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Césars 2024, il sera une fois la révolution

Je n’avais pas spécialement prévu de passer la soirée en compagnie des héros et héroïnes conviées à la remise des Césars vendredi 23 février, par écran interposé sur Canal +. Je ne suis pas mécontente de l’avoir fait. En clair, car je ne suis pas abonnée à la célèbre chaîne, je dirais même que je m’en serais voulue d’avoir manqué cette cérémonie culte, historique à plus d’un titre. L’envie d’en archiver le souvenir sur Plan B le prouve. J’ai donc choisi dix « instants » qui selon moi marque l’événement autant – voire plus – que le palmarès largement relayé par les médias. A noter quand même, pour la toute première fois dans l’histoire des Césars, les cinq actrices nominées pour la catégorie de la Meilleure actrice l’étaient pour des films réalisés par des femmes. Comment envoyer un meilleur signal aux jeunes générations, chez nous et dans le monde ?

Mieux comprendre ce qui s’est joué en direct devant des millions de spectateurs, le gratin de la presse et la toute nouvelle ministre de la Culture, Rachida Dati, il faudrait rallumer dans les mémoires le scandale suscité par ce même rendez-vous télévisé, il y a seulement quelques années. Je passe. Je ne sais pas pourquoi la Cérémonie a perdu une partie de son nom d’origine. Toujours est-il que si nous ne sommes pas encore complètement sortie de la nuit, la promesse de l’aube n’a jamais été plus belle que vendredi soir.

Le film de genre « Il était une fois la révolution » dure 2h19. La cérémonie des Césars a sans doute duré plus de 3 heures. Combien de décennies précèdent cette révolution au sein du cinéma français pour que les projecteurs s’allument enfin sur des prédateurs récompensés à grand coup de statuettes ? Pour que dans cette lumière, des femmes osent dénoncer l’omerta sur leurs crimes et les dégâts irréparables dont ces hommes encensés par leur profession et le public sont responsables ?

En 2019, l’émission C à vous donne la parole à une journaliste de Médiapart qui a enquêté. En 2020, Adèle Haenel quitte la cérémonie des Césars au moment de l’attribution du César de meilleur réalisateur à Roman Polanski. En 2024, Judith Godrèche montre le chemin parcouru, celui qui reste à faire, les yeux dans les yeux, sans se mentir.

« La nuit des Césars a pour objectif de réunir le cinéma et la télévision et pour ambition d’offrir au public français une soirée équivalente à celle des Oscars aux États-Unis. »

Pierre TcheRNIA, 1976

Pour l’émotion et pour ce qui fit l’étoffe, le grain, la couleur d’une époque, je vous invite à aller consulter le site de l’INA pour voir comment Jean Gabin incarnait à sa manière le monde du cinéma au moment d’ouvrir la page d’une grande histoire, celle des Césars.

Où il est question en 1976 d’un ordinateur, mais pas de la façon dont les femmes en 2024 auront enfin toute liberté pour occuper le devant de la scène et affirmer leurs droits lors de la 49ème cérémonie des Césars Crédit INA

1. Et le César du meilleur costume est attribué à Ariane Daurat

Ariane Daurat, encore sous le choc après avoir obtenu le César du meilleur costume pour une proposition contemporaine et non pour un film d’époque

1er instant pépite de ma sélection, car cette remise de la statuette est la première qui revient au film Le règne animal. Cette fiction a rencontré un vrai succès d’estime dans les salles et a raflé un paquet de Césars tout au long de la soirée, meilleur son, meilleure photo, meilleure musique originale, meilleurs effets visuels, sans décrocher le Graal cependant.

Le prix de la réalisation, le prix du meilleur film, reviennent tous deux à Justine Triet pour « Anatomie d’une chute », déjà récompensée par la Palme d’Or à Cannes. Son film était initialement pensé pour réaliser une série. Du génie des producteurs !

Cette 1ère pépite, je la choisis aussi et surtout, parce qu’elle récompense une femme et son équipe, son talent artistique et son travail au service d’un projet cinématographique. Au moment de prendre la parole devant le parterre, Ariane Daurat est tellement submergée d’émotion qu’elle ne peut prononcer un seul mot, sinon merci.

Discours « coup de poing » à Cannes de Justine Triet le 27 mai 2023, soirée de clôture

Entre discours maîtrisé de Judith Godrèche et triomphe mérité de Justine Triet, la 49e cérémonie des césars a récompensé réalisatrices, scénaristes et actrices dans une ambiance feutrée, un peu en dessous de l’intensité du moment.

Journal Libération

2. Et le César de la révélation masculine est attribué à Raphaël Quenard

Symbole d’une génération qui n’entend pas s’excuser de ne pas laisser passer son tour, Raphaël Quenard est génial d’incongruité, de justesse et d’attachement à ce qui fait qu’il est lui, qu’il peut se sentir libre : ses racines, l’amour des siens et de la terre.

Commenter ce moment de vrai show TV à la mode Quenard, jeune comédien ultra-sollicité que j’ai repéré pour ma part non pas au cinéma mais à l’occasion des Q d’Or de l’émission Quotidien, est une gageure et en soi totalement inutile. Il suffit de se régaler en partageant son bonheur.

Je voudrais juste ajouter à ces images de direct que le cinéma, peu importe le pays qui soutient cette si belle industrie culturelle, a besoin de jeunes pousses dont les référentiels n’ont rien à voir avec ceux des générations qui les ont précédées. Raphaël Quenard comme d’autres artistes nés à la fin du XXè siècle ou au début du XXIè sont sans doute notre meilleure chance de trouver la façon de ne pas exploser en vol faute de savoir créer de nouveaux repères communs, une forme d’amour et de puissance universelle, plus forte que toutes les aberrations et les profits scandaleux d’une minorité prédatrice qui décide de notre mort et de celle de l’Humanité.

3. Et le 7ème Art créa Marion Cotillard : César d’honneur à Christopher Nolan

Entrée magistrale de Marion Cotillard sur « Chandelier » de Sia. Ce qu’elle nous partage va au-delà des apparences. Respect !

La grand-mère de Marion Cotillard, originaire de Laurenan, avait choisi de passer sa retraite en centre-Bretagne. Elle est décédée à Plémet à 102 ans, en 2011. Par pur chauvinisme mal placé, j’aurais pu choisir comme 1ère pépite ce moment très touchant de la soirée, où une actrice française célèbre courtisée par Hollywood rend hommage à un réalisateur à qui nous devons tant de succès mondiaux. Ce serait oublier que Marion Cotillard a atteint un tel niveau dans sa carrière d’actrice internationale que la magie opère ailleurs, à l’essence même de ce qui fait qu’une femme peut incarner à l’écran tant de destins, tant de mystère, tant de grâce, sans jamais s’enfermer dans l’image dont elle devient l’instrument dans les mains d’un réalisateur, d’une réalisatrice.

Quand l’actrice s’adresse à Christopher Nolan, c’est sans emphase, ni flatterie. Marion Cotillard incarne à ce moment là un parler vrai, un vécu. Surtout elle nous invite à crever l’écran pour nous intéresser au personnage Nolan, à ce qui dans son approche du 7ème Art et sa manière de vivre en fait un réalisateur rare. Avec tact et talant, elle rend aussi hommage à celle à qui le cinéaste anglo-américain doit sa réussite, son épouse, sa productrice, Emma Thomas, assise près de lui au premier rang.

4. Quand Jamel Debbouze encense son amie, Agnès Jaoui, figure à part du cinéma français

5. Quand la Bretagne s’invite dans le César du film court d’animation avec Eté 96, tourné à Carantec puis redessiné

6. Quand Sofiane Pamart fait courir ses doigts sur le clavier, seul en scène, l’envie d’amour tout court

SPLENDIDE !

7. Quand Justine Triet nous dit son amour et son admiration pour Sophie Fillières décédée en 2023

Il y a des absences qui pèsent lourd au moment de récolter les fruits d’une belle moisson de prix.

Les Films Pelléas / 
Les Films de Pierre via Wikicommons

8. Parole de monteur « Attention au connard que vous invitez à venir jouer avec vous »

Merci à Laurent Sénéchal, récompensé par le César du Meilleur montage pour « Anatomie d’une chute ». A la tribune, il nous offre un moment vrai. 38 semaines de montage, du jamais vu, mais avec Justine Triet à la barre, il ne faut plus s’étonner du culot. Les producteurs peuvent se féliciter de lui avoir facilité le chemin, ça paie ! Prochaine étape : les Oscars. A signaler au passage que la co-production du film est assurée par la télévision de service public.

C’est un métier d’adaptation, on est des raconteurs d’histoire, des accoucheurs qui accompagnent le cinéaste.

Laurent Senechal

9. Quand face à la chape de plomb, Judith Godrèche ose avec aplomb, les droits des femmes s’imposent

10. Quand la meilleure actrice du cinéma français est allemande et n’en revient pas de décrocher le César

Anatomie d’une chute sur Canal + diffusé le mardi 27 février

Pour les abonnés de la chaîne privée, le film vedette de la soirée des Césars 2024 est déjà disponible sur Mycanal. Après sa diffusion mardi prochain, un documentaire comblera l’attente des plus passionnés, voire des sceptiques, qui veulent en savoir plus sur le destin incroyable de cette fiction aux allures de polar qui représentera le cinéma français aux Oscars la nuit du 10 au 11 mars, avec cinq nominations des plus prestigieuses.

Comme un clin d’œil de l’Histoire du cinéma mondial, Justine Triet est la seule cinéaste à concourir pour l’Oscar de la meilleure réalisation. Chapeau Justine !

Justine Triet, réalisatrice d’Anatomie d’une chute et Sandar Hüller l’actrice principale – Raph_PH via Wikicommons

Être la deuxième femme de l’histoire des César à obtenir ce prix en 49 ans, ce n’est pas rien. C’est un peu flippant et génial à la fois. Cela donne de l’espoir pour la suite.

Justine Triet

Lecture publique d' »Anatomie d’une chute » de Justine Triet à Los Angeles, avant les Oscars le 10 mars

Pour conclure ce panorama, je vous invite à vous intéresser aux réactions dans le petit village savoyard qui sert de décor au récit, Villarambert.

« Je voulais une lumière froide, crue, des extérieurs puissants qui contrastent avec les intérieurs. Et les courbes de la montagne en fond, où on n’arrête pas de monter et de descendre pour essayer de comprendre cette chute »

Justine Triet

Si vous avez aimé lire ce billet, vous aimeriez peut-être celui que j’ai consacré à un autre paysage, à une autre lumière, grâce au film « Déserts » de Faouzi Bensaïdi, que je n’ai malheureusement toujours pas vu, ou il y a 10 ans bientôt à Pino, l’acteur phare du film de Abderrahmane Sissako, Timbuktu.

Quelques mois plus tard, ce grand film tourné en Mauritanie remportait 7 Césars : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure photographie, meilleur montage, meilleur son, meilleure musique originale, meilleur scénario original.

Justine Triet, quant à elle, pourrait bien nous surprendre encore avec le tiercé gagnant : Palme d’or, six Césars et l’Oscar si convoité du meilleur réalisateur attribué à une femme.


La puissance du cinéma dans une série inspirée par le meurtre d’un docker, « De Grâce »

En six épisodes, la série franco-belge signée par le réalisateur breton Vincent-Mael Cardona nous transporte au Havre dans un univers spatio-temporel original, celui des docks. Le jeu des acteurs, les mouvements de caméra, la musique de Maxence Dussere, les procédés cinématographiques utilisés pour servir l’histoire, les flashbacks, les ellipses, les silences, tout confère à cette création une aura, mais aussi la force d’une expérience sensible propre au cinéma.
Ni saga familiale, ni plongeon dans l’enfer underground, ni coulisses d’un entre-soi politique, ni polar glacial au pays des northmen, les vikings, origine du nom Normandie, « De Grâce » pourrait bien être un OVNI télévisuel sur la notion de « Salut » ou plutôt sur l’absence de Salut dans une époque qui chavire.
La question reste ouverte sur l’horizon que découpe la silhouette lointaine de porte-containeurs dès les premières images. Tout un symbole pour ramener à notre propre échelle, ce qui fait de nous des humains, que ce soit au temps de Sophocle et des déchirements qui ont réussi à traverser les siècles grâce à l’Education, à la Culture, ou à l’ère de Netflix et du zapping permanent sur fond de catastrophe écologique.

De Grâce
Visuel qui parle de lui-même quant au traitement du décor et de la lumière dans la série De Grâce

J’espère que le meilleur est à venir et qu’un jour on en rigolera de cette farce. Joyeux anniversaire Papa.

Personnage du fils AÎNÉ, Jean Leprieur, JOUÉ par Pierre Lottin, figure montante du cinema FRANÇAIS

Entre abjection et amour, De Grâce passe au laser contradictions et démesure


« Le personnage principal, c’est le patriarche, il représente le monde ancien, ce monde s’effondre. Dans cet effondrement, un nouveau monde est à venir mais dans ce temps de reconstitution tout est éparpillé, tout est dispersé », commente Vincent Mael Cardona dans le focus de dix minutes à découvrir sur Arte, mais pas avant de vous être laissé surprendre et suspendre dans les fils du scénario écrit par quatre auteurs, dont les deux créateurs de la série : Maxime Crupaux, Baptiste Fillon.

Le teaser de la série donne le ton

Les deux premiers épisodes ont été présentés en avant-première à Lille au festival international Séries Mania en mars 2023 avec au passage le prix de la Meilleure actrice attribué à Margot Bancilhon, qui avait décroché en 2014 le Cesar du Meilleur espoir féminin.
De fait, c’est l’ensemble du casting qui mérite un prix, tant la construction du récit permet de nous intéresser à chacun des personnages principaux, à mieux comprendre dans leur blessure, leur force, ce qui sous-tend de bout en bout la trame du drame, celui d’un monde au goût amer, au goût d’acier.
Quand le réel est démesurément grand, toute caricature ressemble à une marionnette désarticulée. C’est là que résident le génie et le sens de la mise en scène de Vincent Mael Cardona. Il aime tirer du réel sa force magnétique, hypnotique.

Panayotis Pascot dans le rôle de l’apprenti galocheux, autre nom pour docker. « La galoche est la clef de voute de la mondialisation », belle réplique dans la série De Grâce

Humanité à bout portant

En 2022, Vincent Mael Cardona a décroché le Cesar du Meilleur premier film pour « les Magnétiques ». Ce long métrage, pour lequel il lui a fallu près de dix années de travail avant d’arriver au bout, faisait déjà la part belle aux personnages, à leur intériorité.

Avec De Grâce, le réalisateur et son équipe se confrontent à des contraintes de forme, de format et de genre, celles de la série, du thriller. Pourtant je retrouve les qualités de regard et de point de vue que j’ai tant aimées dans « Les Magnétiques ».
Mais je sais aussi, pour avoir eu le plaisir de l’interviewer deux fois, que je n’ai pas vu tout ce que Vincent Mael Cardona a mis en scène et filmé. C’est pour cela qu’il faut l’écouter parler de la série avec ses mots à lui, sa sensibilité d’artiste.

Et surtout ne pas se priver du plaisir de « rembobiner » pour re-visionner, reprendre dans nos oreilles à la fois les mots et les silences, le bruit des docks et la musique originale de De Grâce, le pouls d’une ville pas comme les autres et l’acharnement froid d’un système dont le compte à rebours du déclin programmé est déjà lancé.

Comme cette course aussi folle qu’inutile dans la nuit, au volant d’un bolide, par laquelle l’intrigue commence et nous perdra dans ses méandres, dans ses jeux de reflets, dans ses tunnels temporels.

Pour vous qui aurez apprécié ce billet Plan B et qui surtout aurez plaisir à aller sur ARTE, voici un air qui ne me quitte plus depuis que j’ai vu la série. A écouter en lisant, sans vous presser, la dernière citation choisie.

Et n’oubliez pas, l’amour existe…

De grâce, pardonnez moi, pardonnez leur

Le mal est le mal, c’est ce monde, cette ville peut-être. Nous les dockers, on a toujours lutter pour faire entendre que cet endroit ne serait rien sans les hommes qui y bossent. Son cœur, ses muscles et son âme, ce sont les docks. Mais l’époque n’est plus la même. L’âge de tonnes de docs qui déferlent par containers est arrivé, et les reglements de compte qui vont avec. Les anciens avaient érigé une digue, un code d’honneur. Le trafic est un engrenage infernal. Marcel a vu avant les autres que la digue allait céder, que les dockers sont des hommes, et que face à l’argent, les hommes vacillent. J’ai jamais quitté Le Havre, c’est là que je suis né, avec du pétrole et du sel dans le sang. C’est grâce au port que je suis devenu quelqu’un. Je pensais pouvoir tout changer, je me suis planté en beauté. Mais la guerre ne fait que commencer. C’est une guerre contre nous-mêmes.

Voix off, début du premier épisode

B comme bonus

Ma deuxième rencontre avec Vincent Mael Cardona, à Brest, ouverture du Festival Longueurs d’onde, janvier 2022, le réalisateur m’offre alors un scoop.

Ecouter l’interview

https://radio-boa.bzh/fr/radio-bro-gwened/385/52675

Remise du Cesar pour  « Les Magnétiques »

Ma première Interview de Vincent Mael Cardona en 2021 est aussi en ligne via le site de Radio Bro Gwened.


Vivre ou survivre à l’ère post-industrielle : plaidoyer d’une jeune bretonne engagée

Parmi les associations qui m’amènent à ressentir un profond respect pour une idée, un engagement, une démarche collective, La voie de l’Humanité mérite vraiment qu’une bénévole soit citée ici dans l’intégralité d’une parole politique qui a un peu surpris et visiblement pris de court tout le monde ce samedi 20 janvier 2024, à Saint-Brieuc (Bretagne). Cette prise de parole comme cette publication sur Plan B visant à relayer une expression citoyenne n’engage ni la Voie de l’Humanité, ni les autres jeunes ayant découvert en juin et juillet 2023 à Madagascar un autre mode de vie, un autre rapport au monde. Je vous invite à lire l’intégralité de ce plaidoyer d’une jeune bretonne engagée, publié avec son accord, avec des sources documentaires qu’elle souhaite partager de façon anonyme, au nom d’un collectif : Anti-tech Résistance.

Misaotra, « merci » en malgache

Visuel de l’invitation arrivée dans ma messagerie Crédit La voie de l’Humanité

Je situe le contexte. Douze jeunes bretons partis en chantier solidaire à Madagascar nous avaient donné rendez-vous pour présenter leur expérience à Ambatomalama, petit village de brousse isolé, et la façon dont cette aventure humaine a vu le jour dans la tête de Solenn et Mélina, en service civique à la Voie de l’Humanité.

Un documentaire d’une rare justesse est diffusé en avant-première à cette occasion. Maël, jeune réalisateur membre du groupe constitué pour ce projet carrément « ouf », a fourni un travail remarquable, chronophage, à la fois subtil et à l’écoute. J’espère vraiment que ces images et ces témoignages voyageront le plus loin possible. « Misaotra » est un magnifique exemple de film à impact, sans le budget et les conditions idéales bien sûr qu’une vraie production aurait permis de mobiliser. Le résultat n’en est que plus méritant et bluffant.

Faire passer des messages forts

Une très forte émotion remplit l’espace de bout en bout de la projection. Les jeunes qui témoignent à l’écran le font sans filtre, loin de tout discours formaté.

La grande salle est pleine. De jeunes volontaires en service civique déjà partis et revenus de leur mission à Madagascar sont présents, d’autres sont encore en formation avant le départ. Des parents découvrent, ravis, ce dont ils ont entendu parler pendant des mois sans pouvoir dompter complètement une part d’envie, de fierté, mêlée d’angoisse. Des militants associatifs sont venus pour dire leur soutien à ce type d’initiative, saluer l’audace et le courage de ces jeunes bretons, découvrir les relations qu’ils et elles ont tissé avec une communauté locale pendant un mois. Quelque part dans l’obscurité, au fond de l’assistance, Paul Kader, éducateur spécialisé de métier, reste discret. Son chemin de vie est lié depuis vingt ans aux jeunes de toute la France qu’il accueille et accompagne avec la Voie de l’Humanité. La veille, il était encore à Madagascar.

En explorant une manière de vivre plus proche d’un environnement naturel, j’ai compris que
l’humanité était née d’un fondement prosocial, d’une coopération. Lorsque vos valeurs culturelles célèbrent l’autonomie individuelle, partage et interdépendance, la société est satisfaite et ne se soucie pas de dire aux autres comment vivre.

X, 19 ans, extrait du plaidoyer

De Saint-Brieuc à Madagascar via Motten Morvan

Je ne peux pas dire que je connais ces jeunes urbains partis à l’aventure au milieu de l’Océan indien. Grâce à Paul Kader, je les ai reçus chez moi pendant trois jours en mai 2023, dans ma « brousse » bretonne, afin de leur donner l’occasion de se tester et de mieux faire connaissance lors d’un chantier participatif sur un site médiéval, sans eau, ni électricité, ni connexion, un mois avant leur départ à l’étranger.

Je leur dois d’avoir vécu un très beau moment de rencontre et de convivialité à Motten Morvan, encore plus fort que ceux que j’ai pu vivre pendant les fouilles archéologiques, pourtant déjà formidables. Dire que ma première intention était de ne pas passer le week-end avec ces inconnus aux personnalités et parcours si divers, pour les laisser tranquille entre eux, avec leurs propres codes.

Photo souvenir du chantier de bénévoles à Motten Morvan en mai 2023. Le réalisateur de Misaotra, Maël, est au centre au 1er rang – Crédit Françoise Ramel

J’ai voulu accueillir ces jeunes à Motten Morvan pour qu’ils et elles goûtent au plaisir d’être ensemble. Dans cet espace protégé, hors du temps, il est plus facile de se relier, physiquement, émotionnellement, à un environnement naturel non formaté par un désir de suprématie sur le monde vivant, caractéristique d’une espèce humaine seule responsable de sa destruction. Nul besoin d’argument, de construction intellectuelle, il suffit de vivre le moment, pleinement, sans enjeu, ni volonté démonstrative du bien-fondé de l’expérience.

Il suffit de réapprendre le bonheur d’un silence habité par les rires, les chants d’oiseaux, le souffle du vent, la mélodie cristalline d’une rivière toute proche, le crépitement d’un feu. A Motten Morvan, le groupe a simplement participé à un chantier de nettoyage de printemps sans être jamais dérangé par le bruit d’une machine.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=50&v=Rszyx-Fq_u8&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fantitechresistance.org%2F&source_ve_path=Mjg2NjY&feature=emb_logo

Sans autre commentaire, voici le plaidoyer entendu samedi soir dans la bouche d’une bretonne de 19 ans accueillie à Motten Morvan avant de s’envoler pour Madagascar, dont j’ignorais qu’elle pouvait être capable d’un tel aplomb et d’une telle force pour défendre ses convictions. J’ai été sensible non seulement à l’effort d’écriture, mais aussi à la forte résonnance entre ce texte et l’ouvrage de Sébastien Bohler, docteur en neurobiologie, « Human psycho », actuellement sur ma table de chevet.

La pauvreté est la source de la richesse. L’exploitation est la condition de la production.

X, extrait du plaidoyer

Plaidoyer pour la vie signé X, 19 ans

« Depuis 500 ans la civilisation occidentale, mais également la Chine, la Russie et les pays industrialisés du Moyen-Orient ont mis sous tutelle la plupart des pays du Sud pour en
exploiter les ressources naturelles et humaines. Savez-vous que ce sont les traites négrières qui
ont financé en partie la première révolution industrielle en Europe ? Le progrès technique
accroît les inégalités depuis la révolution industrielle, une tendance qui s’accélère constamment depuis le début du XXe siècle avec l’électrification, puis aujourd’hui avec les révolutions numériques.
Nous vivons actuellement dans une société hiérarchisée, industrialisée et urbaine, où tout le fardeau de la production repose sur les populations du Sud et les machines, le tout à un coût environnemental et social complètement délirant.
A Madagascar, l’industrialisation apparaît comme un surplus. Du plastique et différents déchets polluent les terres des villages. Ma plus grande révélation durant mon voyage à Madagascar, aura été de réaliser le grand mensonge de la pauvreté. Attention, je ne parle pas ici des conditions catastrophique auxquelles sont confrontées certaines communautés africaines. Dans ce cadre de référence, je prendrais l’exemple d’un paysan-éleveur, vivant de son propre travail au sein d’une communauté traditionnelle autonome déconnectée du système techno-marchand. Celui-ci sera considéré comme « pauvre ». Et peu importe s’il est heureux ou en bonne santé ; peu importe si l’organisation traditionnelle de sa communauté favorise le partage et l’égalité. Une communauté sera considérée pauvre si elle possède matériellement peu. C’est donc ne pas savoir que la richesse est ailleurs, dans le tissu social, les traditions, l’amour, la nature. D’ailleurs la littérature scientifique montre que les sociétés traditionnelles ridiculisent les sociétés urbaines industrialisées en matière de bien-être et de santé.
En explorant une manière de vivre plus proche d’un environnement naturel, j’ai compris que
l’humanité était née d’un fondement prosocial, d’une coopération. Lorsque vos valeurs culturelles célèbrent l’autonomie individuelle, partage et interdépendance, la société est satisfaite et ne se soucie pas de dire aux autres comment vivre.
A force d’explorer la diversité culturelle sur Terre, on peut lister plusieurs critères fondamentaux
pour favoriser l’épanouissement de l’animal humain : une communauté de taille réduite soudée et une identité forte ; un environnement naturel composé de matière organique et non d’un agrégat de béton, de métaux, d’asphalte et de plastique ; et enfin une technologie artisanale synonyme de refus de puissance. En somme, l’antithèse de la société industrielle.
C’est ce que j’ai observé durant mon voyage, des villages qui subsistaient avec peu de moyens mais qui vivaient dans le partage, la solidarité, la joie. Plus nous nous écartions de la ville, plus les visages étaient lumineux, les individus travaillaient dur mais y trouvaient du sens. Ils étaient heureux de travailler pour combler les besoins de leur petite communauté, et beaucoup moins quand il s’agissait d’aller se tuer à la tâche sur des mines de charbon.
Certes, aujourd’hui un être humain qui naît en France a plus de « chance » que s’il naît dans les
régions minières du Kivu. Mais si les habitants de la République Démocratique du Congo subissent génocides et massacres à répétition, ça n’a rien à voir avec la « chance » ou la malchance, mais avec la demande mondiale en métaux, bois et pétrole, et la présence de firmes multinationales étrangères attisant les violences.

La même dynamique coloniale d’accaparement des terres par les États et les firmes multinationales (industries extractives/agrobusiness) du Nord se poursuit et s’accélère aujourd’hui au nom de la transition.
Les multinationales exproprient les habitants dans les pays pauvres, achètent leurs terres à des politiciens corrompus, évince des populations autochtones de leurs territoires afin qu’ils ne puissent pas cultiver ou chasser leur propre nourriture. En proposant aux plus chanceux d’entre eux des emplois consistant à raser la forêt ou extraire des minerais en échange d’un salaire d’esclave. De plus en plus de populations sont expulsées de leur propre territoire pour l’exploitation de ressources toujours plus massive. A titre d’exemple, Total, multinationale française, prévoit de forer plus de 400 puits de pétroles en Ouganda. On parle d’une centaine de milliers de personnes qui doivent êtres expropriées.
Mais la conservation de la biodiversité est aussi responsable des expulsions. Les parcs nationaux
sont une source de pouvoir, de prestige et de revenus. On compte environ un million de personnes qui ont été expulsées de territoires désormais protégés. Ces expulsions aggravent la pauvreté. Les lieux de vie, les biens collectifs, le réseau d’entraide et toute une manière d’être au monde disparaissent.
Ensuite, l’écart entre pays développés et pays émergents n’a jamais été aussi grand. Il continue de se creuser. Il paraît même hautement improbable que l’Afrique et l’Amérique du Sud puissent un jour rattraper leur « retard », même si on nous laisse croire le contraire. En effet les progressistes font le jeu du système techno-industriel en militant pour que l’humanité entière accède et devienne dépendante de la technologie moderne et du marché globalisé. Malheureusement, cela ne pourra jamais remédier au fait que la pauvreté est un ingrédient des plus nécessaires et des plus indispensables de la société, sans lequel nations et communautés ne pourraient exister à l’état de civilisation. La pauvreté est la source de la richesse. L’exploitation est la condition de la production.
C’est pourquoi l’industrie est une colonisation. Ce système repose sur une expansion massive,
concurrentielle, qui implique de coloniser de nouveaux territoires, de privatiser des terres,
d’étendre les villes.
Donc mon soucis n’est pas tant pour les enfants de Ambatomalama qui pour la majorité n’accéderont jamais aux études supérieures et finiront par travailler dans les usines ou sur des sites miniers. Je me soucie plutôt de la durabilité de ces villages. En raison de la nature totalitaire du système technologique, toutes les sociétés traditionnelles seront éradiquées les unes après les autres au cours de ce siècle. Il est donc utopique de croire en une société alternative durable, si le système technologique continue de s’étendre. C’est un substrat matériel, unique pour toutes les sociétés humaines, qui mène à leur uniformisation et à la démolition de la vie sur Terre.
Pour libérer les peuples et mettre fin à « la guerre mondiale contre la nature », la montée des
inégalités semble être un mal nécessaire pour créer des conditions propices à une révolution contre le système technologique qui menace l’habitabilité de la Terre. Ces propos heurteront certainement la sensibilité des adeptes de la bien-pensance et feront hurler dans les chaumières progressistes.
Mais Walter Scheidel, professeur d’histoire à l’université de Stanford, a analysé la dynamique des inégalités depuis l’avènement des premières civilisations. Il en a conclu que seuls des chocs violents (révolution, désintégration de l’État, guerre mondiale et épidémie) détruisant un système économique ont été capables de faire chuter durablement les inégalités. Heureusement pour les pays les moins développés, ce seront eux les moins impactés par l’effondrement du système techno-industriel.

En effet, durant les dernières crises, les sociétés les plus autonomes se sont montrées être
les plus résilientes.
Ainsi, non seulement s’attaquer aux inégalités par la voie réformiste sera inefficace, mais faire ce
choix signerait un apaisement social signant l’arrêt de mort de la biosphère – donc de l’Humanité.
C’est pour cette raison que nous devons nous inspirer d’une parole de Ati Quigua, militante
écologiste colombienne qui dit : « Nous nous battons pour ne pas avoir de routes et d’électricité – cette forme d’auto-destruction qui est appelée « développement », c’est précisément ce que nous essayons d’éviter. »
Enfin je tiens à rajouter que tous les pays du monde devraient se mobiliser ensemble contre le système techno-industriel. Car les machines et les infrastructures qui exploitent l’Afrique sont les mêmes qui exploitent l’Europe, l’Asie, l’Amérique et l’Océanie. »

B comme bonus

Pour soutenir l’association La voie de l’Humanité

https://lavoiedelhumanite.wixsite.com/lavoiedelhumanite

Ressources documentaires ayant inspiré le plaidoyer

Civilisés à en mourir (Christopher Ryan) – Le prix du progrès – Editions LIBRE

Le progrès technique accroît les inégalités – Anti-Tech Resistance (antitechresistance.org)

En lien avec ma lecture du moment conseillée par un de mes amis. Il y a quelques années, j’ai eu la chance de suivre à Paris une conférence sur le cerveau pour interroger la question du libre-arbitre. Cela avait remué et remis en cause un certain nombre de mes croyances. Dans « Human psycho », Sébastien Bohler aide à comprendre comment le comportement des humains et leur génie s’apparentent, pris dans leur ensemble, au comportement des psychopathes observé par les spécialistes, alors que pris individuellement, chacun a connaissance du problème posé à l’humanité, à la planète, et s’offusque des destructions, des guerres, des flux migratoires, de la raréfaction des ressources, de la multiplication des catastrophes naturelles et autres conséquences des modes de production et des modèles dominants de consommation.


Faouzi Bensaïdi, meilleur réalisateur à la Mostra de Valence pour « Déserts »

Samedi 27 octobre avait lieu le gala de clôture de la 38ème édition du festival de cinéma de Valence qui met en valeur la création méditerranéenne. « Déserts », fiction réalisée dans le Sahara marocain, s’offre une très belle place sur le podium juste derrière la palme d’Or et la palme d’Argent attribuées respectivement au libanais Bessam Breche pour « Riverbed » et à la portugaise Susana Nobre pour « Cidade Rabat ». Comme un clin d’œil temporel, le festival Taragalte qui m’a permis de découvrir le Maroc et le Sahara avec Plan B en 2014, se tenait aussi ce week-end à M’hamid el Ghizlane.

« Déserts » était à l’affiche du Festival de Cannes 2023

« Déserts » ou l’art de l’effet miroir face au vide

Faouzi Bensaïdi s’est vu décerné samedi le prix du Meilleur réalisateur avec en prime une reconnaissance pour les deux comédiens marocains qui portent le récit de cette épopée moderne volontairement inclassable, sinon au rayon des films rares et nécessaires.

Fehd Benchemsi et Abdelhadi Talbi remportent le prix du meilleur acteur ex-aequo. Si ce n’est pas une consécration ça !

Le film est sorti sur les écrans en France le 20 septembre 2023. Si comme moi vous n’habitez pas près d’une des salles qui a programmé « Déserts », il va falloir faire preuve de patience. Mais cela n’empêche ni de s’intéresser, ni de saluer la performance.

J’avais déjà cette conscience de vouloir dire au monde que nous, les Marocains, ne sommes pas condamnés au folklore, et que nous avons aussi des histoires à raconter. La dimension cosmique de la nature m’intéresse aussi à condition qu’elle serve l’histoire. Je prends beaucoup de plaisir à connecter mes personnages à cette dimension.

Faouzi BenSaïdi

L’homme derrière la caméra vient du théâtre

Pas question de commenter des commentaires sur un film peu diffusé, qu’il me tarde tant de découvrir et de programmer en Bretagne, ni de fantasmer sur l’hypothétique interview d’un réalisateur que je ne rencontrerai peut-être jamais.

Faouzi Bensaïdi
Crédit : TelQuel

Pourtant la matière est bien trop belle pour ne pas m’y intéresser. En cherchant à vous informer sur ce film, « Déserts« , vous ferez vous aussi de belles trouvailles inspirantes. Ce qui me frappe, à travers ce que j’ai pu trouver en ligne, c’est la force de conviction d’un homme qui met tout en oeuvre pour aller au bout de son idée, au bout de son cinéma. C’est cela que j’irai voir en salle, plus que l’histoire même que Faouzi Bensaïdi a voulu porter à l’écran.

Bien sûr, je ne serai pas insensible au jeu d’acteurs du duo de comédiens marocains récompensés à Valence et à toutes les situations qui émaillent leur périple. J’en pleure et j’en souris d’avance !

Je veux aussi vibrer avec ces grands espaces désertiques que Faouzi Bensaïdi à immortaliser comme il voulait que nous les voyions. Avec leur âme. Pour mieux percevoir en creux combien nous sommes étrangers à ce qui en fait la beauté fragile.

« Une expérience sensorielle qui ne peut être comprise ailleurs que dans une salle de cinéma ». Voilà comment Soundouss Chraibi, journaliste à TelQuel introduit son article, malheureusement inaccessible en ligne.

Je viens d’un pays que les peintres et les cinéastes adorent.

Faouzi Bensaïdi

Des paysages grandioses pour un casting de premier plan

Si je ne peux pas parler du film, je peux dire ici pourquoi la démarche et le propos de Faouzi Bensaïdi me touchent.

D’abord parce qu’il est question de cinéma, un cinéma de genre qui s’assume, avec des références, des partis pris, une forme de jouissance à user sans retenue ce qui renvoie malgré la technologie à une forme primitive de magie, y compris quand c’est presque trop beau pour faire vrai.

Dans l’extrait ci-dessous d’une interview donnée au festival de Cannes, Faouzi Bensaïdi cite cette phrase d’un homme de théâtre qui disait : « la lumière au Maroc, c’est l’ombre de Dieu sur Terre ». Il explique alors comment sa relation avec les lieux s’apparente à celle qu’il entretient avec des acteurs, jusqu’à comparer son travail de repérage à un casting. Je vous invite à prendre le temps de regarder l’intégralité de cette conversation dans les Bonus.

Mission impossible version « oualou flouz »

Je suis touchée parce que ce réalisateur marocain nous confronte par son regard à un rapport particulier entre l’ordinaire et le spectaculaire, comme si dans un monde où rien n’est plus banal que la vitesse, la violence, la surenchère, l’abondance, le mal-être et le drame portés à l’écran, il y avait mieux à faire pour tirer son épingle du jeu avec tact et intelligence, sans tomber par excès de zèle dans la caricature, une posture morale enfermante ou un scénario insipide, trop prévisible.

Faire mieux en faisant ce que l’on sait faire de mieux avec ce que l’on a sous les yeux, c’est peut-être ce qui différencie le cinéma d’un Faouzi Bensaïdi d’un cinéma « qui fait exploser le pâté de maison » (blockbuster) dans le style du dernier Luc Besson inspiré d’une histoire vraie « Dogman« , thriller qui a fait naturellement un carton au box office, bien que déjà à la 20ème place quelques semaines après sa sortie.

Crédit : Déserts

 Je démarre avec beaucoup d’humour mais je dis la réalité d’un monde. C’est une critique cinglante du capitalisme et de la finance. Je montre jusqu’où cela amène les gens. 

Faouzi Bensaïdi

Je suis touchée parce que les mots d’un Faouzi Bensaïdi parlent à toute une génération de créateurs et créatrices du continent africain dont le travail est de défendre le 7ème art avec leur propre éthique, culture et liberté d’expression, mais sur la base de modèles économiques qui rend la tâche très compliquée, voire périlleuse.

Je suis touchée parce que le Maroc était un pays qui comptait presqu’autant de salles de cinéma que la France, or cette possibilité de faire culture loin des métropoles s’est effacée du paysage en seulement quelques décennies.

C’est là que je vous ressors un moment de ma vie qui m’amuse beaucoup. J’ai peut-être – voire sûrement – déjà partagé cette anecdote dans un autre billet.

Un jeune nomade de M’hamid el Ghizlane s’exclame en sortant du cinéma Rex de Pontivy face à ma joie d’avoir réussi à le convaincre de venir voir un film : « Je suis déjà allé au cinéma, juste je suis pas rentré dedans. »

Bref, si « Déserts » passe près de chez vous, dites à vos amis que vous avez un truc important à faire, que vous ne pouvez vraiment pas remettre à plus tard. Ou mieux, emmenez les au ciné !

Je fais un cinéma très stylé, très préparé, très pensé, très architecturé, mais je fais en sorte que le hasard puisse entrer, que cela provoque l’accident. Je viens du théâtre et ce qui est génial, c’est l’accident en fait.

faouzi Bensaïdi
Mon ami Ibrahim Laghrissi dans les dunes de M’hamid el Ghizlane, cette photo a servi pour lancer un appel à texte intitulé « L’intime étranger » à l’occasion d’une exposition du même nom aux Bains douches de Pontivy en janvier 2018 – Crédit Auberge La Palmeraie

J’adore quand les gens me parlent d’un plan que je n’ai pas tourné. Cela m’arrive parfois et je me dis que le cinéma est fabuleux pour ça  : quand on met une image à côté d’une autre, il y en a toujours une troisième qui monte et qui est celle inventée par le spectateur…

Faouzi Bensaïdi

B comme Bonus

Faouzi Bensaïdi : “Mes films ne cherchent pas à vendre à l’Occident l’image d’un certain Maroc” – Telquel.ma

Interview signée Eva Sauphie

Faouzi Bensaïdi : « Dans “Déserts”, il est question de filmer de petites gens face au vide » – Jeune Afrique

Rencontre avec Faouzi Bensaïdi Quinzaine des réalisateurs

Déserts / Conversation avec Faouzi Bensaïdi – YouTube

Tous les cinémas du monde

Entretien avec Faouzi Bensaidi pour son film «Déserts» – Tous les cinémas du monde (rfi.fr)

Si vous avez la possibilité de soutenir un film documentaire né en Bretagne, produit par Télé Maroc, tourné au Sahara en darija, qui n’a pas pu être diffusé dans les festivals faute de sous-titrage et de présence d’un support de diffusion adéquat, merci de vous intéresser au film « M‘hamid el Ghizlane » de Laila Lahlou et Françoise Ramel (2017)


Buskers, ma toute première fois à Morges

C’est bien connu, la Bretagne est une terre de festivals. Parmi ces grands événements qui ont repris place dans notre paysage culturel, il y a le festival de cinéma de Douarnenez, avec une jolie pointe d’humour dans l’édition 2022 consacrée à la Suisse. Ambiance Helvètes underground. Je n’y serai pas, je veux goûter à l’original. Les vaches violettes, les coquelicots, les abris anti-nucléaires, un peuple abonné aux votations citoyennes et tout et tout. Je vais vivre les coulisses d’un Buskers.

Buskers scène de rue
Des griots sénégalais m’invitent à danser sur leur rythme rituel Sabar. Dans la fulgurance de l’instant, je redécouvre à quel point j’aime la danse africaine. Vivre cette complicité amicale, regard dans regard, dit mieux que les mots ce qu’est la confiance.
Crédit Gennaro Scotti

B comme Buskers et Blablaboost

La voix off : 2022 ? Mais nous sommes en 2023 Fanchon !

Fanchon : Oui, oui, oui, mais ma première fois à Morges, c’était l’an dernier !

Ce billet, je ne l’ai jamais mis en ligne. Il est temps de l’actualiser et de le partager avant de retraverser les Alpes pour la deuxième édition qui se tient du 17 au 20 août. C’est aussi l’occasion d’archiver sur Plan B le lien vers l’audioblog dédié au concept que j’ai créé pour apporter ma contribution à l’initiative. Blablaboost, saison 1, c’est douze interviews d’artistes réalisées dans l’ambiance spécifique des backstages au moment du repas.

Ces petits moments de bonheur en barre ont été diffusés dans leur format Live, sans montage, chaque vendredi sur Radio Festnoz pendant trois mois. Vous avez bien lu « Fest noz ». C’est du breton, mais cette radio locale est 100% suisse et basée à Morges.

J’adore ce visuel détonnant d’un festival incontournable en BretagneSynchronicité – Crédit Festival de Douarnenez

Nous invitons des peuples différents à dialoguer via leur filmographie, leur littérature, leur musique… avec l’ici. La question sous-jacente à ce dialogue est « comment habiter la terre » ? Pour ce faire, nous restons à l’écoute des voix minorisées. La Suisse, pays façonné par des minorités, présente une filmographie rebelle et critique sur la société. Pays multilingue, à l’opposé du modèle centralisateur français. Cela ne peut que nous interroger.

Présentation de la 44ème édition du festival de cinéma de Douarnenez

Si un vent alpin souffle sur le Finistère avec l’arrivée des premières gouttes de pluie depuis des semaines, une douce brise d’Armorique teintée de parfums africains me pousse à rejoindre une équipe bénévole pour vivre « une toute première fois ».

La rue est à nous

A Morges, ancien carrefour commercial et port du XVIIème niché sur les rives du Lac Léman, je vais découvrir ce qu’est un « Buskers ». Un festival de rue si vous préférez, où les artistes se produisent face à un public et font tourner le chapeau. Hier encore, je ne savais même pas que ce mot « Busker » existait.

Maintenant je sais que j’ai déjà voyagé avec un busker. C’était au Niger. Il est marocain. Dans son pays, un musicien de rue peut se retrouver facilement derrière les barreaux d’une prison royale. Hasard ou pas, j’ai repris contact récemment avec cet artiste exilé depuis en Allemagne où il développe d’autres talents, notamment la photographie…de rue ! Je vous parlerai un jour du travail de Toufiq En Nouri, mais pour l’heure, je boucle les valises. Je vous emmène avec moi à Morges.

Carte trouvée sur un site qui recense tous les festivals Buskers, impressionnant ! Comment ai-je pu passer à côté ?
A ma gauche, Mélanie Wyss, syndique de Morges, équivalent de maire, à ma droite Laye Serrere, danseur Sabar du Sénégal. Cette photo prise à l’issue du vin d’honneur offert par la Ville montre la diversité mise en avant par la créatrice, Sylvie Pasche, professionnelle du spectacle vivant, à droite sur la photo aux côtés de Georges Grillon, créateur du Buskers de Neuchâtel.
Crédit Buskers à Morge

Comme chaque être vivant sur cette planète, un festival a un ADN propre. Impossible à cloner parce qu’il relève d’une construction complexe : mélange de système de valeurs, de trajectoires individuelles, d’organisation collective, de construction d’un récit, de mise en partage d’espaces, d’imaginaires, de temporalités, de relations, de sensations, d’émotions qui naissent et disparaissent dans l’espace public entre le montage et le démontage de l’événement.

Françoise Ramel, Plan B

2023, nous y voilà !

Le festival Buskers à Morges remet le couvert avec une nouvelle programmation tout aussi éclectique que l’an dernier. Mais revenons en vidéo sur ces rencontres incroyables qui font que j’y retourne cette année.

Crédit Esteban Sandoz, Journal de Morges

Dans le reportage réalisé dans la rue par Esteban Sandoz vous entendrez Sylvie Pasche, la créatrice du festival, un musicien breton et une conteuse cubaine parler de ce qui fait la difficulté de cette proposition, mais aussi sa valeur exceptionnelle.

J’ai vraiment plaisir à revoir ces images, à y retrouver l’émotion de tant de découvertes humaines et artistiques. Je comprends mieux pourquoi j’aspire à vivre ce type d’expérience à l’étranger, alors que je n’ai qu’à sortir de chez moi pour rencontrer et interviewer des artistes dans de superbes festivals internationaux.

Au Festival de jazz de Malguénac, Arts des villes, arts des champs, aux même dates, ou au Festival interceltique de Lorient que je couvre depuis plusieurs années avec l’équipe de Radio Bro Gwened, pendant parfois dix jours. Au fabuleux Festival des chants de marin à Paimpol qui a lieu tous les deux ans.

J’aime le son qui s’écoute en blue touches

A Morges, je vis comme un condensé de tout ce qui me plaît dans la vie, à commencer par la surprise et la liberté, mais aussi une réelle culture de l’accueil et du partage.

Comme chaque être vivant sur cette planète, un festival a un ADN propre. Impossible à cloner parce qu’il relève d’une construction complexe : mélange de système de valeurs, de trajectoires individuelles, d’organisation collective et de construction d’un récit, de mise en partage d’espaces, d’imaginaires et de relations qui naissent et disparaissent dans l’espace public entre le montage et le démontage de l’événement.

Le Buskers à Morges est en soi un exemple du genre. Un festival 100% acoustique dans la ville avec des artistes qui mouillent la chemise plusieurs fois par jour et prennent le temps de se croiser, de discuter sur la durée du festival. Cela crée une ambiance que j’affectionne particulièrement. J’aime pouvoir capter ces instants à travers mes prises de son « roots ».

C’est pourquoi je tenais à prendre part à la naissance de ce nouveau buskers dans le paysage culturel de nos amis suisses. Comme je tiens à poursuivre l’aventure avec la deuxième édition qui promet d’être tout aussi réussie que la première.

Cette ambition culturelle ancrée au local, ouverte sur le monde, est portée majoritairement par des femmes, autour de Sylvie Pasche. Je n’aurais pas fait le déplacement si cela n’avait pas été le cas. J’assume complètement ce parti pris.

Je ne cours ni après les invitations, ni après les selfies avec tel ou tel artiste, d’ailleurs je crois que je n’en ai même pas. Je ne me retrouve pas dans le zapping estival, où une foule sentimentale ressemble finalement à une autre foule sentimentale, apparemment sans soif d’idéal. Ou c’est que je n’ai rien compris du genre humain, c’est fort possible.

J’ai conscience que les festivals, peu importe leur taille, doivent pouvoir avant tout compter sur le modèle économique qui leur permet d’exister et de pouvoir renouveler l’exploit le coup d’après. Ce qui m’interroge ce sont les systèmes à l’oeuvre derrière ces mastodontes de l’industrie culturelle et la façon dont le matraquage formate nos univers.

Les Vieilles charrues ce week-end à Carhaix, 8000 habitants, les organisateurs publient cette photo sur les réseaux aujourd’hui. Les billets se vendent comme des petits pains chaque année. 7500 bénévoles participent à ce succès porté par de grosses têtes d’affiche, un budget de 23 millions d’euros, une organisation rôdée, calibrée, rigoureuse. Crédit Les Vielles charrues

De l’amour et de la magie dans l’air

Vous pourrez découvrir à partir de septembre la Saison 2 de la série Blablaboost, spécialement créée pour Buskers à Morges, avec l’envie de voir la proposition intéresser d’autres festivals bien sûr. Qui qu’en veut ?

En attendant voici de quoi goûter au souffle d’Alambaya et vous laisser captiver par le duo composé de Damien Jalasson et Marco Fonalf qui a assuré le concert d’ouverture d’une toute première fois à Morges !

Je vous laisse savourer la façon dont le silence s’installe dans la pièce jusque là bruissant de conversations et de bruits de fourchette. Attention, il y a de la magie et de l’amour dans l’air.

La Ville de Morges nous accompagne, car nous faisons le choix de l’acoustique. Nous n’avons ni personnel, ni matériel technique, ni câbles pour transformer des lieux propices à la convivialité, à l’écoute, à la détente, au rire, en salle de concert aseptisée. Le seul lieu sonorisé est celui que nous préparons pour « Blablaboost », un podcast enregistré en public chaque soir du festival avec les artistes. 

Sylvie PASCHE, Créatrice du Buskers a morges

B comme bonus

Voir l’article publié par Music in Africa, août 2022

Brise africaine sur le festival Buskers À Morges | Music In Africa

Retrouvez la programmation 2023 ici avec une mondoblogueuse en couverture

Pour écouter la playlist du Buskers à Morges à 11h10 chaque vendredi sur Radio Fest Noz et mes interviews de l’édition 2023 à partir de septembre


De Tahoua à New York, Sage Soldat en mission « ma voix porte d’autres voix »

Le 13 juillet, l’artiste nigérien Sage Soldat est intervenu à New York dans le cadre du High-level political Forum placé sous l’égide du Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC). Une tribune d’exception pour ce jeune africain engagé sur des causes liées à l’injustice sociale et climatique, sur scène en qualité de chanteur, ou au sein d’ONG qui lui proposent un emploi sous contrat.

Sa présence aux USA pendant un mois fait d’ailleurs suite à son recrutement au sein du Global Forum. Cette structure internationale, basée justement dans la ville lumière qui abrite la statue de la Liberté, milite et accompagne les acteurs de terrain. Elle assure un travail de veille sur la mise en oeuvre concrète des objectifs de développement durable, au nombre de 17, sur lesquels les Etats se sont engagés à progresser d’ici 2030.

Ibrahim Yacouba alias Sage Soldat aujourd’hui dans les rues de New York, dépaysement total. Crédit

Sage Soldat, une voix parmi celles d’autres militants (blancs) mieux médiatisés

Le sommet des Nations Unies auquel participe Sage Soldat coïncide avec un vote historique au parlement européen intervenu le 12 juillet, avec cette ambition affirmée : enrayer l’effondrement du vivant. No nature no future !

Militante tenant une pancarte avec le message « Réveillez-vous les humains, vous aussi vous êtes en danger » lors d’une manifestation contre le changement climatique et la destruction de la nature – Crédit Wikimedia Commons

Cette exigence de bon sens engage notre responsabilité en matière de gestion respectueuse du bien commun. Désormais reconnue prioritaire au regard d’autres préoccupations qui semblent prévaloir sur la préservation des ressources et la qualité de nos environnements, la loi dite de restauration de la nature doit beaucoup aux jeunes, voire très jeunes, qui se sont engagés partout dans le monde dans les marches pour le Climat et d’autres actions citoyennes.

Le député européen Pierre Larrouturou, fervent défenseur depuis plusieurs décennies de l’action pour le Climat et pourfendeur de l’inaction coupable des Etats, a publié sur les réseaux une vidéo qui permet de sentir combien cette victoire démocratique contre l’adversité – à commencer par le pouvoir des lobbies et la course aux profits – n’est pas une mince affaire pour des élu.e.s que l’on critique souvent parce qu’ils et elles seraient trop loin du concret des problèmes qui affectent notre quotidien.

Des discours aux actes, l’urgence implique de nouvelles postures

La vidéo publiée sur le site du sommet de l’ONU qui se tient jusqu’au 19 juillet revient sur les enjeux inédits auxquels doivent s’adapter les populations, de gré ou de force. La crise sanitaire a permis de s’interroger sur nos « essentiels », pas sur les modèles.

Yacouba Ibrahim Oumarou, connu dans le milieu musical sous le pseudo Sage Soldat, est originaire de Tahoua. Il est diplômé de l’Université de Niamey, où il a suivi la filière Arts et Culture, après avoir aussi étudié le Droit. Je ne pense pas me tromper si j’écris ici qu’il n’a jamais pensé que sa première scène « rap » dans son village, sur laquelle il a vaincu sa timidité d’ado, le conduirait un jour à prendre le micro devant une assemblée aussi prestigieuse et multiculturelle que celle conviée par l’ONU du 10 au 19 juillet 2023.

Sage Soldat a à son actif plusieurs albums. L’un d’eux s’appelle Destin Live en référence à l’article que j’ai publié dans Music in Africa pour accompagner sa visibilité à l’international. Voilà qui nous ramène en 2018, quelques mois après mon unique séjour au Niger suite à l’invitation du festival Sahel Hip Hop et Musiques du monde.

J’ai rencontré Ibrahim à ma descente d’avion à Paris, début mai. Le feeling est passé immédiatement, sans que je puisse vraiment expliquer pourquoi. Cette rencontre coïncidait étrangement avec la nouvelle le matin même de la perte brutale d’un ami cher, chanteur et musicien, Khalifa Balla. Khalifa faisait partie de Génération Taragalte, groupe de blues du Sahara que j’ai eu grand plaisir à côtoyer pendant plusieurs années à M’hamid el Ghizlane et sur les routes de festivals européens.

Après notre rencontre à Paris en mai 2018, je découvre l’ambiance étonnante d’un très beau festival, où j’ai pu programmer Sage Soldat. Comme le monde est tout petit, c’est grâce à une jeune bretonne fan de Génération Taragalte que j’avais décroché cette opportunité – Crédit L’Arbre qui marche

Dans son intervention pour le Global Forum, Sage Soldat s’est exprimé pour évoquer le sort de populations marginalisées et proposer des pistes d’action. Dans le monde entier, rappelle-t-il, ce sont les communautés les plus pauvres et les plus vulnérables qui subissent de manière disproportionnée les effets du changement climatique, en raison de leur manque de ressources pour y faire face et s’y adapter. L’injustice climatique est intimement liée à la discrimination systémique qui régit les positions socio-économiques inégales au sein d’une société.

Il faut dire que si le Niger occupe une 8è place dans un palmarès, c’est parmi les 15 pays les plus pauvres du monde, alors que son sous-sol regorge de richesses comme dans bon nombre de pays africains. En 2023, ce pays pour qui la démocratie reste une conquête récente et fragile affiche un produit intérieur brut par habitant de 573 dollars.

En 2014, 45,4% des Nigériens vivaient sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale. Même si le PIB est un indicateur non satisfaisant pour rendre compte de la « richesse produite » dans une approche comparée, il suffit de s’intéresser un peu au Sahel pour savoir quelles réalités et quelles injustices ce chiffre recouvre.

En finir avec le racisme et les « anciens esclaves » ?

Parmi les riches, il y a toujours les plus riches, avec au passage une prime au gagnant. L’argent ne fait pas le bonheur soi-disant, il suffit en effet de regarder où va le monde pour s’en persuader. Et pourtant. Plus tu es riche, plus tu prends des risques de devenir encore plus riche, et sans rien faire pour cela !

Dans les populations pauvres s’exerce aussi une logique de différenciation et de domination. Mais elle s’accompagne de discrimination négative, avec le plus souvent la mise au rebut de la société des individus les moins considérés pour des raisons de statuts ou d’ascendance. Certains métiers leur sont réservés, il leur est impossible de se marier avec un homme ou une femme d’une condition différente de la leur. Ces « castes » marginalisées sont les cibles idéales de formes de racisme qui existent aussi en Afrique, d’Est en Ouest, du Nord au Sud.

C’est le cas de groupes connus sous de nombreux noms tels que Haratin, Limalmine, Jongo et bien d’autres variations, l’appellation « anciens esclaves » est aussi fréquente, expose Sage Soldat dans son intervention avant de préciser en quoi la culture est son levier d’action.

Il faut exploiter l’énergie de la musique et de l’art pour toucher certaines des communautés les plus marginalisées. L’investissement ne peut s’arrêter aux services de base, nous devons aussi financer et utiliser ce pouvoir de changer le monde grâce à la portée universelle d’une seule chanson. Je crois fort au pouvoir de la musique, aux textes et messages qu’elle porte. 

Sage Soldat, 13 juillet 2023, siège de l’ONU, pour Global Forum, New York

Meilleur artiste reggae

Sage Soldat a été récemment primé meilleur artiste reggae au Niger. Il s’adresse aux jeunes dont il connaît le désarroi d’être confrontés à l’absence de vraies opportunités pour sortir de leur condition, se projeter vers un avenir meilleur. Il insuffle dans ses concerts un espoir quasi-viscéral parce qu’il n’y a pas d’échappatoire, sinon la capacité à rire de ses propres malheurs.

Sage Soldat sait de quoi il parle, lui qui n’a pas pu être présent par exemple à Abidjan en juin 2019 sur la scène du Festival Afropolitain Nomade, où il était programmé. Il n’a pas trouvé à temps les fonds nécessaires pour se rendre en Côte d’Ivoire. Avec la pandémie en 2020 et 2021, il n’a pas eu l’occasion de partager une aussi belle visibilité internationale, même s’il a pu donner un concert aux couleurs de ce festival chez lui à Niamey, à l’Institut culturel français.

Ce prix reconnait l’engagement, le talent et le travail de longue haleine réalisé sur la durée par Sage Soldat au Niger

Mes chansons incitent aussi à ne pas tomber dans le piège de l’extrémisme et d’éviter les ennemis de la paix, ce qui est crucial pour l’avenir du Sahel.

Sage Soldat

La persévérance a ses vertus. Sage Soldat a pu se produire en concert le 15 juillet à New York à quelques minutes du siège de l’ONU. Il s’en souviendra longtemps !

L’inclusion pour penser « avec » et pas « pour »

Ibrahim Yacouba fait partie de cette génération connectée qui porte des aspirations pour tout un continent et la planète entière. C’est pourquoi, quand il appelle à la solidarité internationale pour clore son discours, ce n’est pas en référence aux décennies qui ont placé l’Afrique dans une position de second voire de troisième rang sur l’échiquier géopolitique.

C’est pour signifier l’interdépendance qui fragilise dans son ensemble les équilibres négociés jusqu’à présent entre puissants de ce monde, dont la survie même dépend de notre capacité à produire collectivement des changements de pratiques et des solutions pour réduire les impacts d’erreurs passées. Pas demain ou dans vingt ans.

MAINTENANT !

Nous devons favoriser la participation et l’engagement des jeunes et des communautés locales en les impliquant dans la prise de décisions. Les jeunes et les communautés sont les mieux placés pour comprendre leurs propres besoins et contribuer activement à la création des solutions durables. Nous devons les écouter, les soutenir et les autonomiser pour qu’ils deviennent de véritables partenaires dans notre quête commune de villes et de communautés durables.

Sage Soldat

B comme Bonus

Pour avoir une idée des débats et des expressions

Page d’accueil | UN Web TV

Pour voir le descriptif de la séance dans laquelle Sage Soldat était intervenant

Pays africains, pays les moins avancés et pays en développement sans littoral Inverser la tendance, regagner le terrain perdu et s’engager sur la voie des ODD | Forum politique de haut niveau 2023 (un.org)


Mané Touré, ambassadrice de The Festival Academy en Bretagne

Le festival Paysages, rencontres poétiques de Motten Morvan, a tenu sa 3è édition du 30 juin au 2 juillet à Mûr-de-Bretagne, dans les Côtes d’Armor. A cette occasion, l’association Timilin a accueilli pendant trois semaines une productrice culturelle de Dakar, Ndèye Mané Touré, désireuse de s’inspirer de ce rendez-vous régional en zone rurale.

L’événement s’inscrit de façon innovante au carrefour de plusieurs préoccupations : la promotion des sciences humaines, notamment l’archéologie et l’Histoire, l’écologie, la coopération et notre capacité d’agir en tant que citoyens.

La recette en est simple. Faire se rencontrer chercheurs, poètes, habitants, dans le cadre familier d’un environnement quotidien : un clocher, un bar-PMU, un marché, une place ou encore un cinéma rural où la troupe de théâtre locale donne ses représentations. Passer du temps ensemble, passer du bon temps ensemble.

Près du lac de Guerlédan, un hameau porte le nom de mon invitée de marque, à sa grande surprise – Crédit Françoise Ramel

Festival « Paysages », le choix de la Culture du local à l’international

Après avoir fêté les 20 ans de l’association Timilin en 2022 dans un bourg du Morbihan de 600 âmes, j’ai passé neuf mois à concocter une nouvelle programmation dans un autre village breton à proximité de Motten Morvan avec le désir de renforcer notre rayonnement à l’international.

Pari réussi grâce à l’intérêt exprimé par Ndèye Mané Touré, productrice sénégalaise originaire de Kaolack, pour s’associer à cette expérience originale ancrée au local, à l’Histoire de Bretagne. La mise en relation s’est faite trois mois avant le festival grâce à un dispositif de mobilité réservé aux professionnels de la Culture, The festival Academy, structure associative basée à Bruxelles.

The festival academy, Mané Touré
Le festival « Paysages » porté par TIMILIN est le seul à représenter la France dans le catalogue d’offres à la mobilité de The festival academy. Une nouvelle offre de placement sera publiée en septembre par notre partenaire européen.
Crédit : The festival academy

Pour être honnête, quand j’ai vu le CV de Ndèye Mané Touré débarquer dans ma messagerie, j’ai pensé que nous n’avions rien à lui apporter.

Accueillir engage une responsabilité

Malgré l’opportunité, ne pas donner suite semblait une évidence. Pour des raisons financières, d’abord, les dépenses du festival doivent être ultra limitées, mais aussi parce que l’amateurisme lié à ma posture bénévole me semblait, dans ce cas précis, peu compatible avec le vécu d’une productrice professionnelle. Pourtant, après avoir reçu à ma grande surprise deux autres candidatures, une du Maroc, l’autre de Turquie, j’ai revu ma position.

Ndèye Mané Touré lors de l’installation de l’expo « Tessons » au programme du festival Paysages 2023 – Crédit Françoise Ramel

Avant de prendre une décision, il me fallait comprendre ce qui pouvait inciter trois volontaires à vouloir vivre l’expérience d’une proposition qui semble tellement décalée par rapport aux autres grands festivals parmi lesquels « Paysages » fait figure d’OVNI. Vous imaginez, un festival autour du partage du savoir dans un bourg rural quasi désert, sans aucune aide publique pour financer ce projet, pas même de la part des communes qui bénéficient directement de notre apport et de nos réseaux.

C’est le prix à payer pour ne pas remettre à demain ce qui peut être fait aujourd’hui. Entre l’ornière et le sillon, la différence repose sur deux formes d’élasticité singulières. Celle qui conduit à nous enliser et à finir par adopter des postures fatalistes, entraînant leur lot d’inertie, de discours et de clichés parfois malsains. Fréquences basses, dirait Mané.

Celle qui consiste à se retrousser les manches, à passer à l’acte, à se mettre au travail, peu importe si cela peut sembler être une goutte d’eau dans un océan d’indifférence. Peu importe si la prise de risque, toute relative, n’offre aucune garantie de résultat.

Accueillir Mané ou tout autre personne qui serait venue de si loin, à ses frais, pour m’aider, engageait ma responsabilité. J’ai préféré relever le challenge plutôt que passer à côté d’une telle chance offerte sur un plateau au festival « Paysages ».

A Rennes, une cuisinière sénégalaise apostrophe Mané, je saisis sur le vif cette rencontre furtive. Crédit Françoise Ramel

Le Tro Breizh de Mané (tour de Bretagne)

Ndèye Mané Touré est productrice. Elle a fait le choix du Sénégal quand elle aurait pu faire des études supérieures en France après son bac. Elle a fait le choix de la Culture quand elle aurait pu faire carrière dans une grande entreprise avec son diplôme d’école de commerce. Elle a fait le choix de l’autonomie, de l’audace, de l’initiative, quand son expérience, ses compétences et son réseau auraient pu lui ouvrir la porte d’institutions.

Quelques heures après son arrivée à Saint-Brieuc le 19 juin, Mané était en direct sur les ondes de Radio Bro Gwened. J’ai aimé que nous fassions connaissance dans ce studio, sans fard, sans aucune possibilité de rattrapage s’il s’avérait que nous n’étions pas en capacité d’expliquer ce que nous envisagions de partager durant trois semaines sans programme prédéfini en dehors des trois jours du festival.

Le 20 juin, avec Ndèye Mané Touré dans les studios d’une radio associative bilingue, Pontivy Crédit : Radio Bro Gwened

Extraits de l’interview en direct conduite par mon amie Claire Goualle.

Je cherchais un territoire d’exploration. Quand j’ai vu dans la liste d’offres de placement de The Festival Academy un festival en zone rurale, j’ai su que c’est ce que je voulais expérimenter.

Mané Touré, Makeda production, Dakar

J’avais franchement la trouille. Je suis contente que Mané ait cette confiance, qu’elle m’ait donné cette confiance. Nous gardons le lien avec deux autres candidats, Youssef au Maroc, et Rami, réfugié syrien en Turquie.

Françoise Ramel, présidente de TIMILIN, moudre nos idées ensemble

Cette sénégalaise habituée à travailler avec une multitude d’interlocuteurs, dont des européens, méconnaissait complètement ce qui fait notre culture, à commencer par l’existence d’une langue : le breton. Il faut dire que des français l’ignorent également, aussi fou que cela puisse paraître.

J’ai parcouru un grand nombre de kilomètres pour que Mané profite un maximum de son séjour. Cela m’a permis de mieux identifier en quoi mon réseau peut lui être utile. Cerise sur le kouign amann (gâteau breton célèbre jusqu’au Japon !), nous avons pu passer deux journées en compagnie de chercheurs du monde entier à l’occasion d’un colloque international de sociologues dont les travaux de recherche portent sur les espaces ruraux.

Autant dire que les planètes étaient vraiment alignées ! Ce congrès n’a été organisé en France qu’une seule fois depuis sa création. Au passage, faut-il vraiment s’en étonner ?

Plus de 400 inscrits, c’est dire la pertinence et l’actualité du propos. Je vous invite à lire dans les bonus la façon dont les problématiques des zones rurales étaient présentées en amont de ce 29ème congrès international. Passionnant et si peu médiatisé !

Avant de participer au colloque, j’ai conduit Mané à quelques kilomètres de la métropole, à Châteaubourg, pour lui montrer le Jardin des Arts, initiative privée soutenue par la commune, bel exemple de partenariat public-privé qui m’inspire Crédit Françoise Ramel

B comme best of

Il me faudrait plus que ce billet pour dire toute la richesse de ces trois semaines partagées avec Ndèye Mané Touré. J’aimerais pouvoir archiver sur Plan B ne serait-ce que 10% de ce que nous avons eu la joie et le plaisir de vivre ensemble. Ce serait déjà bien.

Ma collaboration avec Music in Africa, autre lien plus ancien avec Dakar, m’a permis de mettre en avant les rencontres faites avec des musiciens durant ces trois semaines.

Mané Touré a pu rencontrer en Centre-Bretagne le poète Alexis Gloaguen, avec qui je commencerai prochainement à réfléchir à la programmation de l’édition 2024 du festival « Paysages » Crédit Françoise Ramel

Pour Plan B et Mondoblog, voici dans le désordre du tiercé gagnant, « Mané, la Bretagne et nous », ce qui remonte spontanément à la surface, parce qu’il faut bien faire un choix :

  • la soirée improvisée à Redon avec Jacky Meslin, archéologue reconverti dans le numérique pour œuvrer à la médiation du patrimoine avec son entreprise Neotopia (paysage : port de Redon, terrasse d’un cinéma associatif)
  • la rencontre avec Coralie Le Bouvier, coordinatrice de l’association Le Temps des sciences, dont j’ai découvert qu’elle avait des liens forts avec l’Afrique de l’Ouest (paysage : local associatif, centre ville de St-Brieuc)
  • l’échange avec Ruben Savels, doctorant en agro-écologie à l’Université de Gand, amateur de chants de marin bretons (paysage : plage en fond de Baie de St-Brieuc, grosses machines ramassant des algues vertes avec des recycleurs d’air pour protéger les conducteurs des effets toxiques liés à la décomposition de ces végétaux marins nourris au lisier de cochon)
  • le concert en breton dans l’église de Saint-Aignan (paysage : cadre architectural splendide imprégné de notre héritage médiéval, chant des habitants et du poète haïtien Watson Charles reprenant à pleine voix le Bro Gozh, hymne national, sous le regard de Saint-Cornely)
  • les moments de repas pendant le festival avec aux manettes un cuistot bénévole de Mûr-de-Bretagne rencontré quelques jours plus tôt, Florian Dehoux. Cet incroyable bonhomme a eu l’idée géniale de la savoureuse galette saucisse au mafé, dont nous allons déposer les droits, la Dakar-Breizh. Merci Mané et Florian pour ce régal ! (paysage : la charpente des halles de Mûr-de-Bretagne, patrimoine réhabilité récemment, les discussions entre invités du festival, les inconnus qui viennent se joindre à nous car ils et elles ne trouvent rien d’ouvert dans le bourg, pourtant touristique !)
  • l’installation des photos de l’exposition de mon ami Roland Le Gallic « Tessons » pour accompagner des travaux d’élèves de CM1-CM2 d’une école rurale réalisés suite à une visite pédagogique à Motten Morvan concoctée par 4 étudiants de Master 2 de l’Université de Rennes (paysage : petite maison appartenant à la commune, volets habituellement fermés, l’étage n’a pas encore été réhabilité et pourrait s’avérer être un lieu très intéressant pour une association œuvrant pour l’éducation, le patrimoine, l’environnement et la coopération internationale)
  • les conférences au cinéma Jeanne d’Arc, où Mané gère la technique comme si rien n’était plus normal. Mané y a découvert le court-métrage « La ferme de Sophie » de Nathalie Lay, que vous pouvez voir en ligne dans son intégralité dans les Bonus en fin d’article (paysage : la grande salle obscure sent le renfermé au premier contact, mais nous y sommes assis de façon confortable et surtout c’est le lieu idéal pour enregistrer sous forme d’archives sonores de qualité les savoirs qui y sont partagés).
  • la découverte de l’Anse de Sordan près du gîte rural où nous séjournons la plupart du temps, il est plus de 23h, il fait encore jour. Mané ne connait pas ces ambiances d’équinoxe, ni ces lumières qui jouent de reflets à la surface du lac de Guerlédan (paysage : un restaurant fermé, des jeunes se baignent, heureux, insouciants, en tout cas, c’est ce que je veux croire, il fait doux, la forêt étend son ombre sur les rives, la chanson d’un rêve de matin du monde s’invente dans le silence)
  • la découverte d’un point commun improbable, à quelques jours du départ de Mané, je lui ai mis dans les mains un Hors Série du Figaro sur la Bretagne réalisé par une de mes invitées Femmes de caractères. Mané feuillette la revue sur la plage du Moulin à Etables-sur-Mer. Elle est concentrée sur un article dédié aux mégalithes, « La terre des géants ». A Kaolack, sa ville d’origine, d’autres géants de pierre du néolithique sont les témoins muets d’une civilisation autre que la nôtre, connectée aux étoiles et aux forces telluriques de la Terre Mère. J’ignore tout de ce patrimoine inscrit à l’UNESCO (paysage : l’ambiance estivale de la terrasse du Via Costa, en soirée, super spot face à la mer)

Kaolack sonne alors à mon oreille comme Carnac. Savez-vous que Ker en breton signifie « petit village » et que ce terme existe en wolof avec une signification analogue ?

L’avenir nous dira si nous pourrons, Mané et moi, favoriser la rencontre entre de jeunes bretons et des archéologues sénégalais. Deux d’entre eux font désormais partie de mon paysage : Fode Fenda Diakho et Sire Ndiaye.

Lors de mon premier échange à distance avec le jeune doctorant de Kaolack, j’ai appris que sa passion lui vient d’un enseignant-chercheur de l’Université de Rennes, Luc Laporte. Quand je vous dis que les planètes se sont alignées !

Petit flashback sur une belle découverte à Pontivy, la crêperie traditionnelle Chez Nicole. Et ça c’était juste son premier jour en Bretagne ! Crédit Françoise Ramel

Née sous une bonne étoile

Mané Touré lancera en octobre un festival en zone rurale qu’elle a choisi d’appeler Bideew, étoile en wolof. Le voyage ne fait que commencer. Pour l’heure, Mané est attendue en Italie, puis en Espagne.

Mané Touré

Voici le très beau texte faisant référence au cosmos que la créatrice du festival Bideew a écrit pour The festival academy.

SYZYGY
Mon expérience en Bretagne est tel un syzygy, un alignement des objets célestes tant tout était parfait et interconnecté à la fois. Tout d’abord, le Festival Paysages, Rencontres Poétiques de Motten Morvan faisait écho à notre festival Bideew de par son caractère rural. Mais ceci est l’arbre qui cache la forêt, son organisatrice Françoise Ramel, Présidente de l’Association Timilin a une vision très proche de la mienne, elle a cette possibilité de voir les choses dans leur globalité et de saisir des jonctions dans des endroits improbables. Cette première collaboration pour le placement des Alumni de The Festival Academy est un succès total car, ce séjour pour moi était au-delà d’un simple partage sur la production d’événement mais c’était et surtout une expérience à taille humaine.
J’ai découvert et apprécié auprès de Françoise Ramel la Bretagne à travers ses paysages, ses us et coutumes, mais surtout ses mythes et légendes : Saint Cornely en est témoin !
L’aventure continue, ce sera pour la prochaine fois de Kaolack à Carnac à travers les mégalithes, nos jeunes archéologues doctorants…
Et puis, ce n’est pas tout, il y aura peut-être un Kër Mané dans le hameau qui porte le même nom.
SYZYGY vous dites ?

Ndèye Mané Touré

Pour l’association Timilin, moudre nos idées ensemble, les apports multiples d’une actrice de la Culture africaine dans nos projets sont la parfaite illustration que nous pouvons franchir un nouveau cap et partager encore plus largement cette aventure humaine autour de la transmission des savoirs inspirée du concept que j’ai créé dans une auberge de jeunesse à Pontivy en 2011 : « Bienvenue dans mon labo grandeur nature ».

On peut être dans son coin, faire des choses, alors que l’on porte des sujets universels.

Mané Toure, productrice de Dakar sur les ondes de Radio Bro Gwened
Moment détente extraordinaire et branché à la Base de Lorient, ville portuaire détruite par les bombardements de la 2ème guerre mondiale
Crédit Françoise Ramel
Mané entourée chaleureusement par les musiciens de Hoffmann Family Blues Expérience après leur magnifique concert à Mûr-de-Bretagne pendant le festival Paysages, rencontres poétiques de Motten Morvan – Crédit Françoise Ramel

B comme Bonus

Mûr-de-Bretagne : 3e Festival Paysages, rencontres poétiques de Motten Morvan – Patrimoine

Une journée de partage solidaire avec Timilin, à Guerlédan | Le Télégramme (letelegramme.fr)

À Guerlédan, une forge à l’ancienne en centre-bourg | Le Télégramme (letelegramme.fr)

Pour connaître le caractère exceptionnel des cercles de pierre de Sénégambie

Aperçu régional grâce au site web Le peuple breton

Saint-Aignan. Chantier participatif et portes ouvertes sur le site de Motten-Morvan (lepeuplebreton.bzh)

Mon témoignage sur France Inter dans Carnets de Campagne en 2018

Voir le court-métrage de Nathalie Lay, La ferme de Sophie projeté par Mané Touré

https://www.youtube.com/watch?v=2KCUiV99KpY&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.bing.com%2F&embeds_referring_origin=https%3A%2F%2Fwww.bing.com&source_ve_path=Mjg2NjY&feature=emb_logo

Crises et avenir des zones rurales

L’Institut Agro Rennes-Angers organise du 3 au 7 juillet à Rennes le 29e congrès de la société européenne de sociologie autour du thème : Crises et avenir des zones rurales.

Les mois et les années qui viennent de s’écouler nous ont amenés à nous interroger sur la nature de ce que nous considérons comme normal et de ce que nous considérons comme une crise. La crise COVID, la guerre et ses conséquences, la crise climatique, tout cela modifie notre façon de penser le monde et d’y agir.

Comment ces changements rapides affectent-ils les zones rurales et la façon dont elles sont imaginées ? Le monde rural est-il nouvellement en crise ou doit-il être considéré comme ayant longtemps – ou peut-être toujours – été en crise, sous des formes parfois peu éclairées ? Pouvons-nous encore considérer le monde rural comme un lieu de stabilité ? Quelles sont les crises qui traversent le monde rural et où et quand ces crises sont-elles apparues ? En ce qui concerne les crises les plus pressantes, quelles sont les choses qui étaient considérées comme allant de soi dans le monde rural et qui sont aujourd’hui remises en question ? Et, inversement, quels sont les nouveaux défis, les nouvelles voies et les nouveaux avenirs pour le monde rural qui ont été ouverts ?

Société européenne de sociologie rurale


Initiative à impact et créativité, que dit du monde le palmarès du Green Awards Festival ?

Grand Prix du documentaire 2023, Green Awards Festival, Deauville, France, réalisation Alex Pritz, New York

Une fois n’est pas coutume. Je reproduis ici dans son intégralité le communiqué de presse d’un festival auquel j’ai eu la chance de participer en juin 2018 grâce au Sahara et au film de Nicolas Van Ingen « Une oasis d’espoir ». Ce communiqué vient d’arriver dans ma messagerie avec un palmarès qu’il me semble utile de partager sur Plan B. Le Green Awards Festival a eu lieu à Deauville les 7 et 8 juin. Plus de 500 films étaient en compétition pour décrocher une distinction, même si le mot n’est pas très adapté dans ce contexte.

Car ce rendez-vous professionnel dédié au cinéma du réel est avant tout un lieu de construction d’une nouvelle forme de bien commun, aussi bien pour les réalisatrices et réalisateurs, leurs équipes, que pour les chaînes qui produisent et diffusent des documentaires, ou les écoles qui forment des créatrices et créateurs de contenus journalistiques, scientifiques, humanistes. Comme une fabrique d’intelligence collective à l’heure où il est difficile d’échapper à la mention IA et à son corollaire ultra-populaire : la distraction numérique.

En marge de la préparation du Festival Paysages, que j’organise dans une petite commune rurale éloignée des grands centres de décision et où j’attends entre autres un poète haïtien et une créatrice de festival au Sénégal, j’ai capté au vol une des tables rondes organisée à Deauville. Les propos et le ton des jeunes qui s’exprimaient au micro révèlent mieux qu’un journal télévisé bien ficelé, ce qui caractérise le tournant de l’Histoire de l’Humanité dans lequel nous sommes, de gré ou de force, conscients des obstacles à franchir ou dans le déni, en capacité d’agir ou déjà anéantis.

Vous pouvez retrouver en ligne cette table ronde animée par José Rexach de Humeco, en présence des youtubers et des activistes Coline BLF, Camille Etienne ou encore Arthur Gosset. Le thème de l’échange ? Les nouvelles conceptions du monde portées par les jeunes générations en France et à travers le monde, rien que çà ! Et une formule incroyable de l’animateur de séance avant de lancer les prises de parole sur le fond. « J’étais en manif hier, je me suis fait gazer. »

De la banalisation de la violence policière dans nos sociétés démocratiques qui devraient se faire violence pour retrouver un peu de raison et d’humilité face aux enjeux que doivent affronter les jeunesses du globe. Il est tentant d’ajouter, comme une figure de style, « mais c’est un autre sujet » ou « c’est une autre histoire ».

Sauf que NON justement, tous ces phénomènes sont très directement liés entre eux et aux logiques de domination qui font système pour continuer à piller les ressources. Dans l’affrontement entre des visions diamétralement opposées d’un avenir commun (ni juste, ni équitable, ni désirable) sont pour le moment broyés et réduits au statut de rébellion, de désobéissance civile, les espoirs d’émancipation de toute une génération.

Pourtant quel autre choix s’offre à nous raisonnablement que transformer nos sociétés sédentaires 100% dépendantes avant que nos environnements et nos économies locales nous contraignent à payer plus brutalement encore les conséquences d’une faillite planétaire ?

Un jeune réalisateur breton primé

Court métrage réalisé sur une plage bretonne récompensé à Deauville

Dans le palmarès, je suis heureuse de retrouver Paul Marquès Duarté. Voici ce qu’écrit l’ancien directeur de KUB, l’agence bretonne dédiée à l’audio-visuel, Serges Steyer, sur ce film de 13′ primé à Deauville le 8 juin.

Garfield Coquillage ne nous dira pas ce qu’il faut en penser, le film nous rappelle seulement que nous ne partageons pas tous la même compréhension du monde et de son naufrage et que même les détritus peuvent stimuler nos imaginaires.

Serge SteYER, Source KUB

En 2021, Paul m’avait appelée pour me demander s’il pouvait venir se mettre au vert chez moi à St-Aignan. A la question « Quand », il avait répondu simplement « Demain ! ». J’ai aimé cette simplicité et je me suis contentée de faire en sorte que cette visite de courte durée soit archivée à la fois dans la presse écrite et à la radio.

Morbihan : un écrin boisé centre-breton pour plancher sur un scénario | Pontivy Journal (actu.fr)

Vous pouvez écouter Paul Marques Duarté ici au moment où les salles de cinéma pouvaient enfin retrouver un public.

Communiqué de presse de Green Awards Festival

Communiqué de presse
9 juin 20232
Hommage aux initiatives à impact et à la créativité !
La 12e édition du festival touche à sa fin après deux jours de rencontres et d’échanges autour des nouveaux récits et de la transition écologique. Avec plus de 500 films inscrits provenant des quatre coins du monde, cette nouvelle édition a démontré la puissance de la créativité engagée pour catalyser le monde de demain !
Le festival s’est donc conclu en beauté avec la grande soirée de remise des Prix aux
Franciscaines, où la centaine de films finalistes répartis en 3 compétitions et 15 catégories thématiques se sont vu attribuer les prestigieux Green Awards ainsi que les 3 Grands Prix devant un parterre de professionnels et de personnalités engagées. Cette année le festival a également récompensé deux podcasts, une grande première !


Le Palmarès 2023

Grand Prix SPOT : La mèche réalisé par Nicolas Monette et produit par Gorditos pour1
l’agence LG2 et le Ministère de la santé Canadien qui aborde le sujet sensible du suicide
avec beaucoup de douceur et d’empathie.
Grand Prix INFO : L’affaire Maks Levin réalisé par Arnaud Froger et Robin Grassi pour
Bottoms Up et Reporters Sans Frontière qui nous plonge dans une enquête immersive
autour de la mort de ce journaliste ukrainien froidement exécuté par l’armée russe.
Grand Prix DOCU : The Territory réalisé par Alex Pritz pour Capa Presse et National
Geographic qui nous emmène en Amazonie brésilienne avec le peuple Uru-eu-wau-wau
dernier rampart pour protéger cet écosystème vital.
Les trophées Or, Argent ainsi que les Prix Spéciaux de partenaires prestigieux comme le
Ministère de la Culture, TV5 Monde, Bpifrance, l’ADEME, Pollutec, TF1 ont parachevé, à
leur tour, cet état des lieux remarquable de l’audiovisuel responsable à travers un palmarès d’exception en 2023.


Focus nouveaux récits

Comment la création et la communication audiovisuelle peuvent pousser au passage à
l’action ? Un panel de choix a réaffirmé le rôle inspirationnel de la pub : ARPP, l’ADEME,
Kantar, l’ADN et Hadi Rassi de la chaine Ami des lobbies. Discussion diffusée en live sur
Facebook avec en deuxième partie, une grande discussion autour des nouveaux
imaginaires au cinéma avec Echo-Studio ou le Ministère de la Culture autour du concours Fiction pour demain qui célèbre la création audiovisuelle francophone autour du monde quivient ou bien encore une grande séance de pitchs pour concrétiser de nouveaux projets de films inspirants en présence d’acteurs clés comme Arte, TF1, France TV ou encore Ushuaia TV, partenaire historique du festival. Sans oublier la Fabrique des récits qui a présenté son guide L’écran d’après ou bien encore Valérie Martin de l’ADEME avec l’Assemblée citoyenne des imaginaires et enfin une fresque des nouveaux récits qui a été proposée aux leaders culturels rassemblés à Deauville.
“L’important est que tout soit fait dans une démarche collective” Caroline de Chantérac de La Fabrique des Récits.


L’éco-production sous les projecteurs

Mettre en image le monde qui vient est clé, encore faut-il le faire de manière
éco-responsable ! L’après-midi du jeudi 8 juin, le festival a offert une tribune au CNC pour présenter le nouveau cadre de l’éco-production en France à travers son “Plan action” en compagnie de l’association Ecoprod et différentes solutions concrètes comme
TheGreenShot ou bien les derniers plateaux virtuels de Sony pour limiter l’impact environnemental d’une production audiovisuelle à l’occasion d’un live sur LinkedIn et sur
Facebook. Un tour d’horizon des bonnes pratiques en Europe a été proposé aux festivaliers ainsi qu’une fresque du film pour initier la transition d’un maximum de professionnels à l’issue de cette 12ème édition.


Focus énergie

En 2023, la transition énergétique est sur toutes les lèvres et le festival lui aura dédié deux belles séquences : la grande soirée du 7 juin présentant les initiatives en Normandie, en pointe notamment sur l’hydrogène ou l’éolien off-shore, en présence de Benoit Laignel, délégué français du GIEC. Et la matinée du 8 juin, une grande table-ronde (relayée en livestream) a permis de confronter avantages et inconvénients des énergies nucléaires et renouvelables dans le mix énergétique français tout en approfondissant la question centrale de la sobriété énergétique conditionnant notre respect des Accords de Paris selon les experts.


Grand public

Le festival a de nouveau proposé de nombreuses séquences au grand public : plusieurs
projections débats au cinéma Morny de Deauville pendant les deux jours ainsi que fresques, escape games, une masterclass #FilmeTonFutur aux étudiants normands et un grand live YesFuture! autour de l’engagement et des nouvelles visions du futur par les jeunes générations en présence d’activistes et youtubeurs engagés comme Camille Etienne ou Arthur Gosset (du mouvement des bifurqueurs) ou encore de représentants des UNESCO Green Citizens ainsi que la remise de prix des Young Creative Awards qui a cette année rassemblé plus de 200 films de jeunes créateurs de moins de 30 ans à travers le monde.

B comme Bonus

Site du réalisateur de The Territory, Alex Pritz

Focus sur le programme de la 12è édition

Tous les films programmés au Green Awards Festival sont ajoutés au catalogue de la BNF, une ressource inestimable à consulter ici

Court métrage d’une réalisatrice sensible au devenir des zones rurales qui aurait pu faire partie de cette édition Green Awards Festival et que j’ai programmé au festival Paysages

https://www.youtube.com/watch?v=2KCUiV99KpY
Très beau documentaire pour évoquer notre lien avec le vivant, la force des systèmes dominants et le courage d’une éleveuse

Pour voir ou revoir le documentaire que j’ai créé bénévolement pour Télé Maroc après ma rencontre à Pontivy en novembre 2016 de la journaliste marocaine Leila Lahlou, c’est ici. Je n’ai pas d’autres supports que ce lien Facebook pour diffuser et promouvoir ce très beau film à impact tourné dans le désert en darija pour toucher d’autres jeunes du monde arabe. Aucun marocain de l’équipe de tournage n’était déjà venu au Sahara. J’ai rêvé de pouvoir présenter ce film « M’hamid el Ghizlane » en festival depuis sa première diffusion TV en octobre 2017, ça ne s’est jamais fait, pas même au Maroc.

مدينة وذاكرة يشد الرحال إلى « محاميد الغزلان » آخر واحة في وادي درعة – YouTube

Adil Bel, jeune nomade francophone et anglophone que j’ai impliqué dans le tournage du documentaire « M’hamid el Ghizlane », printemps 2017, M’hamid el Ghizlane, production Télé MarocCrédit Françoise Ramel

Donnons nous rendez-vous à la 13ème édition de Green Awards Festival, si vous avez un film à proposer ! Il y a forcement une catégorie adaptée pour que vous vous sentiez légitime de présenter un contenu. C’est l’intérêt de cette initiative de pouvoir élargir le prisme et donner à voir tant de diversité dans les formats, les modes de récits, les sujets traités.


Un monde en héritage : invitation à voyager dans l’Histoire !

Qui n’a pas en tête de grandes épopées, le destin funeste ou victorieux d’explorateurs partis à la recherche de connaissances à l’autre bout du monde ? Voyage ! Qui n’a pas rêvé un jour de mettre les voiles pour tracer sa propre route vers des horizons inconnus ? La Bretagne est une terre de voyageurs, de voyageuses, autant par sa géographie que par son histoire unique aux portes de l’Europe entre Manche et Atlantique. Au coeur de nos terres hospitalières, à Pontivy, un de mes rendez-vous préférés a pu à nouveau se tenir début avril : la Biennale du Livre d’Histoire. Visite guidée d’une exposition dédiée à Marco Polo, présence de nombreuses maisons d’éditions, d’associations, rencontre de passionnés, coups de coeur, je me suis vraiment régalée.

Vrai coup de coeur, je suis subjuguée par le talent de Briac, dessinateur breton que j’ai découvert et rencontré grâce à la Biennale, la force poétique qui se dégage de la BD « Le Méridien » parle à mes rêves Briac et Le Gouëfflec © Locus Solus

Pour les 40 ans de la radio où je suis bénévole, Radio Bro Gwened, j’ai profité de cette rare occasion pour archiver une quinzaine d’interviews qui rend bien compte de la qualité exceptionnelle de cette offre culturelle. Sans attendre la mise en ligne de ces podcasts sur l’audioblog d’Arte Radio, je vous invite avec Plan B à partager ce sympathique voyage dans l’Histoire… du voyage !

Mais avant de nous embarquer, petit clin d’œil musical, car le temps nous prend toujours trop de temps ! Merci Julien Clerc !

Si vous voulez connaître l’histoire de ce grand succès, voilà de quoi vous offrir un premier voyage de 5′ dans l’Histoire de la variété française grâce au podcast « Ces chansons qui font l’actu ».

Chanson de Julien Clerc en Live dans l’émission Champs Elysées du 25 septembre 1982 – INA

On a toujours un bateau dans le coeur

Dans ce Centre-Bretagne qui m’est cher, l’Argoat (forêt), par opposition à l’Armor (mer), j’ai participé du vendredi au dimanche soir à la Biennale du Livre d’Histoire en jonglant avec enthousiasme et conviction entre deux casquettes bénévoles : celle de présidente d’une association pontivyenne, Timilin, celle de chroniqueuse radio.

Le thème de cette édition 2023 entrait en résonance directe avec mes centres d’intérêt variés, mon engagement pour la diversité, les paysages, le partage de savoirs, la liberté d’agir.

Je vous en livre ici quelques aperçus. « Partir, partir, on a tous un bateau dans le coeur »

L’essentiel à retenir de ce billet, c’est que où que vous soyez, quelques soient vos empêchements, le point de départ du voyage n’est jamais plus loin qu’à l’endroit du cosmos, où votre imaginaire décide de s’emparer de la première occasion pour s’évader et construire ses propres divagations.

Mon admiration va à Erwan Seure-Le Bihan, dessinateur breton qui nous offre le plaisir de pouvoir associer ces rencontres à un magnifique visuel. Je salue aussi la performance de Jérôme Nédélec, auteur de romans historiques, recruté par la municipalité pour gérer l’événement avec une feuille de route à appliquer en quelques mois, là où deux années de travail et de réunions étaient la règle.

C’est toujours un progrès quand la Culture relève de choix collectifs soutenus par une volonté politique qui osent s’aventurer loin des sentiers battus.

Une Biennale pas banale

« Voyages dans l’Histoire » est le thème de cette dixième édition qui a eu lieu au Palais des congrès de Pontivy du 31 mars au 2 avril. Auteurs, dessinateurs, scientifiques étaient invités à venir échanger avec un public familial dans une ambiance favorisant la proximité, la discussion.

Juillet 2022, invité d’honneur du Festival « Paysages » pour les 20 ans de l’association Timilin, Jérôme Nédélec fait un voyage dans l’Histoire en découvrant Motten Morvan, une forteresse du 8è-10è siècle à Saint-Aignan (Morbihan) – Crédit
Françoise Ramel

J’aime la dimension internationale qu’a pris d’emblée ce rendez-vous rien qu’en lisant le programme de conférences et les animations proposées. J’aime aussi la façon dont les cadres ont été posés par l’équipe organisatrice, les liens tissés entre histoire du monde et notre propre histoire en tant que bretonnes et bretons.

J’apprécie que les femmes soient bien représentées dans le panel d’intervenants et pas sollicitées à la marge pour faire de la figuration, comme trop souvent encore sur certains événements, même si cela semble carrément anachronique.

Parmi les auteures de renom invitées, Irène Frain, aux origines bretonnes. J’ai son dernier roman sur ma table de chevet, après avoir lu les précédents, « Un crime sans importance », « Marie Curie prend un amant ». Il y a aussi Lucie Azéma, Blanche El Gammal, Laurence Moal.

Extrait du programme de la 10è édition de la Biennale du Livre d’Histoire – Crédit Ville de Pontivy

Je suis rentrée à la maison avec un ouvrage sorti en 2021 signée par une épigraphe célèbre, Annie Sartre-Fauriat, après l’avoir interviewée avec son mari, Maurice, lauréat d’un des prix de la Biennale. Depuis je voyage dans l’Histoire … en Syrie.

Ce livre scientifique désormais sur ma table de chevet était en compétition pour un des prix de la Biennale du Livre d’Histoire sur le Voyage. Crédit CNRS
J’ai d’abord ressenti de la curiosité puis un élan de sympathie spontanée pour ce couple dont la vie privée et professionnelle est indissociable de leur engagement pour la sauvegarde d’un patrimoine dans le Sud de la Syrie, auquel ils n’ont plus accès depuis 2011 Crédit : Annie et Maurice Sartre

Splendeur oubliée en Syrie, trois-mâts reconstruit à l’identique en Suède

Depuis ce week-end intense en découvertes, je me suis offert une autre forme de voyage dans l’Histoire en m’intéressant au choix d’une photographe française en mission à bord d’un vieux gréement suédois sur lequel elle s’était embarquée à Sète pour trois semaines, pendant que je ne perdais pas une miette de tout ce que je pouvais glaner de passionnant à Pontivy.

Est-ce que je vous ai dit que mon film préféré est « Master and Commander, de l’autre côté du monde » de Peter Weir, et que j’ai aimé suivre jour après jour ce que Jean-François de La Pérouse, capitaine d’expédition consignait dans son journal de bord jusqu’au naufrage de la Boussole ?

L’Astrolabe et La Boussole en 1786, un an après leur départ de Brest. Chaque navire comporte 3 mâts et 2 ponts, et mesure environ 42 m de long, 9 m de large. Le projet de construction d’une réplique de la Boussole a été annoncé par Patrick Poivre d’Arvor, président du Musée national de la Marine lors du One Ocean Summit 2022 qui s’est déroulé à Brest.

Mon entretien avec Aurore Vinot a été diffusé sur le ondes bretonnes le 20 avril. Je vous invite vivement à suivre son travail sur son compte insta et à garder en tête qu’une exposition sur les femmes à bord de Götheborg verra bientôt le jour.

Voyager dans l’Histoire, c’est aussi apprendre de notre époque, en changeant nos focales.

Lien du podcast Femmes de caractères ici.

Vous reprendrez bien un peu de Napoléon !

Des figures historiques dont Napoléon III et Eugénie se sont aussi invitées dans le décor de la Biennale. Le couple impérial a défrayé la chronique grâce à la sortie d’un ouvrage collectif au Presse Universitaire de Rennes.

Pas moins de 320 pages sont consacrées dans « La Bretagne de Napoléon III » à un voyage de quinze jours à travers lequel les spécialistes peuvent décrypter les mutations d’une société, rendre compte d’un contexte politique.

Entre relecture du passé et fantasmes, l’Histoire sert aussi d’approche révélatrice, à travers les objets qu’elle permet de mettre en lumière, des obsessions et cadres de références de notre époque contemporaine, dont le sujet traité, les faits historiques, les mentalités d’alors, sont par nature très éloignés.

Je ne suis pas de celles qui rêvent de crinolines, de poitrines pulpeuses jaillissant de torses compressés dans des corsets. Je ne suis pas non plus de celles qui applaudissent les revirements opportunistes au gré des changements de régimes à Paris.

Ouvrage collectif sorti en 2023 présenté à la Biennale du livre d’Histoire, Pontivy

Pontivy s’est appelée Napoléonville à plusieurs reprises et a failli s’appeler Bourbonville, après l’abdication de Napoléon 1er. De la vertu de la constance dans l’allégeance au pouvoir en place.

Mais le degré de délicatesse qui sied à la figure du neveu de Napoléon 1er pour parader en calèche au milieu de miséreux culs-terreux bretons avec d’aussi fines moustaches à de quoi capter le regard.

Où que vous soyez, quelques soient vos empêchements, le point de départ du voyage n’est jamais plus loin qu’à l’endroit du cosmos où votre imaginaire décide de s’emparer de la première occasion pour s’évader et construire ses propres divagations.

Françoise Ramel

Voyager dans le temps, oui mais dans quelle Histoire ?

La Bretagne dessinée par un géographe arabe né en 1100, Charif Al Idrissi. J’ai pris ce cliché au Musée des Confluences de Marrakech en décembre 2017

Parmi les conférences que j’aurais adoré suivre, si elle n’avait pas été annulée pour cause de France bloquée par des mouvements sociaux (historiques), il y avait celle proposée par Jean-Charles Ducène, directeur d’études à Bruxelles, au sein de l’Ecole pratique de Hautes Etudes. Pour trois raisons simples :

  • il était question de géographie et de Moyen-Âge
  • il était question de la Bretagne
  • il était question de savoirs produits dans le monde arabe

C’est exactement pour remettre en perspective connaissances et représentations qu’une Biennale comme celle proposée par la Ville de Pontivy est un moment trop rare et d’une grande valeur.

À moins de considérer que le monde va si bien qu’il est vraiment inutile de vouloir ne serait-ce que requestionner un regard autocentré depuis des siècles au service d’une certaine vision de l’Histoire, soumise à des enjeux liés à des rapports de domination économique, culturelle, politique.

Napoléon à Pontivy, Anne de Bretagne à Blois

La Ville de Pontivy n’a pas souhaité mettre de moyens pour créer un site web dédié pour l’événement malgré ce dixième anniversaire. A l’heure des réseaux sociaux, c’est quasi une contre-performance et très surprenant, d’autant que cette Biennale est le premier rayonnement culturel notoire au calendrier depuis que la cité peut se prévaloir du label Pays d’Art et d’Histoire obtenu en 2020.

Les célèbres Rendez-vous de l’Histoire fêtent leurs 25 ans en octobre 2023. Avec une Biennale de haut vol comme l’édition de cette année, seul rendez-vous de référence dans ce domaine à l’Ouest de l’hexagone, nous avons une chance énorme. D’autant que les auteurs ne se font pas priés pour répondre à l’invitation. Ils et elles adorent la Bretagne !

Il faut bien reconnaître que les moyens alloués à son grand salon littéraire par Blois, ville royale, sont sans commune mesure avec les moyens limités d’une sous-préfecture de 15 000 habitants, unique cité de Bretagne à pouvoir s’honorer d’avoir hérité dans son plan urbain d’une ville médiévale et d’une ville nouvelle au siècle des Lumières.

Avec un budget de 45 000 euros, la Biennale du Livre d’Histoire créée il y a 20 ans pourrait cependant mieux remplir sa mission et se hisser facilement en quelques années au rang d’événement national et international.

Une de mes réussites en tant qu’élue locale a été de faire inscrire dans l’Agenda 21 de la Ville de Pontivy une bourse de recherche pour les étudiants qui voudraient œuvrer à la sauvegarde du patrimoine. A ma connaissance, je crois que ce principe d’aider au développement de la connaissance n’a jamais été activé et valorisé. C’est le sens même de la notion de « choix politique ».

Deux étudiants en Master 2 « Médiation du patrimoine », Emma Nouvel et Arthur Ruaux, étaient présents sur le stand de Timilin, moudre nos idées ensemble. C’était leur première expérience de salon, leur première expérience de radio.

Emma et Arthur ont présenté au grand public un cahier pédagogique qu’ils ont réalisé en quelques mois avec deux autres étudiants de leur promotion à l’intention des enseignants et animateurs Jeunesse qui voudraient faire un voyage dans l’Histoire avec des groupes d’enfants, à seulement 10′ de Pontivy.

Grâce à une aide de la Région administrative, l’association pontivyenne pourra bientôt recruter son premier jeune salarié pour participer à sensibiliser à la valeur de ces héritages et traces du passé qui dans d’autres pays disparaissent du jour au lendemain selon les envies de provocation d’un groupe terroriste.

Arthur, Emma, Candice, Erwan. J’ai adoré travailler avec ces jeunes de 20 à 23 ans depuis notre rencontre à l’Université de Rennes pour un projet tutoré. Début avril commençait leur stage professionnel en tant que médiateurs du patrimoine.
Crédit Françoise Ramel

Garder intact l’attrait pour le savoir et l’inconnu

Du siècle qui a connu une révolution et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du citoyen, ainsi que la loi du 16 pluviôse an II actant en théorie l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises, il reste des trésors conservés précieusement à Pontivy, dont un exemplaire original de la série complète de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

Bien avant que les outils d’intelligence artificielle produisent à la demande des précipités visuels d’Histoire de l’Humanité ou d’Histoire des Arts, des savants consignaient des connaissances qui relèvent du bien commun dans des ouvrages exceptionnels.

N’est-ce pas troublant de penser qu’une certaine forme d’urgence et de nécessité a commandé la réalisation d’un tel travail de collectage, de documentation et d’archivage de la connaissance ?

J’ai eu la chance de voir cette collection impressionnante après deux mandats d’élue locale, parce que j’ai voulu que naisse à Pontivy une bande dessinée qui retrace un voyage, un très long voyage, celui d’un jeune chamelier somalien.

A ma manière, j’ai ressenti l’urgence et la nécessité d’archiver un savoir utile et précieux pour mon époque. Paradoxalement, le savoir qui a voyagé jusqu’à Pontivy avec l’exil involontaire de Liban Doualé ne s’est jamais écrit ailleurs que dans une chaîne de transmission orale, et pendant dix siècles.

Il aura fallu cette forme de voyage contemporain, cet arrachement, pour qu’il s’imprime, sinon dans nos esprits, au moins sur du papier.

Mais au moins, l’Histoire se souviendra… un jour, quelque part, peut-être même dans la brousse du Jubaland dont Liban Doualé est originaire, le devoir de mémoire pourra faire son oeuvre.

Savez-vous qu’un si long voyage peut rendre fou ?

Si j’ai acheté à la Biennale le livre d’Annie Sartre sur la Syrie en pensant aux drames que connaissent les peuples victimes de guerre, de terrorisme, ou de logiques modernes et vicieuses de destruction de leurs économies locales, j’ai aussi craqué pour une autre forme de récit, grâce à un roman graphique signé par deux bretons.

Si je n’avais pas été si occupée, je crois que je n’aurais pas décollé mes yeux de la matière prenant vie sur la table de travail de Briac.

Briac était à l’oeuvre pour le grand bonheur des lecteurs, petits et grands, tous repartis avec un ouvrage dédicacé, un large sourire aux lèvres. Un dessin unique pour chacun. L’attente même était plaisir, occasion de discuter entre visiteurs.

« Le Méridien », bande dessinée de 144 pages, véritable oeuvre d’art, commence par une citation de Diderot. Du 100 % made in Breizh, car la maison d’édition, Locus Solus, est basée à Châteaulin, dans les terres.

Avec Méridien, Briac et Le Gouëfflec livrent un projet abouti qui s’approprie audacieusement les codes du récit d’aventure tout en déroulant un propos historique précis et rigoureux. Un album foisonnant, complexe et poétique, comparable à aucun autre, qui contraste avec une partie de la production actuelle.

François Rissel, Actua BD

Brendan, de Pontivy au grand large

Pour conclure ce billet, je vous propose d’embarquer ensemble pour de vrai dans un voyage. Celui d’un jeune pontivyen qui décide de monter un équipage dans une école d’ingénieur à Strasbourg pour prendre la mer à bord d’un catamaran en cale sèche ! Cela vous tente ?

Premier jeune breton interviewé pour le podcast « Ma parole ! », Brendan Gau est de Pontivy. J’ignorais en janvier que le thème de la Biennale serait en phase avec cette envie de voyage ! L’histoire qu’il partage est celle d’une très belle aventure collective

Rien de plus simple, sortez vos cirés jaunes, vos marinières et vos plus belles lunettes de soleil. Un casque sur les oreilles, je vous laisse le choix de la météo, mer calme ou grand vent, et c’est parti ! Cap sur l’Audioblog d’Arte Radio, Ma parole ! avec Brendan Gau.

Où il est question d’avoir un bateau dans le coeur, sur mer … et à vendre.

B comme bonus

Si l’envie vous prend de prolonger ce voyage dans l’Histoire, au gré du vent et de vos courants, voici quelques ressources. A vous de définir un cap et de choisir vos escales !

La pression régionale en parle

Les Rendez-vous de l’histoire (rdv-histoire.com)

Biennale du Livre d’Histoire 2023 – Ville de Pontivy (ville-pontivy.bzh)

SEURE-LE BIHAN Erwan (Illustrateur,Illustrateur,scénariste,scénariste,coloriste,coloriste) | soleil (editions-soleil.fr)

Représentations et cartes du monde/Histoire de la carte — Wikiversité (wikiversity.org)

Lexique : termes les types de bateaux – Chasse Marée (chasse-maree.com)

Voir la très belle interview d’Aurore Vinot, sur une autre forme de voyage dans l’interculturel


De Plan B à TV5 Monde, Liban Doualé, un bel exemple de persévérance

Grâce à la création de la bande dessinée « Qalbi jab », projet labellisé Saison Africa 2020 et BD 2020 de l’association Timilin, une équipe TV de Paris a souhaité rencontrer Liban Doualé, jeune chamelier dont j’ai dressé le portrait il y a quatre ans sur Plan B.

Magloire ému aux larmes face à un jeune réfugié

Magloire en tournage en Bretagne pour Rassemlance, teaser Crédit Mémento Production
Magloire est une star du petit écran depuis Morning Live aux côtés de Mickaël Youn. En juin 2022, il pose dans un décor typiquement breton pour « Rassemblance », une série originale dont il a eu l’idée. Crédit Memento Production

Le tournage a eu lieu à Pontivy les 20 et 21 juin 2022, par un temps magnifique. Magloire en garde certainement le souvenir, tant l’histoire dramatique que lui a partagée Liban Doualé ne peut laisser personne indifférent.

C’est pour que Liban puisse partager avec le monde entier cette histoire que je me suis engagée à ses côtés dans sa procédure de demande d’asile en tant qu’élue locale.

Pour le préparer à ce type de tournage, j’ai multiplié les opportunités depuis 2018 pour qu’il ne soit pas bloqué par la barrière de la langue dans son apprentissage de la liberté d’expression.

Pire que la barrière des mots, d’autres freins légitimes, compréhensibles, limitent l’envie même de prendre la parole. Retrouver une forme de pouvoir d’agir sur sa propre vie semble vouer à l’échec tant que votre statut vous lie à une décision administrative arbitraire.

Les années que Liban a passé en Allemagne puis en France l’ont conditionné et condamné à la morosité, à l’ennui malsain d’une salle d’attente surpeuplée.

« Dudun aboor baa dhisa » (nous valons bien des termites)

Liban a conscience de n’être personne dans une société dont il ignore tous les codes. Son dossier en souffrance va mettre trois longues années à voyager dans les méandres opaques de l’administration française. Le précieux titre de séjour et l’asile politique ne lui seront accordés que fin 2020.

Vous vous imaginez, vous, sans avoir le droit de rien, trois longues années durant ? Vous n’êtes qu’un assisté dans un environnement urbain construit sur la surconsommation, où votre couleur de peau suffit à vous mettre déjà en situation de discrimination.

Au sein de votre communauté d’origine, en pleine brousse, dans un pays en prise à la guerre civile depuis votre naissance, vous étiez respecté et apprécié à votre juste valeur. Cherchez l’erreur.

Liban parle très bien de cette aberration dans un article publié par Guiti News avec ce dicton somalien, « Dudun aboor baa dhisa« , nous valons bien des termites.

Depuis mon arrivée en France puis en Bretagne en janvier 2018, j’ai souvent eu à raconter mon histoire. D’abord dans le cadre de la demande d’asile, lors d’entretiens qui font remonter à la surface toute la douleur, alors qu’au quotidien mon énergie est mobilisée pour tenter au contraire de retrouver un équilibre malgré les chocs post-traumatiques.

Liban Doualé

La force du témoignage

Face aux journalistes qui se sont intéressés à son histoire, Liban se surpasse et sort de l’anonymat. Un jour dans une médiathèque, un autre dans un cinéma. Chaque fois, il arbore un sourire généreux, un regard lumineux.

Il est à l’aise à l’oral. Il ne recule devant aucune difficulté. Il réussit même à aligner quelques mots de français pour une émission spéciale Saison Africa 2020 dans un studio de radio.

A ses côtés, le dessinateur pontivyen qui met son récit en planches de BD apporte un vrai crédit à la parole de ce jeune survivant, victime de terrorisme.

Dans cette coopération inédite, Niko a une réelle exigence : être au plus près de la réalité vécue par Liban.

Retrouvez Liban Doualé et Niko dans cette émission de radio réalisée à Pontivy en pleine pandémie pour l’Education Nationale, afin que la saison Africa 2020 ne se limite pas aux animations programmées dans de grandes métropoles

A partir de 2021, Liban commence à raconter son histoire à un autre type de public : des jeunes, des enfants.

Moi qui ne suis pas allé à l’école, j’ai découvert ce que c’est que d’intervenir en milieu scolaire. Avec les encouragements de ma voisine qui a demandé à l’association Sitala de me former, j’ai un jour embarqué dans un bus aménagé à Theix-Noyalo pour accompagner des artistes en Normandie, où j’ai rencontré des profs et des collégiens.

Liban Douale

De palier en palier, remonter à la surface du monde

« Là j’ai eu un déclic, me racontera Liban à son retour. Je me suis rendu compte à quel point mon récit avait de l’importance à leurs yeux. Un professeur a même dit qu’il faudrait rendre ce type de rencontre obligatoire. Les jeunes avaient vraiment envie d’échanger avec moi, malgré la barrière de la langue.« 

De Plan B à TV5 Monde
Dans le bus de l’association Sitala au départ pour la NormandieCrédit Françoise Ramel

Dans cette archive sonore de Radio Bro Gwened, j’interviewe Benoît Laurent, créateur de Sitala, juste avant le départ. Liban ne sait pas trop ce qu’il fait là. Je sais qu’il m’en veut de le pousser ainsi vers des territoires inconnus.

Comment expliquer à un jeune exilé non francophone ce qui ne se comprend que dans l’apprentissage de la rencontre, de son propre potentiel à capter ce qu’elle porte en elle de rare et d’exceptionnel ?

Confiance, persévérance, l’art de créer sa chance

De retour en Bretagne, Liban Doualé accepte d’intervenir avec Niko sur plusieurs journées dans une classe de CE2 à l’Ecole L’Armorique à Vannes, puis au lycée Joseph Loth à Pontivy devant deux classes de Seconde.

Chaque fois, Niko présente l’avancement de son travail. L’histoire de Liban devient celle du personnage que découvriront les lecteurs avec la BD « Qalbi jab ». Un gars sympathique, qui lui ressemble vraiment, dans ses expressions, ses postures.

9 mars 2021, Liban s'exprime devant une classe d'enfants migrants

Vous pouvez vivre le moment de rencontre entre Liban et son double capté sur le vif dans l’atelier de Niko en regardant cette très courte vidéo. Tout y est !

Dans cette aventure humaine, la sensibilité de Niko, son intérêt pour le soufisme, sa posture d’écoute au service du récit de Liban sont d’une grande valeur. Autant que son talent d’auteur et de dessinateur. Il s’en explique sur TV5 Monde.

Un récit unique à la portée universelle : sauver des vies

Il faut du temps pour guérir de ses blessures, apprendre à vivre avec. Faire comme si la vie était un long fleuve tranquille, alors que vous devez apprendre tous les codes d’une société aux antipodes de votre culture.

Il faut du temps pour créer les liens solides avec des bretons qui peuvent vous redonner la sensation d’avoir trouvé une famille d’adoption.

Il faut du temps pour comprendre ce que d’autres attendent de vous. Quand ils vous encouragent à ne pas garder ce poids à l’intérieur. Quand ils imaginent qu’une part du chemin vers l’autre peut vous faire entrevoir d’autres horizons, rendre votre vie meilleure.

Comment la vie de Liban pourrait-elle être meilleure, alors qu’il a perdu ce qui lui était le plus cher ? Comment peut-il seulement imaginer qu’il est un trait d’union possible entre deux mondes, deux espaces-temps que tout sépare ?

Comment trouver une vraie raison d’avoir survécu au pire, si c’est pour chaque jour se sentir inutile, seul, indésirable ?

Je suis le leader of tomorrow. J’aime les gens. Je veux sauver les gens. Je veux changer le monde.

Liban Doualé

Épilogue : ce n’est qu’un début

Si ce n’était que la distance géographique entre deux continents, entre deux océans, ce ne serait pas si sorcier de s’adapter, de reprendre des forces, de considérer que tout redevient enfin possible une fois la procédure de demande d’asile enfin terminée.

Mot de l’équipe du tournage pour Liban, mars 2023 partagé sur les réseaux sociaux Crédit Mémento Production
Liban Doualé
Dessin de Prune, élève du lycée Joseph Loth, Pontivy

Ce qui était impossible hier et qui est possible aujourd’hui sans avoir eu à quitter Pontivy, c’est de faire entendre la voix de Liban Doualé dans le monde entier grâce au portrait de 26′ réalisé par Yaelle Benaim pour Mémento Production.

La série documentaire « Rassemblance » imaginée par Magloire comporte vingt portraits. J’ai cru comprendre qu’une suite est déjà envisagée, avec d’autres rencontres partout en France, d’autres témoignages poignants. Je ne peux que vous inciter à découvrir cette belle proposition dès à présent. Les films sont disponibles en ligne jusqu’en 2025. Merci de contribuer à votre tour à faire voyager ces témoignages d’exil et à sauver des vies.

Docteur de Libye et Liban Du

Est-ce que je vous ai déjà partagé cette information ? Je crois que oui.

Je voulais voir de mes yeux la première image que ce jeune chamelier avait eu de la France à travers notre capitale en plein hiver. Liberté, Egalité, Fraternité. Les premiers migrants que j’ai croisés en arrivant à la Chapelle avec Liban l’ont reconnu d’emblée.

De Paris, Liban se souvient du gazage par les forces de police et d’une journaliste américaine qui l’a interviewé discrètement avant d’être priée de dégager.

Vous savez par quel nom ces migrants ont salué Liban ? Docteur de Libye. Tout est dit !

Pour accéder au replay sur TV5 Monde, c’est ici.

Dans le livre d'Or de Rassemblance
Pendant le tournage, Liban et moi partageons un nouveau moment de complicité, face caméra. Crédit Françoise Ramel

B comme Bonus

Voici un article et une interview radio sur une grande antenne nationale pour en savoir + et un article publié par la rédaction du site web d’un magazine d’opinion, Le Peuple breton.

A la Une d’un site web d’opinion
En vingt épisodes, l’ex-animateur Magloire retrace des parcours d’exilés. En insistant sur ce qui unit et pas sur ce qui nous divise.
«Rassemblance» sur TV5 Monde : Magloire est l’invité de Culture médias

Le jour de la diffusion du portrait de Liban, nous étions nombreux réunis à Carhaix pour manifester au nom de la liberté d’expression en soutien au Poher et à France 3, cibles de l’extrême-droite.

L’intervention de Jean-Michel Le Boulanger, président d’Etonnants voyageurs « Une balle dans la tête », a marqué les esprits.