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Et si la météo nous annonçait des jours meilleurs ?

La France se prépare à une grande vague de froid. Au Ministère de l’Ecologie, les présentateurs météo ont eu droit ce lundi 16 janvier à quelques messages ciblés. L’enjeu ? La réduction de la facture énergétique… et les intérêts d’EDF.

Ségolène Royal a invité ce lundi après-midi les présentateurs météo de télévision au ministère de l’Ecologie, rapporte Le Parisien. Elle leur a demandé de profiter de leurs bulletins météo pour présenter quelques gestes pratiques pour économiser l’électricité en période de grand froid.

Ces petites attentions permettraient notamment à EDF de limiter les pertes. Le froid qui a frappé la France au début du mois a déjà coûté au groupe près de 10 millions d’euros. Et les températures à venir dans les prochains jours, pouvant aller jusqu’à -15 degrés Celsius, risquent de ne pas arranger les affaires d’EDF.

Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. Crédit : Photo compte Twitter du ministère.

Je me demande bien comment d’autres pays arrivent à s’en sortir avec leurs propres factures énergétiques. Ont-ils déjà tous des bulletins météo reconvertis en bande-annonce pour gestes responsables et citoyens ?

Bien au chaud dans mon salon, je repense à la COP 22 et je me demande comment mes amis nomades font avec leurs propres expériences de pénurie. Je me demande si leur voix s’est faite entendre à Marrakech. Si l’urgence et leurs doléances avaient un pouvoir de nuisance aussi puissant que certains résultats d’élections, peut-être qu’il y aurait des débats et des solutions pour s’intéresser à ce vaste désert, autrement que comme zone de conflits.

Les dunes du Zahar à proximité de la frontière Maroc-Algérie – Crédit photo Françoise Ramel

Le cas du Maroc

Le Sahara est le plus grand désert du monde, c’est un désert habité. Au Maroc, les derniers recensements permettent de mesurer l’ampleur du déplacement des populations. Le constat d’une population divisée par trois en une seule décennie est un drame à plusieurs titres.

D’abord parce que le départ des populations rend plus problématique la gestion des milieux, notamment le développement durable des oasis, qui est une réponse concrète au réchauffement climatique mais aussi au devenir économique de la région (par une agriculture et un tourisme responsables).

Parce que le dépeuplement se traduit, de fait, par l’abandon total ou partiel d’un patrimoine bâti remarquable qui est aujourd’hui menacé par l’avancée du sable. Avec ce patrimoine, au Maroc par exemple,c’est tout un pan de l’histoire qui est menacé de disparition, aussi sûrement que les palmiers sont menacés par la maladie, parce que les jeunes générations n’ont pas su cultiver les oasis avec la même diversité d’espèces que leurs parents.

Parce que le choix que font les habitants de quitter leur terre n’en est pas un. Comme les réfugiés qui fuient les conflits, en Syrie, au Nord-Mali, il ne s’agit pas d’un exil volontaire.

J’imagine alors un plaidoyer, comme il en existe pour plein d’autres causes : le droit des femmes, la culture, les minorités, et pour coller à l’actualité, les bulletins météos éco-responsables…

Plaidoyer virtuel pour les générations (nomades) futures

Cette allocution n’a jamais été prononcée à la COP 22 de Marrakech, c’est une fiction. Celui ou celle qui s’exprime ici le fait en tant qu’héritier, héritière d’une culture ancestrale. C’est le regard d’un-e nomade qui interroge aux portes du désert (M’Hamid el Ghizlane) l’impact du réchauffement climatique sur le maintien des populations au Sahara. Une parole pour les hommes et les femmes qui vivent dans les territoires désertiques depuis des millénaires sur la base de modes de vie sobres, adaptés à la dureté et à la dangerosité de leur environnement, là où les experts parleraient du désert en tant qu’écosystème et régulateur dans les équilibres climatiques mondiaux.

Le Maroc est un pays en paix qui dispose de ressources. Les familles qui quittent M’hamid – faute de pouvoir y vivre dignement – sont attachées à leur culture nomade et trouvent difficilement leur équilibre dans d’autres milieux, notamment urbains. Cependant, la première qualité du nomade est son adaptabilité, c’est un héritage lié à l’apprentissage de la survie dans un milieu naturel hostile que le nomade a su apprivoiser. Cette adaptabilité est aussi le fait de codes sociaux, de solidarités, qui sont parfois inadaptés dans un contexte urbain.
En une décennie, le nombre de nomades a été divisé par trois au Maroc. Crédit photo Hicham
La façon dont les nomades se sédentarisent à M’hamid el Ghizlane est tout à fait intéressante pour étudier l’évolution des pratiques culturelles et la résilience de pratiques héritées de la vie dans les bivouacs, mais pour combien de temps encore ? Les jeunes qui sont nés à M’hamid et non dans le désert sont-ils encore des nomades ? Quels sont leurs rêves ? De quelles ressources propres disposent-ils, disposent-elles, par le seul fait de leur naissance dans un environnement qui est l’essence même d’un rêve universel, raison pour laquelle la terre entière se donne rendez-vous ici au Sahara ?
La survie dans le désert est directement liée à la ressource en eau. Qui dit pluie dit pâturages, qui dit sécheresse dit puits à sec. Or cette ressource en eau est captée en amont de notre vallée, ce qui a déstabilisé l’équilibre écologique et agronomique de notre région, condamnant de fait le développement de notre agriculture et les conditions de notre subsistance.
Alors que nous avons un potentiel agronomique intéressant dans nos oasis et des savoir-faire à transmettre aux jeunes générations, notre région est très dépendante des denrées alimentaires produites dans d’autres régions du Maroc. Il y a urgence à définir une politique de développement durable adaptée aux besoins des populations oasiennes, seules détentrices de cette culture nomade en voie de disparition à l’échelle planétaire. Il convient de se féliciter du travail engagé pour faire connaître cet enjeu au-delà de nos territoires ruraux, et pour en faire prendre conscience localement, notamment grâce à la création de festivals. Mais c’est loin d’être suffisant.
A M’Hamid el Ghizlane, le Festival International des Nomades œuvre à la sauvegarde et à la transmission de la culture locale depuis 2004.
Un des paradoxes de nos sociétés contemporaines réside dans ce phénomène mondial : la concentration des populations dans de grands centres urbains avec des coûts importants en terme de gestion des ressources, et son pendant : la désertification des zones de production. Dans le Sahara, cet exode rural ajoute ses effets négatifs à l’accélération du phénomène de désertification lié au réchauffement climatique.
Si nous voulons lutter efficacement contre le réchauffement climatique, nous devons d’abord prendre conscience du rôle que joue le Sahara en tant qu’écosystème dans les écosystèmes mondiaux. Des scientifiques ont démontré comment l’évolution de notre écosystème influe sur les risques de cyclones par exemple. Je ne suis pas scientifique, alors je me contente de partager avec vous mon expertise d’habitant, d’acteur culturel et vous invite à vous intéresser à la recherche concernant le Sahara et son importance pour l’équilibre climatique de la planète.
Nous devons ensuite envisager deux options : soit considérer que le réchauffement climatique n’est pas une priorité dans nos logiques de développement, ou, ce qui revient au même, considérer que nos actions, nos stratégies ne peuvent pas permettre de limiter l’augmentation de 4° calculée par les experts avec les conséquences dramatiques que l’on sait pour la planète, pour nos ressources et pour une grande majorité de la population mondiale.
Soit considérer, et je veux croire à cette option, que nous avons, grâce au progrès technologique et à notre capacité d’anticipation, la possibilité d’investir de l’énergie dans les zones désertiques pour qu’elles retrouvent leur vocation première : être des lieux de production et des lieux de vie, être des lieux d’échange entre différentes zones de production comme au temps des caravanes.
Il ne s’agit pas de revenir en arrière ou de nous piéger dans une idéologie qui ferait abstraction des frontières et des conflits qui empêchent les populations actuelles de vivre comme le faisaient les générations précédentes, il s’agit simplement de poser la question du futur au nom de l’intérêt général et des nouveaux équilibres à trouver afin de ne pas compromettre l’avenir de nos enfants.
Car l’idéologie selon laquelle nous pourrions continuer à fermer les yeux, à laisser faire, est aussi un piège. Les populations nomades sont prêtes à relever les défis du développement durable comme d’autres territoires le font avec réussite. Certes, ici plus qu’ailleurs, nous avons des difficultés liées à l’accès à l’éducation, mais ce n’est pas une fatalité !
Des enfants dans la Vallée du Drâa, héritiers d’une culture nomade menacée – Crédit photo Françoise Ramel
Si le recensement montre que les nomades sont de moins en moins nombreux, il montre aussi que le taux de chômage est moins important que dans la population marocaine, au moins pour les hommes. Nos sociétés locales ne sont pas figées, elles sont traversées et mues par les grandes mutations de notre époque.
Nous pourrons faire encore mieux en terme de lutte contre le réchauffement climatique si la politique de désenclavement déjà engagée par le Royaume (infrastructures routières et aéroportuaires, aides pour les jeunes / accès à l’emploi) s’accentue dans la prochaine décennie. Cette politique doit s’accompagner d’une réelle prise de conscience des atouts dont nous disposons ici, aux portes du désert, pour être une des fiertés du royaume, en qualité de protecteurs d’une des plus belles merveilles du monde : le Sahara.
Les touristes étrangers ne s’y trompent pas, c’est une chance que M’hamid el Ghizlane reste une destination prisée, alors qu’un contexte de tensions fragilise dangereusement notre économie touristique. Mais combien de marocains du Nord ont déjà fait le déplacement ? Ils sont une minorité.
Cela traduit un décalage qu’il convient de combler si nous voulons vraiment agir et permettre aux nomades qui ne veulent pas quitter le désert de pouvoir continuer à élever des troupeaux, à vivre de la production de dattes, à gérer des bivouacs qui sont autant de témoignages de l’hospitalité inscrite dans nos codes sociaux par notre héritage culturel.
A condition de ne pas se satisfaire d’un tourisme de carte postale, à condition de ne pas brader notre identité pour se fondre dans des images toutes faites du mythe touareg. La vallée du Drâa dispose de suffisamment de richesses patrimoniales à valoriser et historiquement, cette vallée était une riche région d’accueil et de production. Ce n’est pas pour rien que nous sommes connus dans tout le royaume comme le pays des dattes.
Le développement durable repose sur quatre piliers, l’économie, le social, l’environnement et la culture. Pendant des millénaires, les nomades ont été les détenteurs d’une histoire singulière et d’une liberté qui leur ont permis de transmettre de génération en génération la fierté de leur condition, l’amour de cette liberté et des valeurs proches de ce dont nous parlons aujourd’hui à la COP 22 : sobriété des modes de consommation, responsabilité intergénérationnelle, solidarité entre les territoires, acceptation et confiance dans la diversité culturelle et l’ouverture à l’autre.
Le sourire de Lahsen est à l’image de l’hospitalité d’une population nomade qui vit dans la pauvreté. Crédit photo Françoise Ramel
Je veux saluer ici l’engagement citoyen dont font preuve les habitants de M’hamid el Ghizlane, notamment dans la mobilisation autour du Festival International des Nomades qui a lieu chaque année en mars depuis 2004. Je veux aussi saluer l’engagement d’associations étrangères comme Terrachidia, que nous avons invité cette année pour présenter leur action de sauvegarde des ksours de notre commune. Voilà un bel exemple de coopération associant compétences locales et volonté d’agir de la part d’hommes et de femmes venant du monde entier pour découvrir notre culture.
La question du réchauffement climatique est une urgence pour tous les Etats du monde engagés depuis l’accord de Paris. Pour nous, elle se pose en terme de reconnaissance ou non du potentiel que représentent les populations nomades, parce que nous sommes aux avant-postes de cette lutte, parce que nous sommes en prise au quotidien avec les dégâts de la désertification, (comme les populations qui vivent sur le littoral, qui doivent déménager chaque jour ou presque, parce que l’eau rentre dans les maisons avec la montée des océans).
Il se trouve que nous sommes des ruraux plutôt pauvres, que nous vivons loin des grandes métropoles, ces lieux où se concentrent et les pouvoirs de décision et les moyens financiers, qui sont le moteur de tout développement socio-économique. Pour autant nous avons une carte à jouer dans cette marche du monde qui se cherche pour faire émerger de nouvelles pratiques, une nouvelle conscience de notre appartenance à un destin commun.
Il se trouve qu’en 2014 – est-ce une conséquence directe du réchauffement climatique ? – des trombes d’eau se sont abattues sur nous, les inondations balayant tout sur leur passage : pont, bivouacs, dromadaires….des hommes et des femmes ont perdu leur toit dans différentes régions du Maroc, certains ont perdu la vie à cause du déchaînement des éléments que nous n’avions pas anticipé. Laisserons-nous faire ?
B comme bonus

https://www.nomadsfestival.org/

Radio Climat, la COP 22 vue par nous, pour nous

Tous nomades ! Naître libre et le rester…


Noël, c’est pas toujours dimanche.

Si je mets de côté la version mercantile et les musiques pathétiques qui dégringolent du ciel enguirlandé de la ville où j’habite en Bretagne, Noël reste une fête à part dans ma vie. D’abord, comme tout le monde, au fil des années, les souvenirs de ma propre enfance ont laissé la place aux soirées magiques partagées en famille, celle qu’il m’a été donné de créer. Avant que cette famille n’explose et fasse de Noël un long moment de solitude une année sur deux.

De Noël horrible en Noël bricolé à peu de frais, je finis tout de même par faire avec et cette année, j’ai trouvé sage de passer mon tour, de profiter de l’invitation d’amis pour réveillonner dans un environnement sans ressentiment, sans mauvaises lectures du passé, du présent, du futur.

Retrouver l’excitation des enfants au pied du sapin, ça fait du bien et ça ferait presque oublier que les vôtres ont grandi trop vite. Mais l’un dans l’autre, ca n’est qu’une soirée où vous vous rendez compte que tout est possible, y compris d’échapper aux mauvais génies qui vous font croire que se mettre en marge de la fête est la moins mauvaise des options, quand on n’a pas le cœur à festoyer.

Il est difficile de conserver une part de magie quand on n’y croit plus. Pourtant nous en avons tant besoin. Il faudrait réapprendre à croire, au Père Noël, à la force de la prière, à la famille, à la fraternité. Difficile, n’est-ce pas ?

Cette année, je rêvais de passer Noël dans le Sahara, comme il y a deux ans, une façon comme une autre d’échapper à la nostalgie pour se nourrir d’espoir grâce aux nouvelles rencontres. Le Sahara en matière de magie, il n’y a pas mieux. Même la neige s’est invitée en 2016, alors que cela n’était pas arrivé depuis trente sept ans.

Je suis restée chez moi, reportant à plus tard mes envies de départ. La magie de Noël, je dois la chercher, dans chaque recoin de mes croyances, sous les gravats de combats perdus, vaincue par ma propre indifférence. Faire le vide autrement, à défaut de pouvoir faire abstraction du monde, faire la paix avec cette peur du vide qui vient gâcher toute tentative de lâcher-prise.

Je suis restée chez moi et j’ai trouvé la force de sourire. Que faire d’autre, sinon penser à ces paroles chargées de fatalisme et d’humour de mon ami chanteur, Khalifa Balla : « C’est pas toujours dimanche« .

Passer Noël à bon compte, sans se perdre en conjecture, sans culpabiliser sur l’impossible sursaut de joie. Passer Noël sans mettre les pieds dans le plat, laisser les rêves clignoter par intermittence sur le sapin imaginaire qui ne laissera pas d’épines derrière lui, d’autant qu’il ressemble plutôt à un palmier-dattier.

Repenser Noël avec ce que j’ai appris à gagner, à perdre, à attendre, à atteindre au Sahara, loin de toute urgence, loin des codes où j’ai grandi.

Pour tout cadeau, reprendre un texte inachevé pour le partager ici, avec cette magnifique Vallée du Drâa en guise de guirlande. Mes rêves s’allument et s’éteignent, s’allument et s’éteignent, s’allument et s’éteignent…

M’HAMID

Le goudron arrive. Le pont a repris place sur l’oued. Un grand pont tout au bout de la vallée habitée, après, rien, autrefois, une vie, des pâturages, des troupeaux. Le Sahara n’est plus qu’un terrain de jeu pour touristes ou terroristes.
La vallée est splendide. Venir jusqu’ici se mérite. Rien n’arrête le désir d’en finir avec le goudron. Certains viennent avec une maladie, un chagrin, à ensevelir quelque part dans le sable des dunes, d’autres font rugir les moteurs de gros quatre-quatre pour défier je ne sais quel démon de la vitesse et du vent contraire. Le désert n’offre ni réponse, ni réconfort, ni récompense, il est juste à la mesure du vide obsessionnel que les humains ne parviennent à combler, ni par la guerre, ni par la technologie. Alors la prière, ou le mensonge, ou les deux.
Un homme au village a crée le marathon des sables. Voilà une façon plus loyale de se mesurer aux forces de la nature, au vide qui devance et suit la trace, jusqu’à l’épuisement total de l’organisme. Ils sont des centaines à s’affronter, des jours durant, navigateurs sans esquifs, souffle court pour une vie qui s’ébranle à chaque effort. Joie immense sans doute de n’être rien qu’un point dans l’espace, qu’une plume légère dans le vent, quand l’adrénaline a fait son œuvre et que le corps exulte plus qu’il ne souffre.
Ce plaisir-là m’est étranger. Cette souffrance-là n’est pas mienne et ne le sera jamais. Je n’en ai que plus de respect pour ce Sahara qui accepte toutes nos contradictions, toutes nos errances, de maladresses en estocades, juste une soif pour l’extrême urgence qui prend parfois de drôles de chemins et s’accommode de notre indifférence viscérale à ce qui sourd dans ces lieux immenses.
Je marche vers la frontière d’Algérie, je crois me rapprocher du sommet où mes amis m’attendent, je m’en éloigne. Le Zahar est désert, à perte de vue. Etrange sensation. Etrange privilège. Celui de ne pas connaître la peur, le danger. Celui de ne pas être de ces nomades qui n’ont d’autres points de vue sur leur paradis terrestre que cette ligne de crête couverte de caméras. Silence, on opprime.
Secteur sous haute surveillance. Le va et vient incessant entre M’hamid et Chegaga est comme l’exaspération du non sens. Ballet de quatre-quatre qui donne du boulot aux chauffeurs. Celui qui n’a pas la chance rêve de l’avoir ce quatre-quatre, plus précieux qu’un pâturage pour nourrir familles et troupeaux. Le goudron arrive. J’aimerais pouvoir remonter le temps, non pas pour prendre le pouls d’une humanité autre, je voudrais respirer, marcher, me glisser dans l’interstice d’une jubilation, entrer dans la tête d’un jeune nomade qui rêve de prendre la tête d’une caravane.

B comme bonus

Images de neige sur les dunes

Vidéo de l’édition 2016 du Festival International des nomades

 


Radio Climat, la COP 22 vue par nous, pour nous

Il y a quelques semaines, je découvrais un appel à candidature qui m’a intriguée et pour cause. Il y était question de COP 22 et de couverture radio de l’événement pour un vaste réseau d’antennes associatives sur les cinq continents.

Il y a quelques jours encore, je me demandais comment cette équipe de 18 jeunes journalistes venus de dix pays dont le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Palestine, l’Ouganda, le Rwanda…allaient réaliser leurs reportages et comment un tel projet avait pu s’organiser, se financer.

Radio Climat, une équipe internationale au service d'un réseau mondial
Radio Climat, une équipe internationale au service d’un réseau mondial

Aujourd’hui, grâce à un échange avec le coordinateur de Radio Climat, Sébastien Nègre, je comprends mieux de quoi il retourne. La liaison Skype n’est pas très bonne, mais j’arrive à percevoir le brouhaha ambiant dans lequel tout le monde s’active à Marrakech et je capte en surimpression de ce fond sonore des bribes d’explication bien utiles.

D’abord Radio Climat, c’est à la fois une webradio et une agence de presse, une webradio – et c’est une première – qui dispose d’une bande FM provisoire. Dès demain, si vous voulez en savoir plus sur la COP 22 et sur les reportages réalisés par cette équipe internationale, vous pourrez suivre les émissions en streaming. Pour l’heure, vous pouvez aussi télécharger les reportages déjà mis en ligne.

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Mais Radio Climat n’agit pas pour son propre compte, c’est aussi et surtout une agence de presse qui réceptionne des demandes du monde entier et s’organise pour répondre au mieux aux besoins éditoriaux exprimés par les radios associatives qui souhaitent diffuser ensuite ces contenus réalisé in situ.

Au total, une quinzaine de pays ont déjà passé commande à travers une ou des radios militantes, notamment des pays d’Afrique, mais tous les continents sont concernés.

Les reportages peuvent se faire dans quatre langues : arabe, français, anglais, amazigh. Il peut s’agir de compte-rendus quotidiens, d’interviews, d’émissions, dont le fil conducteur vise à appréhender ce qui se joue pour les acteurs de la société civile et les mouvements militants dans ce grand sommet international qu’est la COP 22.

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Pas question donc de servir du discours institutionnel ou d’entrer dans la technicité des négociations entre décisionnaires étatiques, mais d’assurer une veille citoyenne qui va au-delà de la simple observation pour produire une information utile, responsable, militante.

A l’origine du projet de Radio Climat, un partenariat entre quatre grandes structures : l’UNESCO, l’AMARC qui fédère à l’échelle mondiale les radios associatives, le Forum des alternatives du Maroc, à l’initiative du réseau de webradio E-Joussour et le Conseil National des Droits de l’Homme.

Sébastien Nègre a accompagné la mise en place du projet, comme il l’a fait dans d’autres contextes, notamment au Canada où il réside, mais aussi en Afrique. C’est un homme qui connaît bien les ondes et les réseaux, mais dont la mission première à Marrakech est de manager toute une équipe de reporters pour s’assurer que les objectifs seront bien atteints.

« Pour l’équipe réunie ici grâce à l’appel à candidature, l’enjeu est d’acquérir de l’expérience au plus haut niveau sur ce qui se fait aujourd’hui en matière de négociation internationale. C’est aussi bien sûr se donner les moyens de réaliser dans de bonnes conditions, d’être pertinent pour satisfaire la demande et garder des traces sonores de qualité de cette COP 22, à même de servir dans d’autres contextes. Et à travers cette équipe, c’est déjà un nouveau réseau qui se crée. »

La liaison est trop mauvaise et Sébastien Nègre n’a que peu de temps à me consacrer, alors je reprends ici certaines des questions que je voulais lui poser. Et je pense à ce projet de webradio nomade que nous allons pouvoir peut-être inaugurer en mars prochain dans le Sahara avec ce même esprit que Radio Climat : exercice de notre pouvoir citoyen, partage des connaissances, valeur-ajoutée liée au réseau et à la coopération. Peut-être aurons-nous des réponses intéressantes à diffuser, à soumettre au débat.

Ces questions donc, vous les trouverez en fin d’article. C’était avant l’élection d’un climato-sceptique à la tête des Etats Unis, première puissance mondiale, c’était avant que Ségolène Royal affirme ce matin sur les ondes de RTL que Donald Trump ne pourra pas jouer l’éléphant dans le magasin de porcelaine, en dénonçant l’accord historique de Paris comme il l’a promis dans sa campagne.

 « Il va falloir redoubler de combativité pour gagner la bataille, mais il va falloir être vigilent et riposter chaque fois que des tentatives seront faites pour affaiblir cet accord » Ségolène Royal

Après la COP 21, qui a connu un succès bien relayé en 2015, le citoyen peut-il (doit-il ?) se sentir d’avantage concerné par ce qui est en jeu en 2016 à Marrakech sur le plan local et mondial ?

Il existe des discours climato-sceptiques. Que vous inspirent ces prises de position ? En quoi renforcent-elles vos propres convictions ?

La COP 22 se déroule au Maroc, non loin du Sahara où les populations nomades sont les premières victimes du réchauffement climatique et de décisions prises en dehors de ce vaste territoire. Radio Climat portera-t-elle un intérêt particulier aux efforts faits au Maroc pour rendre aux oasis les conditions nécessaires à leur développement durable ?

#ClimateRadio

B comme Bonus

https://www.lefigaro.fr/sciences/2016/11/09/01008-20161109ARTFIG00273-rechauffement-climatique-eoliennes-ce-en-quoi-donald-trump-ne-croit-pas.php

https://climateradio.net/fr/ressources/

https://climateradio.net/fr/a-propos/


Womex, Visa for Music, la culture défend ses droits, nos droits

Du 16 au 19 novembre, les portes de la 3ème édition de Visa for Music s’ouvriront à Rabat, grand carrefour international des professionnels du secteur musical, mais pas seulement. Publicitaires, cinéastes sont aussi conviés au salon. Ce rendez-vous désormais installé dans le paysage du continent africain est une opportunité pour tous les artistes qui y sont invité-es. A la clé, des promesses de belles tournées à l’international.

Dans un contexte où la mobilité des artistes reste toujours aussi problématique au Sud, Plan B revient sur un autre salon d’importance, le WOMEX. Mondoblog-RFI y était représenté à l’occasion d’une conférence dédiée au Festival International des Nomades, à M’Hamid el Ghizlane, le village de Génération Taragalte, un des groupes qui représenteront la Sahara à Visa for Music.

Le partage d'exéprience, la vraie valeur ajoutée des réseaux
Le partage d’expérience, la vraie valeur ajoutée des réseaux : Brahim El Mazned en sait quelque chose.
A l’initiative de ce rendez-vous de la scène musicale internationale, il y a bien sûr comme dans tout beau projet un visionnaire capable de convaincre, dé fédérer et de réunir en un même lieu une pléiade d’artistes et de professionnels désireux comme lui de tisser du lien entre une multitude d’aventures qui sont autant de rencontres humaines et artistiques.  Cet homme s’appelle Brahim El Mazned, également directeur du festival de Timitar à Agadir.
Brahim est toujours par monts et par vaux, il était bien sûr au WOMEX pour partager son expérience dans une conférence que vous pourrez retrouver dans les archives du site d’ici peu, comme celle que j’ai coordonnée pour Mondoblog-RFI et l’association des Nomades du monde.
Noureddine Bougrab, directeur du Festival International des Nomades, invité de Plan B au WOMEX 2016
Noureddine Bougrab, directeur du Festival International des Nomades, invité de Plan B au WOMEX 2016
Les festivals comme ces salons professionnels ne sont pas des bulles hors du temps, bien au contraire, ils sont en prise avec l’évolution de nos sociétés, mœurs, technologies, valeurs, paradoxes. Ce sont aussi des lieux de militantisme comme en témoigne la charte officialisée il y a quelques semaines à Saint-Jacques de Compostelle suite aux travaux préliminaires du réseau Zone franche.
Il y a un contexte porteur au Maroc, pays qui entend jouer son rôle de carrefour culturel à l’international tout en valorisant la diversité et la qualité de sa propre scène musicale, en pleine effervescence.
La légitimité d’organiser ce salon au Maroc s’est imposée comme une évidence étant donné l’évolution de son paysage culturel et musical avec notamment la création ces dernières années de grands festivals et le succès d’artistes s’exprimant ouvertement sur des sujets politiques et sociaux. Ceux-ci ont gagné en maturité et connaissent un rayonnement international grandissant allié à un très fort engouement populaire. Brahim El Mazned
EToile montante de la scène marocanie, Mehdi Nassouli rencontre Lydia Botana, artiste galicienne
Etoile montante de la scène marocaine, Mehdi Nassouli rencontre Lydia Botana, artiste galicienne.
Si le Womex, Babel Med, Visa for music ou les BIS qui se sont tenues les 20 et 21 janvier à Nantes en Bretagne, visent à promouvoir les artistes retenus lors d’une sélection difficile tant l’offre est pléthorique, leur programme ne se réduit pas à une succession de concerts et à un salon d’exposants.
Le programme ambitieux de ces quatre jours à Rabat en est un bel exemple. Hommages, conférences, plusieurs ateliers de formation, des projections de films documentaires, des rencontres professionnelles vont faciliter les échanges. Les acteurs présents ne partagent pas tous la même vision des enjeux socio-économiques de la culture, à l’échelle du continent africain et du Moyen-Orient ou via les relations que ces régions entretiennent avec le reste du monde grâce à l’industrie musicale et les programmations de festivals. Mais chacun à son niveau est un contributeur potentiel ou avéré d’une plus grande prise en compte de la culture dans nos stratégies de développement.

 https://visaformusic.com/

B comme bonus

https://www.womex.com

La 14ème édition du Festival des Nomades aura lieu les 17, 18, 19 mars 2017

https://www.nomadsfestival.org/

Ils n’ont pas trop changé depuis janvier 2015, voici quelques clichés pris par Sylviane Dieudonné-Coulaud à M’hamid el Ghizlane.  Merci à elle pour ce partage.

Nos amis du groupe Génération Taragalte ont donné le 28 octobre 2016 le concert d’ouverture du Festival Taragalte devant leur public de fans, locaux et étrangers. Visa for Music les a programmés le 19 novembre au Café La Renaissance, à 19h (Rabat).

Brahim
Brahim
Said
Said
Mustapha
Mustapha

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Khalifa
Mohamed
Mohamed

 


Les rythmes du Sahara en route pour les USA

Crédit photo Zack Photography, Taragalte 2016
Crédit photo Zack Photography, Taragalte 2016

Daraa Tribes est un groupe que j’ai vu sur scène pour la première fois à Taragalte en janvier 2015. C’est lors de ce festival que je fais la connaissance de Thomas, leur jeune manager américain. Thomas s’est engagé dans le Peace Corps pour venir s’installer au Sahara, mais à l’époque de ce choix, il n’a d’autre projet que de tenter d’adopter le mode de vie des locaux avec l’espoir non garanti de s’intégrer avec le temps. Pour lui, c’est une expérience qui ne durera pas plus de 27 mois. C’est ce qu’il croit en tout cas. Cela l’aide à endurer les difficultés et à trouver finalement en quoi sa présence au sein de la petite communauté de Tagounite peut s’avérer utile.

A nouveau au programme du festival Taragalte en 2016, Daraa Tribes est à l’affiche ce soir pour la clôture. Depuis que je les ai revus au Festival International des Nomades, le groupe a sorti un deuxième EP et je sais que toute l’équipe travaille dur dans la perspective de pouvoir jouer cette belle musique du désert au-delà des frontières marocaines. Parler aujourd’hui d’un concert et d’un festival auquel je n’assiste pas, ce ne serait pas très inspirant, mais grâce à Thomas et aux relations que nous entretenons depuis notre rencontre, j’ai un Plan B !

Je n’ai qu’à me remémorer le sourire du percussionniste à la descente de scène en mars dernier pour retrouver l’envie d’écrire sur ces artistes, ou plutôt m’intéresser, en l’occurrence, à cette drôle de rencontre entre de jeunes nomades et un américain venu se perdre si loin de chez lui. Car difficile de penser au groupe, à son évolution, sans prendre la mesure du travail que réalise en coulisse Thomas Duncan. C’est d’ailleurs suite à une subvention qu’il obtient pour Daraa Tribes que les musiciens vont pouvoir jouer sur des instruments plus fiables et enregistrer leurs premiers morceaux.

Drâa Tribes, c'est une présence sur scène qui aimante le public.
Daraa Tribes, c’est une présence sur scène qui aimante le public. Festival International des Nomades 2016

Depuis que j’ai terminé mon service au Peace Corps, je continue à vivre dans la région, les luttes de vie au Sahara sont devenues des aspects normaux et quotidiens de ma vie. Je m’engage à continuer à apprendre et à grandir, j’espère utiliser mon privilège d’être un Américain pour partager la musique et le message de Daraa Tribes, un message qui s’adresse à chacun, quelque soit sa couleur de peau, sa religion, ses origines. C’est un message qui témoigne de cette expérience d’une vie paisible. Non seulement on peut vivre de cette façon, mais on devrait vivre ainsi et célébrer la diversité qui constitue notre monde. En 2016, il s’agit d’un message particulièrement pertinent pour les États-Unis et le monde occidental.

Comme dit plus haut, si Thomas s’est mué de volontaire en manager, c’est parce que le lien qu’il a su tisser avec la communauté l’a conduit au bout de plusieurs mois à ce constat qu’il y avait quelque chose à faire avec cette musique et ces artistes. L’engagement qui l’avait conduit jusqu’à Tagounite a pris sens dans cette réponse qu’il est en mesure d’apporter avec sa vision d’étranger, sa langue, ses réseaux. Mais pour en arriver là, pour être en mesure de comprendre quelle pouvait être sa place dans une histoire qui n’est pas la sienne, il est passé par des moments parfois difficiles. C’est dans l’âpreté du quotidien qu’il forge sa capacité d’adaptation. Au plus fort de la détresse qu’il partage avec les habitants, à l’occasion de fortes pluies qui ravagent maisons en terre et cultures en septembre 2014, il sent comment les liens avec la communauté se renforcent.

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Une grande partie de mon évolution personnelle au cours de mon séjour au Maroc est due à l’amitié et au temps passé avec les gars de Daraa Tribes. Leur musique m’a permis de faire face aux sentiments intenses que j’avais, pendant et après cette tempête, sentiments nourris par cette façon dont je me suis senti accepté comme étranger dans cette commune si rurale de Tagounite, comme je me suis enrichi en adoptant un mode de vie très différent de ce à quoi j’étais destiné par ma propre culture. 

Une grande partie du répertoire traditionnel local se compose de chants sur la pluie, la sécheresse, les luttes liées à la vie dans le Sahara. Une grande fierté naît dans l’esprit de celui, de celle qui surmonte ces épreuves. La pluie est habituellement vénérée dans ces régions désertiques, mais les dégâts causés par les trombes d’eau de 2014 ont marqué les habitants. Thomas a dû lui aussi quitter sa maison avant l’effrondrement de plusieurs plans de mur.

J’ai travaillé pour sauver ma maison pendant deux jours, mais le troisième jour, la structure de terre ne pouvait plus tenir, deux grandes sections de ma maison ont cédé et toute ma maison a été inondée au-delà de la réparation. J’ai dû sortir de chez moi au milieu de la deuxième nuit car il est devenu évident qu’un côté de ma maison allait s’effondrer à tout moment. Beaucoup de maisons dans la communauté étaient dans le même état.

Des artistes radieux en sortie de scène, un public en délire, Festival International des Nomades, mars 2016
Des artistes radieux en sortie de scène, un public en délire, Festival International des Nomades, mars 2016

Après ce traumatisme, le groupe reprend ses répétitions dans la nouvelle maison de Thomas qui se sent encore plus réceptif qu’avant aux sonorités, à la signification des textes, aux émotions que suscitent ces airs, ces rythmes traditionnels, même quand ils fusionnent avec une approche musicale plus contemporaine. Thomas ne fait pas qu’observer ou aider à trouver des moyens pour que le groupe sorte de l’anonymat et monte sur scène, il participe pleinement au processus créatif par l’écriture et l’enregistrement des chansons. Il sait que l’alchimie à trouver tient dans cette fidélité aux origines sahariennes des musiciens qui viennent de différentes tribus, à l’image de la diversité culturelle qui caractérise cette population de la Vallée du Drâa.

Peu de temps après que j’ai commencé à me faire des amis dans la communauté, je me suis retrouvé à parler avec eux de la musique locale, une collection très diverse de styles musicaux qui proviennent d’un ensemble diversifié de tribus de différentes parties de l’Afrique et du monde arabe, installées là depuis longtemps. Ils disaient comment les jeunes de Tagounite s’éloignent de leur patrimoine musical, perdent leur intérêt pour les traditions culturelles qui ont été transmises avec soin pendant des siècles, ou, pour la population indigène amazighe (ou berbère), pendant des millénaires. C’était un vrai problème pour eux.

 

L'engouement des jeunes pour le répertoire traditionnel revisité par des groupes locaux prend de l'ampleur grâce aux festivals
L’engouement des jeunes pour le répertoire traditionnel revisité par des groupes locaux prend de l’ampleur grâce aux festivals

Le groupe Daraa Tribes et le succès qu’il rencontre lors de ses concerts témoignent de cette vitalité encore à l’œuvre du répertoire traditionnel et de la création dans la région. L’intervention de l’UNESCO dans les années 2000 a sans aucun doute sa part dans cette prise de conscience et la mobilisation qui s’en est suivie, comme la création du Festival International des Nomades qui a donné sa crédibilité à cette volonté collective de sauvegarde et de transmission de la culture locale.

Mais il faut parfois aussi des étrangers à l’écoute, comme Thomas Duncan, pour que le chemin soit plus riche encore grâce au partage d’expérience et à la motivation décuplée qui naît de l’envie de faire ensemble, de réussir ensemble, quelque soit la hauteur des dunes à franchir. Il faut des réseaux pour que ces chants du peuple s’invitent dans notre univers sonore, surpeuplé, et parviennent jusqu’à nos oreilles qui ne savent plus guère écouter le silence, faire une place à la différence.

Des chants comme  » Raoud  » qui chantent le son du tonnerre qui vient sur les montagnes et la joie, l’amour que le son provoque chez le peuple saharien à cause de la pluie qui suivra, des chants comme  » Huria « , qui chante la paix, la tolérance, la liberté des tribus de Tagounite qui vivent en bonne intelligence en dépit de leurs différentes ethnies et traditions culturelles. « De tous les pays / couleurs vivant dans la liberté » dit le refrain de « Huria », se référant aux couleurs des ethnies qui vivent dans la région et célèbrent depuis des siècles leur diversité culturelle en musique.

Thomas entouré des artistes pour lesquels confiance et amitié riment avec musique
Thomas entouré des artistes pour lesquels confiance et amitié riment avec musique

Daraa Tribes à Taragalte 2016, concert du 30 octobre au cœur des dunes du Sahara

B comme Bonus

https://soundcloud.com/daraa-tribes/sets/alwan

https://www.facebook.com/daraa.tribes?fref=ts

https://www.nomadsfestival.org/

A venir, conférence au WOMEX sur le Festival International des Nomades

https://www.womex.com/about/archive/conference_archive

www.taragalte.org

https://www.facebook.com/Zack-Photography-749353075146134/?ref=ts&fref=ts

 

 

 


Med Culture, un fond européen encourage initiative et mutualisation

Comment s’intéresser aux coulisses de l’Europe, aux projets que la Commission européenne et nos États financent, quand ces coulisses sont les couloirs où peuvent se croiser de belles initiatives, de belles énergies à l’œuvre au Sud de la Méditerranée ?
En s’intéressant à un programme particulier et en faisant fi des expressions un peu institutionnelles, parfois rebutantes, pour ne s’intéresser qu’au contenu, au résultat, aux hommes et aux femmes qui font que ces dispositifs sont les leviers de vraies dynamiques réseau, innovantes et participatives.

Avec la méthode pear to pear, Med Culture mobilise les savoir-faire des acteurs culturels
Avec la méthode « peer to peer », Med Culture mobilise les savoir-faire des acteurs culturels de 9 pays

Le programme qui m’a semblé le mieux répondre à la contrainte de l’exercice est Med Culture. Parce que ce programme s’achève l’année prochaine, ce qui induit une certaine maîtrise et une maturité dans la conduite des actions. Parce que le pilotage du programme est assuré par trois femmes qui ne se connaissaient pas encore il y a trois ans : Christiane Dabdoub Nasser, Fanny Bouquerel et Suhair Muye Al Deen. Parce que ce programme d’aide à la conception de politiques culturelles appartient à une nouvelle école de pensée, un cas rarissime tant les décideurs nous ont habitués à des politiques cloisonnées, voire monomaniaques d’une esthétique ou d’un type d’acteurs, excluant de fait une bonne part de notre économie, là-même où s’inventent de nouvelles pratiques, de nouvelles exigences, de nouveaux besoins.

Petit programme pour grandes ambitions

 

Politiques culturelles ? Nouvelles mises en perspectives
Politiques culturelles ? Nouvelles mises en perspective, le pari de l’émergence et du développement

 

Med Culture élargit en effet considérablement le cercle des bénéficiaires puisqu’il est le premier programme qui inclut l’ensemble du secteur culturel au sens large : il concerne les industries culturelles et créatives comme les arts du spectacle, les arts visuels, le stylisme, le patrimoine culturel, les films, les DVD et les vidéos, la télévision et la radio, les jeux vidéo, les nouveaux médias, la musique, les livres et la presse.

C’est tout d’abord grâce à Suhair, chargée de communication au sein de l’équipe de pilotage, que j’en apprend plus. Au-delà d’un beau discours sur l’évolution des politiques publiques, je m’intéresse à la réalité d’un travail d’accompagnement d’autant plus complexe qu’il intègre les questions culturelles, les environnements politiques et socio-économiques de plusieurs pays, plusieurs régions méditerranéennes, du Royaume du Maroc à la Palestine.

med-culture3Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Palestine, Tunisie, dans chacun de ses pays, entre ses pays, les réflexions, les coopérations s’organisent. Des ateliers d’échange facilitent l’interconnaissance, apportent outils et méthodes aux participants d’horizons divers. Des appels à projet permettent l’émergence d’actions innovantes et le repérage d’acteurs fortement impliqués dans leur territoire.

Il y a un vrai souci d’opérationnalité dans cette dynamique qui veut impacter durablement les esprits et les stratégies dans un laps de temps record. Comment espérer atteindre en quatre ans l’un des résultats attendus : faire que le processus aboutisse à la création d’environnements institutionnel et social favorables à la culture en tant que vecteur du développement économique durable ?

La culture, un choix, une ambition pour un développement durable et solidaire

J’ai eu la chance entre 2008 et 2014 d’expérimenter cette ambition à l’échelle micro-locale. Citoyenne engagée, j’avais su saisir des opportunités, parier sur des amitiés actées ou à venir, oser agir à la marge, puisqu’il m’était impossible d’agir au cœur du pouvoir décisionnaire dans ma propre ville où j’étais élue depuis peu. Vivre l’expérience de la mise en place d’un Agenda 21 Culture, en tant qu’habitante, citoyenne ou élue, est une vraie chance accessible à tous pour s’intéresser aux coulisses de politiques publiques qui sont si importantes dans la déclinaison de nos usages, mais aussi dans le formatage de l’opinion publique.

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J’ai été époustouflée par la réactivité et l’inventivité des acteurs culturels, à commencer par les élus de cette zone rurale en Bretagne, par l’envie de se remettre en question collectivement, de définir ensemble les bases d’une autre façon de faire culture et de la partager avec le plus grand nombre. Mais c’était sur un tout petit territoire de quarante-cinq communes. J’imagine mal, même si la Région Bretagne s’est inspirée par la suite de notre dynamique participative locale, comment rendre possible l’activation de tels réseaux à l’échelle de pays et à l’international. Pourtant c’est ce à quoi contribue Med Culture. Et avec des résultats tangibles.

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Ici, on crée des liens privilégiés, la parole se libère et libère aussi les envies, les énergies pour se traduire en acte.

Comment ? « Les acteurs culturels et les décideurs, les législateurs, et les instituts d’éducation concernés, sont invités à prendre part aux échanges, explique Suhair qui a déjà relayé les apports de plusieurs rencontres, notamment dans son pays, la Jordanie. Le programme prévoit des consultations publiques, des processus d’apprentissage mutuel, des activités de mise en réseau ». Suhair met régulièrement en ligne des données qui donnent des repères et réalise des focus sur telle ou telle initiative en phase avec l’ambition : développer les capacités des opérateurs culturels.

L’objectif n’est pas que d’obtenir des résultats concrets en termes de réformes institutionnelles et structurelles, c’est aussi de développer des réseaux régionaux, à même de favoriser le dialogue et l’initiative, de promouvoir en local comme à l’international les démarches coopératives qui ouvrent des voies à l’innovation, dans des contextes parfois très difficiles pourtant.

Dans l’idéal, Med Culture vise à inclure dans ces activités des professionnels et des bénévoles actifs sur l’ensemble des territoires de chaque pays, pour ne pas se limiter aux grandes villes et exclure certains publics pourtant prioritaires. Les infographies que publie Suhair pour donner à voir un état des lieux par pays en quelques chiffres montre combien les disparités sont grandes.

Le site web de Med Culture est une mine d'information
Le site web de Med Culture est une mine d’information

Travailler au plus près du terrain

Du 7 au 10 octobre avait lieu à Tanger un de ces ateliers de formation, sous la responsabilité de Fanny Bouquerel. Deux expertes étaient invitées pour l’occasion à rencontrer la vingtaine de participants : Sana Ouchtati travaille à Bruxelles où elle s’investit sur une notion qui sert de référence à Med Culture, le plaidoyer de la Culture. Naïma Lahbil est économiste, consultante pour des organisations internationales, et travaille à Fès. Lors de cette session qui fait suite à une première rencontre à Beyrouth en avril dernier, sept pays sont représentés. Il est question de méthodologie, d’indicateur, de budget, mais ce qui émerge de ces échanges ne se traduit pas de façon quantitative.

« La sélection pour mettre en place les ateliers de formation se fait sur appel à candidature, cela implique une réelle motivation et une adhésion aux valeurs que nous partageons en créant ces espaces de discussion où chacun peut se sentir en confiance et légitime, quelque soit son statut, son action dans la sphère culturelle », explique Fanny Bouquerel. « Ici, on crée des liens privilégiés, la parole se libère et libère aussi les envies, les énergies pour se traduire en acte. »13669753_1775714105974933_2269294974390376507_n

Si l’équipe de Med Culture sait être réactive et au plus proche des préoccupations du terrain, elle est aussi en contact avec la commission européenne qui valide ses propositions. Outre l’obligation de rendre des compte sur son action, cette proximité contribue à enrichir l’argumentaire pour que la Direction générale en charge de la politique du voisinage œuvre au service d’un secteur culturel plus dynamique, mieux outillé, en capacité de répondre aux besoins locaux.

Agir pour la culture, outiller l’intelligence des territoires, c’est promouvoir des enjeux aussi divers que la jeunesse ou le lien social par exemple, la sauvegarde du patrimoine et sa transmission, la mobilité des artistes et la question de leur statut, la création et la diffusion des œuvres…C’est s’interroger sur les pratiques autant que sur les infrastructures, c’est travailler à réduire les injustices de traitement entre des habitants qui n’ont pas eu le même accès à l’éducation.

Depuis 2014, Med Culture comptabilise 1378 personnes ayant soumis un projet pour bénéficier des apports du programme en terme de formation, de rencontre, visant au développement des capacités. Si toutes n’ont pas eu accès au dispositif, elles n’en sont pas moins des relais actifs de l’information du réseau. 100 000 utilisateurs viennent chercher du contenu sur le site web crée en avril 2015 et géré par Suhair. Pour chaque nouvel appel à projet, c’est pas mois de 300 candidatures que l’équipe examine pour mettre sur pied sa prochaine action et thésauriser sur ce capital humain inestimable.

A moins de 18 mois de l’échéance de ce programme de financement, l’équipe ne vit pas sur ses acquis, bien au contraire. Forte de son expertise, de celle du réseau international qu’elle a su mobiliser autour des questions culturelles, elle entend bien voir le travail se décliner sous d’autres dimensions, dans d’autres contextes, via la formation de formateurs notamment et en continuant à outiller les décisionnaires. Mais sur cette base désormais plus facile à défendre, à entendre : la culture ne se fait pas dans les ministères.

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B comme Bonus

Pour en savoir plus et recevoir la lettre d’info du réseau MED CULTURE https://www.medculture.eu/

Pour zoomer sur l’état des lieux d’un pays en particulier

https://www.medculture.eu/country/report-structure/algeria

Exemple de projet soutenu par le programme Med Culture via South Med CV

https://www.medculture.eu/about/grantprojects/southmed-cv/subprojects/think-tanger

Pour connaître les lauréats de la saison 1, suivre le 2ème appel à projet et les associations candidates qui auront passé cette nouvelle sélection avec succès en 2016

https://www.smedcv.net/category/subgrantees/

 


Sarah, Justine, et nous dans les pas de musulmanes qui (se) racontent

Enquête personnelle, en quête de sens

affiche-wst-episode-1-maroc-juillet-2016Sarah Zouak est une jeune femme aux identités multiples, en prise avec une époque qui la questionne en tant que femme, en tant que citoyenne, en tant que musulmane, en tant que jeune diplômée qui choisit une voie différente pour faire entendre des voix que l’on n’entend pas. Pourquoi ? Comment ? Où trouve-t-elle les appuis pour mener à bien ses nombreux projets ? D’où lui vient sa créativité et cette assurance qui lui permet d’oser sa différence ?

Avec sa complice Justine Devillaine, Sarah a parcouru cinq pays à la rencontre de vingt-cinq femmes avec un vrai désir : entendre, comprendre, pour faire passer le message de ces engagements et rendre audible des paroles qu’elle a besoin de mettre en récit elle-même pour ne pas céder aux pressions médiatiques qui, en France au moins, marginalise la femme musulmane en la réduisant à des clichés aussi simplistes que nuisibles.

Les images reprises à terme dans un long métrage de Women Sense Tour sont un hymne à l’initative, à l’autodétermination contre toutes les formes de discrimination. Dans cette histoire qu’elles partagent aujourd’hui, Sarah Zouak et Justine Devillaine osent avec talent.

Prêt.e.s à bousculer vos certitudes ?

Sarah et Justine vont parcourir des kilomètres d’ici deux semaines pour diffuser en France le premier documentaire de cette série tourné au Maroc en octobre/novembre 2015. Elles se sont connues en master, toutes deux ont fait un mémoire sur le droit des femmes en lien avec un pays arabe. Mais c’est lors du tournage des épisodes réalisés en Iran et en Indonésie que Justine prend conscience qu’elle veut faire partie du projet. Quant à Sarah, c’est aussi à ce moment qu’elle réalise que l’expérience lui apporte tellement qu’elle ne pourra pas s’arrêter là. Alors aussi efficacement qu’elle a pensé le Women Sense Tour, qu’elle gère la façon de communiquer sur cette démarche originale, elle se lance avec Justine, en marge du montage du film et des prises de contact nécessaires à sa bonne diffusion, dans ce qui devient aujourd’hui officiellement le réseau LALLAB.

A travers Lallab comme avec les projections-débats, Justine et Sarah se posent en contributrices, en médiatrices citoyennes, mais aussi en militantes d’une information différente. Elles veulent participer au débat sur ce que nous voulons comprendre, nous-mêmes, de cette société cosmopolite, connectée, mondialisée, ultra-médiatisée et particulièrement fragilisée sur la question du vivre ensemble  La semaine dernière, comme pour offrir un avant-goût de cette large mise en réseau nourrie de conviction et d’énergie positive, Sarah Zouak ne cachait pas sa joie à l’occasion du 1er Lallabday.

Diplômée en relations internationales, Sarah entreprend là où d'autres refusent l'idée même d'une congruence entre féminisme et islam
Diplômé d’école de commerce en poche doublé d’un master en relations internationales, Sarah entreprend là où d’autres refusent l’idée même d’une congruence entre féminisme et islam.

Avec beaucoup d’amour et d’intelligence

Ces 25 femmes rencontrées au Maroc, en Tunisie, en Turquie, en Iran et en Indonésie sont toutes des actrices du changement qui allient sereinement leur foi et leur activisme pour l’émancipation des femmes, explique Sarah quand elle rappelle ce qu’elle cherche à atteindre à travers ses choix. Le premier de ces choix, et pas des moindres, a été d’opter pour l’entreprenariat et le milieu associatif plutôt que de se fondre dans la cohorte de jeunes diplômés formatés à d’hypothétiques carrières dans les entreprises côtées au CAC 40.

Si Sarah Zouak a les idées claires, c’est parce qu’elle s’est donné les moyens de répondre à ses propres questions, d’interroger son propre libre-arbitre, de mettre à distance tous les discours « sur » pour privilégier les échanges « avec ». Comprendre plutôt que dépendre, communiquer plutôt que condamner, produire l’information plutôt que l’intérioriser de gré ou de force en étouffant son propre appétit de savoir, en débranchant au passage tous les postes de contrôle… et « allumer les postes de télévision », Francis Cabrel, Carte postale (1981).

L’objectif? Casser les stéréotypes autour des femmes musulmanes constamment représentées comme des femmes soumises et oppressées, et où l’Islam serait vu comme un obstacle à leur émancipation et les empêcherait d’être libres de leurs choix.

L’idée? Que ces femmes ne soient pas seulement perçues avec un regard positif, mais aller plus loin en faisant d’elles des modèles et des sources d’inspiration pour tous et toutes.

Faire émerger dans le flux d'information des paroles et des actes pour choisir nos références, opter pour d'autres mise en récit de notre époque
Faire émerger dans le flux d’information des paroles et des actes pour choisir nos références, opter pour d’autres mise en récit de notre époque…avec beaucoup d’amour

En Bretagne, une projection unique aura lieu le lundi 17 octobre à la Maison internationale de Rennes. Si vous êtes à Paris, la projection a lieu le 29 septembre dans les locaux de Sciences Po. Sans anticiper sur les échanges qui auront lieu ces soirs-là, voilà ce que Sarah Zouak a confié à Plan B sur ses multiples rencontres anonymes au détour de cette expérience de réalisatrice prenant le micro à l’issue d’une projection de son tout premier documentaire. Mais j’oubliais de vous dire : Sarah ne savait pas se servir d’une caméra avant de se lancer dans ce projet passionnant. Oui, culottée la fille, et sacrément déterminée !

Ce qui m’amène en conclusion à choisir les mots de Aicha Ech Chenna, fondatrice de l’association Solidarité Féminine pour les mères célibataires, que l’on découvre dans cet épisode du Women Sense Tour consacré au Maroc : la peur aujourd’hui a changé de camp grâce à toutes celles qui osent ouvrir des brèches et dénoncer certaines contre-vérités. Pourtant, prenons garde que toutes ces énergies positives ne soient balayées dans l’inconscient collectif par d’autres récits « nationaux » qui préfèrent aux réalités du vécu et à la diversité des expériences, les discours prêts à l’emploi truffés de clichés.

Si je savais ce qui m’attendait, à l’époque, je crois que j’aurais eu tellement peur, je ne serais jamais passée à l’acte…sauf que je ne savais pas. Aicha Ech Chenna

Ce soir, Justine et Sarah lancent leur première plateforme réseau, associée à Lallab, le premier magazine francophone qui donne la parole aux femmes musulmanes, à l’image de ce qui se fait déjà dans la sphère anglophone. Une idée née quelque part entre l’Iran et l’Indonésie, quand Sarah confie à Justine qu’elle ne s’arrêtera pas de creuser le sujet, qu’elle veut aller plus loin, quand Justine, athée et non musulmane, décide alors de continuer elle-aussi à militer pour faire entendre ces femmes qui changent le monde, qui changent leur pays, mais qui, chez nous, ne sont perçues que par le prisme de médias et de débats instrumentalisés, uniquement comme des femmes voilées.

Fanchon : quelles sont les retours qui vous parviennent suite aux premières projections de Women Sense Tour ? 

Sarah : nous avons déjà l’expérience d’une dizaine de rencontres à Paris et en Ile de France. J’avais quelques craintes, vu notre niveau d’investissement avec Justine. On carbure à fond et on n’a pas eu vraiment le temps de se poser. Mais les retours sont vraiment à la hauteur de notre espérance. D’abord parce que nous touchons aussi bien un public d’hommes que de femmes, jeunes et moins jeunes, et que le parcours de ces femmes musulmanes intéresse tout le monde, croyant ou non, musulman ou non.

Fanchon : et au Maroc ?

Sarah : c’était très émouvant pour moi car ma famille était présente dans la salle et tous m’ont beaucoup soutenue bien sûr. Mais ce que je retiens surtout c’est qu’à Casa comme à Rabat, le public a aimé le film pour les mêmes raisons qu’en France. C’est vrai qu’avec Justine et d’autres amies qui m’ont accompagnées lors des précédents tournages, j’ai pensé et fait ce film pour le public français. Cela m’a surprise de voir qu’au Maroc, le public exprime les mêmes besoins, les mêmes attentes et les mêmes retours très positifs qu’ici.

Fanchon : votre démarche aussi est surprenante.

Sarah : ce que me disent les gens, c’est que Women Sense Tour est un film qui apaise. Le public est vraiment sensible à cette façon simple de poser le regard sur ces femmes et leur environnement. « Enfin un message positif, rassurant », voilà ce que me disent les femmes musulmanes que je rencontre, mais le retour est tout aussi encourageant quand il vient de non musulmans. « Ca fait du bien ».

Fanchon : avec les médias, l’expérience ne semble pas toujours aussi concluante.

Sarah : quand j’étais en formation, je me suis souvent trouvée confrontée à ce qu’on appelle le racisme ordinaire, au sempiternel refrain « oui, mais toi, tu es une exception ». Je suis une étudiante franco-marocaine qui a eu accès aux études supérieures, avec l’élite française, en tout cas, c’est comme ça qu’on nous a formés. C’est encore plus inquiétant de se dire que les managers de demain prendront leurs décisions sur la base de clichés qui entravent gravement notre jugement comme notre capacité d’initiative et l’émulation collective. Les médias contribuent à enraciner ces clichés dans l’opinion publique. Je découvre aujourd’hui à quel point c’est catastrophique.

Fanchon : à quelle déconvenue n’étiez-vous donc pas préparée ? 

Sarah : à ce qu’on me félicite parce que j’allais aider les femmes là-bas à s’émanciper alors que mon propos est tout autre, que c’est moi qui apprend de ces femmes, c’est moi qui me reconstruis sur de nouvelles bases à leur contact, et il en va de même pour Justine qui est encore plus féministe que moi. Je ne m’attendais pas non plus à ce qu’un journal réputé me demande des photos de musulmanes après avoir constaté que leur photothèque était un peu trop fournie en images de burka, qu’un journaliste de radio me demande le témoignage d’une femme avec un accent prononcé, comme si pour évoquer la femme musulmane, il ne fallait pas avoir une trop bonne maîtrise du français. Toutes ces réactions incroyables au XXIème siècle me rendent particulièrement triste.

Fanchon : où puisez-vous votre assurance pour canaliser ainsi votre énergie sans vous piéger dans la colère ?

Sarah : j’ai entendu des choses très violentes, leurs auteurs n’en ont pas toujours conscience et ça fait encore plus mal. Depuis que je suis petite, j’ai appris à être fière de toutes mes identités. Mes parents m’ont éduquée dans l’idée qu’on pouvait tout faire .Mes soeurs et moi avons beaucoup voyagé. J’ai toujours été plutôt timide, mais très créative. Ma colère est venue du fait qu’on me voit comme une exception. Il y a quelque chose de constructif, de fort, à rechercher dans la parole de l’autre ce qui fait que nous sommes différents, uniques, et à ce titre tous exceptionnels, pour peu qu’on nous prête une oreille attentive.

Fanchon : et vous ne pouviez pas exprimer cette créativité dans la voie professionnelle que vous avez d’abord choisie ? 

Sarah : j’adore le marketing, les images, mais travailler dans une agence publicitaire avec un bon salaire, une belle situation pour certains, ne donne pas de sens à ma vie. J’ai vite été confrontée à l’ennui. Avec Women Sense Tour, je continue à me construire et à m’étonner, par exemple, des réactions qui sont différentes, quand c’est moi qui intervient ou Justine, alors que nous sommes toutes les deux sur la même longueur d’onde..

Fanchon : vous voulez dire que les étiquettes ont la vie dure, même avec Women Sense Tour ?

Sarah : si c’est moi qui parle des femmes musulmanes, l’étiquette « communautariste » sort un peu vite, alors que la figure de Justine rassure. En cela notre relation permet de toucher beaucoup plus de monde que ce que nous imaginions. Et l’essentiel est là, faire que notre motivation commune sur un sujet qui pourrait nous retrancher de part et d’autre de nos différences donne encore plus de poids à la parole de ces femmes musulmanes qui nous interpellent par leur engagement, par leurs actes.

B comme bonus

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www.lallab.org

Semaine de la Solidarité internationale

 

 

 

 

 


Journée internationale de la Paix : femmes, je vous aime

En 2001, l’Assemblée générale de l’ONU déclarait la journée du 21 septembre Journée Internationale de la Paix. Chaque 21 septembre est dorénavant une journée consacrée au renforcement des idéaux de paix au sein des nations et des peuples, ainsi que dans leurs relations. Le 21 septembre est un moment qui permet à l’ensemble du mouvement pacifiste, mais aussi à tout citoyen, de se réunir autour d’une date pour mieux agir encore vers un monde exempt de guerres, d’inégalités et d’injustices.

C’est aujourd’hui que je choisis de publier les textes envoyés par cinq mondoblogueuses rencontrées à Dakar en décembre dernier. Nous étions très peu de femmes à avoir été lauréates de cette 4ème sélection Mondoblog-RFI. J’avais envie d’entretenir le lien, par-delà la distance, par- delà nos différences, d’âge, de culture, d’horizon, d’opinion.

14203299_10208844018395058_5400655729903242024_nC’est à ma fille que je me suis adressée pour poser les bases de cet article qui ne visait aucune urgence, sinon celle de ne pas me recentrer trop vite sur mon quotidien. Ma fille s’appelle Lucine, elle a 20 ans. Elle est formidable. C’est pour elle et pour tous les jeunes de sa génération que j’aspire à un monde capable de se projeter dans la paix et non dans la guerre, comme je l’ai voulu pour moi et ma propre génération, à son âge.

J’ai grandi avec de grandes figures militantes qui ont nourri mes prises de conscience, qui ont marqué mes lectures et mes engagements. Je n’ai pas trouvé ces références dans mon cadre familial, mais à l’école et à la bibliothèque. Mais je dois à mes parents de m’avoir rendu curieuse, exigente et tolérante, de m’avoir permis d’accéder à ce savoir. Je me demande quelles sont ces personnalités qui éclairent de leurs combats humanistes et pacifistes la jeunesse d’aujourd’hui.

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Hasard ou pas, nous sommes mercredi. Le Un, mon hebdo préféré, m’attend sur la table de la cuisine. « Les nouveaux combats des femmes », voilà un thème qui fait écho aux textes que je veux partager aujourd’hui sur Plan B parce que ce 21 septembre est la Journée internationale de la Paix. Merci à Lucine pour les trois questions qui servent de fil conducteur aux réflexions de mes amies Mondoblogueuses :

Amélie à Berlin

Grâce à N’Djaména

Carole, de l’Ile Maurice

Elsa du Cameroun

Corinne de Washington

Toutes les mondoblogueuses et leur blog sont à découvrir dans les Bonus.

A Dakar, avant de nous séparer, des envies de retrouvailles déjà plein les coeurs
A Dakar, avant de nous séparer, des envies de retrouvailles déjà plein les coeurs

Il faut que chaque enfant qui naît au monde puisse aller à l’école

Voici les réponses d’Amélie.

Est-ce que l’image et les droits de la femme peuvent s’améliorer dans un monde où les lois restent les mêmes ?

Pour moi, il s’agit avant tout justement de changer la manière de penser, d’envisager l’autre. Le respect de l’autre, le fait de voir l’autre comme son égal, vient avant les lois, c’est une question de relation humaine avant tout. L’évolution du regard et des moeurs est sans doute plus fondamentale encore que les lois, il faut changer la société en profondeur, pas que dans les textes. Et ce changement passe nécessairement par de multiples étapes, action après action, prise de position après prise de position.

Avec ce qu’on a aujourd’hui, comment peut-on quand même faire changer les choses pour plus de respect, plus de liberté et moins d’inégalité entre les hommes et les femmes ?
Par l’éducation, évidemment, et ce dès la petite enfance. Ca implique aussi de continuer à prendre la parole et à s’exprimer sur le sujet, de manière à faire entendre les voix qui doivent être entendues, c’est ainsi que l’on participe à faire changer les choses.

Quel message voudrais-tu que les Etats entendent pour que chaque enfant qui naît au monde au XXIème siècle puisse aller à l’école ?

« Il faut que chaque enfant qui naît au monde puisse aller à l’école ».

Amélie travaille dans le cinéma. Elle complète ainsi son témoignage pour apporter des réponses aux questions de Lucine.

Je reviens de la Berlinale, qui s’était donnée comme devise l’année dernière de célébrer les femmes, et accueillait cette année en tant que présidente du jury international la grande Meryl Streep, je veux croire au fait que le cinéma, entre autres, permet de faire changer, petit à petit, les mentalités, et donne à voir la femme dans ce qu’elle a de plus touchant et de plus admirable – dans sa force, comme dans sa faiblesse.
Des films comme « Much Loved », « Kollektivet », « L’avenir », « Une séparation », « 24 Wochen », tous donnent à voir un aspect du combat des femmes, et pourront, peut-être, contribuer à faire changer les choses. Ce n’est qu’une des manières de participer au tout. Mais c’en est une belle.

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Les lois sont faites par les hommes

Après Berlin, direction le Tchad avec les réponses de Grâce.

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Je ne pense pas que ce sont les lois qui puissent aider à améliorer les conditions des femmes. C’est une question de perception de la femme par les hommes et de la volonté de respecter l’être humain en général. Les lois sont faites par les hommes et ce ne sont que des textes, il faut beaucoup plus que des lois pour l’amélioration des conditions des femmes. Il faut du respect, de la volonté, de l’amour….

Le monde change et nous devons nous adapter aux nouvelles façons de combattre pour la liberté et la reconnaissance des valeurs des femmes.
Il nous faut faire front commun et savoir ce que nous voulons. Arrêtons de disperser nos énergies ou de nous comporter comme des opposants des hommes. Nous sommes complémentaires. Nous n’avons pas à prouver aux hommes que nous sommes aussi importants qu’eux. Ne pas nous accorder cette considération n’est que pire ignorance.

L’Education est un droit absolu et chaque enfant où qu’il grandisse doit être éduqué et formé. Un gouvernement normal s’appuierait sur l’Education pour développer son pays. C’est à nous citoyens qu’incombe la responsabilité de créer les conditions nécessaires pour que chaque enfant accède à une éducation de qualité.

Pourquoi vouloir enfermer la femme dans des catégories ?

Et nous voilà dans l’Océan indien avec Carole.

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Est-ce que l’image et les droits de la femme peuvent s’améliorer dans un monde où les lois restent les mêmes ? Non. Non seulement les lois doivent changer, mais aussi les mentalités et la société, qui doivent évoluer.

A mon avis, la première étape demeure dans l’éducation et/ou dans la transmission du savoir. Mais là aussi, la question est de savoir de quelle éducation et/ou de quel savoir parlons-nous. Si c’est une éducation qui apprend aux jeunes filles à être l’inférieur des hommes, certaines questions méritent d’être posées. Je suis plus pour une sorte d’empowerment et de valorisation du fait d’être de sexe féminin, car les femmes ont souvent été dénigrées et au fil des générations, certaines ont intériorisé/pris pour acquis cet état des choses…

Tout changement en vue de plus de respect, de liberté et d’égalité, passe aussi par l’image de la femme qui est véhiculée dans la société, au sens large. Je pense que le concept/la discipline de marketing a beaucoup desservi la cause des femmes. Le marketing repose sur le ciblage d’un segment d’un public, et pour cibler, il faut d’abord catégoriser, compartimenter et uniformiser. Or, il n’existe pas une ou des catégories prédéfinies de femmes. Pourquoi vouloir enfermer la femme dans des catégories ?

Pire, je viens à l’instant de jeter un œil à la couverture d’un quotidien local. En une : une publicité d’appareils électriques (cuiseur vapeur, bouilloire, grille-pain, aspirateur, sèche-cheveux et fer à lisser, entre autres) et la photo d’une jeune femme souriante. Croyez-moi, croulant sous les corvées, elle ne gardera pas ce sourire pendant longtemps… Pourquoi la photo d’une femme ici ? Pourquoi pas celle d’un homme ? Il est temps de s’affranchir d’un tel cliché.

L’avenir se trouve dans les générations futures, mais aussi dans l’éducation. Il est donc essentiel que les enfants aient accès à un système éducatif sain et de qualité, qui encourage le développement des petits et qui leur apprenne à avoir confiance en eux et à aller au-delà de leurs limites. Il en va du futur et du progrès des pays, et du monde en général.

Elsa ave Sophie et Corinne à Dakar
Elsa avec Sophie et Corinne à Dakar

Veiller à la stricte application des lois en faveur des droits de la femme

Elsa répond à Lucine du Cameroun.

J’aimerais souligner que si la situation reste préoccupante, les conditions des femmes ont connu des avancées notables qu’il ne faut pas occulter.  L’accès à l’éducation, au droit, le droit aux Ivg, le droit de travailler.  Cela dit, pour améliorer la situation de la femme, il faut  continuer les actions de sensibilisation en mettant l’accent sur l’éducation, pas seulement celle des femmes mais aussi des hommes. Encourager celles qui se battent en facilitant l’entrepreneuriat féminin, la recherche scientifique et toutes les actions concrètes des femmes, veiller à la stricte application des lois en faveur des droits de la femme.

Au Cameroun, on a coutume de dire « l’enfant c’est l’enfant ». Ce pléonasme veut tout simplement dire que quel que soit le sang qui coule dans ses veines, la couleur de sa peau, son origine, le monde dans lequel il vit, l’enfant n’est qu’un petit être qui a besoin d’amour pour se construire.  Je voudrais dire à nos dirigeants de mettre en place des mécanismes d’encadrement simples et accessibles même aux plus démunis, qui permettront de faire des enfants d’aujourd’hui des hommes justes et bons de demain.

Quant à la loi, elle traduit la volonté politique d’un gouvernement à améliorer la vie des citoyens, à donner à ces citoyens la même égalité des chances. Les révolutions et les mouvements socio-politique peuvent faire bouger des lignes, mais l’impact de ces mouvements se fait parfois difficilement sentir sur le terrain (vote de la femme, droit d’accéder à la terre, d’hériter de ses parents ou de son mari, etc).

A Lorient, Esperanz'A est un festival solidaire qui verse toutes ses recettes à enfant avenir du monde, une asso qui sauve des enfants d'une mort certaine au Nord Cameroun.
A Lorient, Esperanz’A, festival solidaire, a versé en 2015 et 2016 toutes ses recettes à l’association « Enfant avenir du monde », qui sauve des enfants d’une mort certaine au Nord Cameroun, une situation aggravée depuis l’arrivée de Boko Haram.

L’éducation est le seul moyen de sortir du cercle vicieux de la misère

C’est à Washington que ce tour d’horizon se termine, avec Corinne.

L’image de la femme a bien sûr beaucoup changé depuis les années 60,  et peut encore s’améliorer davantage, parce que les femmes ont démontré leur habilité de prendre part (et de mener) la lutte pour leur avancement. Les exemples sont multiples dans toutes les sociétés modernes de femmes pionnières. Celles qui démontrent tous les jours leur force de poigne et leur intelligence. De Hillary Clinton à Christine Lagarde, à Ellen Johnson Sirleaf, Sheryl Sandberg, Malala, etc…la liste est longue de ces femmes qui ont pris leur destin en main. Et il y a des millions d’autres femmes, inconnues, qui mènent une lutte au quotidien et arrivent à s’imposer dans un monde d’hommes, souvent hostile. Mais il y a encore énormément de progrès à faire.

Selon moi, le droit des femmes commence avec le droit des jeunes filles. Le droit à l’éducation, à l’autodétermination, au choix de vie, et seules ces jeunes filles à qui on aura inculqué les notions de bases pour qu’elles se prennent en charge pourront prendre la relève pour faire changer les lois, et faire évoluer le statut des femmes, à la maison comme sur le lieu du travail. Je suis très optimiste. On a beaucoup avancé en 50 ans et je suis sûre qu’on ira encore plus de l’avant dans le prochain demi-siècle. J’ai publié il y a un an un article sur ma situation de femme qui travaille et doit gérer sa vie de mère.  

C’est notre devoir à nous toutes de prendre la cause des femmes comme un combat personnel et non pas laisser la tâche aux femmes célèbres ou aux personnalités qui ont accès aux médias. Il faudrait toutes nous impliquer, dans notre vie quotidienne. Les petits efforts de chacune contribueront au changement des mentalités pour que les prochaines générations puissent évoluer avec de nouvelles normes. Je suis mère de deux garçons, et tous les jours je m’efforce de leur faire comprendre les choses à travers mon regard de femme, pour qu’ils comprennent qu’il faut vivre dans le respect de la femme. Les changements sociétaux ne pourront s’opérer que lorsque les individus seront convaincus du bien-fondé des efforts pour une égalité des sexes.

L’égalité des sexes ne veut pas dire que la femme doit prendre la place de l’homme ou vice versa. L’égalité des sexes selon moi signifie une égalité des chances, des choix, des droits, et des devoirs. Il faut donc élever les jeunes citoyens sur un pied d’égalité, dès leur jeune âge. C’est un travail qui revient primordialement aux femmes, d’abord, en tant que pilier du foyer dans beaucoup de sociétés. Nous devons saisir les atouts dont nous disposons pour bousculer les mentalités. Par exemple chez moi au Togo, et en Afrique, il reste beaucoup à faire pour que la société puisse s’adapter à un nouveau rôle de la femme plus indépendante, et plus éduquée. Une fois que les préjugés seront effacés, on pourra éventuellement adopter les lois qui suivront naturellement l’évolution des mentalités. Je suis une grande admiratrice de la campagne HeforShe des Nations Unies.

L’éducation est un droit humain. En ce 21e siècle, il est inconcevable qu’il y ait encore des sociétés où les enfants, pas que les filles, soient privés d’éducation par manque de moyens. Il faudrait rendre l’éducation obligatoire et accessible à tous dans tous les pays. Le problème, c’est que dans beaucoup de pays dans le monde, les soins de santé de base sont encore inexistants et les gens continuent de mourir de faim.  Il faudrait pallier ces besoins primaires pour que les peuples ne voient plus en l’éducation un luxe réservé aux plus nantis. L’éducation est le seul moyen de sortir du cercle vicieux de la misère.

B comme Bonus

Pour fêter cette journée internationale de la Paix avec Mondoblog-RFI, je vous invite à voir le monde à travers le regard lucide et salvateur des lauréates 2015 et à rejoindre le réseau par vos commentaires, vos lectures, votre force de contagion positive. Je vous invite aussi à pousser la porte du festival Esperanz’A et à aller voir le sommaire du 1 de cette semaine (N°122).

Amélie,Rima et Emmanuelle en pleine séance d'écriture pour une émission de RFI.
Amélie,Rima et Emmanuelle en pleine séance d’écriture pour une émission de RFI.

Rima, Liban

Réflexions humanistes

https://rimamoubayed.mondoblog.org/

Sophie, Madagascar

Le chemin de mes pensées

https://gasytia.mondoblog.org/

Grâce, Tchad

Tchad meilleur

https://tchadmeilleur.mondoblog.org/

Fatoumata, Guinée

Africa 224

https://africa224.mondoblog.org

Corinne, USA

Djifa au fond du coeur

https://djifa.mondoblog.org/

Dieretou, Guinée

Veillées nocturnes au coin du feu

https://devousamoi.mondoblog.org/

Emmanuella, Haïti

Les mots d’Emma

https://emma.mondoblog.org/

Lucrèce, Bénin (vit au Sénagal)

Lucrèce Online

https://magicwords.mondoblog.org/

Elsa, Cameroun

L’indignée

https://banakmroon.mondoblog.org/

Fanchon, France

Plan B

https://dernierbaiser.mondoblog.org

Carole, Ile Maurice

De l’ïle Maurice

https://zilmoris.mondoblog.org/

Emmanuelle, Sri Lanka

Trek’Ceylan

https://trekceylan.mondoblog.org

Amélie, Allemagne

Dans quel état j’erre

https://etageres.mondoblog.org/

https://www.unidivers.fr/esperanza-festival-solidaire-lorient-cameroun/

https://le1hebdo.fr/

 

 


Le Sahara inaccessible ? Heureusement non !

13086796_1678350039096894_7243072139638275700_oJolien Posthumus habite en Hollande, à Haarlem, à quelques kilomètres du coeur d’Amsterdam. Elle est étudiante et passionnée de photographie. Pour Plan B, elle a accepté de nous parler d’un concert auquel elle a assisté dans un lieu qui invitait ce soir-là au voyage, avec sur scène les cinq musiciens de Génération Taragalte. Plan B avait déjà suivi ces artistes du Sahara lors de leur première tournée européenne avec la Caravane culturelle pour la Paix en 2015.

Toutes les photos prises par Jolien sont visibles sur l’album partagé par Pllek, le lieu organisateur, et sur la page facebook du groupe de M’hamid el Ghizlane. Deux cents personnes ont participé au repas de cette soirée intitulée « Hymne au Sahara », et beaucoup plus sont venues danser jusque tard dans la nuit.

Concert de Génération Taragalte, 20 juillet, Pllek, Amsterdam
Jolian était au concert de Génération Taragalte, 20 juillet, et partage ici quelques beaux clichés.

C’est en rentrant de cette tournée 2015 que j’avais découvert un hebdomadaire que j’achète régulièrement depuis : « le 1 ». La mise en page originale de ce nouveau média invite à prendre le pli d’une information différente. Si je souhaite justement aujourd’hui évoquer une rencontre, le rêve, voire les fantasmes, qui séparent et éloignent souvent les territoires de réalités de toute façon plus complexes que ce que nous en percevons, c’est parce que le 1 a sorti son numéro du 10 août sur le thème du désert. C’est aussi et surtout, parce que l’accroche de ce sommaire – volontairement provocatrice ? – laisse penser que le Sahara est désormais inaccessible. Certes, peut-être que la majorité de l’opinion publique se satisfait des amalgames et renoncent à s’intéresser aux populations qui peuvent encore heureusement vivre en paix dans cette partie du globe. Pourtant, et Plan B en est la preuve tangible que, s’il y a bien un endroit où répondre à l’appel du désert est encore possible et accessible à tous, c’est au Sahara.

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Il s’agit de ne pas nous priver de cette chance qu’évoque dans le 1 Corinne Castel (archéologue et directrice de recherche au CNRS depuis 1994), elle mentionne notamment ses travaux en Syrie sur le site d’Al-Rawda. Mais il s’agit surtout de ne pas priver, par ignorance ou indifférence, des populations nomades déjà paupérisées par des choix préjudiciables de leur gouvernement en matière de politique de l’eau et en matière de sédentarisation. Ces habitants privés des ressources qui étaient les leurs depuis des millénaires, la liberté compris, et dont les revenus dépendent quasi-exclusivement du tourisme, donc d’une manne extérieure aujourd’hui indexée sur le marché mondial de la peur et de la terreur.

« A l’heure où ces régions sont dévastées par la guerre, je mesure mieux encore la chance que j’ai eue de vivre ces expériences magnifiques » Corinne Castel.

A la fin de ses études, Jolien souhaite enseigner le yoga et les techniques de développement personnel. Les clichés qu’elle partage ici témoignent de la qualité de son regard et donnent envie de l’accompagner dans son désir de répondre à l’appel du désert. Cela n’empêche pas de rappeler une réalité moins idyllique, celle qui est partagée par les fans du groupe, déçus de ne pouvoir les voir en concert comme le laissait espérer une deuxième tournée en Europe annoncée en janvier 2016. La tournée s’est soldée par un passage unique à Amsterdam, sur deux scènes de café : le Pllek et le Mezrab.

Quand le vent souffle chez vous, c'est bien, il n'y a pas de sable avec.
« Quand le vent souffle chez vous, c’est bien, il n’y a pas de sable avec. »

Comment défendre le Sahara, sa culture, les espoirs de jours meilleurs auxquels nous, européens, plus qu’inquiets par la dérive des continents et le naufrage annoncé d’une certaine conscience de notre destin commun, si les scènes se font aussi rares que le dialogue, ou l’envie même de dialogue ?

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L’hospitalité chez les nomades est inscrite dans une tradition ancestrale. Il faut venir au Sahara pour goûter non seulement aux dattes mais à cette chaleur humaine qui caractérise leur mode de vie..

Pour Jolien, la photo c’est avant tout une façon d’être en lien avec notre environnement, soi-même et les autres. Elle associe tout naturellement cette pratique à sa vision du coaching à travers le site qu’elle a déjà créé pour offrir ses services.
https://www.hierbijmei.nl/coaching-bij-mei/

Son premier contact avec le blues touareg s’est fait avec le groupe Tinariwen, il y a trois ans. Elle retourne chaque année voir ce groupe mythique au Paradiso. Elle y était encore une semaine avant le concert de Génération Taragalte dont elle découvre l’invitation grâce aux réseaux sociaux. Une chance pour nous. Avant ce concert, Jolien n’a jamais entendu parler du groupe et pas plus du festival Taragalte ou de M’hamid el Ghizlane.

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Le 20 juillet, c’est donc en famille et avec des amis que Jolien se rend à Pllek, un café-restaurant qui programme nombre d’artistes chaque semaine, dans un cadre vraiment sympa, au bord de l’eau. Bien sûr, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et cette soirée dédiée à la musique du désert, mais aussi au savoir-vivre des nomades, lui offre une belle occasion de saisir des regards et des sourires, pour immortaliser l’instant présent, un rien décalé dans cet environnement urbain aux allures de grand centre industriel.

A travers cette série d’images, j’espère que chacun peut activer ses sens et s’imaginer l’ambiance particulière de ce concert en plein air. Marcher pieds nus sur les tapis magnifiques réalisés par les femmes à M’hamid el Ghizlane, sentir l’odeur du thé, goûter la texture sucrée des dattes, s’imprégner du mélange de culture, comme de cette mosaïque de couleurs qui donne une belle énergie à cette fête.

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Dès le premier morceau, confie Jolien, nous nous sommes sentis portés par un courant hypnotique. Les rythmes de ce blues touareg nous emportent vers des mondes différents, ouverts à l’infini. Chaque nouvelle chanson stimule notre imaginaire et fait écho au décor à la fois sobre et pourtant somptueux qui invite chacun à entreprendre un voyage sensoriel avec un autre état d’esprit, simple, bienveillant, chaleureux.

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Grâce aux photos de Jolien, nous ne pouvons que la croire sur parole quand elle insiste sur le caractère très spécial de cette soirée. Mais Jolien espère bien que ses photos vont l’emmener plus loin que le port d’Amsterdam, et pourquoi pas, là-bas au Sahara. Un premier contact est établi avec les organisateurs du Festival Taragalte dont ce concert assure la pomotion. Peut-être que Jolien pourra dès l’automne prochain rejoindre l’équipe de bénévoles européens qui soutiennent cette manifestation culturelle depuis son lancement en 2009, à l’initiative d’acteurs touristiques de la région.

 

C’est un rêve qui peut devenir réalité. Je me réjouis d’avance de découvrir comme ce blues touareg résonne au cœur des dunes de M’hamid el Ghizlane, de sentir toute l’énergie, toute la pureté que savent dégager ces grands espaces désertiques et avant tout les gens qui y vivent.

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Comme souvent, même si tous les musiciens de Génération Taragalte ne laissent personne indifférent, une figure se dégage des clichés de Jolien, celle de Khalifa Balla. Khalifa reste pour moi le symbole d’une relève possible dans la transmission du répertoire Hassani, possible mais loin d’être assurée. Car si pour des raisons touristiques tout le monde donne du touareg à M’hamid el Ghizlane comme ailleurs au Maroc, les populations de cette région ont leur culture spécifique à faire rayonner et à partager. A condition de trouver les bonnes personnes-ressource, en local et à l’étranger, passionnés d’ethno-musicologie peut-être, pour reconnaître le talent d’un diamant brut et faire en sorte que cette voix du Sahara devienne un jour une référence, au moins pour toutes celles et ceux qui s’intéressent aux cultures nomades.

Khalifa Balla ne rêve pas de faire le tour du monde, mais sa voix est un voyage en soi.
Khalifa Balla ne rêve pas de faire le tour du monde, sa voix est un voyage en soi. Nous rêvons pour lui de tournées, où il se sente en confiance, de beaux concerts qui fassent entendre les trésors du chant hassani.

Souhaitons aussi à Jolien de pouvoir venir à M’hamid el Ghizlane pour le prochain festival Taragalte, du 28 au 30 octobre, histoire qu’elle nous régale encore avec ses formidables clichés et sa façon de voir la vie. Elle y recevra le meilleur accueil qui soit, comme nous autres bénévoles de l’édition 2015.

Une photo souvenir parmi tant d’autres…parmi les vôtres !

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Tina de Paris, Fanchon de Bretagne, avec Abbas de l’association Zaïla, organisatrice du festival Taragalte.

B comme bonus

Khalifa et Mohamed de retour au village, l’Europe dans les bagages


Kabunga de Koutiala, la nouvelle recrue de Rokia Traoré

C’était son premier concert européen d’une longue tournée 2016 intercontinentale. La grande chanteuse malienne Rokia Traore était en Bretagne jeudi avec sa nouvelle formation et son magnifique répertoire. Accompagnée par cinq artistes portés par la fougue de la jeunesse et un talent fou, la diva du rock mandingue m’a subjuguée d’emblée par sa force et sa présence. Alliant avec grâce art de la mélodie et poésie, Rokia Traoré sait émouvoir par ses textes autant que par son sourire, ou par la gravité qui s’invite sans apesantir l’atmosphère, bien au contraire, comme un silence bienveillant, comme un battement d’aile de papillon. La musique peut tout, quand elle sait à la fois toucher nos sens et notre conscience, quand elle libère du fatras de nos vies matérielles l’insoutenable légèreté de l’être.Rokia-Traore

« Dans un monde imparfait, apprendre à négocier les aspérités, accepter de s’égratigner, lâcher prise quand naît sous les doigts la surprise, le désir d’une forme, d’une autre forme, un désir non négociable, une envie brute. Quand soudain les aspérités ne sont plus dehors, mais dedans. Alors je voudrais juste n’être plus que cette roche creusée par la cascade, me fondre dans le reflet de ce que je n’atteindrai jamais, accueillir plus que l’instant, le souvenir de l’instant, avant même de l’avoir vécu, sans même savoir que je l’attends. » Fanchon

La-nouvelle-vague_Saint-MaloNous sommes à St-Malo dans une belle salle de spectacle appartenant à la ville gérée par une association « Saint-Malo Culture », La Nouvelle Vague. Le concert se joue à guichet fermé. J’ai la chance d’assister à la balance. C’est toujours un plaisir pour moi que de vivre ces moments dans l’anonymat d’une salle encore vide. Mon ami Jonathan Dembelé (Kabunga) est en fond de scène près de Moïse, un jeune batteur burkinabé. A la guitare, Adriano fait des merveilles, il joue remplaçant mais c’est une vraie météorite de la rock’galaxie. Il est italien, ne parle pas français. Rokia lui donne carte blanche en anglais. En pro de la scène, elle sait ce qu’elle fait. Elle repasse au français pour rassurer Jonathan qui n’a que quatre concerts à son actif avec cette formation, dont tout de même Mawazine, excusez du peu, la référence des références. C’était la semaine dernière. C’est dire si, tout seul dans son petit logement à Bamako, l’ami Jonathan a bossé ses partoches comme un forcené pour être au niveau. Et assurément, il l’est !

A Saint-Malo, Jonathan Dembele donne son tout premier concert en France, mais pas en Europe.
A Saint-Malo, Jonathan Dembele donne son tout premier concert en France, mais pas en Europe. Kabunga a déjà pas mal navigué entre les deux continents.

Nous « skypons » régulièrement, mais je n’ai pas revu Jonathan depuis notre rencontre avec Ben Zabo en plein désert, à M’hamid el Ghizlane. En janvier 2015, il s’en est fallu de peu pour que cette rencontre n’ait pas lieu suite au concert d’ouverture de la Caravane culturelle pour la Paix. J’aime à penser la réalité comme une carte sans itinéraire figé et surtout sans fête de l’autoroute – petit clin d’oeil à celles et ceux qui lisent mes billets sur facebook. Il faut des rêves pour avancer et des chemins pour se rencontrer. J’avais juste oublié pendant quelques années de faire confiance à cette carte. Je me suis reprise à temps, fort heureusement. S’ensuit l’inconnu. Jonathan et moi étions au bon carrefour, au bon moment : Taragalte.

Je suis depuis à distance ses états d’âme de jeune professionnel jonglant entre concerts et formation, déplacements en Europe – pas par la France bien sûr, le consulat persiste à refuser aux jeunes artistes leur droit à la mobilité, vive la nation des Droits de l’Homme. Dans la dernière ligne droite, Jonathan se voit proposer une place au conservatoire dont il sort major de promotion quelques mois plus tard, avec un mémoire dédié aux musiques traditionnelles qu’il est heureux de soutenir avant de se consacrer pleinement à ce qui motive ses choix, ses décisions : la création musicale, la scène.

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Rokia répond à mes questions pour un webzine breton. Je découvre une femme d’engagement et un projet qui lui tient à coeur : l’Espace culturel Passerelle.

De mon côté, j’essaye sans grand succès de lui ouvrir des portes. Je contacte Alençon, ville jumelée avec Koutiala, la Luciole, scène de musiques actuelles de cette ville moyenne, jusqu’au président du Comité de jumelage. Silence radio. J’ai plus de succès à Bamako, où je n’ai jamais mis les pieds, pas plus qu’au Mali. Par mon intermédiaire, Jonathan rencontre Adama Traoré, membre fondateur du réseau Kya, une initiative exemplaire. A commencer par l’équipe enseignante du conservatoire, je cherche des appuis pour permettre à Jonathan Dembelé de venir me rejoindre à Visa for Music, salon professionnel international où il s’est inscrit comme artiste et auquel il ne viendra pas faute de solution pour arriver jusque là.

Occupée à Marrakech par l’obtention d’un visa avec un autre consulat pour un autre artiste de la Caravane culturelle pour la Paix, je n’irai pas non plus à Rabat (Visa for Music), somme toute déçue moi aussi de l’absence de réponse à mes diverses sollicitations. Même si essayer, c’est risquer l’échec, ça ne fait jamais plaisir de rester devant une porte fermée en sachant combien l’horizon serait plus clair pour tout le monde si cette porte ne refusait pas de s’ouvrir.

Aimer, c’est risquer le rejet. Vivre, c’est risquer de mourir. Espérer, c’est risquer le désespoir. Essayer, c’est risquer l’échec. Risquer est une nécessité. Seul celui qui ose risquer est vraiment libre. Paolo Coelho

Efforts somme toute justifiés, puisque 2016 s’ouvre pour Jonathan avec la meilleure posture qui soit pour ses projets. A la sécurité de l’emploi, il préfère le risque et la liberté nécessaire pour saisir les opportunités. Cette rencontre avec Rokia Traoré à la recherche d’un nouveau bassiste lui donne vite raison d’avoir cru en son travail, en son talent. Rares sont les artistes au Mali qui ont suivi un vrai parcours de formation. Jonathan a étudié l’anglais avant de réussir le concours d’entrée au Conservatoire des Arts et métiers Multimédia Balla Fasseké Kouyaté. Il a aussi étudié au Danemark, où il a su développer son réseau et se faire de bons amis. Le travail pour Jonathan, c’est désormais cette vie rythmée par le voyage entre deux aéroports, deux continents, et l’adrénaline, l’engagement physique qu’implique chaque concert, chaque nouvelle rencontre avec le public de Rokia Traoré.

Par ce choix judicieux, confier la ligne de basse à Kabunga, la chanteuse malienne renforce le message positif et citoyen qu’elle adresse à la jeunesse africaine, ainsi qu’aux dirigeants qui doivent accompagner dans le monde le développement artistique et culturel, le dialogue entre les continents. Pour que l’acte accompagne le discours, l’artiste de renommée internationale a inauguré le 30 avril dernier à Bamako, sa ville natale, un lieu dédié aux jeunes talents : l’Espace culturel Passerelle, financé par la Fondation du même nom créée en 2009 à l’initative de Rokia Traoré.

La-nouvelle-vague_Saint-MaloMais laissons Bamako pour Saint-Malo. Je suis donc là, au pied de la scène, avec une belle écharpe rayée fabriquée à quelques kilomètres de Pontivy, au bord du Canal de Nantes à Brest. Jonathan a peur d’attraper froid, ça se comprend. Il n’a pas encore eu le temps de poser ses valises à l’hôtel. Il arrive avec Moïse de Bamako. Oui, c’est comme ça, étrangement, Jonathan n’a plus de problèmes de visa avec le consulat français. Une chance, la météo vient de changer (enfin) et c’est sous un grand soleil que Jonathan aurait pu voir notre cité corsaire, la plus belle ville fortifiée de nos magnifiques côtes bretonnes… s’il en avait eu le temps. Tout est si nouveau, tout est allé si vite ces dernières semaines, qu’il n’a pas pris le temps de se géolocaliser. J’ai aussi pris avec moi deux piles 9 volt pour sa basse, une vieille blague qui nous ramène à notre premier échange au Sahara. Il me fait rire quand il me raconte qu’à Mawazine, à Rabat, il y avait des cartons remplis de ces piles à disposition des artistes. En mon for intérieur, j’espère que Jonathan n’oubliera jamais qu’il flippait encore il y a peu à l’idée de tomber en rade en plein concert.

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Jonathan n’est qu’au début d’une grande tournée avec Rokia Traore, mais il a déjà trouvé ses marques sans problème.

Jonathan me confie qu’à Rabat il n’a pas pu voir le show de Chris Brown. Je le fais répéter, je crois qu’il parle de James, petit décalage de génération. Oups ! Il regrette aussi de ne pas avoir ne serait-ce que croiser une de ses idoles, le bassiste virtuose Marcus Miller qui était programmé à la même heure et sur la même scène que lui le lendemain du concert de Rokia Traore. Peut-être un bon signe pour la carrière à venir de Jonathan. Il me parle encore de Victor Wooten, autre grand bassiste. I am larguée, of course. Les seuls bassistes sur lesquels je peux mettre un visage, une voix, un style, sont Etienne Callac, aujourd’hui professeur au conservatoire de Pontivy et grand mélomane, Zeidi Ag Baba de Kidal, Eyadou Eglech de Tinariwen. C’est déjà pas si mal.

Petit clin d'oeil à la Bretagne et aux bretons, Jonathan va faire le tour du monde avec cette écharpe made in Breizh
Petit clin d’oeil aux bretons, Jonathan va faire le tour du monde avec cette écharpe made in Breizh (Roc’han Maille)

Ah oui, ce serait bien que je ne me sauve pas maintenant, là, sans avoir dit un mot de ce concert à St-Malo. Sauf que les mots me manquent pour une fois. Je ne vois pas mieux comme biais que de vous inciter à aller voir l’agenda de cette superbe tournée internationale pour savoir quand vos rêves et vos chemins vont croiser ceux de Jonathan, de Moïse et de Rokia. Aux Etats-Unis ? En Australie ? Et pourquoi pas en Afrique ?

J’ai juste envie de reprendre à mon compte un des si beaux textes de Rokia Traoré, « Zen, ô que je suis zen » – l’air ne me quitte plus depuis jeudi et j’espère que le groupe mettra bientôt en ligne une captation vidéo de ce titre magistralement réinterprété par ces nouveaux musiciens -. Je m’en vais sur l’heure rêver de Bamako, de cette nouvelle vague malienne qui déferlerait sur nos plages FM comme un tsunami salvateur et qui sur son passage ouvrirait les frontières à tous les réfugiés, ferait rentrer chez eux le coeur fier et léger tous les exilés.

Mais voilà un article (tout chaud sorti du four) qui pourra réfreiner vos envies d’en savoir plus sur ce concert.

https://lamagicbox.com/magazine/?p=10375

C’était son premier concert européen d’une longue tournée 2016 intercontinentale. La grande chanteuse malienne Rokia Traore était en Bretagne jeudi avec sa nouvelle formation et son magnifique répertoire. J’aurai pu vous parler du concert époustouflant auquel j’ai assisté, grâce à Jonathan, mais non. Allez-y et vous verrez que j’ai eu le courage, que j’ai eu raison de n’en rien faire.

B comme Bonus

https://www.facebook.com/jonathan.dembele?fref=ts

https://www.rokiatraore.net/

https://www.huffpostmaghreb.com/2016/05/24/rokia-traore-refugies-migrants_n_10115394.html

https://www.unidivers.fr/rokia-traore-concert-saint-malo/

Pour s’intéresser à la question migratoire en Afrique (j’ai choisi cette étude car elle concerne de jeunes Bwa, ethnie dont Jonathan et Moïse sont originaires)

https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines.htm

https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2011-1-page-23.htm