à mettre entre toutes les mains.

Dessin extrait d’une série de l’auteur de BD, Niko, réalisé lors d’une résidence de création dans un lycée à Pontivy avec pour support le récit de vie et d’exil de Liban Doualé, jeune réfugié somalien, devenu Liban DU (noir en breton) – A voir au Tri postal à Bruxelles jusqu’au 14 novembre – Crédit image : Niko

B comme Bonus

La vidéaste Izzy Wiesner a aussi interviewé Salvatore

Article sur l’expo publié en Bretagne

« Traces Migratoires » : genèse d’une exposition qui met l’art au service de l’humain

Abadenn A-du pe pas : Elisa De Angelis, l’italienne qui rêve en français (radiobreizh.bzh)

Note finale au clavier avec Salvatore

Le blog de Liban Du, ancien chamelier somalien devenu breton

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1001 façons de ré-enchanter le quotidien

Auteur·e

L'auteur: fanchon
Passionnée de rencontres, engagée sur de beaux projets qui me tiennent à coeur là où j'ai décidé de vivre, au coeur de la Bretagne, j'ai cette chance de pouvoir virevolter avec les mots, leur musique, j'aime me laisser porter par toutes ces images qui n'ont besoin d'aucun moyen technique pour nous faire voyager, ressentir des émotions profondes. confronter nos convictions, faire naître un souffle qui réveille chez celle ou celui qui s'embarque dans le récit l'envie de passer un bon moment en cette compagnie sans paillettes ni chichi.

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